Pour le bien de l'humanité

Chapitre 10 : Cicatrices du passé

2163 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 12/09/2020 15:39

SANS : 0,88/1 HP

PAPYRUS : 33/35 HP

GASTER : SIGNAL PERDU

ARIAL : SIGNES VITAUX INEXISTANTS


Sans resta un long moment le regard rivé sur le petit écran. Ils avaient réussi. Ils étaient sain et sauf et plus rien de mauvais ne leur arriverait dans l'immédiat. Il l'espérait, tout du moins. Confortablement installés dans le carrosse royal, les enfants profitaient enfin d'un vrai repos. Undyne, entre le roi et la reine, dormait à poings fermés en serrant le bras de Toriel. Charlie regardait le paysage défiler à côté de lui. Quant à Papyrus, blotti contre son frère, il jouait silencieusement avec une poupée, tout en surveillant ce que faisait son aîné du coin de l'oeil.


Sans rangea l'appareil dans sa poche, à côté de la seringue de détermination qu'il n'avait pas eu à utiliser, fort heureusement. Il était pensif. Retrouver sa famille lui faisait plaisir, bien sûr, mais il avait du mal à ne pas s'inquiéter de ce qui allait suivre. Son père allait forcément lui demander de rendre des comptes, faire des analyses, vérifier des tas de choses qui le dépassaient juste par curiosité scientifique, encore plus maintenant que le roi et la reine étaient au courant pour sa téléportation, à cause de Papyrus.


"Sans, quand est-ce qu'on va dans la montagne ?"


Il hocha négativement la tête, pour lui expliquer qu'il n'en savait pas plus que lui. Asgore s'éclaircit la voix.


"Très bientôt, nous l'espérons, dit-il d'une voix pessimiste. La voie est pour l'instant bloquée par l'armée humaine, mais les négociations vont bon train. Ils réclament des cob...

— Asgore, le réprimanda Toriel, ce sont des enfants. Ils n'ont pas besoin de savoir pour... ça, insista-t-elle, le regard sombre. N'ayez crainte, tout se passera bien et nous pourrons de nouveau vivre normalement."


Sans se tendit légèrement. Il allait dire "cobaye", et ça ne lui disait rien qui vaille. Si ça parlait science, son père y était forcément mêlé. Et si le rejoindre n'était pas une bonne idée ? Entre ses enfants et son métier, il était plutôt clair qu'il avait fait son choix. Il ne voulait pas mettre son frère en danger par manque d'attention. Il serra légèrement la prise sur son frère, qui lui lança un regard inquiet en retour.


Undyne, réveillée par les voix, s'étira légèrement. Elle sourit à Sans, avant de se refermer presque aussitôt en croisant le regard de l'humain en face d'elle. Charlie ne répondit pas à sa provocation et se reconcentra sur la route. 


"Quand je serais dans la garde royale, je sauverais tout le monde, murmura Papyrus en serrant son frère. Comme ça, tu n'auras plus jamais à avoir peur pour moi, Sans.

— Oh, un futur garde royal, sourit Asgore. C'est un choix de carrière très noble. Offrir sa vie pour les autres, c'est un choix que personne ici n'a fait à la légère. Je suis sûr que tu feras un très bon guerrier, Papyrus."


Le regard du petit squelette s'illumina devant tant de compliments, du roi des monstres qui plus est, le chef de la garde royale. Sans ne répliqua rien, le coeur serré. Papyrus ne rentrerait jamais dans la garde royale. Il était peut-être tourné vers les autres, mais ce n'était pas un soldat. Il ne tiendrait pas deux jours sans se faire tuer par le premier humain venu après avoir tenté d'en faire son ami. Et puis, son père ne l'autoriserait pas. Comme pour lui, Gaster avait des projets pour Papyrus. Sans retardait l'inévitable du mieux qu'il le pouvait, mais tôt ou tard, son père s'apercevrait de la supercherie. Il n'avait pas hâte d'être ce jour-là. 


Il releva les yeux vers le couple royal. Toriel le dévisageait, un air teinté d'inquiétude sur le visage. Un instant, il se demanda si elle savait. Mais ce n'était pas possible. Personne n'était au courant de ce qui se passait dans le laboratoire du grand docteur W.D Gaster, à part ses rares disciples. Personne ne lui viendrait en aide.


