Pour le bien de l'humanité

Chapitre 24 : Les lois du marché

1950 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 20/11/2020 17:28

Un silence lourd régnait entre les deux enfants. Papyrus était assis dans un coin de la cellule, les genoux serrés contre lui. Sans se trouvait à l'opposé, près de la porte, roulé en boule sur le sol, et lui tournait le dos. Il savait qu'il devait dire quelque chose, essayer de recoller les morceaux, mais il avait décidé de baisser les bras et d'attendre de voir ce qui se produirait. Que pouvait-il faire d'autre ? Son petit frère refusait d'accepter ce qui allait se passer et Sans ne changerait pas d'avis. Quelle heure était-il maintenant ? Sans point de vue sur l'extérieur, le squelette avait perdu toute notion de temps. Il craignait que la situation n'empire.


Il avait aussi froid. Le sol gris bétonné n'était pas des plus confortables, même pour lui qui avait pourtant l'habitude de dormir où bon lui semblait. Il n'arrivait pas à trouver de position adéquate, et Papyrus qui reniflait en ambiance sonore n'aidait pas. Toriel essayait de le réconforter comme elle le pouvait depuis la cellule d'à côté, mais son frère avait besoin de soutien tactile que personne ne pouvait lui apporter pour le moment. Un grésillement désagréable s'échappait également de la caméra de surveillance. Gaster ne devait rater aucune miette de ce qui se passait dans la cellule, et cela rendait Sans encore plus en colère. Il devait jubiler de leur condition, et il y avait de quoi. C'était la première fois en cinq ans que Sans repoussait son frère. Ils s'étaient déjà disputés, comme tous les frères, mais jamais sur des sujets aussi graves que celui-ci.


"Sans, Papyrus, levez-vous et collez-vous contre le mur."


Les deux enfants sursautèrent lorsque la voix de leur père résonna dans le vieux haut-parleur de la pièce. Papyrus obéit immédiatement, mais Sans ne bougea pas d'un os. Il serra les poings et décida de l'ignorer.


"Sans... menaça la voix. Obéis.

— Ou quoi ? répondit-il d'une voix sombre."


Un lourd soupir se fit entendre avant que la porte ne s'ouvre sur lui. Papyrus hésita à s'approcher, mais se ravisa finalement, le regard triste. Gaster ne lui adressa même pas un regard et se tourna vers Sans.


"Lève-toi et va te mettre contre le mur, ordonna-t-il froidement."


Il saisit violemment Sans au bras et le força à se relever. Le squelette voulut se défendre avant de se rappeler qu'il ne pouvait plus faire de la magie. Il se dégagea et partit rejoindre Papyrus avec lenteur. Le petit squelette se rapprocha de lui et lui prit la main. Sans fit mine de ne pas réagir, mais il fut rassuré de le voir faire un pas vers lui. Peut-être que la situation n'était pas si tendue.


Gaster ouvrit la porte pour laisser passer un humain et Asgore. Le squelette se crispa en le reconnaissant immédiatement. Monsieur Jolanger, l'homme qui avait marchandé sa vie dans la forêt, lui faisait maintenant face. Sans fit un pas en avant pour cacher légèrement Papyrus derrière lui.


"Ce sont eux ? demanda-t-il avec une pointe d'excitation.

— Comme promis, répondit Asgore. Vous pouvez dire à votre chef qu'ils sont prêts à être livrés vendredi comme convenu, et qu'il pourra avoir les deux à la seule condition qu'il annule sa clause sur Mont Ebott.

— Je ne crois pas que vous êtes en position de négocier, monsieur Dreemur.

— Et je ne crois pas que vous êtes en position de refuser alors que vous êtes seul, entouré par mon peuple."


L'homme le darda d'un regard méprisant avant de s'avancer vers les enfants. Il s'accroupit devant Sans, qui recula d'un pas, méfiant.


"Comment on l'active ? demanda-t-il à Gaster.

