Pour le bien de l'humanité

Chapitre 8 : Dilemmes naturels

1842 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 08/09/2020 16:50

Allongé au bout du canapé, Sans surveillait d'un oeil mauvais les échanges de Papyrus et de l'humain. Son frère, excité comme jamais auparavant, racontait leur vie d'avant dans les moindres détails, ce qui rendait l'aîné nerveux. Même s'il n'avait pas de mauvaises intentions, si Papyrus révélait au hasard d'une conversation que leur père était le scientifique royal, ils couraient vers de gros problèmes. Il n'était pas bon d'être les enfants de quelqu'un d'important dans cette fin de guerre. Proies trop facile. Ils devaient se méfier davantage. Mais comment convaincre son cadet d'en faire de même ? Il n'avait jamais été si heureux depuis le début de leur voyage et son coeur lui hurlait de lui laisser ce moment d'innocence qui ne se représenterait pas de sitôt. 


Undyne n'était pas aussi enthousiaste. Assise à côté de lui, elle dévisageait le nouveau venu avec méfiance. Sa présence réveillait des traumatismes qu'il comprenait parfaitement. Il n'avait pas encore trouvé le temps de discuter en tête à tête avec elle, mais elle encaissait la disparition de sa mère trop facilement pour une fillette de sept ans, et il savait que ça cachait un mal plus grand. Elle gardait sa colère en elle, mais elle risquait d'exploser tôt ou tard et les mettre en danger.


"Il va venir avec nous ? demanda la petite fille d'une voix sombre."


Papyrus et Charlie se turent immédiatement. Un grand sourire étira le visage du petit squelette.


"Il peut venir Sans ? Dis oui ! Allez, ça va être trop bien ! S'il te plaît ! insista-t-il en s'accrochant à son bras, le regard suppliant. Et puis, on ne peut pas le laisser tout seul ici, qu'est-ce qu'il va faire ? Il est comme nous. On peut l'emmener à la montagne !

— Doucement, doucement, le tempéra son frère. On... On verra Pap'. Je ne pense pas que ce soit une bonne idée. Et puis ton ami doit avoir de la famille quelque part, tout comme nous. On doit retrouver papa, tu te souviens ?

— Oui, mais... Il est tout seul. Si j'étais tout seul, je sais que j'aurais très peur dehors. Lui, il n'a personne."


Sans leva les yeux vers l'enfant humain. Il jouait avec la manche de son pull pour masquer son anxiété. Papyrus avait raison sur un point, seul, le gamin ne survivrait pas longtemps. Mais pouvait-il pour autant risquer la vie de son frère et d'Undyne en le trimballant avec eux ? Et que penserait son père quand il le verrait arriver avec un ennemi ? Ou le roi ? Ils allaient avoir de gros problèmes. Indécis, il posa son regard sur la fillette-poisson, toujours perdue dans ses pensées.


"Et toi, qu'est-ce que tu en penses ? Tu veux qu'il vienne avec nous ?

— Non, trancha net Undyne. Je n'aime pas les humains. Ils ne savent que détruire et se mettre au travers des espoirs et des rêves de tout le monde."


Ca avait au moins le mérite d'être clair. Papyrus serra l'enfant contre lui, le regard braqué sur son frère. Sans connaissait très bien ce regard : s'ils abandonnaient l'enfant, il ne lui pardonnerait pas. Quand il le voulait, il pouvait être têtu. Cette maudite manie à aider tout le monde les emmèneraient droit dans le mur. Il lança un regard désolé à Undyne.


"Très bien, céda-t-il. Mais seulement jusqu'à ce que l'humain retrouve sa famille, l'avertit Sans. On ne peut pas l'emmener avec nous dans la montagne, Papyrus. Tu sais bien pourquoi."


L'enfant ne répondit pas, mais ses yeux s'assombrirent légèrement. La situation ne lui plaisait pas. Plus il s'attacherait à lui, plus il serait difficile de le laisser partir. Ils n'avaient également aucune garantie que l'humain soit aussi innocent qu'il ne le laisse paraître. Mais il verrait ça plus tard. Chaque chose en son temps. Il se releva et laissa les petits tranquille pour aller leur faire couler un bain dans la salle d'eau. Ils avaient tous besoin de descendre en tension et il ne connaissait pas meilleur moyen de le faire.


Il fut le premier à se jeter dans la chaleur réconfortante de l'eau. Elle se teinta presque immédiatement de noir, alors qu'il frottait ses os pour faire disparaître le plus possible la poussière et la boue qui les avaient tâché. Ce moment de pur bonheur dura une petite vingtaine de minutes avant qu'il ne se décide enfin à en sortir. Alors qu'il s'essuyait devant le miroir, sa silhouette l'interpella. Une légère fissure était visible sur ses côtes.


"Qu'est-ce que... ?"


Il passa la main sur son reflet avant de baisser les yeux. Il n'y avait absolument rien. Il recula précipitamment. Son œil vira au bleu et il lança un os de toutes ses forces dans le miroir qui explosa en morceaux. Essoufflé, il se laissa tomber contre le mur et serra ses jambes contre lui. Ce n'était pas réel, ce n'était pas réel, ce n'était pas réel. Son père le lui avait assuré. Toutes ces visions étranges qu'il voyait n'existaient pas. Tout était dans sa tête. Elles ne l'avaient pas embêté depuis leur départ, pourquoi maintenant ? Ses mains tremblaient. 


