Recueil d'un vampire

Chapitre 2 : Arnaldo

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Dernière mise à jour 09/11/2016 00:50


Chapitre 2 : Arnaldo

 

Une heure plus tard je me garais dans l’allée devant la maison. Susan n’était pas rentrée je décidais de lui faire plaisir en préparant le repas. Je pris dans le frigo les ingrédients nécessaires à la confection de lasagnes, son plat préféré. Je mis le plat au four, réglais le thermostat sur la bonne température et montais dans ma chambre.

Je m’installais sur le lit un coussin calé contre mon dos, le livre à la couverture rouge foncé et aux enluminures noirs, que j’avais rapporté de la bibliothèque entre les mains. Je l’ouvris délicatement à la première page et parcouru les quelques lignes manuscrites. Les lettres étaient tracées d’une belle écriture à la plume. Je me plongeais derechef dans l’histoire de cet homme né il y avait tant de siècles.

Le récit m’absorba entièrement.  Je n’entendis pas Susan rentrer, ni la sonnerie du four m’indiquant que les lasagnes étaient prêtes. Cette personne  narrait les affres de sa vie d’immortel, les années de sauvageries qui avaient suivis celles plus fastes qu’offrait une vie de noblesse et de luxe. Cette vie qu’il avait embrassée avec toute l’arrogance due à sa naissance sans imaginer qu’elle pouvait croiser le chemin du monstre qui la ferait basculer dans la douleur, la terreur, la bestialité.

Je sortie de ma lecture ébranlée par l’impression de réalité qui imprégnait ce récit. Il était rédigé d’une façon telle que j’avais la sensation de lire un journal. J’étais tenté de ne pas douter de la véracité de ces lignes pourtant invraisemblables. J’étais bien trop terre-à-terre pour croire en l’existence de créatures telles que les vampires, les fantômes et autres spectres, pourtant l’histoire ne berçait pas dans le folklore, pas de Dracula et son panel de pieux dans le cœur, de gousses d’ails répulsifs et d’eau bénite destructrice. Ce qui renforçait l’aura de réalité qui se dégageait du texte.

Je poussais un soupire et posais le livre sur ma table de nuit. Je m’aperçu seulement maintenant du bruit qui provenait du rez-de-chaussée. Je dévalais les marches trois par trois priant pour que Susan ait retiré les lasagnes du four.

Je passais la porte de la cuisine en trombe et faillis rentrer en collision avec Susan qui tenait le plat de lasagnes fumant entre deux torchons pliés.

- Tu dormais me demanda-t-elle.

- Non je lisais, je me suis laissé absorber par mon livre. Désolé pour les lasagnes ajoutais-je contrite. Elle jeta un coup d’œil au plat qu’elle tenait toujours. Les lasagnes étaient trop cuites et le dessus avait commencé à bruler légèrement. Elle haussa les épaules.

- J’aime le croustillant me dit-elle en souriant. Je fis une grimace, lui pris le plat des mains et le posait sur la table. Le couvert était déjà mit, je nous servis une part de lasagne et Susan attaqua sans attendre.

- Ta journée s’est bien passée au restaurant ? Lui demandais-je.

- Oui bien, il n’y avait pas beaucoup de clients, la journée a été calme et toi, les cours ?

- Bien passé, demain je m’inscris au concours que propose Mr Barthélémy dis-je les yeux brillants. Le gagnant remporte un voyage en Italie, j’ai toujours rêvé d’y aller.

- C’est super que dois-tu faire ?

- Je dois choisir une ville italienne et en retracer toute son histoire et ses légendes.

- Je ne me fais pas de souci pour toi tu connais déjà la majorité de l’histoire italienne. Tu as passé toute l’année dernière à étudier ce sujet. Quelle ville as tu choisis ? Florence ? Venise ?

- Je pensais m’écarter des villes connues et choisir une petite ville, mais je n’ai pas encore choisi, je ferais des recherche sur le net.