— Ce n'est pas un robot, répondit sèchement son père. Vous ne pouvez pas exiger de lui d'obéir au moindre de vos caprices.

— Pour l'instant, répondit-il d'une voix menaçante. Retirez-lui le collier, je veux des preuves."


Gaster poussa un soupir d'agacement mais s'exécuta. Il attrapa Sans par le bras et décrocha le collier dans son cou à l'aide d'un boîtier. Presque immédiatement, l'œil de Sans vira au bleu.


"Activez-le, ordonna l'humain. Je veux voir sa magie.

— Pour qui me prenez-vous ? siffla Gaster. Cela fait des années que je travaille sur eux, je ne vois pas pourquoi je devrais...

— Fais-le, Gaster, approuva Asgore."


Le scientifique leva les yeux en l'air. Il posa un regard mauvais sur Papyrus, tétanisé contre le mur. Sans prévenir, il leva la main et l'abattit de toutes ses forces sur la joue du petit squelette. Papyrus tomba en arrière sous la violence du choc, le regard terrorisé. Sans bondit devant son frère et invoqua deux énormes blasters, le regard haineux. Il tira un grand coup devant lui, mais un champ de force entourait les trois intrus et ne leur fit aucun dégât. Il comprit rapidement que ça ne servirait à rien.


Il se retourna et courut vers Papyrus. Le petit squelette tremblait comme une feuille et il se cacha immédiatement dans la chemise de son frère.


"Impressionnant, dit l'homme. Il m'a l'air d'être une sacrée boule de nerfs. Avec un peu de cadre, je suis sûr que je pourrais en faire ce que je veux. Il me rappellerait presque vous, Docteur. Est-ce que le fait qu'ils s'agissent de squelettes est une coïncidence ?"


Gaster ne répondit pas, mais son regard assassin parla pour lui. L'homme éclata de rire. Il se baissa et attrapa Sans sous le menton. Le squelette n'hésita pas. Il invoqua un os dans sa main et essaya de planter l'humain avec. Gaster arrêta net son geste en le faisant reculer magiquement.


"Assez, dit-il fermement. Vous avez vu ce dont il est capable. Je veux maintenant que vous quittiez mon laboratoire. Ce n'est pas une bête de foire. Et j'ai à faire. Asgore.

— Venez, monsieur Jolanger. Laissons le docteur Gaster reprendre le travail. Puis-je vous inviter à prendre une tasse de thé ?"


Ils quittèrent tous les trois le laboratoire. Le scientifique royal prit bien sûr le soin de remettre le collier à Sans avant de partir. Une fois la porte claquée, Sans se détendit légèrement. Il se tourna vers Papyrus, hésita un instant, avant de finalement s'asseoir à côté de lui. Le squelette le prit dans ses bras et éclata en sanglots.


"Je suis désolé, dit Sans. Il n'avait pas à te faire ça. Et je n'avais pas à être méchant comme ça avec toi.

— J'ai p... J'ai peur, Sans... Qu'est-ce qu'ils veulent ? Pourquoi... Pourquoi ils en ont après nous ?

— J'en sais rien. Mais je ne les laisserais pas faire, d'accord ? On va sortir d'ici, je te le promets.

— Pourquoi est-ce qu'il est comme ça ? Il n'était pas comme ça, avant, pleura Papyrus. J'ai fait quelque chose de mal ?"


Sans sentit les larmes lui monter aux yeux. Des larmes de colère et d'impuissance. Il les effaça d'un revers de main. Il n'avait pas le droit de craquer maintenant. Il devait rester fort pour son petit frère.


"Bien sûr que non, dit-il d'une voix douce. Tu es le meilleur, Pap'. Ne pense plus à lui. Tu sais bien que ça n'a toujours été que toi et moi. Tu sais quoi ? A partir d'aujourd'hui, il n'existe plus. On va s'en sortir, tous les deux, et je prendrais soin de toi, et je te promets que tu n'auras plus jamais à avoir peur de lui. Je ne le laisserais plus te faire de mal, Papyrus. Je te le promets. Je suis désolé. Je suis tellement désolé, dit-il en sentant les larmes couler.

