Pour le bien de l'humanité

Chapitre 22 : Echec et mat

2336 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 14/11/2020 11:30

Couché dans son lit, Sans ne dormait pas. Il veillait sur Papyrus, accroché comme un koala à lui, un sourire satisfait plaqué sur le visage. Son petit frère ne l'avait pas quitté d'une semelle depuis qu'il était revenu, et ne lui parut pas prêt de le faire de sitôt. Il n'en avait de toute manière pas envie. Même s'il ne le disait pas à voix haute, sans doute terrifié à l'idée que son frère le laisse seul encore une fois, le petit squelette avait été très affecté par sa fuite. Undyne avait raconté qu'il n'avait fait que pleurer pendant son absence sur le ton de la plaisanterie, mais le regard que lui avait lancé Papyrus confirmait la détresse dans laquelle il s'était trouvé sans lui. Ce n'était pas bon.


Leur lien les mettait en danger tous les deux. Mais comment expliquer cela à un enfant de cinq ans ? Il poussa un soupir et caressa doucement le crâne de Papyrus, qui poussa un soupir d'aise et se roula un peu plus en boule contre lui, comme un gros chat. Il ne s'en lasserait jamais. Malgré les épreuves, son petit frère était la meilleure chose qui lui était arrivé. En regardant son visage assoupi, il songea tristement à ce qu'aurait été leur vie si leur maman était toujours là. La seule femme qui avait tenu tête à Gaster... Enfin, jusqu'à Toriel. Ils avaient passé peu de temps ensemble, mais Sans se rappelait avec précision de chacun de ces moments : le jour où elle avait appris à Sans à faire du vélo tout seul, le jour où il s'était coincé dans un arbre en chassant un chat, le jour où elle s'était opposée à Gaster lorsqu'il avait commencé à s'intéresser à son potentiel magique, le jour où ils avaient regardé une pluie d'étoiles filantes en se racontant des blagues idiotes... Il sentit une larme couler le long de sa joue, mais il l'effaça d'un revers de la main. Cela faisait bien longtemps qu'il s'était interdit de craquer et de penser à elle. Elle aurait trouvé la force de protéger Papyrus contre Gaster, pas comme lui.


"Sans, tu pleures ? demanda une petite voix ensommeillée à côté de lui.

— Non... Je... Je suis juste content de t'avoir retrouvé. Je t'aime, Pap'. Et... Et maman aussi."


Il releva les yeux vers son grand frère.


"A toi aussi, elle te manque beaucoup ?

— Tous les jours. Si elle avait été là, avec nous, rien de tout ça ne serait arrivé. On ne devrait pas avoir à vivre ça. Mais quand tout sera fini, je te promets qu'on se trouvera une maison sympa où vivre et que tu n'auras plus jamais à t'en faire pour quoi que ce soit.

— Sans, rit l'enfant. Tu ne peux pas acheter une maison, tu es un frère, pas un papa.

— Je trouverais un moyen. Je te le promets."


Papyrus serra son frère et posa sa tête contre son torse. Dans l'obscurité, leurs deux âmes se mirent à briller à l'unisson.


"Tu crois que maman nous regarde depuis les étoiles ? demanda le cadet.

— Bien sûr. Elle doit être fière de toi, tu sais.

— Moi, je crois plutôt qu'elle est fière de toi. Tu es peut-être nul pour faire des blagues, mais tu es le meilleur des grands frères. Je t'aime, Sans."


Il retint difficilement les larmes de joie qui perlaient au coin de ses yeux. Il serra son frère contre lui de toutes ses forces, avant de coller sa tête contre la sienne. Ils trouvèrent rapidement le sommeil, sourire aux lèvres.


********


Une grande explosion tira les enfants du lit en plein cœur de la nuit. Il fit soudain clair comme en plein jour dans la petite chambre. Effrayée, Undyne bondit hors de son lit et courut se réfugier dans celui de Sans et Papyrus. L'aîné se dégagea doucement de son emprise et laissa les deux plus jeunes se prendre dans les bras pour se rassurer. Il se rapprocha de la fenêtre et jeta un coup d'oeil vers l'extérieur. Une longue rangée de monstres se tenait derrière la barrière magique, en armure. Au centre se tenaient Gaster et Asgore, reconnaissables à leurs armures blanches qui perçaient l'obscurité de la nuit. Le regard du scientifique royal se tourna vers Sans, comme s'il avait détecté sa présence. Le squelette recula vivement et fit coulisser le rideau.


"Ne bougez pas d'ici, ordonna-t-il aux enfants. Je vais voir Toriel."