Le reste du repas se poursuivit dans le silence. J’avais encore à l’esprit l’histoire conté par Arnaldo Gianni. Abandonné par son créateur, il avait connu une année de sauvagerie, occupé seulement par le besoin de sang tellement puissant qui l’avait réduit à vivre comme une bête sauvage. Terré dans d’obscurs recoins,  il avait vu les dernières traces de son humanité disparaitre victimes après victimes pour laisser place à un être froid et calculateur.

- Pardon ?

Je me rendis compte que Susan me parlait et que je coupais en minuscules morceaux mes lasagne sans y toucher.

-Tu sembles dans la lune Livie quelques choses te préoccupe ? Veux-tu en parler ? Me demanda-t-elle visiblement inquiète.

- Non pas de soucis, vraiment, je suis un peu lasse, je pense que je vais me coucher tôt. Je n’avais qu’une hâte, me replonger dans le petit livre qui occupait toutes mes pensées.

-Je vais en faire autant me dit Susan. Demain une grosse journée m’attend. Une réservation de quarante personnes, je crois que c’est un départ en retraite.

-Je passerais t’aider après les cours proposais-je distraitement.

-Je te donne congé Livie la fille de madame Robinson doit venir m’aider de toute façon. J’ai comme l’impression que tu as besoin de repos, me dit-elle avec sollicitude.

Je lui adressais un sourire de reconnaissance et me levais pour débarrasser la table, mais Susan me devança.

-Va te coucher je m’en occupe, me dit-elle en replaçant une mèche de ses longs cheveux blond impeccablement lissé derrière son oreille. En vérité ils ondulaient naturellement d’une façon qu’elle trouvait inesthétique.

-Merci, je l’embrassais sur la joue et montais dans ma chambre.

Allongé sur le ventre je repris ma lecture où je l’avais laissé une heure avant.

Gorgé de haine pour le vampire qui l’avait transformé, Arnaldo écuma les sept continents à sa recherche. Au cours de sa quête, il rencontrât beaucoup de représentant de son espèce, des nomades pour la plupart. Il apprit à leurs contacts les rudiments de la vie de vampire mais s’affligea de leur bestialité. Ils voyaient le monde comme un vaste garde-manger, ne se préoccupant pas d’être aperçu par les humains penché sur un cou s’abreuvant de leur vie au fond d’une ruelle sombre. Lui-même avait retrouvé de son raffinement  et de sa civilité d’entant. Il comprit  devant le peu  de respect de ses semblables que l’anonymat était vital à la pérennité de leur monde.

 La plupart du temps il évitait les grandes villes, bien trop tentante pour lui qui n’exerçait pas encore un total contrôle sur sa soif. Ce n’était pas le respect de la vie humaine qui le motivait mais la préservation d’un équilibre, leurs assurant à lui et ses semblables l’opulence et le confort. Telle fermier veillant sur ses bêtes leurs prodiguant, soin et protection afin de mieux jouir de leur viande les longs mois d’hivers

Je m’offusquais quelque peu de cette façon cavalière de voir mon monde. Si Arnaldo Gianni s’était trouvé devant moi à ce moment, je ne me serais pas gênée pour lui dire ma façon de penser… ou peut-être pas, peut-être me contenterais-je de  glisser sous le lit comme la trouillarde que je suis.

Je ne tenais pas vraiment à me trouver nez à nez avec une personne seulement préoccupé par la façon de me vider de mon sang jusqu'à la dernière goutte. Heureusement les vampires n’existait pas, n’est ce pas ? 

L’élan de sympathie que j’avais eu pour  cet immortel qui avait tant souffert de sa rencontre avec un vampire, s’amenuisait considérablement. J’avais imaginé un humain enfermé dans le corps d’un monstre, hurlant sa douleur de tuer pour sa survie, mais je me rendais bien compte qu’à ce moment du récit cet humain avait définitivement disparu remplacé par un être sanguinaire dénué de remord.

Etouffant un bâillement, j’abandonnais le journal sur la table de nuit et me couchais.