— C'est pas de ta faute, Sans. Moi aussi j'aimerais te promettre qu'il ne te rendra plus jamais triste et que tout ira bien. Même si tu dois faire du mal à Charlie."


Sans éclata en sanglots et serra son frère contre lui. Les tensions venaient de s'envoler d'un coup. Pourtant, ce court moment que quiétude ne dura que quelques secondes. La porte s'ouvrit de nouveau sur Gaster. Sans lui lança un regard noir et garda son frère contre lui. Le scientifique souffla bruyamment.


"Je savais qu'autoriser cette visite apporterait des problèmes, grogna-t-il. Arrête de pleurer, Sans, tu n'es pas un bébé. Il est l'heure. Prends ton frère et suis-moi. Ne tente rien de stupide, tu le regretterais immédiatement.

— Je ne veux pas que Papyrus voie ça, s'interposa-t-il.

— Oh que si, il va le voir. Et Toriel. Et Undyne aussi. Je veux que tous arrêtent de te prendre pour un enfant innocent, Sans. Tu es une arme de guerre à partir d'aujourd'hui, et je ne tolérerais pas de sentimentalisme déplacé à l'encontre de cet humain ou de Papyrus. Tu vas devoir apprendre à faire avec le regard des autres, ou toi et ton frère n'auront aucune chance dehors. Tu l'as vu comme moi, cet homme ne rigole pas. Je veux que tu comprennes que je ne fais pas ça pour être méchant, ou pour te punir. Je t'aide à avoir le maximum de clés en main pour t'en sortir. Si tu n'y mets pas du tiens, non seulement tu vas condamner ton frère, mais aussi l'intégralité des monstres. Car cet homme ne va pas simplement donner une petite gifle à Papyrus, Sans. Il va expérimenter dessus. Il va lui faire vraiment mal. Et tu ne pourras rien y faire. Si tu n'as pas le discernement nécessaire pour te battre, ils le tueront avant même que tu n'aies pu faire quelque chose. Est-ce que c'est vraiment ce que tu veux ? Il est temps que tu arrêtes de te comporter comme un enfant, parce que tu n'en es plus un depuis très, très longtemps."


Gaster passa derrière lui et lui retira son collier.


"Je ne suis pas ton ennemi, Sans. Je ne suis pas non plus celui de Papyrus. Tout ce que je veux, c'est t'aider à survivre. Nous avons perdu un temps précieux à te courir après, et je reconnais que c'était en partie de ma faute. Que dis-tu d'un marché ? Tu me laisses t'aider, tu obéis à ce que je te demande de faire, et en échange, je réponds à toutes tes questions sur la situation et sur ce que tu vas devoir faire. Plus de cellule. Une relation de confiance."


Sans baissa la tête vers Papyrus avec inquiétude. Gaster poussa un soupir.


"Et je promets de ne plus lever la main sur ton frère si c'est la seule chose qui te fait peur. Il pourra rester avec Toriel et Undyne le temps que je perfectionne ton entraînement. Il nous reste cinq jours, Sans. Après ça, tout sera entre tes mains et tu pourras faire comme bon te semble. Avons-nous un marché ?"


Il lui tendit sa main. Sans la regarda, hésitant. Il n'avait toujours pas confiance en lui, et ce n'était pas quelques jolies phrases qui le feraient changer d'avis. Mais il avait au moins raison sur un point. Sans avait besoin de contexte, de réponses et d'objectifs pour affronter peu importe ce pourquoi on allait les vendre à l'ennemi. Il ne pouvait pas faire sans, et il ne pouvait pas non plus partir sans toutes les armes en main pour aider Papyrus à supporter l'épreuve à venir. Il poussa un lourd soupir et lui prit la main.


"On a un marché, répondit-il avec détermination."


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