Pour le bien de l'humanité

Chapitre 6 : Le vent du nord

1366 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 05/09/2020 14:21

Sans avait froid. Couché sur le sol dur, il sentait la neige traverser ses vêtements petit à petit. Pourtant, il n'arrivait pas à se réveiller. Il avait l'impression d'avoir été siphonné de toute son énergie et ses membres ne répondaient plus à son appel. Son père lui avait expliqué que la magie ne pouvait être utilisée par des enfants, à cause des conséquences qu'elle avait sur son porteur. Elle nécessitait de l'entraînement et une bonne condition physique, ce que son unique point de vie ne lui permettait pas. Il aurait peut-être dû l'écouter davantage. Il ne se souvenait plus du reste de la leçon, et en particulier de ce qu'il devait faire lorsque ça se produisait malgré tout.


Doucement, il posa une main sur le sol et essaya de se mettre en position assise. La douleur irradia immédiatement dans son crâne et le dissuada de faire plus d'efforts. Il se recoucha et poussa un gémissement de détresse. Il ouvrit les yeux et regarda autour de lui. Il ne reconnaissait pas les lieux. Il était toujours en forêt, mais où exactement ? Les arbres masquaient la montagne.


Alors qu'il reprenait ses esprits, un nom lui revint en mémoire. Ses pupilles s'affolèrent alors qu'il balayait les environs des yeux.


"Papyrus ? Tu es là ?"


Un silence glacial lui répondit. Malgré la douleur, il se força à se relever et avança à l'aveugle, ses repères troublés par la violente nausée qui avait suivie son mouvement. Les arbres dansaient autour de lui et le ciel pulsait au rythme de son âme, un coup s'approchant, un coup s'éloignant de lui. Heureusement qu'il n'avait pas d'estomac, il aurait recraché tout ce qu'il avait avalé dans l'instant. 


"Pap... Pap', c'est pas drôle, montre-toi ! Papyrus ! cria-t-il. Undyne !"


Sa voix se répercuta en écho partout autour de lui avant que le silence ne s'abatte de nouveau, seulement troublé par le bruit des rares feuilles d'arbre sous le vent du nord.


"Sans ? répondit une voix familière au loin. Où tu es ?"


Le squelette se tourna plein nord et tituba vers le son. Il ne tarda pas à voir débouler un petit squelette et une fillette-poisson des fourrés. Papyrus lui sauta dessus. Sans s'effondra au sol, incapable de faire un pas supplémentaire. Il serra son frère contre lui et tâcha de sourire pour masquer sa douleur. Ce qui n'échappa pas bien longtemps à l'oeil perspicace de son cadet.


"Tu es blessé ? s'inquiéta le plus jeune. Sans, tu ne peux pas te blesser ! s'insurgea-t-il. Tu vas mourir ? paniqua-t-il. Sans ? Sans !

— Ce sont mes oreilles inexistantes qui vont mourir si tu continues de hurler comme ça, grogna le squelette. Je vais bien. Je suis juste fatigué. Il faut qu'on se pose quelque part. Et qu'on retrouve la montagne."


Papyrus chercha un instant s'il disait la vérité sur son visage, avant qu'il ne lui prenne le bras pour l'aider à se relever. Undyne vint le soutenir de l'autre côté sans un bruit. Sans l'observa quelques instants, mais elle détourna le regard. Il devina sans mal qu'elle pensait à sa mère et qu'il allait devoir assurer pour l'accompagner au mieux dans son deuil. Lui qui n'avait jamais été très versé dans les relations amicales, il se retrouvait maintenant en charge de deux enfants à huit ans à peine. 


Il réalisa amèrement qu'ils n'avaient plus aucune ressource. Mis à part la piqûre de détermination et le terminal de son père qui se trouvaient dans ses poches, le sac à dos qui contenait leurs vivres était resté dans la grotte. Ils allaient devoir faire sans. Comment allaient-ils faire pour se nourrir tout le temps que durerait leur voyage ? Ils pourraient sans doute tenir quelques jours, mais Sans savait que dans leur état, ils ne tiendraient pas longtemps. De plus, pour recouvrer de leurs blessures, les enfants devaient puiser dans leur force magique, ce qui les rendraient encore plus vulnérable.


