Pour le bien de l'humanité

Chapitre 21 : Survivant

2458 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 13/11/2020 10:48

Couché sur le dos dans la boue, Sans peinait à reprendre ses esprits. La chute avait été douloureuse et violente. S'il avait su maîtriser à grand peine les dégâts sur son unique point de vie, il n'était plus certain d'avoir encore assez de forces pour se redresser. Il avait mal à sa colonne vertébrale et à son crâne, comme si on tapait avec un marteau à l'intérieur. Il prit un appui sur ses coudes et s'appuya contre un rocher pour se mettre en position assise. Plusieurs de ses os étaient striés de fissures inquiétantes qu'il préféra ignorer pour l'instant. Il passa une main derrière sa tête et la retira presque immédiatement lorsque son crâne produisit un craquement sinistre. Ce n'était forcément pas bon signe.


Il l'avait échappé belle. Cette malheureuse rencontre avait au moins eu le mérite de lui servir de leçon. Il ne savait pas encore comment il allait pouvoir regagner le chalet, mais il espérait que ce soit avant que son père ne déduise d'où il venait. Sa bêtise risquait de compromettre Papyrus. S'il tombait entre les mains de Gaster, il ne pourrait plus rien faire, si ce n'était se rendre par dépit.


Un bruit au-dessus de lui l'alerta. Une armure noire passa au-dessus de la faille, museau à terre. Un garde royal. Il avait été suivi. Effrayé, il rampa vers un coin plus profond de la grotte pour avoir une meilleure couverture.


"Je sais que tu es là, petit squelette, dit une voix masculine au-dessus de lui. Sans, c'est ça ? Rends-toi, tu n'as plus nulle part où aller."


Il ne répondit pas, et s'accroupit un peu plus pour rester hors de vue. Il entendit le garde royal gratter la pierre, sans doute pour trouver un moyen de descendre. Il devait s'éloigner et vite. Dans une poussée d'adrénaline, il se redressa fébrilement sur ses jambes. Elles tremblaient un peu, mais il n'avait pas le temps de s'en inquiéter. Il regarda autour de lui : la caverne s'enfonçait profondément dans les ténèbres et semblait rétrécir. Il pourrait sans doute se glisser, échappant à son adversaire, mais pour combien de temps ? S'il débouchait dans un cul-de-sac, il ne resterait plus au soldat qu'à le débusquer comme un lapin. Il n'avait pas tellement le choix. Il pria sa bonne étoile et tituba vers la gorge noire, en essayant d'ignorer le rapprochement de plus en plus perceptible de son poursuivant.


Comme il l'avait prévu, le passage ne tarda pas à se resserrer et devenir difficilement praticable, même pour lui. Il entendit ses os crisser contre la pierre alors qu'il tentait de ramper hors d'atteinte. Mais la délivrance se trouvait de l'autre côté. La grotte débouchait sur un pan de forêt dont il pouvait voir la luminosité rassurante. S'il l'atteignait, il pourrait distancer le garde royal suffisamment longtemps pour essayer de le perdre.


Une main se referma sur sa cheville.


"Je te tiens ! cria victorieusement le garde."


Il tira sèchement en arrière. Sans secoua la jambe pour essayer de se détacher de lui et s'accrocha de toutes ses forces à un renfoncement dans la pierre. Il ne pouvait pas lâcher maintenant. Il devait penser à tout ce qu'il perdrait si son père mettait la main sur lui, et il ne l'accepterait pas. Il se concentra et lâcha une main pour la tendre vers l'endroit où il était maintenu. Un os bleu pointu se matérialisa devant lui et fonça droit devant. Surpris, le garde le lâcha un instant. Sans releva sa jambe et poussa de toutes ses forces sur ses mains pour essayer de s'extraire de la faille.


"Reviens ici !"


Une patte rageuse essaya de le récupérer, mais ne put que râcler la pierre. Le squelette lança une nouvelle attaque dissuasive avant de pousser sur ses jambes pour prendre de l'élan. Il s'extirpa tant bien que mal et roula en bas de la petite pente boueuse qui menait vers l'extérieur. Essoufflé, il se redressa sur ses jambes et courut à en perdre haleine, droit devant lui. Il n'avait que quelques minutes avant que le garde ne se rende compte qu'il y avait une issue et qu'il ne cherche un autre moyen de l'attraper. Il essaya maladroitement de se rappeler des conseils de Toriel pour masquer ses traces dans la neige, même si la boue qui salissait la poudreuse rendait la tâche plus difficile que prévu.


Il zigzagua entre les arbres et se concentra pour reconnaître les lieux. Il ne tarda pas à rejoindre l'endroit où il avait fait face à son père et aux humains, encore criblé d'impacts d'os et de balles. Il s'arrêta quelques secondes, et décida de partir vers l'ouest. S'il continuait tout droit, pourrait-il atteindre la maison ? Avec un peu de chance, Toriel le cherchait aussi et ils tomberaient l'un sur l'autre. Il y avait aussi un autre moyen. Il ferma les yeux et fit briller son âme du mieux qu'il le put, à la recherche de celle de son petit frère. Dans un premier temps, il ne sentit rien, et puis une petite présence se fit plus marquée. Il décida de faire confiance à son instinct et prit la même direction.


