REDEMPTION
La Push avait retrouvé la tranquillité de mon enfance. Enfin, à quelques différences près…
Ma sœur, Léah, s’était imprégnée d’un indien de la tribu des Nootkas et était partie vivre avec lui près de Vancouver. Et ma mère s’était remariée avec le shérif Swan. Ils vivaient dans la maison de Charlie à Forks.
J’étais vraiment content pour elles. Elles méritaient d’être heureuses.
Les vampires étaient partis aussi. Et tout ce qui faisait que la vie à La Push était vraiment trop cool était parti avec eux. Bien sûr, les conséquences de leur présence sur nos terres se faisaient toujours sentir. Heureusement, d’ailleurs. Je crois que je serais mort d’ennui si je n’avais pas été un loup garou.
Mais les autres ne voyaient pas les choses de la même manière. Faut dire qu’ils avaient tous des familles, eux. Du coup, les gars de la meute ne se transformait presque plus.
Enfin, bref, je m’ennuyais ferme.
La nuit dernière, une grosse tempête s’était abattue sur la région. Les vents violents avaient faits pas mal de dégâts aux toitures des maisons et même à certaines voitures. Les lignes téléphoniques étaient coupées et personne ne savait lorsqu’elles seraient rétablies. Comme les autorités n’étaient généralement pas très pressées pour faire des travaux dans la réserve indienne de La Push, les gens d’ici avaient tendance à ne compter que sur eux-mêmes.
En tant que protecteur de la communauté, il était de mon devoir de m’être ma force à la disposition de mon peuple.
Voilà pourquoi je me retrouvais sur la plage à trimballer des troncs d’arbre échoués la nuit dernière vers les habitations les plus touchées par le cyclone.
C’était une belle journée ensoleillée malgré le froid mordant. J’accomplissais mon devoir avec sérieux tout en espérant que je finirais suffisamment tôt pour me payer une petite virée en forêt sous une forme quelque peu modifié.
J’empilais les troncs à l’arrière d’un pick-up lorsqu’une lueur attira mon regard. Je scrutais la plage sans rien trouver d’anormal. Je haussais les épaules et esquivais un geste pour me saisir d’un tronc lorsque mes yeux se posèrent sur une forme sombre à l’orée de la forêt.
Intrigué, je m’approchais de quelques mètres pour mieux discerner la forme. C’était une femme. Elle était habillée de vêtements sombres et une grosse écharpe noire cachait en partie son visage. Elle regardait l’océan et ne me prêtait aucune attention.
Je m’approchais encore, le cœur serré par un drôle de sentiment. Cette fille avait quelque chose d’étrange et, en même temps, de familier. Je progressais parallèlement à la plage aussi je ne pouvais apercevoir sa silhouette que de profil.
Soudain, je stoppais net. Une rafale de vent avait fait voler hors de sa capuche une mèche de cheveux dorés. Mon cœur ne fit qu’un bond et je m’élançais vers elle. Probablement l’acte le plus stupide de toute ma vie…
« Hé ! Rosalie ! » l’appelais-je.
Elle ne réagit pas. Je la hélais à nouveau lorsque je fus plus près.
Elle se tourna enfin vers moi et nos regards se croisèrent. Alors mon monde s’écroula.
J’avais été un idiot. J’aurais dû comprendre quand elle n’avait pas répondu à son prénom. Un vampire a une ouïe très fine. Même si j’avais murmuré son prénom à l’autre bout de la plage, elle m’aurait entendu. Non, la seule raison pour laquelle elle n’avait pas réagi c’était parce qu’elle ne s’était pas reconnue. Parce que ce n’était pas Rosalie. Mais pas du tout.
La fille qui se tenait devant moi était la fille de mes rêves. Celle que j’attendais. Ma moitié. Et c’était aussi un vampire. Mais pas un de ces « gentils » vampires qui ne boivent que du sang d’animal. Ses yeux étaient rouges, signe qu’elle venait de tuer quelqu’un.
Une douleur fulgurante me déchira le cœur. Je la contemplais, hébété, tremblant et désemparé.
Le temps flotta quelques instants pendant lesquels je vis ma vie défiler jusqu’à ce moment fatidique. Je réalisais que chacun de mes pas, chacune de mes décisions m’avaient un peu plus rapproché de ce destin cruel.
Malgré ce qu’elle était, ce qu’elle avait fait, et ce qu’elle ferait encore, je savais que j’aimerais cette fille jusqu’à mon dernier souffle. Mais je savais aussi que l’amour que je ressentais pour elle allait ruiner ma vie.
Car j’étais un loup garou. J’étais programmé pour protéger notre territoire des êtres comme elle. J’étais censé la combattre et la tuer.
Je sentis la rage monter en moi. Comment cela avait-il pu se produire ? L’imprégnation avait pour finalité ultime l’optimisation de la transmission de notre matériel génétique. Or les vampires ne pouvaient pas concevoir. Enfin, du moins, les femmes vampires ne le pouvaient pas. Leurs corps étaient figés dans le temps et l’espace. Cela n’avait aucun sens.
Même si cela devait me briser, il fallait que je lutte contre mon désir. Jamais je ne pourrais m’empêcher de l’aimer, mais je pouvais au moins la faire partir. De toute façon, elle était non seulement un danger ici, mais elle était elle-même en danger. Dès que les gars apprendraient sa présence sur le territoire, la chasse serait lancée et je ne donnais pas chère de sa peau face à une vingtaine de loup-garou.
Elle devait partir. Le plus vite possible.
Un sourire innocent aux lèvres, elle m’observait calmement.
« Rosalie ? » s’interrogea-t-elle avec une moue dubitative.