Au lieu de sombrer dans un sommeil profond, je me retrouvais propulsé au fond d’une ruelle ensoleillée entourée de remparts. Tout ce déroulait comme d’habitude, mes mains incandescentes, la lumière aveuglante, mon cœur battant la chamade, mais à l’instant où j’arrivais sur la place et apercevais la silhouette encapuchonné immobile, elle levait doucement la tête, mes yeux ne pouvant se détacher du visage que je découvrais alors.

Une peau d’une blancheur de neige, les irises rouges sang illuminées par les milliers de minuscule diamants que réfléchissait son épiderme. Le regard planté dans le mien, sa bouche amorça un sourire cruel. Terrorisé je me retournais pour m’enfuir et me retrouvais nez à nez avec lui. Je me figeais sur place. Comment avait il fait pour traverser si vite la place où nous nous tenions tout deux éloigné l’un de l’autre ? Il retroussa les lèvres sur ses dents et la réponse me vient d’un coup.

J’ouvris brusquement les yeux, le visage du vampire imprimé sur la rétine, les poings crispés sur mon oreiller. Je respirais un bon coup pour me détendre et vérifiais l’heure sur le cadrant digital de ma chaine hifi. Il était très tôt. Je tentais de me rendormir, sans succès. Mon rêve avait prit un nouveau tournant et un certain immortel c’était invité dans mes songes, pourtant déjà suffisamment flippant à mon goût.

Je me levais finalement, excédé par l’effervescence de mon cerveau. Un bol de céréale et une douche bien chaude plus tard, je m’installais dans le salon et repris ma lecture.

Les cours ne commençaient que dans deux heures ce qui me laissait amplement le temps d’un tête-à-tête avec Arnaldo.

Une décennie s’écoula. Il croisa la route de clans distingués qui vivaient dans des lieux à la décoration luxueuse et aux meubles raffinés. Ces groupes ne comptaient toutefois pas plus de quelques individus. Les tensions que la cupidité et la vengeance engendraient étaient légion et les rixes n’étaient pas rare lors de telle rassemblent d’immortelle. La propension de son peuple pour la vengeance les menait à la perte.

Arnaldo était fasciné par ceux doté de pouvoir plus ou moins puissant, il semblait que le trait de caractère qui prédominait chez l’humain, s’intensifiait parfois une fois vampire. Il lui plaisait de taire le sien afin de passer pour un vampire sans le moindre talant mais particulièrement charismatique et charmant.

Deux vampires régnaient en maître. Leurs pouvoirs résidaient seulement dans la crainte qu’ils inspiraient. Leurs noms étaient rarement prononcés et tous évitaient de susciter leurs courroux. Les roumains Stefan et Vladimir.

Assis sur des trônes, ils se prenaient pour des dieux. Arnaldo les avaient côtoyés, espérant trouver en eux des chefs capables de faire prospérer les vampires de ce monde. Il lu en eux et ne trouva que noirceur et cupidité. Ces deux immortels n’étaient que des dictateurs avides de pouvoir qui massacraient, proies, diplomates et quémandeurs en tout genre sans distinction dès lors qu’ils représentaient une menace ou qu’ils convoitaient un bien. Ils décimèrent des clans entiers sous des prétextes fallacieux, faisant valoir une justice trafiquée.

 Il partit écœuré par tant de noirceur. Pour Arnaldo de telles créatures ne pouvaient que nuire à leur espèce. Il était tant que les choses changent.

 Il recueillit des informations sur chaque vampire qui croisait son chemin. Il lisait dans leurs têtes s’appropriait les pensées les plus enfouies, se nourrissant de leurs mémoires, emmagasinant des informations qui, le moment venu, lui seraient très précieuses.

Arnaldo caressait le projet ambitieux d’offrir aux immortels, un chef capable d’ériger et de faire respecter des lois, afin de canaliser la violence des vampires et protéger par là même l’espèce tout entière. Il devait y avoir une justice et Arnaldo était bien décidé à la dispenser lui-même.

