Pour le bien de l'humanité

Chapitre 23 : Sujets de laboratoire

2429 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 15/11/2020 21:02

Sans eut du mal à revenir à lui. Il se sentait faible, comme si quelqu'un l'avait vidé de sa force vitale et qu'elle peinait à retrouver son état normal. Sa tête était lourde, et il ne parvenait pas à se redresser correctement pour trouver une position plus confortable. Il finit par ouvrir les yeux, l'esprit encore embrumé et regarda autour de lui.


Il était seul dans une petite cage qui donnait sur un des nombreux laboratoires du docteur Gaster. Il voulut s'approcher des barreaux pour en voir plus, mais il réalisa rapidement que son cou était entravé par une chaîne en métal. Réduit à l'état d'animal. Pourquoi cela ne l'étonnait pas plus que ça ?


"Arrête ! cria une voix familière. Ne lui fais pas de mal !

— Lâche cet humain, Papyrus. Ce ne sont pas tes affaires !

— C'est mon ami ! Tu n'as pas le droit !"


Alerté, Sans tira sur son lien et se jeta tant bien que mal contre les barreaux. Dans la cellule d'en face se jouait une scène inédite. Papyrus se dressait face à Gaster, entouré par des tas d'os colorés. Charlie, terrifié, était recroquevillé sur lui-même derrière lui et pleurait à chaudes larmes. Son père s'agaça rapidement. Il leva la main et l'abattit violemment sur la joue de son fils. Sans hoqueta de surprise. Il ne l'avait encore jamais frappé. Une nouvelle étape sur l'échelle de l'horreur venait d'être franchie. Loin de se démonter, Papyrus se releva de nouveau. Il tendit les mains devant lui et poussa un cri empli de colère et de rancœur. Une salve d'os orangés, bleus et blancs s'abattit sur Gaster, le contraignant à se mettre à couvert.


Sans devait intervenir avant que les choses ne tournent mal. Il essaya d'invoquer sa magie, mais une douleur lancinante lui vrilla la tête, l'en dissuadant immédiatement. Gaster se releva, un marteau à la main. Impuissant, Sans attrapa les barreaux à deux mains.


"Papyrus ! Attention !"


Le squelette, destabilisé, se tourna instinctivement vers son frère. Deux gardes royaux entrèrent dans son champ de vision et lui attrapèrent chacun un bras. Papyrus hurla de colère et commença à se débattre en lançant des os de tous les côtés. Son blaster ne tarda pas à apparaître et rata Gaster de peu. Le scientifique courut sous les impacts. Il saisit l'humain de force par le bras et le tira en arrière. Charlie cria, terrorisé, et chercha à se défaire de la poigne de fer du squelette, en vain. Gaster le poussa sans ménagement dans une petite cage et claqua la porte. Il tourna ensuite un regard haineux vers Papyrus, maintenu les bras écartés. Sans se débattit de toutes ses forces, effrayé de ce qu'il pouvait lui faire. A trop tirer, la chaîne se décrocha du mur dans un bruit de métal. Immédiatement, Sans sentit la magie revenir dans ses os. Il ne réfléchit pas une seconde de plus et se téléporta entre Gaster et son frère, le regard noir.


"Qu'est-ce que... glapit Gaster."


Sans leva la main et deux grands blaster se matérialisèrent à ses côtés, braqués sur son père.


"Fais du mal à mon frère et je te tue, dit-il avec rage. Lâche-le !"


Gaster hésita, puis fit signe aux gardes royaux de lâcher son frère. Papyrus courut se réfugier derrière Sans. Le squelette plaça une main protectrice sur son épaule et fit disparaître les blasters. Il ne servait à rien de tenter quelque chose de stupide. La porte était fermée et la téléportation lui avait siphonné le peu de niveau magique qu'il avait accumulé dans son sommeil. Sans se détourna de son père et serra Papyrus contre lui. Le petit squelette tremblait comme une feuille. Il éclata en sanglots dans ses bras.


"Il veut tuer Charlie ! cria-t-il. Il veut prendre son âme ! Je l'ai entendu dire !

— Tu ne comprends pas, Papyrus, se radoucit Gaster. Nous n'avons pas le choix. Nous avons besoin de son âme. C'est pour le bien de ton frère. Il faut qu'il devienne plus fort.

— Je n'en ai pas besoin, se révolta Sans. Je ne t'ai rien demandé et je refuse de continuer à jouer les cobayes pour tes expériences, papa.

— Tu n'as pas le choix. Tu es intelligent, tu as déjà deviné ce qui va se passer. Si tu n'es pas assez fort, Papyrus va mourir et ce sera de ta faute, dit-il d'une voix sombre."


