Recueil d'un vampire
Chapitre 3 : Volterra
Le dernier cours fini les filles et moi nous rendîmes au QG où je pus effectuer des recherches sur Volterra.
Depuis plus d’une heure, j’étudiais les manuels d’histoire disposés devant moi. La ville existait belle et bien, ouf ! Née il y a trois milles ans, elle est située en Toscane dans la province de Pise. C’était une cité médiévale, ce qui est encore visible aujourd’hui dans sa structure architecturale. Perchée sur une colline, entourée de remparts et dominée par une forteresse devenue une prison de nos jours l'histoire de Volterra recelait de magie et de mystères proprement fascinants.
Cette citée me fascina immédiatement et je me laissais emporter par la passion. Les filles, leur travail terminé, me souhaitèrent une bonne soirée, mais je ne les écoutais que d’une oreille distraite, balbutiant un salut rapide. L’horloge au mur marquait les minutes puis les heures que je ne voyais pas s’égrener ne m’interrompant que pour quérir dans les rayonnages d’autres ouvrages.
Aux dixièmes raclements de gorge de Melle Davenport, la bibliothécaire, signes que je m‘attardais un peu trop, je me levais de la chaise sur laquelle j’avais l’impression d’être englué et étirais mon dos douloureux.
Je rangeais la vingtaine de livres étalés sur la grande table de bois ciré, dans leurs étagères respectives et rentrais à la maison ou Susan allait m’attendre de pied ferme. Elle détestait jouer le rôle du parent autoritaire, mais n’hésitait pas si ça s’avérait nécessaire. En l’occurrence c’était le cas. Je n’avais pas vu les heures défiler trop absorbé par mes recherches. Prenant mon courage à deux mains, j’actionnais la poignée de la porte d’entrée, poussais le battant doucement en marchant sur la pointe des pieds dans le vain espoir de passer inaperçus.
Peut-être Susan était-elle déjà couchée. Il était vraiment tard.
La voix qui s’éleva du salon anéantie tous mes espoirs. Je m’avançais sur le seuil de la pièce en soupirant.
- Livie. Mon nom claqua comme un coup de fouet dans le silence ambiant.
- Je suis vraiment désolé Susan, je n’aie pas vu le temps passer me défendais-je piteusement.
Elle était assise sur le canapé, droit comme un i, le regard vrillé au mien, les sourcils froncés.
Au bout d’une minute elle soupira bruyamment.
- Livie cette semaine tu as été distraite, tu es arrivé en retard au lycée et maintenant tu rentres tard ce n’est pas dans tes habitudes, je m’inquiète beaucoup pour toi, tu me le dirais si quelque chose n’allait pas ?
Je m’empressais de la rassurer ne voulant pas qu’elle s’inquiète inutilement.
- Susan je te promets qu’il n’y a rien. Je suis distraite c’est vrai. C’est ce livre que j’ai trouvé en début de semaine qui…. Je m’interrompis pour reprendre. Et puis ce soir le concours, je m’animais soudain. J’ai fait des recherches sur une petite ville que justement j’ai trouvée dans ce livre qui m’absorbe autant. Elle est merveilleuse son histoire, mais surtout ses légendes. Savais-tu, enchaînais-je sans reprendre mon souffle, qu’il y a mille cinq cents ans les vampires régnaient en maîtres dans la cité ? C’est St Marcus qui les a vaincus à coup d’eau bénite et de pieux dans le cœur… Je continuais à déblatérer ainsi sur les légendes de Volterra quelques minutes encore, avant de m’apercevoir que Susan ce retenait de rire à gorge déployée. Je m’interrompis.
- Désolé s’excusa-t-elle en pouffant, je suis contente que ce ne soit qu’un excès de passion aigu qui provoque ta distraction de ces derniers jours. Je ne t’avais jamais vu aussi emballé. J’espère sincèrement te voir remporter ce concours, une jeune femme aussi passionnée que toi le mérite vraiment.
- Merci Susan je l’espère en tout cas. Je l’embrassais sur la joue et allais tourner les talons. Je me figeais en entendant son raclement de gorge cela aurait été bien trop facile.
- Toutefois, un couvre-feu et un couvre-feu et il est largement passé. Le fait que tu n’aies pas été dansé nue sur un bar n’y change rien. Je n’avais pas l’intention de te faire venir travailler au restaurant tant que le concours ne serait pas terminé, mais finalement tu viendras m’aider après les cours tous les jours cette semaine.
- Ok acquiesçais-je, bonne nuit.
- Bonne nuit Livie.
Une semaine passa au rythme des cours et des heures d’intérêt général au restaurant, ne me laissant pas une minute pour mes amies, se dont elles ne se gênaient pas de me faire remarquer dès que l’occasion se présentait, ni pour prendre des nouvelles d’Arnaldo Gianni. Il devait se trouver coincé entre un paquet de mouchoirs en papier et le dernier roman que j’avais lu dans le tiroir de ma table de nuit. Je consacrais mes soirées à parfaire mon travail sur Volterra et la nuit j’étais harcelé par le cauchemar toujours présent et terrifiant de réalisme. À ça prêt, que les événements de la journée s’imbriquaient d’une étrange manière au songe. Ainsi le vampire de mon cauchemar avait pris, récemment, les traits de mon professeur d’histoire et le lieu ressemblait étrangement à Volterra. Je ne trouvais pas d’explications cependant à la chaleur et à la lumière de ma peau qui demeurait inchangé.
