Soudain, un chien blanc
Snowdin avait été durement touché par le tremblement de terre. Des tas de rochers étaient tombés du plafond et s'étaient écrasés un peu partout. Papyrus frissonna en remarquant un gros rocher à l'exact endroit où il attendait devant sa maison, il y avait à peine quelques minutes.
— Papyrus ! Enfin, te voilà !
Grillby paraissait soulagé. Il accourut pour prendre le petit squelette dans les bras, puis le guida à l'intérieur du bar. Papyrus se laissa faire, épuisé par les récents événements.
— Tu es blessé ?
— Non, ça va. Monsieur Grillby, vous avez vu Sans ?
— Non, soupira l'homme de feu. J'ai essayé de l'appeler, mais... Ne t'inquiète pas, d'accord ? Il a sans doute trouvé un abri, lui aussi.
Il y avait beaucoup de monde dans le bar. Plusieurs monstres se faisaient soigner par d'autres. Certains avaient l'air en très mauvais état. Grillby le porta jusque dans la cuisine et l'installa près des fourneaux pour qu'il reste au chaud. Il passa une main affectueuse sur son crâne et lui dit de rester au calme le temps que son frère revienne.
Des heures durant, Papyrus attendit Sans. Le bar se vida petit à petit, et il ne resta bientôt plus que quelques sentinelles, en attente de soigneurs pour évacuer les derniers blessés. Le squelette commençait à s'ennuyer et avait fini par rejoindre la salle principale pour écouter ce que les adultes disaient, à demi caché derrière le comptoir.
— Toujours aucune nouvelle ? demanda Grillby.
— Non, les gardes sont toujours sur place pour retrouver des survivants, mais les derniers retours disent que personne n'a pu survivre à l'explosion.
— Je ne sais pas quoi dire au petit. Il attend toujours son frère derrière et...
— Ne lui dis rien pour le moment. Pas tant qu'on n'est pas certains que Sans est vraiment...
Papyrus sortit de sa cachette, bouleversé.
— Où est Sans ?
Les deux adultes sursautèrent. Grillby tendit les bras en signe d'apaisement.
— Papyrus...
— Non ! Où il est ? Où est Sans ?
— Il y a eu une explosion au laboratoire, avoua Dogaressa d'une voix triste. On ne sait pas si...
Papyrus ne l'écouta pas finir sa phrase. Il se précipita vers la sortie et courut en direction de Waterfall. Grillby cria son nom, mais il ne s'arrêta pas, les larmes coulant à foison. Sans ne pouvait pas être mort ! Il ne pouvait pas l'avoir abandonné. Pas comme ça !
Une fois certain que Grillby ne pourrait pas le récupérer, il se dirigea vers le ferry et donna quelques pièces à l'homme masqué pour aller à Hotlands. Le trajet ne prit que quelques minutes, dans un silence, seulement interrompu par une phrase mystérieuse de l'étrange navigateur.
— Prends garde à celui qui parle avec ses mains.
Papyrus se tendit. Il ne connaissait qu'une seule personne capable de parler avec ses mains : le docteur bizarre. Avait-il quelque chose à voir avec ce qui s'était passé au laboratoire ? Papyrus sentit son cœur se gonfler de colère à cette idée. Il l'avait dit à Sans. Il lui avait dit qu'il n'aimait pas le docteur. Lorsqu'il venait à la maison, il ne faisait que marmonner tout seul et l'ignorer, même quand Papyrus lui faisait des dessins, par politesse. Il ne parlait qu'à Sans, et Sans ne parlait qu'avec lui également, et Papyrus n'aimait pas ça. Une fois, il l'avait même envoyé jouer dans sa chambre pour qu'il arrête de poser des questions.
Une forte odeur de fumée lui arriva depuis le laboratoire alors que le petit squelette approchait du but. Il croisa plusieurs monstres en chemin, la plupart occupés à ramasser des débris ou aider à transporter des blessés. Aucun ne lui prêta la moindre attention, heureusement. Il savait qu'il serait raccompagné si quelqu'un finissait par remarquer sa présence.
Il ne fut cependant pas plus rassuré quand il réussit enfin à approcher du laboratoire. Il ne restait rien. Ce n'était plus qu'un tas de briques et de morceaux de métal. Le centre du laboratoire avait noirci et tout le reste semblait avoir été projeté depuis le milieu dans un cercle parfait qui s'étalait sur des dizaines de mètres.
Hagard, Papyrus chercha quelque chose de familier du regard. Quelque chose. N'importe quoi. N'importe qui. Mais partout autour de lui, il ne trouva que désespoir et débris. Jusqu'à ce qu'il remarque une petite lumière, dans les décombres. Il crut d'abord que c'était un tour de son imagination, mais la petite lumière verte clignota de nouveau. Il s'approcha.
La lumière provenait du panneau de contrôle d'une des grandes machines du docteur bizarre. Celle-là, Papyrus la connaissait, puisque c'était Sans qui l'avait monté en partie dans leur cave. Son frère lui avait souvent dit de ne pas s'en approcher, mais Papyrus était curieux et se glissait parfois hors de son lit le soir pour la regarder.
L'entrée était bloquée par de grandes poutres de métal. Elles semblaient plus légères que les rochers, aussi le petit squelette utilisa sa magie pour les déplacer, non sans quelques difficultés. Il réussit néanmoins à les faire basculer suffisamment pour les dégager du passage. Il s'approcha timidement de la machine, et chercha à en tirer la porte. Il savait qu'on pouvait mettre quelqu'un à l'intérieur. Il avait déjà vu le docteur bizarre y attacher Sans une fois.
La porte résista. Frustré, Papyrus s'approcha du panneau de contrôle. Il observa les boutons quelques instants. Ils étaient tous couverts de symboles bizarres qu'il ne parvint pas à comprendre. Papyrus eut alors une idée brillante.
— Plouf, plouf. Ce sera toi qui vas ouvrir la porte !
Il cliqua sur un gros bouton rouge. Rien ne se produisit pendant quelques secondes, puis une alarme retentit, faisant se retourner tous les monstres aux alentours. Papyrus paniqua et tapa frénétiquement tous les boutons pour la faire taire, jusqu'à appuyer sur un bouton bleu. La porte siffla, puis s'ouvrit.
Une main sortit de la machine, puis hissa le reste de son corps à l'extérieur. Un squelette s'écroula dans la poussière en toussant, et rampa en dehors de la machine.
— Sans ! cria Papyrus, accourant à ses côtés. Tu vas bien ?
Le squelette prit de grandes respirations, et tendit la main pour lui demander d'attendre quelques secondes. Papyrus l'observa de longues secondes, confus. Un liquide rouge étrange lui coulait le long d'une mauvaise fissure le long du crâne, et ses mains semblaient également blessées. Papyrus s'apprêtait à lui demander s'il allait bien quand il s'étala de tout son long. Sa poitrine se soulevait frénétiquement, mais il n'avait vraiment pas l'air bien.
— À l'aide ! cria Papyrus. Mon grand frère est blessé ! Vite !
Des monstres se précipitèrent vers le squelette, et poussèrent prestement Papyrus en arrière. Le jeune squelette, perdu, resta en retrait. Les secouristes placèrent Sans sur une civière et l'emmenèrent. Papyrus tenta de les suivre, mais un garde royal l'arrêta et lui dit de le suivre, qu'il pourrait retrouver son frère plus tard. Papyrus, frustré, finit par obéir.