Il y a comme un os
Frisk avait essayé de le cacher. Il avait vraiment essayé.
Tout avait commencé avec des démangeaisons étranges le long de ses bras. Toriel lui avait assuré que ce n'était rien de grave, qu'elle n'avait rien vu de particulier, et qu'au besoin, elle l'emmènerait voir un docteur humain pour vérifier que tout allait bien. Oui, mais voilà, les docteurs, Frisk n'aimait pas ça. C'était peut-être immature, mais la peur de devoir se faire examiner l'avait poussé à masquer les symptômes autant qu'il le pouvait.
Et puis, les démangeaisons s'étaient étendues à ses jambes. Frisk s'isolait le plus possible pour se gratter, repoussant les sorties entre amis aussi longtemps que nécessaire, et les annulant quand il le pouvait. La nuit, elles devenaient insupportables, au point qu'il devait réprimer des sanglots silencieux, le visage enfoui dans son oreiller.
Mais ça... Ça, ce serait plus compliqué à cacher.
Frisk n'avait pas remarqué immédiatement le problème en se levant. Il s'était dirigé vers la salle de bain attenante à sa chambre pour se rafraîchir le visage. Le contact de ses mains contre sa peau le surprit. Ce n'était pas la même texture que d'habitude. Il baissa les yeux et se figea.
La peau de ses mains s'était comme évaporée. Il ne restait plus que le squelette, entouré d'un étrange contour translucide.
Frisk agita ses doigts pour s'assurer qu'il n'était pas en train de rêver.
Ce n'était pas un rêve.
Il réprima un cri de surprise. Comment allait-il cacher ça à Toriel ? Comment régler ce problème même ? Il ne voulait pas aller voir le docteur ! Un docteur pouvait-il seulement régler ça ?
Sa respiration devint sifflante. Il se laissa glisser contre le mur et posa ses mains sur sa poitrine, pour essayer de se calmer. Il prit de grandes inspirations, puis expira longuement. Il ne devait pas faire de bruit. Il allait inquiéter Toriel pour rien. Pourquoi alors n'arrivait-il pas à arrêter de pleurer ?
Un bruit doux contre la porte le fit sursauter.
Non... Non, non, non, pas maintenant ! Frisk posa ses deux mains sur sa bouche pour masquer ses sanglots, mais la vue de ses mains squelettiques ne fit que renforcer sa crise de panique.
La porte de sa chambre s'entrouvrit.
— Frisk ? On va être en retard pour l'école. Est-ce que tu es levé ?
Frisk ne répondit pas, concentré sur sa respiration. Il entendit Toriel pousser la porte de sa chambre et entrer. Il lança un regard vers la porte de la salle de bain. Il avait oublié de la fermer ! Peut-être qu'il avait encore le temps. Peut-être que...
Trop tard.
Le visage inquiet de sa mère adoptive passa par l'entrebâillement de la porte. Frisk vissa son regard sur le sol. Il tenta de camoufler ses mains dans les manches de son pyjama à toute vitesse, mais pas assez rapidement.
Toriel s'accroupit à côté de lui, et, doucement, remonta la manche de son haut. Frisk se crispa, mais la laissa faire. À quoi bon lutter ? Il se prépara à se faire gronder, crier dessus, traiter d'abomination, mais rien de tout ça ne se produisit. Il n'était plus là-bas. Toriel n'agirait jamais comme ça avec lui.
— Qu'est-ce qu'il s'est passé ? demanda-t-elle d'une voix douce. Tu t'es blessé ?
— Je me suis réveillé comme ça, avoua-t-il d'une petite voix. Je ne voulais pas t'inquiéter. C'est... C'est pas grave, ça ne fait pas mal, on n'a pas besoin d'aller voir le docteur, c'est... C'est rien. C'est pas grave.
— Oh, Frisk... Est-ce que ça a quelque chose à voir avec tes démangeaisons de ces derniers jours ?
Frisk se referma comme une huître, nerveux. Il ne voulait pas en parler ! Il ne voulait pas aller voir le docteur !
— Frisk, on ne va pas aller voir le docteur si tu n'en as pas envie, lui dit Toriel d'une voix calme, mais teintée d'inquiétude. Je cherche juste à comprendre, mais j'ai besoin que tu me parles. Est-ce que c'est lié à tes démangeaisons ?
— Je crois... Je ne sais pas...
— D'accord. On ne va pas aller à l'école aujourd'hui. Est-ce que tu accepterais d'en discuter avec le docteur Alphys ? C'est ton amie, n'est-ce pas ? Peut-être qu'elle a déjà vu quelque chose comme ça. Je ne vais pas te mentir, je... Je n'ai jamais vu ça. Je ne dis pas que c'est grave, le rassura-t-elle. Je dis juste qu'elle est sans doute plus qualifiée que moi pour découvrir ce qu'il se passe. Tu es d'accord ?
Frisk hésita. Alphys ne lui avait jamais fait de mal, elle avait toujours été gentille avec lui. Il avait confiance en elle. Peut-être... Peut-être que c'était une bonne idée, et qu'il arrêterait d'inquiéter tout le monde une fois qu'Alphys aurait trouvé comment rendre ses mains normales à nouveau.
L'enfant serra les dents, puis hocha timidement la tête. Toriel lui caressa gentiment les cheveux, puis se leva pour appeler la scientifique. Frisk en profita pour se redresser. Il passa sous la douche pour effacer les dernières traces de ses larmes, puis se changea. Il enfila un pull trop grand que lui avait acheté Toriel quelques semaines plus tôt, mais qui avait au moins l'avantage de cacher ces mains squelettiques que l'enfant voulait cacher de la vue de toutes les personnes qu'il pourrait encore inquiéter.