Pour le bien de l'humanité

Chapitre 7 : La maison de la grand-route

1880 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 07/09/2020 16:59

La neige tombait de nouveau à gros flocons. Les enfants avançaient difficilement à contre-courant, serrés les uns contre les autres. Sans essayait de cacher Papyrus et Undyne dans son ombre pour les protéger, mais sans couverture stable, l'épuisement les gagnait rapidement. Malgré les pauses régulières, ils avaient l'impression de faire du sur-place. La montagne n'était toujours pas en vue et ils n'avaient plus la moindre idée de la direction qu'ils empruntaient. Tous les arbres se ressemblaient, leurs traces de pas s'effaçaient un peu plus les heures passant. 


Peut-être tournaient-ils en rond. Cette pensée rongeait l'aîné. Ils marchaient depuis des heures, mais rien ne changeait autour d'eux. Où les avaient-ils téléportés ? Il avait peur d'avoir aggravé leur situation. A cela s'ajoutait depuis peu la faim. Papyrus se plaignait de temps à autre, mais Sans ne pouvait rien pour lui. Lui aussi était affamé et affaibli. Sa magie peinait à se régénérer et son unique point de vie n'arrangeait pas son état.


"Sans, on est bientôt arrivé ? demanda Papyrus d'une petite voix. J'ai mal aux jambes..."


Le squelette posa une main sur son épaule pour l'encourager à tenir. Il ne pouvait pas les porter tout de suite ou ils n'avanceraient plus. Undyne prit la main de son nouvel ami pour lui donner un peu de courage. Papyrus marmonna dans ses dents, mais accepta de faire un effort, pour l'instant.


Après une nouvelle heure de marche intense, le paysage se modifia autour d'eux : moins d'arbres, plus de signes de civilisations. Il y eut quelques cabanes, d'abord, puis leurs pieds foulèrent des chemins de terre correctement délimités. Ils avaient retrouvé la grand-route. Cette nouvelle découverte réchauffa leurs coeurs. Le blizzard était trop intense pour voir clairement les environs, mais cette route menait normalement au Mont Ebott, signe qu'ils n'avaient pas pris la mauvaise direction. Il ne restait qu'à trouver un abri et de la nourriture pour passer la nuit en sécurité et se reposer.


La solution ne tarda pas à s'imposer à eux lorsqu'ils virent apparaître à l'horizon les restes d'un village de monstres, reconnaissable aux constructions atypiques et désordonnées. Leur peuple construisait un peu comme il le voulait, bien loin des préoccupations esthétiques des hommes. C'était rassurant. Tomber sur un village humain après tout ce qu'ils avaient vécu aurait été le pire scénario possible.


Les enfants pénétrèrent avec méfiance dans l'enceinte du village. Leurs pieds crissaient sur une épaisse couche de cendre, témoignage macabre du drame qui s'était joué ici. Sans essayait de ne pas y penser et tenait fermement contre lui les deux enfants au cas où ils devaient détaler. Il ne voulait prendre aucun risque.


La plupart des habitations avaient été brûlées et tombaient tristement en ruines. Néanmoins, plus en arrière, ils trouvèrent quelques maisons intactes. Sans poussa la poignée de l'une d'entre eux. Elle s'ouvrit sans aucun mal. Les monstres n'avaient pas de concept d'intimité. Même s'ils avaient chacun leur maison, elle était ouverte à tous. Le salon qui s'ouvrit devant eux avait été ravagé. Les meubles étaient renversés, brisés, comme si une tornade avait tout détruit de l'intérieur. 


Sans ferma la porte derrière les enfants et la bloqua avec une grosse armoire. Il explora doucement le salon et repéra un canapé en pas trop mauvais état. Il aida les enfants à retirer leurs affaires trempés par la neige et les invita à s'asseoir. Il les enroula dans des couvertures en sale état.


"Restez-là et reposez-vous, leur dit-il d'une voix douce. Je vais essayer de trouver des vêtements propres et de la nourriture. Ne faites pas de bruit, tout ira bien."


Les deux enfants acquiescèrent avant de se coucher plus confortablement sur la banquette. Sans les laissa pour aller fouiller la cuisine. Assez moderne, elle était toute en hauteur. Les placards, les armoires, même la poignée du réfrigérateur étaient trop élevés pour sa petite taille. En grognant, il retourna au salon et tira une chaise derrière lui. Son premier choix se porta sur le frigo, qu'il ouvrit sans trop de mal. Déception immédiate. Mis à part quelques légumes à la couleur et l'odeur peu attirante, il n'y avait rien. Il ne perdit pas espoir et poussa son échelle improvisée jusqu'au plan de travail pour atteindre les étagères du haut. Mais là encore, les poignées étaient trop hautes. Tout en maudissant les adultes d'être aussi grands, il escalada le meuble, les jambes tremblantes. Une chute et il pouvait perdre la vie. Cette pensée l'obsédait, mais il devait passer au-dessus. Il agrippa fermement la poignée de l'armoire et l'ouvrit, en équilibre fragile sur le rebord. Mais ses efforts valèrent le coup : il était tombé de toute évidence sur la réserve de gâteaux et elle était bien fournie. Un à un, il fit tomber les boîtes et sachets sur le plan de travail à ses pieds, puis entreprit d'ouvrir les autres placards. Il y trouva des pâtes et des boîtes de conserve diverses, qu'il descendit également. Avec tout ça, ils pourraient encore tenir quelques jours, c'était une bonne nouvelle.


