Soudain, un chien blanc
Le garde s'approcha d'une grande femme à la peau bleue. Papyrus resta la bouche grande ouverte en reconnaissant la capitaine de la garde royale, Undyne.
— J'ai trouvé ce petit dans les décombres. Son frère est parti à l'hôpital.
— Laisse-le-moi, dit-elle. Retourne aider les autres.
L'homme hocha la tête. Undyne baissa les yeux vers lui.
— Tu viens de Snowdin, pas vrai ? Qu'est-ce que tu fais là ? La ville a été mise en quarantaine, tu devrais être chez toi.
Papyrus hocha la tête, nerveux. Il craignait de s'être attiré quelques problèmes. Regrettait-il pour autant d'être venu ? Certainement pas. Il savait maintenant que Sans était vivant, et quelqu'un s'occupait de lui. Le reste n'avait pas d'importance.
— C'est pas grave, soupira-t-elle. Suis-moi, je vais te ramener.
Le petit squelette ne résista pas alors qu'elle le tirait par le bras jusqu'au ferry. Elle monta avec lui et le bateau se remit en route.
— Tra la la, le rouge coule sur la cendre. Tous les deux mentent.
— Tais-toi et avance, grogna Undyne.
Papyrus resta silencieux. Ce n'était sans doute qu'une coïncidence, mais... Pourquoi le monstre parlait-il de rouge ? Y avait-il un lien avec le liquide bizarre qui coulait de la tête de Sans et ses mots ?
Undyne descendit à Snowdin, et Papyrus la suivit en silence, perdu dans ses pensées.
Grillby les remarqua de loin et accourut. Undyne poussa Papyrus en avant.
— Tu t'en occupes ? demanda-t-elle. On a retrouvé son frère, il est blessé. Je dois y retourner. Je t'envoie des nouvelles quand il pourra aller le voir.
— Merci, capitaine.
Undyne hocha la tête et s'éloigna. Grillby posa un genou à terre pour lui faire face. Papyrus détourna le regard, inquiet.
— Je ne suis pas en colère, dit Grillby. Je me suis juste inquiété. Je suis désolé que tu aies dû apprendre comme ça ce qui était arrivé au laboratoire. Je n'ai pas osé t'en parler, je ne voulais pas que tu t'inquiètes, tu comprends ?
— Je comprends...
— Allez, viens. Je vais t'installer des couvertures sur mon canapé. Tu dois être fatigué.
Papyrus passa le reste de la soirée chez Grillby. L'élémentaire de feu lui offrit à manger et l'autorisa même à regarder la télévision jusqu'à tard le soir. Papyrus apprécia l'attention, mais il ne pouvait détacher ses pensées de son grand frère. Il ne pouvait pas s'empêcher d'avoir un mauvais pressentiment.
Finalement, épuisé, il finit par s'endormir devant la cheminée et ne revint à lui que le lendemain matin, lorsque Grillby lui secoua gentiment le bras pour le réveiller. Papyrus ouvrit un œil, la tête dans le brouillard, mais trouva quand même la force de sourire à son gardien improvisé.
— Sans peut sortir de l'hôpital, on va le récupérer ?
— Oui ! cria Papyrus, excité.
Il enfila à la va-vite les vêtements que Grillby lui tendait, et suivit l'homme de feu à l'extérieur, un pancake dans la bouche. L'hôpital se trouvait à Waterfall, pas très loin de la décharge où son frère et lui passaient leur temps libre à chercher des bidules cool pour remplir leur nouvelle maison. Sans l'avait entièrement payé de sa poche après... Eh bien, quelques années à survivre dans la rue. Maintenant qu'il avait un travail, le docteur bizarre avait insisté pour qu'il emménage à Snowdin dans la maison qu'il n'utilisait plus vraiment.
— Ils ont retrouvé le docteur ? demanda Papyrus, curieux.
— Le docteur ? Quel docteur ?
— Le... Le docteur qui travaille avec Sans ? Le scientifique royal ?
— Sans travaille ? Depuis quand ?
Papyrus se figea, perdu.
— Il travaille au laboratoire ? Depuis quelques mois ?
— Très drôle, se moqua gentiment Grillby. Tu sais bien que l'endroit est désert depuis des années. Ton frère a certainement dû se retrouver sous un rocher à cause du tremblement de terre hier. Qu'est-ce qu'il faisait là-bas, d'ailleurs ?
Papyrus ne répondit pas, inquiet. Peut-être que Grillby aussi avait pris un rocher sur la tête ? Tout le monde connaissait le scientifique royal, c'était lui qui dirigeait le projet pour briser la Barrière. Tout le monde savait ça, on leur apprenait même à l'école.
L'enfant préféra garder ses doutes pour lui. Il entra dans le grand bâtiment devant lui et suivit Grillby jusqu'à l'accueil. Derrière la vite, il remarqua un grand monstre chat, tout en noir et blanc, qui l'observait avec un sourire dérangeant. Il tenait quelque chose à la main et semblait le lui tendre. Papyrus se rapprocha de Grillby, nerveux, mais, le temps qu'il tire la manche de l'élémentaire de feu, le monstre avait disparu.
— Viens, lui dit Grillby. Ton frère est par là.