La semaine suivante, arriva le jour de rendre mon travail. Le gagnant devait être désigné trois jours plus tard. Le temps pour Mr Barthélémy et son collègue de délibérer.
Le reste de la semaine fut consacré, aux shoppings, cinéma et sorties en tous genres, tout ça comploté par mes amies qui trouvaient que j’avais passé suffisamment de temps enfermé à la bibliothèque.
Le matin de la remise du prix, je me rendis au lycée plus tôt que d’habitude, seul deux ou trois voitures étaient garées à mon arrivée sur le parking. Je m’installais en tailleur sur la pelouse laissant le soleil d’Arizona me caresser la peau. Je tentais de me détendre en attendant les filles. Je désirais vraiment gagner ce concours, enfin le voyage en Italie, pour être honnête, même si voir mon travail reconnu par mes professeurs avait aussi son charme.
Angela arriva la première.
- Hé Livie, tu es tombé du lit ce matin ? Elle me jaugea un instant et remarqua les cernes mauves que j’avais sous les yeux. Ne me dis pas que ce stupide concours t’a empêché de dormir, attaqua-t-elle en levant les yeux au ciel.
- Si seulement dis-je, assez bas pour qu’elle ne m’entende pas en repensant au cauchemar qui m’avait harcelé cette nuit encore. Bien sûr que non, mais avoue qu’un voyage en Italie te tenterait aussi si le prix pour l’obtenir n’avait pas trait à l’histoire.
Elle fit la moue, convaincu qu’un voyage dans n’importe quel pays ne valait pas qu’on s’embête à ressortir de vielles histoires de gens morts et enterré depuis des siècles. Comme elle ne cessait pas de le répéter depuis le début de ce que je considérais comme une aventure.
- Tu sais ce que j’en pense me répondit-elle simplement.
Elle se laissa tomber à mes côtés sur l’herbe.
Trois quarts d’heure après, les filles et moi étions installées à nos places en salle d’histoire à attendre Mr Barthelemy qui tardait. Nous discutions à voix basses tandis que les élèves autour de nous s’esclaffaient bruyamment aux blagues douteuses d’un gars aux cheveux dressé sur le crane qui se prenait pour un caïd.
- Je vous convie à reprendre vos places dans le calme exigea Mr Barthelemy en entrant dans la salle.
Pendant que tous prenaient place, il sortie de sa serviette en cuir une liasse de papiers que je reconnus comme étant nos œuvres.
La tension m’habitait. Je tentais de ne pas écouter le fanfaron de tout à l’heure promettre à la fille derrière moi une promenade en gondole à Venise.
-Très bien jeune gens, je dois dire que certain d’entre vous ont très bien travaillé. J’ai pris beaucoup de plaisir à découvrir vos travaux de recherches et d’investigations. Bien sûr il se trouve dans ces pages quelques navets ajouta-il en agitant la liasse de papier sous le nez du fanfaron qui s’enfonça dans son siège. Dans l’ensemble, vos travaux on tous été intéressants. Cependant c’est un concours nous rappela-t-il. Un devoir a retenu mon attention. L’auteur c’est démarqué par son originalité. On devine de gros travaux de recherche et derrière cette œuvre se cache un être passionné.
A ce moment du discours, les filles ce retournèrent d’un même mouvement vers moi le sourire aux lèvres. Je fronçais les sourcils leurs intimant de se retourner. Leurs mouvements synchronisés avaient attiré l‘attention sur moi.
- Très bien je vous aie tenu en haleine suffisamment longtemps. Je vous demande d’applaudir Melle Wells. Tous se mirent debout et applaudirent. Je devins rouge pivoine tandis que Jade me poussait en avant vers l’estrade ou m’attendait mon professeur.
J’étais animé d’un sentiment de pure joie. Mon travail avait porté ses fruits. J’allais partir en Italie. J’affichais un air aussi détendu que possible tentant de ne pas laisser exploser mon allégresse.
- Félicitations me congratula Mr Barthélémy en me serrant la main. Je vous rends votre travail, j’ai pris grand plaisir à le lire et je vous félicite pour l’originalité du choix du lieu.
Il me fourra les papiers dans les mains et se tourna vers son bureau où il se saisit d’une enveloppe de papier kraft sur laquelle il était écrit mon nom et le cachet d’une société de voyage au-dessus.
- Je vous remets le lot amplement mérité, un voyage en Italie ! Dit-il comme une présentatrice de télé achat. Vous visiterez plusieurs villes parmi les plus connus. Toutefois je me suis permis une liberté. L’ajout d’une destination qui n’était pas initialement prévue. Je le regardais intrigué. Je me retenais déjà à grande peine de crier ma joie au monde entier à la seule idée de visiter les plus grandes villes d’Italie. Vous partirez à destination de Volterra.
Volterra ! J’en avais le souffle coupé, j’allais pouvoir crapahuter dans les rues de cette ville qui me fascinait tant. J’étais aux anges rien ne pouvait me faire plus plaisir, après la réussite du concours et le voyage en Italie, s’entend.