Après une heure de marche, il s'autorisa à ralentir un peu le rythme. Le garde n'était toujours pas réapparu et il espérait qu'il avait perdu sa trace. L'empreinte de Papyrus était de plus en plus forte, et il avait l'impression qu'elle se rapprochait de lui. Le squelette avait peut-être lui aussi sentit son appel ? Il l'espérait. Il ne savait pas combien de temps encore il pourrait tenir. Ses jambes faiblissaient et son mal de tête était de plus en plus important, l'empêchant de se concentrer correctement. Ses vêtements trempés et troués laissaient désormais passer le froid et il grelottait. Pourtant, il gardait le cap, refusant d'abandonner.


Le calvaire ne dura heureusement guère plus d'une heure supplémentaire. Alors que la neige recommençait à tomber à gros flocons, il distingua une grande forme à l'horizon. Il resta en retrait dans un premier temps, méfiant, avant de reconnaître une petite forme qui lui tenait la main. Celle-ci pointa un doigt vers lui, avant de s'exclamer de toute ses forces :


"Sans !"


Papyrus abandonna Toriel et courut dans sa direction, les bras ouverts en grand. Sans sentit les larmes lui monter aux yeux et se laissa tomber à genoux avant de le réceptionner. Le petit squelette le serra de toutes ses forces contre lui en hoquetant bruyamment.


"Je suis désolé, pleura Sans. Je suis désolé, je suis désolé, je ne te laisserais plus, je suis désolé."


La reine accourut vers eux, avant de se figer net. Elle écarquilla les yeux et posa une main horrifiée devant sa bouche. Sans en déduisit que son état était pire qu'il ne le croyait. Elle retira son écharpe et s'accroupit à côté de lui.


"Mon pauvre enfant, mais que t'es-t-il arrivé ? chuchota-t-elle.

— La garde royale ! glapit Sans en relevant brusquement la tête. Gaster m'a retrouvé, ils m'ont poursuivi ! Ils vont venir ici, j'en suis sûr. Il va trouver un moyen. Je suis désolé, s'emporta-t-il, je ne voulais pas nous attirer de problèmes, je ne sais pas ce qui m'a pris."


Son visage se ferma quelques secondes, avant de se radoucir. Elle le souleva délicatement du sol et tendit la main à Papyrus, qui s'empressa de l'attraper, inquiet.


"Ne t'inquiète pas de ça. Je ne les laisserais pas faire."


*********


La vue rassurante du chalet combla Sans de joie. Toriel poussa doucement la porte et entra. Elle déposa Sans dans le grand canapé, où Undyne, le visage tiré par des larmes qui avaient coulé en grand nombre, l'accueillit d'un grand câlin, rassurée. Toriel s'excusa et quitta la maison à la hâte, en promettant de revenir rapidement pour le soigner. Sans serra la fillette contre lui, puis son frère, en manque d'affection, qui vint se greffer à lui comme si sa vie en dépendait. De l'autre côté de la pièce, Charlie, silencieux, se contenta d'un signe de tête.


"J'ai cru que tu étais parti pour toujours, pleurnicha Papyrus. Ne fais plus jamais ça.

— Tout comme lui, approuva Undyne dans le même état.

— Je vous le promets, je suis désolé, les rassura Sans. Je... Je sais pas ce qui m'a pris...

— Je m'en fiche, mais le refais plus, insista son petit frère."


Il lui tapota doucement la tête. Une grand fracas les fit tous sursauter. Ils relevèrent la tête : un immense mur translucide passa les murs de la maison. Les enfants crièrent, mais il ne fit que leur passer autour, ils le sentirent à peine. Le sort continua sa route jusqu'à s'arrêter à la frontière du camp d'entraînement. Toriel retourna à eux quelques minutes plus tard, satisfaite.


"Avec ça, ils peuvent toujours venir, dit-elle avec une certaine agressivité, non-tournée vers eux, mais vers ce qui pouvait se trouver au-delà de l'énorme dôme qui les entourait désormais. Nous sommes en sécurité, ne vous inquiétez pas. Ils devront me passer sur le corps s'ils veulent s'en prendre à vous."


Sans aurait voulu la croire, de toute son âme, mais il savait pertinemment que leur survie n'était plus garantie. Gaster avait inventé la plupart des systèmes de protection de leur peuple. Cela ne prendrait guère plus de quelques minutes avant qu'il ne se débarrasse de la barrière magique dressée autour d'eux. La reine décrocha gentiment Papyrus de son frère et s'installa derrière lui pour inspecter son crâne.


