Le Sixième Elément

Chapitre 18 : Chapitre XVIII ...Jusqu'au bout de l'Âme...

2161 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 08/11/2016 21:18

           CHAPITRE XVIII : …JUSQU’AU BOUT DE L’ÂME…

 

           Hanabi rejoignit les autres gardiennes qui attendaient, fébriles, dans la cave du restaurant. Lorsqu’elle entra, Irma vint l’accueillir chaleureusement.

« Nous ne l’avons pas encore trouvée, annonça Hanabi éteignant la lueur d’espoir qui s’était mise à briller dans les yeux de ses amies quand elle était entrée. Eric continue. Il m’a dit de rentrer me reposer. Mais lui refuse de prendre un seul instant pour souffler. Il veut la retrouver. J’en suis sûre maintenant : il est amoureux de Will.

-Je ne vais pas dire que ça me réjouit, lança Cornelia. Mais au moins, je sais qu’il va tout faire pour la sauver.

-Tu dois être fatiguée, fit Irma. Et avoir faim.

-Oui. Je vais dormir quelques heures et retourner la chercher.

-Je vais t’apporter quelque chose à manger avant que tu dormes, annonça Hay Lin en se levant. Tu viens m’aider Taranee.

-Oui, répondit la jeune noire.

-Moi j’ai bien envi d’un thé, fit Cornelia en se levant pour leur emboîter le pas. »

Irma eut un léger sourire. Elles n’étaient pas vraiment discrètes mais elle apprécia l’attention.

           Les deux amoureuses se pelotonnèrent l’une contre l’autre sur le canapé. Elles purent partager un moment de douceur tranquille. Les trois autres revinrent une demi-heure plus tard. Hanabi mangea rapidement et s’endormi dans les bras d’Irma sans se soucier de la présence des autres. Irma, n’ayant pas dormi de la nuit non plus, ne tarda pas à la rejoindre au pays des rêves. Hay Lin déposa délicatement une couverture sur les deux amantes. Les gardiennes les laissèrent dormir, allant aussi s’autoriser quelques heures de repos.

 

           Eric avait passé en revu tout les lieux où il pensait trouver les Kagebushis. Il les connaissait bien. N’avait-il pas été l’un d’entre eux ? Et pourtant, il n’avait rien trouvé. Pas un seul kagebushi ne se trouvait à Heatherfield en ce moment. Eric dut se rendre à l’évidence : ils avaient quitté la ville. Mais il ne devait pas être loin. Il lui fallait élargir ses recherches aux villes alentours et à la campagne.

           C’était la le problème. Cela lui prendrait des jours, voir des semaines. Combien de temps Takeshi garderait Will en vie ? Eric savait qu’il pouvait se montrer patient, mais quand sa patience atteignait ses limites, il se montrait impitoyable. Il y avait bien une solution. Mais elle était à double tranchant, aussi risquée pour lui que pour Will. Elle dépendait en premier lieu de la force de ses sentiments pour la jeune fille. Etait-il vraiment tombé amoureux d’elle ? Hanabi avait-elle raison ? Si c’était le cas, cela pouvait marcher. Si Will l’aimait comme il l’aimait. Cela pouvait marcher. Cela devait marcher.

           Il devait attendre la nuit. Dans l’obscurité, là où ses pouvoirs étaient à leur paroxysme. Et avec un peu de chance, Will dormirait à ce moment. En attendant, il se dirigea vers une ville située au sud d’Heatherfield.

           Il ne pouvait s’arrêter.

 

           Will n’avait plus rien dit depuis des heures. Takeshi conservait un silence de mort. Elle avait mal. Les cordes qui la retenaient étaient devenues irritantes avec les heures. Si elle avait le Cœur de Kandrakar, elle se serait libérer en quelques secondes. Elle voyait le précieux pendentif briller dans la main de Takeshi. Elle pouvait essayer de l’appeler, pour qu’il vole jusqu’à elle. Elle l’avait déjà fait par le passé. Mais Takeshi le verrait sûrement.

           Et alors ? Il la tuera de toute façon si personne ne vient à son secours ou si elle ne fait rien pour se libérer. Elle n’allait pas encore être un poids pour ses amies. Pas pour Eric. Elle ne voulait pas qu’il croit qu’elle ne peut pas se débrouiller seule. N’était-elle pas la chef des Gardiennes de la Muraille ?

           Will tendit les doigts vers le pendentif. Elle se concentra le plus qu’elle le pouvait pour lui intimer l’ordre de venir. Elle le pensa le plus fort possible. Son visage crispé par l’effort mental. Mais rien. Elle ne sentit même pas l’énergie couler le long de son bras et de ses doigts. Comment faire ? Que ferais-tu Eric ?

« Il ne faut pas se crisper, résonna la voix d’Eric dans sa tête. »

Elle se souvenait de ses leçons d’arts martiaux.

