La fille aux yeux rouges
En fait de shopping, il s’agissait plus d’un relookage total. Les filles m’emmenèrent dans les boutiques de luxe de Hanover.
J’avais mis des lentilles de couleur marron qu’Alice m’avait donné afin de camoufler mes yeux redevenus rouge vif suite au sang humain qu’on m’avait fait ingurgiter pendant mon coma.
N’ayant pas le moindre billet vert sur moi, je m’étais préparée à ne rien acheter. Mais quand Alice commença à sortir tout un tas de choses pour moi et à me demander de les essayer, je commençais à être gênée.
_ « Je n’ai pas les moyens de me payer toutes ces choses ! » glissais-je à Bella, paniquée.
Alice m’entendit et revint à la charge vers nous.
_ «Ne te préoccupes pas de ça voyons ! » s’agaça-t-elle. « Et essaies ça. Je sais que ça te plaira énormément. » ajouta-t-elle avec un petit sourire énigmatique.
Elle repartit en quête de nouvelles trouvailles.
_ « Comment peut-elle être si sûre de ça ? » me demandais-je à voix haute.
_ « Alice a certains dons. » m’expliqua Bella en m’aidant à porter la tonne d’affaires que je devais essayer. «Elle entrevoit l’avenir. »
_ « Vraiment ? » fis-je stupéfiée.
Je tentais d’imaginer toutes les possibilités pratiques qu’un tel pouvoir entraînait. Toutefois, quelque chose clochait. Il me semblait que si Alice pouvait voir l’avenir, un certain nombre de choses aurait pu être évité. Pourquoi n’avait-elle pas dit à Jasper de m’empêcher d’aller à la fête de la confrérie Alpha Delta par exemple ?
_ «Et comment fonctionne son pouvoir ? Par flash ? » demandais-je, curieuse.
_ « Non. Elle voit le futur de l’instant présent. Si le présent est modifié, alors le futur change aussi. Ses prédictions sont donc fluctuantes. »
Je devais avouer que je n’avais pas tout compris.
_ « En gros, ça marche pas très bien. C’est pour ça qu’elle a raté quelques trucs à mon égard. »
_ « En fait, c’est un peu plus compliqué que ça car, dans ton cas, ses pouvoirs ne fonctionnaient pas. Et ceux d’Edward non plus. »
_ « Ah bon ! » fis-je surprise.
Edward m’avait déjà dit qu’il avait du mal à lire dans mon esprit. Pourtant, depuis ma confession, il ne semblait plus avoir de problème avec ça. Quant à Alice, son pouvoir semblait fonctionner à merveille dans ce magasin.
_ « Excuse-moi. Je ne comprends pas. Leurs pouvoirs ne fonctionnaient pas sur moi mais maintenant, il semble qu’il n’y a plus de problème. Comment ça se fait ? »
Bella hésita un instant.
_ « Je ne sais pas trop. Tu devrais demander à Carlisle. Il sera plus à même de t’expliquer tout ça.»
Apparemment, elle ne voulait plus parler de ce sujet. J’ignorais pourquoi mais cela semblait la gêner. Je n’insistais donc pas.
_ « Tu n’as encore rien essayé ! » s’indigna Alice qui était revenu vers nous.
_ « Puisque tu sais que ça va me plaire, pourquoi perdre du temps à essayer ? » lui fis-je.
_ « Mais parce que c’est plus drôle ! »
_ « Bon ok ok. Mais seulement quelques fringues. »
Elle parut contente de me voir faire des efforts. J’entamais les essais tout en réfléchissant à ce que m’avait révélé Bella. Ca ne me dérangeait pas trop qu’Edward puisse lire dans mes pensées maintenant que je lui avais révélé mon secret. Mais je me demandais ce qu’Alice voyait de mon futur.
Comme l’avait prévu Alice, les vêtements qu’elle m’avait choisi me plaisaient. Néanmoins je refusais de les prendre tous. Au grand dam d’Alice, je fis une sélection. Je ne voulais pas qu’ils dépensent une fortune pour moi.
Enfin, à la mi journée, nous rentrâmes au manoir, le coffre de
Il me fallut bien une heure pour ranger toutes mes nouvelles affaires. Je me sélectionnais une tenue pour rejoindre mon frère le soir. Pantalon en laine marron et pull à col roulé noir. J’avais suivi les conseils de Bella et choisi des vêtements appropriés avec la saison. Puis, je pris une douche. La salle de bains regorgeait de produits de beauté de luxe. Je testais toutes les bouteilles.
Une fois sortie de la douche, parfumée et habillée, je m’approchais de la bibliothèque. J’attrapais le premier bouquin. De toute façon, vu ma culture littéraire, il y avait peu de chance que je l’ai déjà lu. Je m’installais sur la liseuse et étudiais la couverture du livre. « L’Angleterre m’a fait » de Desmond Cory.
