Jusqu'à ce que la mort nous sépare

Chapitre 5 : Au tréfond de mon âme

2287 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour 24/08/2014 14:16

Je ne ressentis pas la douleur tout de suite. Mon épaule s’engourdit, en premier temps. On aurait dit que j’étais plongée dans un bain chaud et paisible.

- Jacob !

J’avais peu conscience des choses qui m’entourais. Certes, je voyais la fenêtre brisée. Les éclats volant partout, comme au ralenti. Je voyais des silhouettes blanchâtres se précipiter dehors. Mais j’avais l’impression que je reculais, comme si j’étais traînée sur le sol. 

- Jacob ! répéta la voix, venue de loin.

Un grondement résonna à mes oreilles, et la douleur vint. Comme une bombe, telle une tempête se déchaînant, elle se répandit dans mon bras droit. Jacob avait planté ses crocs dans mon épaule. Et ils étaient ancrés si profondément qu’il arrivait à me traîner sur l’herbe gelée. Génial. Je m’étais fait un nouvel ami.

Je battis des paupières, et passais ma langue sur mes lèvres, histoire de me reprendre un peu. J’étais plus forte que ça, voyons ! Mais je ne comptais pas utiliser la manière forte avec l’un de mes congénères.

- S’il vous plait, murmurais-je à l’intention du loup. S’il vous plait, lâchez-moi.

Je tentais de me redresser sur le sol enneigé, mais Jacob me tenait.

- Je ne suis pas comme lui. Je ne suis pas comme eux. Je n’ai aucune envie de vous blesser.

J’entamais une petite prière dans ma tête. Soit j’y passais, soit il me lâchait.

- Jacob, lâche-la, s’il te plait, lança Renesmée, les deux mains levées.

Le loup émit un nouveau grognement.

- Nous ne savons pas, répondit Edward aux pensées de son beau-fils. Nous ne savons pas qui elle est, Jacob. Ce n’est pas elle qui est venue à nous, et qui nous a attaqués. Ce n’est pas elle. Nous l’avons trouvée inconsciente et brûlante de fièvre.

- Elle fuyait, Jake, lança Bella en serrant les épaules de sa fille.

J’entendis de nouveaux grognements, mais pas en provenance de la bête qui me tenait. Mon regard glissa sur la gauche, et je vis que le reste de la meute était arrivée. Ils encerclaient Jacob. Bon, il avait vraiment le sang chaud, celui là.

Je serrais les mâchoires, et réprimait l’envie irrésistible de lui geler les pattes avant.

- Tuez-moi, Jacob. Aro trouvera quelqu’un d’autre à torturer à ma place. Je ne suis qu’un objet précieux à ajouter à sa collection.

Ma tactique était désastreuse, mais au moins j’essayais. Jacob secoua la tête, et relâcha un peu sa prise, mais pas complètement. On en était loin, même. Qu’avait pu faire Aro qui avait tant énervé ce loup ? 

C’est assez, me souffla une petite voix cristalline.

En effet, j’en avais plus que marre.

Je posais ma paume à quelques centimètres de ses pattes, et l’enfonçait dans la neige. Puis je laissais les salves de pouvoirs se vider de mon corps, et gelait les pattes de cet affreux cabot. Mon désir de muter pour pouvoir le combattre d’égal à égal était croissant, mais je ne voulais pas leur paraître plus monstrueuse. Lorsque la glace se répandit sur le poil roux du loup, il sursauta et lâcha sa prise en couinant.

J’en profitais pour rouler sur le côté, et me relever. Là, j’aurais plus de chance d’anticiper ses mouvements s’il m’attaquait. Je posais une main sur mon épaule meurtrie, et en morceaux. Vivement que la guérison fasse son prodigieux effet. Ma respiration était lourde, et mon cœur battait la chamade. J’avais, sans vraiment le vouloir, enclenché mon « mode » loup. Jacob tira avec ses pattes énormes, et la glace se brisa en petits morceaux.

Si je l’avais voulu, j’aurais pu encore le retenir prisonnier, mais je ne prenais aucun plaisir à voir quelqu’un souffrir. Il se dressa face à moi, et me jeta un regard doré remplit de haine. Je levais ma paume libre, faisant signe de lever le drapeau blanc.

- On se calme, lançais-je aux loups qui grognaient sur Jacob – ou sur moi, je n’en avais aucune idée, je vais bien.

Je fis l’ébauche d’un sourire, alors que la morsure me faisait souffrir le martyre.

La petite robe blanche qu’on m’avait prêtée était réduite à un bout de tissus souillé de rouge. Je me sentis soudain très pudique.

Carlisle et Renesmée se précipitèrent vers moi à vitesse grand V, et le docteur examina ma blessure, tandis que ma nouvelle amie se rongeait les ongles jusqu’au sang.

- C’est vraiment profond, Jynn, lança-t-il. Je vais devoir recoudre.

Je haussais les épaules, m’arrachant une grimace.

- Va pour la couture, ironisais-je. Je vais bien, Renesmée.

- Jacob n’est jamais violent, soupira-t-elle en se frottant la nuque.

Elle jeta à son loup un regard noir. Il allait passer un sale quart d’heure. Ce dernier était assis, et remuait la queue nerveusement.

Apparemment, il s’était –peut-être, rendu compte de son erreur, et attendait les réprimandes. Un immense loup noir s’approcha de lui, et lui donna un coup de dent. C’était peut-être l’alpha. Un loup gris était de dos, et observait la forêt s’étendant devant lui. Ils étaient tous aux aguets.