Le carrosse ralentit bientôt aux abords d'une nouvelle ville monstre. Contrairement à tout ce qu'ils avaient vu avant, celle-ci était peuplée. Vraiment beaucoup peuplée. Des monstres de toutes formes et de tous horizons s'y déplaçaient, les bras chargés et l'armure noire caractéristique de leurs soldats à leur torse. Chacun y avait une place précise. Asgore ouvrit la portière et les invita à descendre. Undyne sauta joyeusement à terre, suivi de près par Papyrus qui laissa exploser sa joie en attaquant une bataille de boule de neige avec sa nouvelle amie. Charlie laissa le roi lui couvrir la tête d'une capuche et lui prit la main pour le suivre.


Avant que Sans n'y aille, Toriel le retint à l'intérieur et ferma doucement la portière pour éviter les regards indiscrets. Le squelette lui lança un regard interrogatif, légèrement effrayé de se retrouver seul face à la reine.


"Dis-moi, Sans, y a-t-il un problème ? Avec ton père, je veux dire. Lorsqu'on en a parlé dans votre refuge, tu m'as semblé troublé, et tu n'as pas dit un mot pendant le trajet, comme si tu craignais de le revoir."


Sans baissa la tête. Elle ne pouvait pas avoir visé plus juste. Cela le troubla, avait-elle lu dans ses pensées ou n'était-ce qu'une simple coïncidence ?


"Non, tout va bien, répondit-il d'une voix froide et parfaitement maîtrisée. Ce... Vous ne comprendriez pas. Ce... C'est compliqué. 

— Je respecte ton silence, répondit-elle, déçue. Mais tu es très mature pour ton âge, et un enfant n'a pas à endosser les responsabilités d'adulte si jeune. Sans, je ne sais pas quel secret tu caches, mais si tu en as besoin, sache que tu peux venir requérir mon aide. Je... Je sais que Gaster n'est pas forcément la figure du père idéal, ni un bon modèle de gentillesse et compassion. Ne le laisse pas te faire du mal, rien ne le justifie."


Il hocha la tête, troublé. Ainsi, il n'était pas le seul à se méfier de son père. C'était rassurant quelque part. Il sourit timidement à le reine et sortit à son tour du carrosse, où Asgore et les trois enfants attendaient. Le roi fronça ses épais sourcils, mais ne dit rien. Papyrus vint prendre la main de son frère, enthousiaste, et ensemble, ils avancèrent dans le camp.


Leur petit convoi fut salué de partout par les citoyens, ravis de retrouver leurs monarques en un seul morceau. Le camp s'étalait sur la ville, chaque bâtiment ayant un rôle spécifique, entouré de tentes qui servaient de résidences aux soldats et civils qui travaillaient. Certains s'attelaient à la construction ou à l'agrandissement des lieux, d'autres aidaient à la construction des barricades. Plus ils approchèrent du coeur de la ville, plus le quartier se militarisa. Des soldats patrouillaient, d'autres s'entraînaient sur des mannequins. Deux bâtiments en particulier étaient fortement surveillés : le quartier général du roi, en déduisit Sans aux bannières qui pendaient de chaque côté de la porte, et le laboratoire royal, reconnaissable au champ d'énergie qui l'entourait, beaucoup trop familier aux yeux du squelette.


Asgore les invita à entrer dans le "palais" des Dreemur. La maison était envahie de fleurs aux pétales dorées. La plupart d'entre elles dépérissaient. Le roi leur expliqua que Gaster travaillait et qu'il ne serait là que dans quelques heures pour faire son rapport du jour. Les enfants pourraient le retrouver ensuite. En attendant, il les installa dans une grande chambre et leur ouvrit la salle de bain, pendant que Toriel et les cuisiniers préparaient un vrai repas chaud pour eux. Les enfants se lavèrent, mangèrent, et épuisé de leur mésaventure, décidèrent de passer leurs dernières heures sous les couettes chaudes des trois lits de la pièce. Undyn et Charlie en prirent un chacun, Sans et Papyrus s'endormirent comme d'habitude l'un contre l'autre, beaucoup plus sereins. 


Sans s'éveilla à l'entente d'éclats de voix dans le couloir, cinq heures plus tard. Il s'assit doucement sur son lit, et remarqua immédiatement que quatre assiettes contenant un morceau de tarte encore tiède les attendaient sur les tables de chevet. L'odeur fit gargouiller son ventre inexistant. La porte s'ouvrit doucement, laissant entrer Asgore, Toriel et un très grand squelette en robe noire que Sans reconnut immédiatement. Le soulagement se lisait sur son visage abîmé, strié de cicatrices qui n'existaient pas lorsqu'il l'avait quitté.