Je lâchais un juron. Je l’avais presque oublié, celui-là.
J’ouvris la première page et commençais à lire. Au bout de quelques lignes, mon esprit vagabondait déjà bien loin de
Desmond était grand, dans les 1m85 et avait une chevelure brune. L’animal qu’il devenait devait donc avoir un pelage sombre. Mais qu’en était-il de ses yeux ? Sous sa forme humaine, Desmond avait les yeux bleus.
De fort jolis yeux par ailleurs. Mais j’avais du mal à imaginer un loup garou avec de tels yeux. Ca ne faisait pas très effrayant.
Des yeux rouges par contre, ça, c’était flippant. J’avais du lui filer une sacrée frousse quand j’avais débarqué dans sa chambre. Je souris au souvenir de son expression stupéfaite. J’espérais que notre prochaine rencontre serait moins brutale.
Je regardais l’heure. 17h30. Et il faisait déjà nuit. Je soupirais. La nuit tombait vraiment tôt dans le coin. J’aimais bien la neige mais je regrettais les journées ensoleillées et chaudes de
Quelqu’un frappa à ma porte.
_ « Entrez ! »
C’était Carlisle.
_ « Je ne te dérange pas ? » demanda-t-il.
_ « Non, bien sûr que non. » dis-je en lui faisant signe d’entrer.
_ « Bella m’a dit que tu avais des questions à me poser.» dit-il en entrant.
Il portait un costume gris à la coupe impeccable. Je soupirais devant tant de perfection
_ « Oui, en effet. Assieds-toi, je t’en prie. D’après ce que j’ai compris, au début, Alice ne pouvait pas me percevoir dans ses visions tout comme Edward ne pouvait pas m’entendre. Mais aujourd’hui, leurs pouvoirs fonctionnent sur moi. Et je me demandais pourquoi un tel changement ? »
_ « Eh bien, je pense avoir peut-être une théorie là-dessus. »
_ « Vas-y. » dis-je piquée au vif.
_ « Après ta transformation, tu as vécu recluse dans une ferme avec ton frère pour seule compagnie. Je pense – et tu m’arrêtes si je me trompe - que tu n’acceptais pas ta condition de vampire. D’une manière que je ne peux pas expliquer, tu as rejeté ton instinct au plus profond de toi-même. Cela a fait de toi un être à part, pas tout à fait vampire et plus tout à fait humain. C’est pour cette raison que tu échappais aux pouvoirs d’Edward et d’Alice car ils ne fonctionnent que sur quelque chose de déterminé. A partir du moment où tu as fréquenté Jasper, tu as commencé à devenir plus perceptible, jusqu'à aujourd’hui. »
_ « Tu veux dire que maintenant je suis un vrai vampire. »
_ « Bienvenue au club ! » plaisanta-t-il.
_ « Mais pourquoi le fait de fréquenter Jasper m’a transformé ? »
_ « Parce que tu as pu t’identifier à lui. Quand nous t’avons découvert à la bibliothèque, nous avons été stupéfaits de la manière dont tu te fondais parmi les humains. Allant contre ta propre nature, tu avais adopté un comportement humain, tant dans ta manière de bouger que dans ta manière de réfléchir. C’était probablement dû au fait que tu n’avais pas de modèle auquel te comparer. Tu te comportais donc selon la seule façon que tu connaissais, la façon humaine. »
_ « Pourquoi n’être pas venu me voir tout de suite ? »
_ « Tu étais si méfiante, si craintive. Tu restais dans ton coin toujours à portée de ton frère. Et il y avait aussi tes yeux. Nous pensions que tu te nourrissais de sang humain. Pas une seule minute nous avons songé que tu étais nouveau-né car sinon tu n’aurais pas pu supporter la proximité d’autant d’humains. Nous avons décidé de te surveiller pour découvrir si tu étais un danger pour nous ou pas. Nous étions troublés, démunis par ta capacité de brouiller les pouvoirs protecteurs d’Edward et d’Alice.»
_ «Mais alors, ma rencontre avec Jasper était un coup monté. » me rendis-je compte dépitée.
_ « Non. Ca a été un accident. Tu sais que Jasper perçoit les émotions des autres. C’était le seul dont les pouvoirs marchaient sur toi. Quand tu étais enfermée avec cette humaine, il a ressenti ta peur et ton stress. Il a cru que tu étais en train de l’attaquer. Ce qui aurait été une folie en plein milieu de la bibliothèque. C’est pourquoi il s’est précipité. Pour t’arrêter. Mais dominant tes instincts, tu avais pris les devants. C’est là que ton comportement nous a totalement déroutés. En plus, malgré le fait que tu lui sois rentrée dedans, tu ne l’avais pas reconnu pour ce qu’il était !»
_ « J’ai eu un doute quand même. » minimisais-je.