Sans balaya mentalement ces préoccupations. Chaque chose en son temps. Il devait d'abord se reposer. Ensuite il pourrait réfléchir plus posément. Il devait aussi s'assurer que ses deux protégés se portaient bien. Papyrus s'était bien remis de sa blessure à sa tête, mais les grimaces qu'il tirait à chaque pas indiquaient que c'était encore douloureux. Quand à Undyne, son mutisme l'inquiétait. Même si elle masquait ses émotions derrière un masque en apparence serein, son regard trahissait une profonde détresse. Sans devrait lui parler de ce qui s'était passé, tôt ou tard.


"Sans, comment est-ce que tu as fait pour nous sortir de la grotte ? demanda Papyrus, l'interrompant dans ses pensées.

— Je n'en ai aucune idée, avoua-t-il. C'était... J'ai eu l'impression que je devais le faire, je n'ai pas réfléchi.

— Tu crois que moi aussi je peux le faire ? Ce serait trop cool ! Je pourrais sauver tout le monde quand je serais grand avec ce pouvoir ! Tu... Tu m'apprendras, dis ?

— Bien sûr, Pap', mentit-il odieusement. Tu sais bien que c'est toi qui doit avoir les meilleurs pouvoirs. C'est toi le plus cool.

— Nyeh eh eh ! rit-il. Moi, le grand Papyrus, je te promets que je te sauverais plus tard à chaque fois que Papa nous disputera parce qu'on a volé du chocolat dans la cuisine."


Sans sourit, mais son cœur se serra. Il était encore si innocent. Il avait encore tellement d'espoir. Le squelette aurait aimé être comme lui. Cela lui aurait permis d'éviter de penser que le plus dur restait à venir. Gagner la montagne était une chose, mais si leur père était tombé au combat comme les autres, qu'adviendrait-il d'eux ? Sans pouvait sûrement subvenir aux besoins de son frère quelques temps, mais le pourrait-il plusieurs années ? 


"Là, regarde ! cria Papyrus, enthousiaste."


Il pointa un renfoncement rocheux assez large pour eux trois. Ce n'était pas protégé du froid, mais ça leur permettrait d'avoir un "toit" sur la tête le temps d'une nuit. Il espéra que rien de nouveau ne viendrait les attaquer. Il n'était pas sûr de pouvoir défendre les enfants une fois encore si jamais cela arrivait. 


Les enfants l'aidèrent à s'asseoir contre la roche. Juste à temps, pensa Sans. Il ne sentait plus ses jambes et sa tête bourdonnait toujours atrocement.


"Et maintenant ? demanda son frère, inquiet. 

— On va passer la nuit ici, et demain on cherchera la montagne, annonça Sans. Je... Je ne peux pas faire de feu comme dans l'autre camp, donc on va devoir se serrer les uns contre les autres, d'accord ? Vous allez voir, tout va bien se passer.

— D'accord ! Moi, je vais monter la garde, lança Papyrus avant de se lever."


Sans lui attrapa le bras et le força à se rasseoir. Le petit squelette se débattit, avant de se laisser faire en voyant son frère essayer de lui toucher le crâne. Sans souleva doucement le bandage. La fissure n'existait presque plus, mais une partie restait apparente. Malgré tout, il semblait aller bien mieux. 


"Vous ne vous êtes pas blessés dans la fuite ? s'inquiéta l'aîné."


Papyrus lui reprocha immédiatement de trop s'occuper d'eux et se libéra de son emprise. Il partit se poster quelques mètres devant eux, droit comme un piquet et attendit simplement. Sans tourna la tête vers Undyne. Elle hocha négativement la tête à sa réponse, avant de lui tourner le dos. Il n'insista pas. Elle avait besoin d'espace et il était trop fatigué pour essayer de l'aider dans l'immédiat. Il baîlla à s'en décrocher la mâchoire avant de se coucher. Papyrus ne tarda pas à venir se blottir dans ses bras au premier bruit d'oiseau.


"Finalement, sentinelle, ça fait peur, se justifia-t-il maladroitement."


Sans rit un peu avant de le serrer contre lui. Tant bien que mal, les enfants profitèrent de quelques heures de repos, le ventre vide, certes, mais enfin apaisés après les récents événements.


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