Au cours de ses nombreux déplacements, il entendit parler d’une cité du nord de l’Italie, où les vampires sévissaient en masse. Les humains se retrouvaient au milieu d’une guerre de territoire, les vampires se disputaient cette forteresse placée au cœur même d’un vaste garde-manger.

Son errance prit fin devant les portes de Volterra.

- Livie ? Olivia !!!

- Ho pardon je ne t’avais pas entendu Susan.

- Il doit être passionnant ce livre pour que tu partes en retard au Lycée me fit-elle remarqué.

Je vérifiais l’heure sur la montre à mon poignet.

- Mince je n’aie pas vu qu’il était si tard m’écriais-je en me levant précipitamment, il ne me restait que dix minutes pour arriver au lycée à l’heure.

Je passais en coup de vent devant Susan qui me souhaita une bonne journée en souriant et me précipitais vers l’allée où était garée ma voiture.

Arrivé sur le parking du lycée je me garais sur une des rares places disponible, les plus éloignées de l’entrée et courrais vers la salle d’histoire où je fis une entrée remarquée. Tous les yeux étaient braqués sur ma personne.

- Melle Wells quel plaisir de nous faire don de votre présence me réprimanda Mr Barthélemy. Je rougie jusqu’à la racine des cheveux. Je détestais être le point de mire. Prenez place je vous prie.

Sans demander mon reste je m’installais au côté d’Angéla qui me jeta un regard à la fois interrogateur et inquiet. Il y avait de quoi, je n’avais pas le souvenir d’avoir été une fois en retard ou que ce soit. Ma ponctualité était légendaire.

Je haussais les épaules sans plus lui prêter attention et je me tournais vers notre professeur.

- Très bien, je disais donc, repris Mr Barthelemy en me jetant un coup d’œil entendu. Tous les jeunes gens intéressés par le concours devrons me rendre vingt pages minimum, dissertant de l’histoire d’une ville d’Italie sans oublier ses légendes, j’y tiens insistât-il.

J’avais complètement oublié de  faire des recherches. Décidément cette histoire de vampire m’avait bien assez absorbé. Il était tant de m’intéresser sérieusement au concours si je voulais avoir la chance de gagner le voyage qu’il y avait à la clé.

- Que les personnes qui sont intéressées se face connaître, demanda Mr Barthélémy promenant le regard au-dessus de nos têtes.

Je levais la mienne en même temps que quelques autres élèves. Apparemment le concours remportait un franc succès. Bien sûr, je ne doutais pas que le voyage y était pour beaucoup. Aucun élève n’avait été frappé de la passion de l’histoire cette nuit.

- Parfait, Melle Walsh, qu’allez-vous présenter ? Demanda le professeur en s’adressant à Jade.

Horrifié je m’aperçus, qu’il aurait fallu que je susse déjà quelle villes j’allais travailler.

- Venise Monsieur ! répondit Jade trop vite pour que j’aie le temps de me creuser la cervelle.

- Melle Wells ? M’interrogea-il à mon tour.

- Heu…bégayais-je, je cherchais désespérément dans les recoins de ma tête.

Mon professeur leva la tête de la feuille sur laquelle il prenait les inscriptions. Sans réfléchir plus avant, je dis la première chose qui me passait par la tête.

- Volterra ? Mes yeux s’agrandir sous la surprise. Pourquoi avais-je dis une chose pareille. Je n’étais même pas sûr que cette ville existe !

Mr Barthélémy me regarda plus attentivement.

- C’est une question, ou une affirmation ? Melle Wells

Je ne pouvais plus reculer sans passer pour une gourde.

- Une affirmation Monsieur, je présenterais Volterra au concours dis-je priant pour que l’auteur de mon livre se soit documenté ailleurs que dans sa tête à l’imagination fertile.

Il continua à m’observer une seconde et repris son tour de table. Je poussais un profond soupir.

- Qu’est-ce qu’il te prend ? Me demanda Angela  en me donnant un coup de coude dans les côtes.

- Rien, chuchotais-je.

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