_ « Nous avons continué à te surveiller jusqu’à la nuit où Desmond a été mordu. Nous chassions près de là quand nous avons entendu ses cris. Nous étions là quand tu l’as trouvé mais nous sommes restés en retrait pour voir ce que tu ferais. »
_ « Vous n’avez pas dû être déçus ! » dis-je honteuse qu’ils aient pu assister à ma faiblesse.
_ « En effet, je t’ai trouvé admirable. C’est là que j’ai su que ton destin était de rentrer dans notre famille. »
_ « Admirable ! Si Jasper n’avait pas été là, je l’aurais tué. »
_ « Sans doute. Mais ce qui compte c’est que tu aies tenté de résister par deux fois avec autant de force à ton désir de tuer. »
_ « Je n’ai jamais compris en quoi c’était aussi incroyable. Vous êtes huit dans cette famille à ne pas attaquer les humains ! »
Il secoua la tête gentiment.
_ « A leur naissance, les jeunes n’ont pas la capacité de résister à leur pulsion. Pour les plus âgés, cela devient possible mais avec beaucoup de difficulté. Dans notre famille, certains n’ont jamais tué d’humains pour se nourrir. Mais s’ils ne l’ont pas fait, c’est parce que les autres les en ont empêché. »
Je méditais ça un instant. Je me demandais qui, dans la famille, avait tué et qui ne l’avait pas fait.
_ « Dis-moi, comment faisais-tu à la bibliothèque pour résister ? » me demanda-t-il, visiblement avide d’avoir une réponse.
_ « Je ne respirais pas. » répondis-je simplement.
_ « Et c’est tout ? »
_ « Oui. J’essayais de ne me concentrer sur personne en particulier. C’est pour ça que je n’ai pas reconnu Jasper et que je ne me suis pas rendue compte que j’étais suivie. »
Carlisle eut un petit rire nerveux.
_ « Bien, je vais te laisser. Je crois que tu dois rendre visite à Josh. »
_ « Oui » Je regardais l’heure. Il était temps d’y aller. « Je lui ai promis. »
_ « Alors prends ça. » me dit-il en me tendant un trousseau de clef.
_ « Qu’est-ce que c’est ? »
_ « Les clefs de ta voiture. » fit-il avec un petit sourire.
_ « Oh, merci ! Mais je peux y aller à pieds. »
_ « Comme tu veux. Tu sais qu’elle est là en cas de besoin. »
_ « Oui, vraiment merci. Vous me gâtez trop ! »
_ « C’est normal. Dans une famille, le dernier arrivé est toujours le plus gâté. » me lança-t-il en se dirigeant vers la sortie.
Je regardais le sigle sur les clefs et le reconnus sans peine. Il s’agissait de la marque Mercedes. Je lâchais un cri ravi en m’imaginant conduire une luxueuse berline comme celle de Jasper.
Plus question de courir à travers les bois dorénavant, je n’étais pas une sauvageonne.
J’enfilais mes lentilles de contact qui me donneraient un air plus humain, pris ma veste et sortit à toute vitesse, pressée d’essayer mon bolide.
Je croisais Edward et Bella dans les escaliers.
_ « Fais attention à la voiture ! » me lança-t-il, hilare.
_ « T’inquiètes ! » lâchais-je sans m’arrêter.
Je me précipitais vers le hangar qui servait de garage. A l’intérieur, je découvris une ribambelle de voitures de luxe. Porsche, Ferrari, Audi et Mercedes. Je souris en m’approchant de ces dernières. Il y avait deux berlines et un petit coupé. Je notais la présence d’un véhicule étrange à mi-chemin entre un tank et un 4x4. J’appuyais sur le bip des clés m’attendant – espérant – à voir les feux du coupé s’allumer.
Ce fut le tank.
_ « Oh ! » fis-je surprise.
Bonne blague, songeais-je à l’attention d’Edward qui devait bien se marrer.
Bon, ils m’avaient offert une voiture, je n’allais pas cracher dans la soupe. Vaille que vaille, je grimpais dans l’engin qui s’avéra confortable et … totalement blindé. Que faisaient des vampires avec un engin pareil ! Ils n’avaient pas besoin de protection.
Et, surtout, je ne comprenais pas pourquoi ils m’avaient refilé un tank. Je réfléchissais à ce mystère tandis que je mettais le contact. Le moteur démarra au quart de tour. Précautionneusement, je sortais le tank du garage. Je commençais à me demander si Josh ne leur avait pas parlé de mes déboires avec les voitures par le passé. Je me souvenais que j’avais eu quelques accidents. Sans compter celui qui avait fait ce que j’étais aujourd’hui.
En passant, je pus tous les apercevoir sur le perron du manoir. Ils me regardaient partir, visiblement très amusés.
Je découvrais un nouvel aspect des vampires. Ils étaient moqueurs.