Dès qu'elle appuya un peu dessus, le squelette se plia en deux de douleur en serrant les dents. Papyrus posa ses deux mains sur sa bouche, horrifié.


"Sans ne peut pas se blesser ! paniqua-t-il.

— Ne t'inquiète pas, il va bien, le rassura Toriel."


Elle posa une main douce sur l'arrière de sa tête et une lumière verte réparatrice commença à effacer les dégâts de sa dangereuse escapade. Papyrus ne le quitta pas des yeux tout le temps que dura l'opération, terrifié à l'idée que ce ne soit trop grave. Le sort de soin regonfla un peu l'unique point de vie de Sans et il se sentit presque immédiatement plus en forme.


"Que s'est-il passé ? demanda Toriel en continuant le soin. Pourquoi es-tu parti comme ça ?

— Je... J'ai eu peur, avoua-t-il en soupirant. J'ai perdu le contrôle et ma magie est dangereuse. J'ai eu peur de blesser quelqu'un, je voulais pas... Et après, je me suis perdu dans la forêt. J'ai essayé de rentrer, mais je suis tombé sur une réunion entre des humains, le roi, mon père et des gardes royaux.

— Que faisaient-ils ? demanda-t-elle en se crispant légèrement.

— Je n'ai pas tout compris, mais les humains étaient en colère parce que Gaster ne m'a pas livré à eux. Après ça, un humain a découvert que j'étais caché et a commencé à me tirer dessus. J'ai réussi à m'enfuir, mais mon père a essayé de m'arrêter. Je... Je lui ai tiré dessus, avoua-t-il, un peu honteux, et ensuite je suis tombé dans une grotte. Un garde royal m'a suivi, mais j'ai réussi à lui échapper. Ensuite, j'ai cherché Papyrus et c'est comme ça que je vous ai retrouvé."


Toriel resta silencieuse à la fin de son récit, mais il pouvait sentir qu'elle retenait son souffle. Papyrus et Undyne l'observaient, les yeux écarquillés de surprise.


"Tu as échappé à des humains et à la garde royale, c'est quand même super cool, s'enthousiasma la fillette. Ton frère est trop fort, dit-elle en donnant un coup de poing à Papyrus.

— Je sais, répondit fièrement le petit squelette. Mon frère, c'est le plus fort de tous les monstres."


Sans bleuit, gêné par les compliments. Après tout, il était quand même celui qui avait foncé tête baissée dans les problèmes. Il avait surtout eu beaucoup de chances de s'en sortir avec quelques égratignures et une fissure dans le crâne. Il n'était pas prêt de recommencer l'expérience de sitôt.


Toriel recula pour vérifier son travail et hocha de la tête, satisfaite.


"Tu as été très courageux, Sans. Mais évitons ce type de situation à l'avenir. Tu nous as fait vraiment peur. Tu dois te reposer et manger maintenant, pour permettre à ta santé de se régénérer. Ce sera peut-être vital si, comme tu l'as prédit, ils arrivent jusqu'ici. Mais avant ça, suivez-moi, les enfants."


Ils obéirent tous et la suivirent vers les couloir qui menait aux chambres. Elle poussa un vase de fleurs dorées et un passage s'ouvrit dans le mur. Un escalier descendait dans l'obscurité. La reine pointa le passage de la main.


"Si les choses tournent mal, s'ils arrivent à passer la barrière, échappez-vous par ici. Ce tunnel mène à l'extérieur... Une fois dehors, prenez à l'ouest, et surtout pas au nord. Il y a un camp humain dressé très près d'ici. Je ne connais pas sa taille, ni sa localisation exacte, donc soyez prudents.

— Et ensuite ? demanda Sans, inquiet.

— Allez vous cacher dans les bois. J'ai donné un collier de protection à Charlie, il me permettra de vous retrouver."


L'enfant sortit un pendentif de sous son gilet pour le montrer aux autres. Sans hocha la tête, et elle referma le passage.


"Autre chose : ils ne se laisseront pas avoir une deuxième fois. Tu auras peut-être à te battre, expliqua-t-elle calmement à Sans. Je vais déposer dans votre chambre des orbes magiques. Elles produisent un champ électrique autour du lanceur pendant trois minutes. Rien ne pourra le passer. Tant que vous restez groupés, vous ne risquez rien.

— Merci, madame Asgore, lâcha Papyrus.

— Toriel... rectifia-t-elle. Sans, je sais que je t'en demande beaucoup, mais je compte sur toi.

— Je serai à la hauteur, approuva le squelette."


Elle lui sourit affectueusement, avant de faire marche arrière vers le salon.


"Dans ce cas, n'en parlons plus pour l'instant. J'ai fait une tourte aux champignons et des spaghettis, à la demande pressante de notre très cher Papyrus. A table."


Papyrus sauta de joie. Il prit la main de son frère et le traîna vers la cuisine.


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