Il descendit avec une extrême précaution et entreprit de déposer son trésor sur la table du salon. Un léger ronflement lui apprit que Papyrus et Undyne avaient fini par sombrer après cette journée épuisante. Il les laissa tranquille et partit explorer le reste de la maison, à la recherche de choses utiles, et surtout de sacs-à-dos pour les transporter.


Il ouvrit une première porte dans le couloir de l'entrée, qui menait sur une jolie chambre aux teintes bleues. Comme ailleurs dans la maison, il y régnait un désordre apocalyptique. Accrochés au plafond, deux cordes volaient sous le léger courant d'air, au-dessus d'un grand tas de cendres. Sans déglutit. Ceux qui ne combattaient pas ou ne fuyaient pas les combats sombraient dans la folie. Certains ne le supportait tout simplement plus. Il avait entendu son père en parler une fois avec le roi Asgore au téléphone. Il prit pleinement conscience de ce que cela signifiait. 


Mal à l'aise, il fouilla les différents placards en évitant soigneusement les restes des habitants des lieux. Il trouva une lampe-torche dans la table de chevet, ainsi qu'un peu d'argent. Maigre consolation. La penderie était grande et bien fournie, mais les vêtements disproportionnés. Les monstres qui habitaient ici étaient de toute évidence de grande taille, bien plus que son père en tout cas. Dans la salle de bain attenante, il récupéra quelques produits de toilette. Il essaya le robinet de la baignoire et frémit de plaisir lorsque l'eau chaude coula entre ses doigts. Ils allaient enfin pouvoir se décrasser. Sans était couvert de terre et de poussière, ses os avaient pris une teinte grisâtre. Il en avait grand besoin.


Il termina la visite par la dernière pièce de la maison. Il s'agissait d'une nouvelle petite chambre, où deux lits d'enfants se faisaient face. Tout lui parut confortable jusqu'à ce qu'il remarque du mouvement sous l'un des draps. Avec précaution, il s'approcha doucement et souleva la couverture. Deux yeux noisette effrayés se braquèrent sur lui. Le petit humain qui avait trouvé refuge ici poussa un cri strident et recula contre le mur.


Sans recula lui aussi pour mettre un maximum d'écart entre ce potentiel meurtrier et son unique point de vie. Il n'avait encore jamais vu d'humains d'aussi prêt et n'était pas certain de la marche à suivre. Le tuer serait préférable, mais celui-là était bien plus petit que ceux de la caverne. Qu'est-ce qu'il faisait là, tout seul ? Pourquoi fallait-il qu'ils tombent dans la seule maison où il y en avait un ? Au moins aussi effrayé que son "adversaire", il n'osa pas approcher. 


L'humain finit par se calmer en constatant que le squelette ne l'avait pas encore tué et finit par baisser les bras qui masquaient son visage pour le regarder. Sans ne s'y connaissait pas vraiment en humain, mais celui-ci avait la tête d'un jeune enfant. Ses joues rondes, ses yeux remplis de larmes, ses cheveux d'un blond soyeux, il ressemblait presque à Undyne en moins bleu et écailleux. 


"Ne me mangez pas, supplia la petite voix. Je veux pas mourir."


Sans écarquilla les yeux. Il s'adressait à lui ? Mais il n'avait pas prévu ça ! Il ne savait pas comment communiquer avec les humains, son père ne lui avait jamais appris à le faire. Il savait qu'il aurait dû s'intéresser davantage à ses vieux livres sur l'humanité au lieu de jouer avec Papyrus et ses puzzles. Pris d'angoisse, il jeta un regard nerveux vers la porte derrière lui. Il avait envie de détaler, mais le temps d'aller chercher Papyrus et Undyne, la créature pourrait très bien leur bloquer la voie ou pire. L'image du tas de cendres dans la maison le fit frémir d'horreur. Et si ce n'était pas un suicide ? 


"Sans ? appela la voix de Papyrus. Qu'est-ce qui se... WOWIE ! C'est un humain ?"


Papyrus bondit devant lui et s'approcha à grand pas de l'enfant. Sans réagit au quart de tour et le rattrapa par le bras. Il le tira en arrière et le plaqua défensivement contre lui. L'humain ne semblait plus apeuré, mais plutôt curieux. Assis sur les fesses, il examinait son frère du regard, la tête légèrement penchée sur le côté. Papyrus gigotait entre ses doigts pour lui échapper, et il finit même par réussir son coup à force de s'abaisser. Impuissant, Sans le vit tendre la main vers l'enfant, le buste gonflé, fier comme un coq.


"Bienvenue, humain ! Je suis le grand Papyrus, et voici mon grand-frère, Sans ! En tant que futur membre de la garde royale, je suis censé t'arrêter et t'emmener.... Euh... Quelque part. Mais je suis pas encore dans la garde royale alors je ne suis pas encore très sûr de ce qu'il faut faire. Tu veux être mon ami ?"


Super, songea Sans, sarcastique. Maintenant qu'il avait établi le contact, Papyrus ne lâcherait plus l'affaire. Il allait devoir faire avec. S'il voulait se débarrasser de cet humain, il allait devoir faire vite et discrètement, avant que son frère ne s'y attache trop. A sa grande surprise, l'enfant lui serra la main, tout sourire.


"Enchantée Papyrus, je m'appelle Charlie."


Sans serra les poings en voyant le visage de son frère s'illuminer. Si cet humain lui faisait du mal, il ne savait pas de quoi il serait capable. Il avait tout intérêt à intervenir avant qu'il ne soit trop tard. Alors pourquoi repoussait-il l'échéance ? Peut-être parce que voir son frère sourire pour la première fois depuis longtemps, pour de vrai. Il était heureux. Il ne voulait pas lui enlever ça. Ils allaient avoir un problème.

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