REDEMPTION

Chapitre 2 : L'ENNUI

Catégorie: G

Dernière mise à jour 15/12/2009 20:19

 

Il n’est pas de pire compagnon que l’ennui.

Jusqu’à maintenant, les distractions ne m’avaient jamais manqué et l’absence de compagnon ne s’était jamais fait sentir avec autant d’autorité.

Mais le monde avait changé. Je ne le comprenais plus. Tout était digitalisé, informatisé.  Les humains étaient moins superstitieux, plus sophistiqués. Dorénavant, j’étais obligé de vivre dans l’anonymat, de me cacher.

Je ne sortais plus que la nuit pour chasser et encore, avec la plus grande méfiance. Je tuais des proies isolées, dans la plus parfaite obscurité afin d’être sûr qu’aucun téléphone, caméscope ou appareil photo ne puisse me surprendre.

Jouer avec mes proies étaient pour moi le meilleur des divertissements. Quelquefois, je les gardais en vie plusieurs mois. Mais par les temps qui courraient, ce n’était plus possible. Dès qu’une personne disparaissait, sa photo faisait la une de tous les journaux et les forces de police étaient mobilisées pour la retrouver.  Et dire qu’il y a à peine un siècle, il m’arrivait encore de décimer des villages entiers…

Pour la première fois depuis 363 ans, j’étais dépassé par les humains. Et cela m’était intolérable.

J’avais donc décidé de me créer un compagnon. Je devais trouver un humain à l’aise avec ces nouvelles technologies qui me laissaient si perplexes. Mais il fallait également qu’il ait des qualités exceptionnelles tant esthétiques qu’intellectuelles. Je n’accorderais le don de l’immortalité qu’à un être qui le mériterait.

J’ai cherché longtemps, à travers toute l’Europe. Je commençais à désespérer de trouver quelqu’un à la hauteur de mes exigences. Et puis, je l’ai vu.

Elle était jeune, tout au plus 14 ans. Mais cela n’avait pas d’importance. Je pouvais attendre, j’avais tout mon temps.

Elle avait un charme quasi surnaturel. Elle exerçait déjà sur les hommes une fascination que seul un vampire pouvait susciter. Il m’apparut évident qu’une fois transformée, elle aurait un pouvoir de séduction propre à envoûter ses propres congénères. Et cela pourrait s’avérer très utile.

Les années défilèrent. Je l’observais grandir. Son visage perdit les rondeurs de l’enfance. Sa silhouette s’étoffa, sa poitrine se gonfla et ses hanches s’élargirent. Sa beauté défiait l’entendement. Même le vampire que j’étais était époustouflé par la femme qu’elle était en train de devenir.

Lorsqu’elle commença à sortir la nuit en discothèque, je me décidais à agir. Je craignais qu’elle ne croise le chemin d’un autre vampire et qu’elle me soit dérobée.

Je me rendis donc au club où elle et ses amies avaient l’habitude de passer leurs soirées du samedi soir. C’était le seul soir de la semaine où elle avait le droit de sortir. Je comprenais la rigueur de ses parents. Si j’avais eu une fille aussi belle, je l’aurais très probablement enfermé dans un donjon jusqu’à ce qu’elle soit vieille.

Je m’installais au bar. Je ne m’étais pas nourri depuis une semaine en prévision de ce moment. J’avais donc les yeux d’un noir opaque au lieu du rouge sang habituel.

Elle était installée sur une banquette et pianotaient sur son portable. Ses amies avaient repéré un groupe de garçons et toute leur attention était absorbée sur le moyen de les aborder. Mais pas elle. Ses yeux restaient fixés sur son téléphone. Son expression était figé et triste.

Une peine de cœur ?  Je souris. Rejeter cette fille? Les hommes étaient stupides. Heureusement, je n’étais pas un homme.

Au bout d’un moment, elle se leva et se dirigea vers le bar tout en fouillant dans son sac. Elle en sortit un billet et héla le barman. Je m’approchais.

“  Un Coca, s’il vous plaît .” L’entendis-je commander.

Sa voix était douce, les mots fluides. Elle était maquillée sobrement. Elle portait un jean extrêmement moulant qui ne cachait rien de sa divine silhouette et un petit haut pailleté qui découvrait ses frêles épaules.

“ Laissez moi vous l’offrir. ” lui proposais-je.

Elle tourna son regard azur vers moi. Elle s’apprêtait à décliner mon offre lorsqu’elle se figea et me dévisagea sans mot dire. Je n’en fus pas étonné. Je faisais toujours cet effet aux femmes humaines. Elle n’avait pas le monopole de la beauté.

“ On s’est déjà vu quelque part, non ? ” me demanda-t-elle, confuse.

“ Je m’en souviendrais. ” lui assurais-je, un sourire charmeur sur les lèvres.

Elle ouvrit la bouche puis la referma, l’air troublé.

Le barman déposa le verre de Coca devant elle. Je lui tendis un billet. Elle n’esquissa aucun geste pour m’empêcher de régler sa consommation.

“ Qui êtes vous ? ”

“ Je m’appelle Ivan et vous ? ”

“ Lèn. ” répondit-elle.

“ Lèn ? Ce n’est pas un prénom ça. ” m’exclamais-je.

“ C’est un diminutif. Mon prénom est Léonova mais je trouve que c’est moche. Je préfère Lèn, tout court. ” m’expliqua-t-elle.

Je hochais la tête en signe de compréhension. Son prénom m’importait peu en réalité.

“ Tu es d’origine slave ? ” devinais-je.