J’avais semé le trouble sur leurs terres.

- Pardon pour la vitre, je rembourserai.

Carlisle m’entraîna à l’intérieur de la maison, et me fit asseoir sur une chaise.

- Avec quel argent ? rit Emmett. C’est dingue, tu arrives à garder le sens de l’humour même lorsque tu saignes à en mourir.

Je remarquais d’ailleurs qu’Alice et Jasper se tenait à l’écart du petit groupe que nous formions. Evidement, le sang. Je me trémoussais nerveusement sur ma chaise tandis que Carlisle s’était éclipsé pour chercher sa trousse médicale.Edward s’assit sur le sofa en face de moi, suivit de Bella. Leurs doigts se croisèrent. Ils devaient être très amoureux.

- Tu disais ? lança le vampire auburn. La fille d’Aro, n’est-ce pas ?

- Il a tué ma mère, continuais-je. Elle a vécu les dernières années de sa vie dans la souffrance et la misère. Il a prit n’importe quelle louve qu’il croisait. Il a ensuite décidé de se servir de moi comme d’une arme.

Tous les vampires s’étaient rapprochés pour écouter mon récit, et même les loups avaient fait quelques pas en avant.

- Les traces sur mon dos, comme vous le savez, étaient des…punitions. A chaque fois que j’osais un refus, il me faisait ça.

- Et tu refusais souvent de faire ce qu’il exigeait ? demanda Esmée, les mains croisées.

J’avais l’impression d’être une pauvre fille narrant l’histoire d’un viol. C’était un peu ça, dans un sens.

- Je ne compte plus. Et je suis fière de ces marques, elles prouvent que je n’appartiens à personne.

Je lisais de la compassion dans leurs yeux, et j’avais l’impression d’être faible, vulnérable. Cependant, je poursuivis :

- Mais ce dont je ne lui ai jamais parlé, et qu’il n’a jamais découvert, c’est…

Je n’osais pas terminer. Mais Edward le fit pour moi.

- Ton don. Il n’a jamais découvert ton don.

J’observais silencieusement mes mains.

- Je ne contrôle rien, murmurais-je, mais je sais que j’en suis capable. J’ai juste besoin d’entraînement.

- Montre-nous, lança Carlisle, qui était revenu, les yeux brillant de curiosité.

Je le dévisageais un instant, puis observais encore mes paumes. Je les tournais vers le haut, en espérant que cette petite expérience ne tournerait pas au désastre.

J’expirais et laissait ma vague de pouvoir se déverser hors de moi. A chaque fois que j’utilisais mon don, j’avais l’impression d’ouvrir une pochette surprise.

Quel élément allait être sollicité cette fois-ci ?

La peau de mes mains se fripa, et de minuscules tiges vertes émergèrent de mes pores, comme des spaghettis.

- On dirait…murmurais-je comme pour moi-même, on dirait que je ne suis pas seulement capable de contrôler les éléments, mais aussi de les produire.

Les tiges s’élevèrent plus haut, jusqu’à venir caresser mon menton, et s’enrouler autour de mes cheveux.

- C’est beau, chuchota Renesmée.

- Incroyable, enchaîna Carlisle.

Les exclamations fusèrent. La douleur à mon épaule me ramena soudain à la réalité, et les plantes se fanèrent, se déracinèrent de l’intérieur de mes mains. Celles-ci recouvrèrent leur état normal. Je soupirais, et m’appuyais contre le dos de la chaise, soudain épuisée.

Carlisle s’excusa pour son manque de réactivité, et commença à me recoudre. La douleur de l’aiguille était mille fois plus douce que n’importe quelle autre douleur que j’avais pu ressentir.

Au plein milieu de mon traitement, les loups  déboulèrent dans la pièce, mais tous transformés en humain. Je ne les avait même pas vus s’éclipser pour muter et s’habiller. Un grand brun baraqués s’approcha de moi, le regard dur.

- Je m’appelle Sam. Nous te présentons nos excuses, Jynn, lança-t-il. Nous avons vécu trop de choses pour ne pas être méfiant envers une inconnue. Cependant, la réaction de Jacob était exagérée, je l’admets.

Celui-ci croisa les bras, et grommela. J’eu un petit rire.

- Il n’y a aucun problème. Je préfère me faire des amis plutôt que des ennemis.

Sam s’agenouilla devant moi, pour être à ma hauteur et me regarder dans les yeux.

- As-tu l’intention de me demander d’entrer dans la meute ?

Cette question me pris au dépourvu.

- Je…je ne reste pas, donc je suppose que non.

Sam soupira.

- Les Cullen ne te laisseront pas repartir tant que tu ne seras pas complètement remise, et avec cette morsure, ça va durer un petit moment. Laisse-moi te présenter ma meute.

Il énuméra les membres de la meute, qui me saluèrent tantôt chaleureusement, comme Seth, Quil et Jared. Mais Leah et Paul hochèrent froidement la tête en croisant mon regard.

- Et voici Embry, termina Sam en me désignant le dernier loup.

Je plaquais sur mon visage le même sourire que j’avais adressé aux loups précédents, mais il se figea sur mon visage.

Embry avait une peau rousse, des lèvres minces mais souriantes.

Quant à son regard…

Son regard me bouleversa.

Car il n’existait désormais plus que lui au monde. 

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