Il courut hors de la chambre alors qu'une deuxième salve de sort s'abattait sur la barrière. Undyne poussa un cri perçant, terrorisée, alors que Papyrus tentait de la rassurer tant bien que mal, les jambes tremblantes. La reine était déjà dans le couloir. Ses yeux brillaient d'une lueur dorée. Charlie lui tenait fermement la main. Elle sourit pour essayer de paraître rassurante, mais la situation était critique et cela pouvait se lire dans son regard. Elle attrapa un sac et enfourna les orbes magiques à l'intérieur, avant de le tendre à Sans.


"Prends Charlie avec toi et restez dans la chambre. Si la barrière lâche, ne m'attendez pas et foncez dans le tunnel. Je vais sortir essayer de les raisonner. Quoi qu'il arrive, n'intervenez pas. Même s'ils... Même s'ils me tuent, dit-elle sombrement. Je vous couvrirai tant que je le pourrais.

— Je ne sais pas si je serais à la hauteur, avoua Sans, angoissé."


Elle s'accroupit et posa deux mains douces sur ses épaules.


"Sans, tu n'as pas besoin de moi. Tu sais faire les bons choix, tu l'as démontré plusieurs fois. Fais-toi confiance et fais ce qui est nécessaire pour les protéger. As-tu remarqué que ton oeil brille de deux couleurs ? Le bleu pour la patience, le jaune pour la justice. C'est un trait rare, et même si tu ne sais pas encore comment l'utiliser, tu sauras quoi faire le moment venu. J'ai toute confiance en toi. Veille sur eux comme tu l'as toujours fait et tout se passera bien.

— Merci, Toriel."


Elle embrassa le squelette sur le haut du crâne, avant de récupérer une grande lance posée contre le mur. Sans lui adressa un signe de tête avant de pousser l'humain dans la chambre. Il ferma la porte derrière eux, avant de se tourner vers ses trois compagnons de route.


"On doit se tenir prêts à partir, dit-il d'une voix douce pour ne pas inquiéter davantage Undyne et Papyrus. Quoi qu'il arrive, vous restez tous derrière moi. Undyne, Papyrus, je veux que vous vous teniez la main, et que vous ne la lâchiez jamais, sous aucun prétexte. Charlie..."


L'enfant leva légèrement sa ceinture, où un couteau de combat brillait à la lumière de la lune.


"Je peux me battre aussi. Je couvrirais vos arrières, dit-il avec détermination."


Sans lui lança un regard incertain, mais décida de lui faire confiance. Après tout, il avait prouvé depuis le temps être capable de gentillesse et de compassion. Même s'il ne pourrait jamais baisser entièrement sa garde devant un humain, quel qu'il soit, Sans avait la conviction qu'ils étaient du même camp. Toriel lui avait conseillé de suivre son instinct, et c'était exactement ce qu'il ferait.


Il s'avança vers la fenêtre et tira une nouvelle fois le rideau. Toriel s'avança fièrement vers la ligne de soldats, nullement impressionnée par leur nombre ou leur armement. Sans ne pouvait pas entendre ce qu'ils disaient, mais Asgore en prit de toute évidence pour son grade. Le roi baissa la tête et recula d'un pas sous le flot de paroles de la reine. Un seul monstre répondait sans se préoccuper de leur dispute de couple : Gaster. Le scientifique royal avait toujours cette manie étrange de parler en agitant ses mains et ses bras de tous les côtés. Sans saisit rapidement qu'il la menaçait, et les regards insistants qu'il lançait dans leur direction lui indiqua qu'il avait effectivement repéré son fils.


Le ton et la tension grimpa rapidement. Gaster s'agaça bien plus vite que Toriel, et les armes des gardes royaux se levèrent une nouvelle fois vers le champ de force. La reine invoqua des centaines de petites boules de feu autour d'elle, prête à se battre. Ses sorts pouvaient passer la barrière, pas les leurs. Pas pour l'instant, en tout cas. Ils tirèrent, et Toriel répliqua immédiatement. Elle visa avant tout Gaster, qui esquiva sans la moindre difficulté. Le bouclier magique vibra de manière inquiétante, signe qu'il lâcherait sans doute bientôt. La reine lança une nouvelle salve d'attaque, et réussit à toucher plusieurs gardes royaux plus ou moins sévèrement avec ses boules de feu.