Sa voix était douce et mélodieuse. J’en frémis.
« Qui es-tu ? Et que viens-tu faire ici ? » lui demandais-je d’une voix froide et dure.
Ses yeux s’écarquillèrent un peu sous l’effet de la surprise.
« C’est ta petite amie ? » insista-t-elle avec un sourire adorable.
« Réponds à ma question ! » m’énervais-je.
« Uniquement si tu réponds à la mienne d’abord ! »
Cela semblait l’amuser de me torturer ainsi. Je luttais contre le désir de la contempler en regardant essentiellement mes pieds et le sol environnant.
« Je ne fréquente pas les buveurs de sang ! » crachais-je.
C’était un véritable supplice de lui parler sur ce ton. Surtout que c’était faux. Mis à part Jacob, j’étais probablement celui qui avait le plus fréquenté les Cullens.
Le silence s’était installé entre nous. Je me risquais à lui jeter un coup d’œil. Toute trace d’humour avait déserté son doux visage.
« On ne m’avait jamais appelé ainsi » soupira-t-elle.
« Ah non ? » lui lançais-je sur le ton du défi.
« Oui. Il faut dire que je n’ai jamais laissé un humain me parler assez longtemps. »
Elle bluffait. Je pus le deviner facilement d’après le regard trop appuyé qu’elle me lança. Mais je l’avais vexé.
« Alors c’est peut-être que je ne suis pas un humain comme les autres. »
« En effet. Tu es un humain qui sait beaucoup de choses…»
Sa voix se fit si veloutée et si chaude que je sentis une agréable chaleur se former au creux de mes reins. J’étouffais un juron face à cette trahison de mon corps.
« Comment sais-tu ce que je suis ? As-tu rencontré d’autres « buveurs de sang » ? » me demanda-t-elle d’une voix mielleuse.
Elle me regardait derrière ses longs cils. Je me perdis un instant dans la contemplation de son magnifique visage. Sa peau ressemblait à de la porcelaine. Il n’y avait pas un seul défaut. Si ce n’est la couleur de ses yeux, bien sûr. Ce détail me fit redescendre sur terre.
Je l’avais intrigué et elle cherchait à me tirer les verres du nez. Je savais que je devais me méfier d’elle. Les Cullens avaient beaucoup d’ennemis et elle pouvait fort bien être sur leur trace.
« J’en ai croisé quelques uns, en effet. » dis-je prudemment.
Son sourire s’élargit. Le feu dans mon bas ventre n’en fut que plus intense.
« Peux-tu m’indiquer où ils résident ? »
« Aucun vampire ne réside dans la région. »
Elle se redressa légèrement et son sourire disparut.
« J’ai entendu dire que des vampires vivaient ici. Les Cullens ? »
Son ton était presque hésitant. Je crus déceler une faiblesse mais elle se reprit si rapidement que je ne pus en savoir plus. Néanmoins, j’avais vu juste. Sa présence ici n’était pas fortuite. Elle recherchait les Cullens. Il fallait que je me montre extrêmement prudent. Elle était peut-être envoyée par les Volturis.
« Les Cullens sont partis il y a longtemps. »
« Et où sont-ils partis ? »
Je haussais les épaules en signe d’ignorance.
Elle respira un grand coup puis me reposa la question d’un ton plus doux, plus caressant
« Je n’en sais rien ! » m’exclamais-je, énervé.
Il fallait vraiment qu’elle arrête de me parler sur ce ton. Ca me mettait dans tous mes états.
Elle eut un hoquet de surprise face à mon emportement. Puis son expression changea.
« Tu mens ! » s’exclama-t-elle, furieuse. « Je sais que tu mens ! »
Et ça avait vraiment l’air de la mettre en rogne. Ses petits poings étaient serrés de colère et de frustration, elle tapa même du pied, ce qui m’arracha un sourire. On ne devait pas souvent lui refuser quelque chose car elle réagissait comme une gamine trop gâté.
« Ils ne sont plus là ! Va-t-en maintenant. Tu n’as rien à faire ici ! »
« Dis-moi où ils sont et je partirais. » insista-t-elle, les lèvres pincés.
« Je ne sais pas où ils sont. Pars où tu mourras ! »
Elle lâcha un petit rire.
« Et qui vas me tuer ? Toi peut être ? » me demanda-t-elle avec un reniflement de dédain.
« Moi et mes frères. » répondis-je très sérieusement.
« Quoi ? Vous avez des supers pouvoirs ? »
« Nous sommes des loups-garous et tu es sur notre territoire. »
Elle me regarda, bouche bée. Je devais avouer que j’étais assez fier d’avoir enfin réussi à lui clouer le bec. Son petit ton méprisant m’avait quelque peu vexé.
« Je croyais que les loups garous avaient disparu. »
« Faut croire que non. » fis-je avec détachement.
« C’est pour ça que tu sens si … bizarre. »
J’acquiesçais. Elle réfléchit un instant.
« Il y a quelque chose que tu ne me dis pas sur eux. Je le sens. » décréta-t-elle.
Mon attention fut détournée par l’arrivée de Sam sur la plage. Il venait probablement voir si j’avais besoin d’aide. Je me mordais la lèvre. S’il la voyait…
Je me retournais vivement vers elle en proie à une panique naissante. Mais elle avait disparu. A la place, il n’y avait rien. Comme si elle n’avait jamais existé. Seul mon cœur brisé me rappelait qu’elle s’était tenue là, qu’elle m’avait souri.
Je soupirais. Le monde me parut soudain bien fade maintenant que sa beauté n’irradiait plus mes yeux.
Le cœur lourd, je rejoignis Sam près du pick-up.
Je ne connaissais même pas son prénom.