“ Russe. Par ma mère. ” acquiesça-t-elle.

Pour se donner une contenance, elle s’empara de son verre et en avala une gorgée.

“ Vous ne buvez pas ? ”

“ Non. ”

“ Qu’est ce que vous faites ici alors? ”

“ Je me divertis. ”

Elle avala une nouvelle gorgée de Coca pour cacher son expression dubitative.

“ Et qu’est-ce que vous faites dans la vie ? ”

Elle cherchait à percer mon mystère. Cela m’amusa.

“ Je suis dans l’import-export. ”

“ C’est à dire ? ”

Je regardais la salle qui commençait à s’agiter sous l’effet de la musique. Je sentais qu’elle m’observait à la dérobée.

“ J’achète des marchandises dans un pays puis je les revends dans un autre. ” expliquais-je lentement.

Je prenais soin de ne pas la regarder.

“ Oh je vois ” fit-elle gênée par mon ton professoral.

“ Et toi que fais-tu dans la vie ? ” lui demandais-je en passant au tutoiement.

“ Je suis étudiante en droit. ” déclara-t-elle fièrement.

“ Vraiment ? ” fis-je peu intéressé.

Je baillais ostensiblement.

“ Cet endroit est bruyant.  Et si on allait boire un café dans un endroit plus calme ? ” lui proposais-je avec mon plus beau sourire.

“ Ben… c’est que je suis venue avec des amies… ” hésita-t-elle.

“ Oh bien sûr, je comprends. A une prochaine fois alors ! ” dis-je sur un ton franchement indifférent.

Les filles belles ne supportent pas qu’on leur soit indifférent.

Elle me rattrapa alors que je me dirigeais vers la sortie.

“ Attends ! Je dois récupérer mes affaires et prévenir mes amies… ”

Je hochais la tête en signe d’assentiment. C’était presque trop facile.

Elle repartit en quatrième vitesse vers le coin où sa bande était installée. Je m’éclipsais vers la sortie. Je préférais ne pas trop me faire remarquer. Etant donné que Lèn allait disparaître cette nuit, ses amies allaient être mises à contribution pour faire un portrait robot du type avec qui elle était partie. Il était donc préférable qu’elles ne puissent pas me décrire avec précision.

Quand elle sortit du club, je la vis chercher de tout côté. Elle s’était mal rhabillée et le froid lui fit rosir les joues.

Elle finit par me voir et me rejoignit à grand pas, le sourire aux lèvres.

“ Alors où on va ? ” me demanda-t-elle le souffle court.

“ Ce café ? ” lui répondis-je en désignant une enseigne à environ 500 mètres de l’autre côté de la rue.

“ Ok ”

Nous nous mîmes en route. Elle me parlait mais je ne l’écoutais plus. La musique du club ayant disparu, seul le bruit assourdissant de son cœur pompant le sang de son corps me parvenait aux oreilles. Le venin affluait déjà dans ma bouche. Je serrais les dents.

Les belvédères formaient des îlots de lumière sur le trottoir, espacés par une obscurité opaque. Au moment où nous fûmes à nouveau dans l’ombre, je me jetais sur elle. Elle ne me vit pas bouger, j’étais bien trop rapide pour elle. Je la saisissais par la taille et décollait.

J’avais une prédisposition naturelle pour la lévitation. Tous les vampires ont un don particulier. Pour ma part, je volais.

Nous atterrîmes sur le toit d’un building. Avoir senti son corps blotti contre le mien m’avait considérablement excité. C’était un véritable miracle que je ne l’ai pas encore mordu.

Je la posais sur le sol. Elle regarda autour d’elle, paniquée.  Son cœur battait la chamade. Je lui adressais un sourire carnassier.

“ N’aie crainte. ” la rassurais-je.

“ Qu’est-ce que… Comment on… ”  bredouilla-t-elle.

Ses yeux tournaient dans tous les sens et sa lèvre inférieure tremblait.

“ Oui ? ”

“ Comment on a atterri là ? ”

“ Nous avons volé. Délicieuse sensation, non ? ”

Je fis un pas vers elle. Elle recula aussitôt.

“ N’approchez pas ! ” me prévint-elle.

Je soupirais.

“ Lèn, je suis un vampire. Je suis plus fort et plus rapide que toi. Je pourrais te tuer sans que tu ne t’en aperçoives. ”

Ses yeux s’agrandirent de terreur.

“ Mais ne t’inquiètes pas. Il n’est pas dans mes intentions de te faire le moindre mal. Au contraire, je veux t’offrir l’immortalité. ”

“ Vous êtes fou ! ”

Je me rapprochais si rapidement qu’elle n’eut pas le temps d’esquisser le moindre geste pour m’empêcher de lui saisir le bras. Elle hurla et tenta de se débattre mais ma poigne de fer la retenait.

“ Tout doux ! Tout doux ma chère. Ce n’est qu’un mauvais moment à passer. Après cela, tu seras splendide. ”

Je la mordais. Mes dents acérées déchiquetèrent ses habits et se plantèrent dans son corps. Je lui injectais une bonne dose de venin et prélevais au passage quelques goulées de sang.

Je la lâchais brutalement et m’éloignais. Elle s’écroula à terre, le corps secoué de tremblement. La transformation était en cours, j’avais réussi. Je restais loin le temps que mon envie de la vider de son sang passe. Lorsque je fus ressaisi, je la pris d’en mes bras et  m’envolais.

Il était temps de convoler en juste noces.

 

 

 

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