Mais rien ne rivalisait avec la persévérance du scientifique royal. Asgore dégaina son trident. Il brillait d'une lueur verdâtre inhabituelle, autour de l'énergie rouge qui le composait habituellement. Sans eut un très mauvais presentiment en le voyant s'approcher seul du bouclier. Gaster s'amusait avec Toriel, il savait depuis le début qu'elle n'avait aucune chance. La reine sembla le réaliser elle aussi. Elle fit un pas en arrière, puis un deuxième, avant de courir vers la maison. Le roi planta son arme dans le bouclier. Il explosa dans un grand fracas, avant que les cris sauvages des gardes ne retentissent. Sans glapit de terreur, incapable de bouger. Des chiens rattrapèrent Toriel avant qu'elle n'atteigne la porte. Ils la plaquèrent au sol et Sans put l'entendre très clairement insulter les gardes.


Il fallait agir et vite. Sans enfila le sac avec les orbes sur son dos, puis prit la main d'Undyne et Papyrus, complètement perdus. Les enfants sortirent de la pièce et courut au fond du couloir, alors que les fenêtres de la maison éclataient une à une. Le passage s'ouvrit devant eux. Sans fit passer les enfants devant lui avant de refermer le mur. Il n'eut pas besoin de mots pour encourager son frère, la fillette et l'humain à courir le plus vite qu'ils le purent. Gaster ne se laisserait pas tromper deux fois. Dès qu'il trouverait le passage secret, il lancerait la garde à leur trousse et cela ne prendrait pas longtemps avant qu'ils ne les rattrapent.


"Charlie, prends Undyne sur ton dos."


L'humain s'exécuta malgré les protestations de la fillette. Sans en fit de même avec son petit frère. Cela ralentit considérablement leur allure, mais bien moins que lorsque les deux enfants étaient à terre. Concentré sur le long tunnel devant eux, Sans entendit à peine les pleurs paniqués de son frère, accroché en koala dans son dos. Tout droit. Toujours tout droit.


Bien trop vite, des pas retentirent derrière eux, d'abord loin, puis de plus en plus près. Sans réalisa bien trop tard qu'ils venaient également de devant eux. Il ne s'en rendit compte qu'en aperçevant des faisceaux lumineux devant eux. Dès que les gardes les repérèrent, ils accélérèrent le pas. Les chiens aboyèrent de manière agressive et en quelques secondes, ils encerclèrent les enfants. Terrorisé, Papyrus se mit à pleurer à chaudes larmes, rapidement suivi par Undyne. Sans regarda autour de lui, à la recherche d'une sortie, en vain.


"Tu n'as plus nulle part ou fuir, petit squelette, sourit le chien qui bloquait la sortie, que Sans identifia rapidement comme étant celui qui l'avait chassé la veille. Il est temps d'arrêter de courir, tu n'as plus nulle part où aller.

— Recule ! cria Sans."


Il tendit la main et lança une salve d'os dans leur direction. Immédiatement, les troupes à l'arrière firent un pas en avant. Charlie, acculé, sortit son couteau et le pointa sur les gardes, les mains tremblantes. Le squelette réfléchit à toute vitesse. Ça ne pouvait pas finir comme ça ! Il avait promis de donner le meilleur de lui-même à Toriel. Il avait promis de protéger Papyrus. Ses yeux s'écarquillèrent lorsque le plan vint finalement à lui. Il saisit l'humain par le bras, et ses yeux se mirent à luire, puis l'ensemble des enfants.


"Il se téléporte, Blast ! hurla une femme. Tire !"


L'homme leva son arme vers lui. Le coup partit juste au moment où les enfants disparurent.


Ils atterrirent difficilement à la lisière de la forêt, juste derrière la maison et la rangée de gardes, qui ne s'était pas encore aperçut de leur présence. Tout le monde avait été téléporté, ce qui était plutôt une bonne nouvelle. Les choses s'étaient peut-être mieux passées qu'il ne l'aurait cru, finalement.


"Sans ! cria soudain Charlie, alerte."


Le squelette se retourna. Undyne pendait mollement dans ses bras, terriblement silencieuse. Sans se jeta à son chevet et lui leva doucement la tête. Son œil gauche saignait abondamment, transpercé par une fléchette de taille importante. Elle avait perdu connaissance.


"Eh oui, Sans, voilà ce qui arrive lorsqu'on n'écoute pas son père."


Sans sursauta et releva la tête vers la voix. Des gardes royaux sortirent de tous les côtés, les encerclant entièrement, armes braquées dans leur direction. Gaster se tenait derrière eux, jubilant, Asgore, dépité, à ses côtés. Il n'avait plus assez de forces pour se téléporter.


Cette fois-ci, il n'y avait plus d'échappatoire possible. Un des gardes visa Sans et fit feu. La fléchette se planta dans son âme. Presque immédiatement, le squelette se sentit vider de ses forces et s'effondra à terre sous les cris de terreur de Papyrus, tiré de force en arrière par son père.


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