Papyrus le suivit de près. Il y avait quelque chose d'anormal dans l'air, il n'aimait pas ça. Grillby poussa la porte au fond du couloir.
Le visage de Papyrus s'illumina quand il trouva Sans, debout, en train de faire les cent pas dans la pièce.
— Sans !
Papyrus passa entre les jambes de Grillby et se jeta dans les bras de son frère, qui le réceptionna maladroitement. Il grimaça au mouvement involontaire de ses mains bandées.
— Je vais vous laisser en famille, dit Grillby. J'ai une nièce à l'étage qui a été légèrement blessée. Venez me chercher quand il sera l'heure de rentrer, d'accord ?
— D'accord ! Merci, monsieur Grillby !
Sans murmura un « Grillby ? » confus, qui attira l'attention de Papyrus. Le petit squelette s'installa sur le lit à côté de lui, tout sourire. Ce n'était de toute évidence pas le cas de Sans, qui attendit que la porte soit fermée pour se tourner vers lui.
— Papyrus, qu'est-ce qui s'est passé ? On était... On... Il y avait un titan, et... La machine ? Tu es blessé ?
— Non, je vais bien. Un petit chien blanc m'a aidé à me cacher pendant le tremblement de terre.
— Un tremblement de terre ?
— Oui, le laboratoire a explosé et... Tu ne te rappelles pas ?
— Un laboratoire ?
— Le... Le laboratoire dans lequel tu travaillais ? Avec le docteur bizarre ?
Sans s'assit à côté de lui.
— Papyrus, écoute-moi. C'est très important. Est-ce que tu as vu passé un humain passer ?
— Un humain ? Non... Il n'y a pas d'humain qui est tombé ici depuis des années.
— Tombé... Où ?
Cette fois-ci, Papyrus tiqua. L'enfant observa son frère avec plus d'attention. Plus il le regardait, et plus... Quelque chose clochait. C'était peut-être les poches sous ses yeux, presque inexistantes, ou peut-être était-ce simplement la fissure en haut de son crâne qui le rendait différent ?
Et puis il y avait ce liquide rouge, sous les pansements de ses mains. Papyrus baissa les yeux.
— Tu n'es pas mon frère, pas vrai ?
Sans se tendit, avant de pousser un soupir.
— Je ne sais pas. Je... Je crois qu'il y a eu un problème avec la machine. Je ne devrais pas être ici. Papyrus... Que faisait ton frère avant... Avant que j'arrive ?
— Il travaillait au laboratoire avec le docteur bizarre. Il y a eu une grosse explosion et... Je ne sais pas, il se passe des choses bizarres depuis.
— Bizarres ? Bizarres comment ?
— Grillby ne se souvenait pas du docteur, alors que c'est quelqu'un d'important. Il dit que le laboratoire n'existe pas non plus. Je crois que quelque chose de très grave s'est produit. Je ne sais pas trop quoi, mais quelque chose de grave.
Les épaules de Sans s'affaissèrent. Il enfonça son visage dans ses mains. Papyrus se sentit mal pour ce Sans qui n'était pas vraiment son Sans.
— Où est Sans ? demanda-t-il d'une toute petite voix. Mon Sans, je veux dire.
— Je... Je ne sais pas. Je suis désolé.
— Est-ce qu'il va bien ?
— Je ne sais pas.
— Est-ce qu'il va revenir ?
— Je ne sais pas ! Je...
Papyrus hoqueta, avant de se retourner pour cacher ses larmes. Il posa ses mains sur sa bouche pour tenter de le camoufler.
— Je suis désolé, dit « Sans », plus doucement. Je ne sais pas ce qui est arrivé à ton frère. Et mes souvenirs de ce qui est arrivé ne sont pas plus clairs. Mais je ne vais pas te laisser tomber, d'accord ? On reste ensemble. Et si jamais... Si jamais ton Sans est là où je l'étais, alors j'espère qu'il fera la même chose pour mon Papyrus. Mais en attendant... Je ne vais pas pouvoir faire ça sans toi. Je ne connais rien de ce monde. Je ne sais pas qui est Grillby, ou où l'on est, ou même ce que ton frère faisait avant ça. Est-ce que tu... Est-ce que tu pourrais me raconter ?
Papyrus hésita, puis baissa les épaules.
— Je ne sais pas si je vais pouvoir le faire sans Sans, avoua-t-il, la voix brisée.
— Et moi, je suis sûr que tu es assez courageux pour le faire, l'encouragea-t-il. Et puis, je te promets que je vais faire tout mon possible pour retrouver ton frère, d'accord ?
— D'accord...
Papyrus se pencha pour s'appuyer contre Sans. Le squelette posa un bras autour de son corps et le serra contre lui.
— Alors, où est-ce que j'ai atterri ? On est sous terre ?
— Tu ne vivais pas sous terre ?
— Non ? Et toi, tu n'as jamais été dehors ?
— Non...
— D'accord, comment est-ce que vous êtes arrivés là ?
— C'est une longue histoire.
— Je crois qu'on a tout le temps du monde.
Papyrus sourit et récita de tête ce conte des temps anciens :
— Il y a longtemps, deux espèces régnaient sur le monde : les humains et les monstres...