"Sans ? appela la voix de Papyrus derrière la porte. Tu vas bien ? Tu t'es fait mal ?"


Il effaça les larmes d'un bleu translucide qui coulaient le long de ses orbites et calma les pulsations affolées de son âme. Papyrus ne devait pas le voir comme ça. Il devait rester fort pour lui. Il ne fallait pas qu'il s'inquiète.


"Sans ? s'affola la voix. Sans, tu me fais peur, réponds ! C'est pas drôle !

— Je... Je vais bien, répondit-il d'une voix tremblante. Je suis juste tombé du tabouret en me lavant les dents.

— Fais attention, le réprimanda-t-il gentiment. Tu sais que tu ne peux pas te faire mal."


Il se releva et vint lui ouvrir la porte. Papyrus ouvrit grand les yeux en remarquant immédiatement les éclats de miroir dans la pièce et l'os perdu dans le mur qu'il avait complètement oublié. Sans ne lui laissa pas le temps d'y penser et le tira dans la pièce. Il nettoya rapidement la baignoire et fit couler un autre bain. Papyrus le laissa le déshabiller, silencieux. Il pouvait sentir ses méninges cogiter férocement et il s'en voulut immédiatement.


Il attrapa le petit squelette à bout de bras et le mit au-dessus de l'eau.


"Tu sais ce que dit un squelette quand il raconte une blague à un phoque ?

— Sans, tes blagues sont nulles, râla son frère. ... Je ne sais pas ?

— Os-tarie."


Il leva les yeux en l'air et lâcha un soupir mélo-dramatique lorsque Sans le mit enfin à l'eau après cette séance de torture. Papyrus pouffa avant de rire de bon coeur en lui serrant le bras dans un câlin. Sans l'aida à se laver, puis laissa la place à Undyne et à l'humain, assez grands pour se débrouiller sans son aide. Alors que le soleil se couchait, les enfants profitèrent enfin d'un vrai repas qui calma temporairement les cris de détresse de leurs estomacs.


Après manger, Sans laissa les petits jouer sur le tapis avec ce qu'ils avaient trouvé dans la chambre. Même Undyne, d'abord réticente, finit par se laisser aller un peu. Le jeu de rôle de Papyrus était trop convaincant pour passer à côté. Epuisé, l'aîné resta dans le canapé, sous la couette. Il gardait ses yeux se fermer doucement mais tenait bon le temps qu'ils soient assez fatigués pour le rejoindre. Les voir rire et s'amuser à l'écart de la guerre lui réchauffa un peu le coeur. Lui avait abandonné son rôle d'enfant depuis bien longtemps.


Même si son père les aimaient tous les deux très fort, depuis la mort de sa mère, il ne parvenait pas à combiner sa vie de famille et ses devoirs de scientifique royal. Alors qu'il avait à peine cinq ans et que ses pouvoirs commençaient à se manifester, il entraîna Sans à agir et réagir de manière logique et calme à tous types de scénarios catastrophes afin de le protéger lui et son petit frère. Sa magie étant beaucoup plus puissante que ce que son âme pouvait supporter, il apprit avec lui à la canaliser rapidement sous forme de boucliers et d'attaques spéciales. Il avait passé toute sa courte enfance enfermé entre quatre murs pour devenir un as de la survie. Ses rares moments de liberté, il les avait passé à s'occuper de Papyrus seul pendant les absences de son père.


Avec le recul, il comprenait que ce que son père avait fait été mal, en quelques sortes. Alors que Papyrus découvrait les joies de l'innocence et de l'insouciance, lui avait réalisé qu'il était déjà devenu grand sans jamais avoir pu profiter de cette période. Loin de jalouser son frère, il faisait tout pour le préserver au maximum de ce que lui avait vécu. Quelques jours avant leur fuite, son père lui avait demandé de commencer à l'entraîner lui aussi. Il avait refusé catégoriquement et ils s'étaient disputés. Gaster n'avait pas besoin d'un autre enfant-soldat.


Sans n'était même pas certain que l'entraînement subi lui ait été suffisant. Dans le grand méchant mondre, tout était bien différent. Les ennemis virtuels de son père représentaient alors de bien faibles adversaires face aux humains qui avaient presque pris leur vie dans la caverne. De plus, ses pouvoirs continuaient de se développer et même s'il essayait de garder le contrôle sur eux, il sentait bien que sa puissance commençait à le dépasser. Il suffisait de voir cette fameuse téléportation dont il n'avait encore aucune idée avant qu'elle ne survienne par magie.


Il était terrifié par son propre pouvoir. 


Il sortit de sa rêverie lorsque Papyrus se glissa sous la couette à côté de lui. Les enfants avaient fini de jouer et d'un commun accord avaient décidé d'aller se coucher. Sans serra son frère contre lui. Au contact de sa poitrine, leurs deux âmes produisirent un peu plus de luminosité. Il sourit discrètement. C'était bon signe, ça voulait dire qu'il se sentait en sécurité. C'était tout ce qu'il avait besoin de savoir.


Il ferma les yeux et se laissa bercer dans les ténèbres.


"Sans, tu ronfles, se plaignit Papyrus quelques secondes à peine plus tard."


Le petit squelette soupira en voyant que ses mots n'auraient pas l'effet escompté. Papyrus encercla son frère de ses deux bras frêles et finit à son tour par trouver un sommeil réconfortant et réparateur.


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