Dans ses bras, Papyrus hoqueta d'effroi et enfouit son visage dans la robe blanche de Sans. Le squelette lança un regard nerveux vers Charlie, recroquevillé dans sa cage, puis à Gaster. Il l'obligeait à choisir. Sacrifier l'humain au risque de montrer à Papyrus qu'il n'était pas sans failles, ou sacrifier Papyrus et ne jamais se le pardonner. S'il devait être livré aux humains, il voulait pouvoir défendre son petit frère, mais il ne pouvait pas briser sa confiance maintenant alors qu'ils allaient sans doute devoir être plus unis que jamais pour traverser la terrible épreuve qui se profilait à l'horizon. Sans avait foncé tête la première dans le plan de son père. Il lui arrachait son frère de force et il ne pouvait plus rien y faire. Il se sentait terriblement idiot. S'il ne s'était pas enfui, Toriel aurait eu plus de temps pour lui apprendre à se battre et pour partir loin d'ici.


Il serra les poings et baissa la tête.


"Est-ce que je vais vraiment pouvoir protéger Papyrus ?

— Plus que si tu n'utilises pas sa détermination, dit-il en pointant l'humain, horrifié, qui réalisait peu à peu où la discussion allait.

— Qu'est-ce que... Je dois faire ?"


Papyrus se tendit dans ses bras. Le sourire de Gaster s'élargit.


"Une âme humaine ne peut être absorbée que par son meurtrier, Sans. Tu vas devoir tuer cet humain toi-même. C'est la méthode la plus simple et la moins douloureuse pour ton ami. Si tu ne le fais pas, je vais devoir arracher son âme et le purger de sa détermination. Cela prendra des heures et il va simplement agoniser. Mais le choix te revient entièrement, dit-il malicieusement.

— Sans, tu ne peux pas faire ça ! s'écria Papyrus. C'est mal ! Charlie n'a rien fait !"


Le squelette ne répondit pas. Dans la cage, Charlie se mit à pleurer, désespéré. Il se sentait mal de lui faire ça. Le pauvre gamin n'avait rien demandé. Mais au fond, Sans savait que les choses finiraient de cette manière pour lui. Les monstres ne l'auraient jamais aussi bien accepté que Toriel ne l'avait fait. Les humains étaient trop différents, trop... violents pour pouvoir vivre avec eux. Essayait-il de se convaincre de faire le bon choix ? Il ne savait pas. Il n'était plus sûr de rien.


Gaster, agacé par les jérémiades de Papyrus, s'avança pour décrocher le squelette de son frère. Dès qu'il avança, Sans recula vivement en serrant la prise sur lui. Son oeil vira au bleu.


"Si je le fais, promets-moi que tu ne lèveras plus jamais la main sur lui, demanda Sans d'une voix dénuée de toute émotion. Je ne veux plus que tu le touches, ou que tu lui fasses du mal. Jamais, insista-t-il lourdement.

— Il n'a toujours été qu'une perte de temps, mais si ça peut te faire plaisir et enfin te faire réaliser que cet idiot n'arrivera jamais à ton niveau, je peux t'accorder cette concession. Messieurs, dit-il à l'attention des gardes royaux, accompagnez-les dans leur cellule.

— Est-ce qu'on lui remet le collier anti-magie ? demanda un des gardes en pointant Sans de la tête.

— Bien sûr. Je n'ai pas envie que notre petit prodige nous fausse compagnie une nouvelle fois. J'en ai assez de courir après mes enfants. J'ai à faire sur le Core. Préparez l'humain pour ce soir.

— Bien, monsieur."


Un des gardes s'approcha de Sans et fit un geste pour lui attraper le bras. Sans se dégagea d'un coup d'épaule et suivit la femme-chien qui était déjà partie devant. Il haussa les épaules et le colla derrière. Les deux gardes royaux les menèrent dans un couloir et les poussèrent sans ménagement dans une cellule plus grande que celle du laboratoire à la porte grise. Un des gardes fit claquer un nouveau collier en métal autour du cou de Sans et appuya sur un bouton. Il sentit sa magie vaciller et il tomba à genoux en réponse. Inquiet, Papyrus se précipita à ses côtés. La porte claqua durement, les laissant enfin seuls.


Sans se traîna contre le mur et poussa un long soupir. Papyrus s'installa en face de lui. Son visage alternait entre la tristesse, la colère et l'incompréhension. Son frère savait que la cocotte-minute ne tarderait pas à exploser. Mais cette fois-ci, il n'y avait nulle part où fuir pour éviter cette conversation. Quoiqu'il se passerait maintenant, Papyrus ne comprendrait pas sa décision et lui en voudrait. Autant jouer franc-jeu dès le début pour limiter les dégâts par la suite.


"Tu vas vraiment tuer Charlie ?"