"Papa ! cria Papyrus, qui s'était réveillé en le sentant bouger."


Le petit squelette bondit hors du lit et se jeta dans les bras de son père qui le rattrapa en riant, avant de le serrer contre lui. Sans mit plus de temps à se lever, mais accepta finalement à son tour le câlin. Leur étreinte dura plusieurs minutes. Papyrus se lança immédiatement dans leur récit de voyage, tandis que Sans restait silencieux, le regard vide. Gaster les entraîna vers le couloir et les poussa vers une chambre à l'écart, la sienne comprit rapidement Sans en aperçevant les nombreux bibelots technologique qui traînaient absolument partout.


"Et là Sans s'est téléporté, et on était dehors ! Et ensuite on a marché beaucoup, et j'avais mal aux pieds, et on est arrivé dans une ville, et ensuite Sans a trouvé des trucs, et, et, et ensuite on a entendu du bruit dans la chambre, et ensuite...

— Respire, Papyrus, se moqua gentiment Gaster. Tu auras tout le temps de me raconter ça en détails."


Il posa les deux squelettes sur le lit. Sans serra la main de son frère.


"Je suis très heureux de savoir que vous avez survécu. Tu t'es montré à la hauteur de la tâche que je t'ai confié, Sans. Je suis navré d'avoir dû vous laisser vous débrouiller seul, je... Je ne sais pas à quoi je pensais. Tu as été très brave, Sans."


Le squelette resta insensible aux compliments, légèrement méfiant. Il ne saurait dire quoi, mais il sentait que quelque chose avait changé chez lui, outre les deux cicatrices noires qui barraient son front et son menton depuis ses orbites. C'était dans l'air et ça ne lui plaisait vraiment pas. Gaster dut s'en apercevoir, car son visage s'étira d'un sourire malsain, lui promettant une discussion future agitée, loin de l'innocence de Papyrus.


"J'ai beaucoup de travail ici, reprit-il plus sérieux. Je ne vais pas avoir beaucoup de temps à vous consacrer, mais vous allez devoir aider vous aussi, du mieux que vous le pouvez. Sans, je te veux à mes côtés au laboratoire. J'ai... Des choses à voir avec toi. Papyrus, tu vas pouvoir aider les messagers. Toriel t'expliquera ça quand vous serez reposés et remis de vos émotions. Je sais que c'est vous demander beaucoup après ce que vous avez vécu, mais vous devez avoir compris que c'est la guerre dehors et que rien n'est vraiment comme d'habitude. Ne faites pas de vagues et tout se passera bien, promit-il d'une voix exagérément enthousiaste."


Papyrus hocha la tête, tout sourire, ce qui fut loin d'être le cas de son frère. Il ne voulait pas retourner au laboratoire. Il ne savait que trop bien ce que ça voulait dire. Il tâcha néanmoins de se reprendre et acquiescer vigoureusement pour ne pas inquiéter son cadet. Il allait devoir ruser pour le garder à l'écart des problèmes, encore une fois.


"Sans, as-tu le moniteur que je t'ai donné ?

— Oui, et ça, aussi."


Il déposa le petit écran et la seringue de détermination sur le lit. Gaster sourit, satisfait, et les récupéra. 


"Vous pouvez retourner vous coucher. Sans, je viendrais te chercher en début d'après-midi."


Les deux enfants obéirent en silence. La porte se referma aussitôt derrière eux. Sans se stoppa net, et s'accroupit devant Papyrus.


"Pap', promets-moi que quoi qu'il arrive, tu vas faire attention à toi.

— Oui, mais... Sans, qu'est-ce qui se passe ? C'est grave ? C'est à cause de ton âme que Papa veut te voir ?

— Non, non, ne t'inquiète pas. C'est rien du tout. Mais ne lui fais pas confiance aveuglément. Tu sais comme moi qu'il n'est pas toujours gentil avec nous. Et je ne veux pas qu'il te fasse encore du mal."


Papyrus baissa la tête, en proie à des souvenirs douloureux. Il finit par relever le regard vers lui, déterminé.


"Je te le promets."


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