Sa petite voix chevrotante lui brisa le coeur. Il releva la tête vers son frère. Un espoir tenace continuait de briller dans ses yeux, mais il le sentait faiblir à mesure que le silence s'installait entre les deux frères. Sans aurait voulu lui promettre que tout irait bien, qu'il faisait ça pour sa sécurité, mais il était bien placé pour savoir que rien ne justifiait de prendre une vie pour en sauver une autre. Il n'était pas un dieu, un pouvoir pareil ne devrait pas exister. Il était l'une des raisons pour laquelle la guerre s'était déclarée. Et elle serait sans doute la raison pour laquelle un des deux camps finirait tôt ou tard par l'emporter.


Sans baissa les yeux et joua avec ses mains. Comment expliquer à un enfant de cinq ans que commettre l'irréparable était nécessaire ? Il prit son courage à deux mains et releva la tête vers lui.


"Je n'ai pas le choix, Papyrus, dit-il, la voix brisée. Ils vont nous livrer aux humains très bientôt, et ils vont nous faire du mal. Je vais devoir te protéger, et je ne peux pas le faire si je ne suis pas assez fort.

— Je peux me défendre tout seul ! Tu n'as pas besoin de toujours me protéger, Sans ! Ce n'est pas juste. Lady Toriel a dit que ma magie était forte. Montre-moi comment me battre, je... J'écouterais tout, supplia-t-il. Je ferais tout comme tu dis, s'emporta-t-il en commençant à pleurer, même... Même s'il faut faire du mal à quelqu'un. Même si je me fais mal. Mais... Mais ne tue pas Charlie. S'il te plaît... Ce n'est pas de sa faute. Et puis... Lady Toriel ne le laisserait jamais tomber ! Et elle a confiance en toi. Elle a dit que tu pouvais nous protéger. Et moi... Moi j'ai confiance en elle. Tu peux le faire, Sans, moi, je crois en toi. Je suis sûr que tu peux faire un petit peu mieux que ça... Si tu essayes vraiment. Tu dois essayer. Fais-le pour moi."


Il se leva et fit un pas vers lui.


"Tu m'as dit d'arrêter de faire confiance sans réfléchir parce que ça pouvait me faire très mal. Alors réfléchis-y, parce que tu vas te faire très mal là, dit-il en pointant la poitrine de son frère. Et moi j'aime pas te voir.... mal. Tu peux le faire, Sans. J'ai confiance en toi. Il faut sauver Charlie."


Sans sentit son regard s'embuer. Il résista quelques secondes avant de laisser les larmes couler. Comment pourrait-il seulement se regarder dans la glace après ça ? Papyrus vint s'asseoir à côté de lui et lui serra le torse avec détermination.


"Mes... Mes enfants ? appela une voix à l'extérieur. Sans, Papyrus, vous êtes là ?

— Lady Toriel ? demanda Papyrus, la voix plein d'espoir. Oui ! Oui, on est là !"


Sans ne dit rien à voix haute, mais il comprit rapidement qu'elle ne se trouvait pas derrière la porte, mais certainement dans une autre cellule.


"Je suis désolée, s'excusa-t-elle. Je n'ai pas réussi à vous protéger. Je... Je suis avec Undyne. Elle est encore endormie, mais elle va bien. Gaster a soigné son œil. Enfin... Elle ne verra plus de cet oeil-là. Mais tout ira bien pour elle. Vous êtes blessés ? Où est Charlie ?"


Sans lança un regard inquiet vers son frère et hocha négativement la tête pour l'avertir de ne rien dire, mais Papyrus ne l'entendait pas de cette oreille. Prêt à tout pour sauver l'humain, il se précipita vers la porte.


"Papa a demandé à Sans de le tuer, dit-il en éclatant en sanglots. J'essaie... J'essaie de l'en empêcher, mais Sans dit que c'est pour me protéger et qu'il n'y a pas d'autres choix. Dites-lui qu'il a tort ! hurla Papyrus. Dites-lui que j'ai raison et qu'il y a toujours un autre moyen ! Je ne veux pas que Charlie meurt, mais je ne veux pas que mon frère soit mal à cause de moi. Je... Je ne sais plus quoi faire.

— Sans, demanda la voix de la reine avec tristesse, c'est vrai ?"


Le squelette poussa un soupir. Il se coucha à terre et ramena ses genoux contre lui.


"Je suis désolé, dit-il simplement. Je ne peux pas... Je ne veux pas que les humains tuent mon petit frère, se reprit-il d'une voix sombre.

— Sans, ce n'est pas la sol...

— Alors trouvez-en une autre ! cria le squelette."


Il se boucha les conduits auditifs et tourna le dos à son frère. Il avait besoin de repos et de calme. Il ne supportait plus la tension et le poids permanent des responsabilités sur ses épaules. Il voulait protéger son frère et terminer ce cauchemar. Pour la première fois de sa vie, Papyrus fronça les sourcils et alla de coucher de l'autre côté de la pièce, à l'opposé de son frère.


Derrière son écran d'ordinateur où les caméras des cellules continuaient de tourner, quelques salles plus loin, Gaster sourit.


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