« Quand tu te concentres, quand tu te bats, il ne faut jamais se crisper. La crispation amène des flux parasites dans ton corps et ton esprit. Ton corps ne bouge pas aussi vite que tu le voudrais et comme tu le voudrais. Ton esprit que tu crois concentrer se laisse distraire par la moindre chose. Reste détendu. Laisse ton énergie s’écouler comme l’eau le long d’une pente douce. Laisse ton corps bouger naturellement sans le forcer. Et pour cela, il faut que tu vide ton esprit. Qu’il soit comme l’air, fuyant et insaisissable. Ainsi, tu pourras y attiser le feu de ton âme et ton corps sera telle la terre, invincible. Eau, air, feu, terre. Un combat, c’est jouer avec tous les éléments dont sont fait nos êtres. »

           Elle n’avait pas tout compris quand il lui avait dit ça. Elle ne comprenait toujours pas tout mais elle devait essayer. Elle ferma les yeux. Elle essaya de vider son esprit de toutes pensés, oubliant même l’existence de son corps. Elle ne sentait plus le frottement des cordes contre sa peau, ni la froideur de la pierre dans son dos. Elle sentit l’énergie couler en elle. Ça marchait !

           Takeshi releva la tête vers elle. Il esquissa un léger sourire. Elle était prometteuse. Elle était arrivée à vider presque totalement son esprit. Ce n’était pas encore du très haut niveau mais cela était respectable. Il sentit son énergie s’étendre vers le Cœur de Kandrakar. Elle voulait le récupérer. Jusqu’ou allait son contrôle de l’esprit. Il mit une main devant lui, index et majeur tendus et collés à la verticale. Il soupira sèchement. Un éclair parcourut le sol et vint frapper la gardienne par les pieds. Will cria de douleur. Le Cœur de Kandrakar qui s’était un peu soulever retomba. Quand l’éclair se dissipa, la tête de Will était lourdement retombée, elle reprenait son souffle.

« Impressionnant, dit Takeshi. Je vois qu’Eric t’as enseigné quelques petites choses. Mais tu manques cruellement de pratique. Tu risques de devenir gênante par la suite. Je devrais te tuer tout de suite. Mais si je le fais, Eric ne m’amènerait pas la Lumière.

-Il ne vous l’amènera pas, haleta Will. Il ne vous la livrera jamais.

-Ce n’est pas une expression de chez vous ? Il ne faut jamais dire jamais. »

 

           La nuit commençait à tomber. Cela faisait deux jours qu’Eric n’avait pas dormis. Il n’en avait pas le droit tant que Will serait en danger. Il lui restait un atout. Un atout dangereux pour lui comme pour elle. Mais le temps jouant contre lui, il n’avait pas le choix. Tout dépendait des sentiments qu’ils partageaient l’un pour l’autre.

           Eric trouva un endroit où il serait tranquille sur le toit d’un immeuble. Le vent sifflait à ses oreilles. Le printemps encore jeune, la soirée s’annonçait fraîche. Eric retira le sabre et son fourreau de sa ceinture et les déposa sur le sol. Il se mit à genou, dans une position que les pratiquants d’arts martiaux japonais appellent zazen. Il ferma les yeux, joignant les mains, index et majeurs tendus. Il fit une série de signes étranges avec les mains, revenant à la fin à sa position de départ. Un cercle de lumière sombre s’illumina autour de lui. Un pentagramme était inscrit dans le cercle. Eric vida entièrement son esprit. Plus rien n’existait pour lui. Il ne sentait plus le vent, ni le froid. Son esprit se libéra au-delà du carcan de son corps. Puis une pensé envahit son esprit. Une seule et unique pensée. Un visage. Une voix. La douceur d’une peau. La chaleur d’un cœur. Plus rien d’autre n’existait. Seule comptait Will.

 

           Au restaurant, Hanabi repartait pour rejoindre Eric dans les recherches. La police cherchait également la jeune fille. La mère de Will était effondrée, elle pensait déjà aux pires horreurs.

« Nous la trouverons, répéta de nouveau Hanabi en partant. Et nous la libérerons. Nous ne reviendrons pas sans elle. »

Irma l’avait embrassé pour lui souhaiter bonne chance. Hanabi savait qu’elle enrageait de ne pas pouvoir participer aux recherches. Mais sans Will, les gardiennes ne possédaient aucun pouvoir. Taranee ne savait pas quoi dire. Hay Lin ne tenait plus en place. Et Cornelia bouillait autant qu’Irma de ne pouvoir agir. Elle était enragée de devoir s’en remettre à ces deux anciens kagebushis, elle ne leur faisait pas encore confiance.

           Hanabi se demandait où pouvait se trouver Eric. Tout en cherchant Will, elle cherchait Eric. Elle finit par repérer un cercle mystique sur un toit. Elle s’approcha discrètement et reconnut Eric. Alors il en était arrivé au point de risquer un exercice aussi dangereux. Elle connaissait les risques mais elle ne pouvait l’arrêter maintenant.

 

           L’esprit désincarné d’Eric vola au dessus de la région plus vite que tout. Il n’avait qu’une seule pensée : Will. Tout le reste n’était qu’ombre et silhouette. Soudain, ce fut comme le feu d’un phare indiquant la bonne direction. Une lumière intense mais pas éblouissante brillait. Eric plongea vers la lumière tremblante comme une flamme. Il la vit. Au cœur de la lumière de son âme. Le visage doux de Will. Il s’approcha. Il tendit la main et la frôla. La silhouette lumineuse ouvrit les yeux et sourit en reconnaissant Eric.

« Tu m’as trouvé, dit Will. Je savais que tu me trouverais.

-Je viens te sauver, dit Eric. Bientôt tu seras libre. Je reviens. »

Eric voulut reculer mais les bras de l’âme de Will l’entourèrent délicatement.

« Qu’est-ce qu’il y a ? demanda t-il.

-Rien, je voulais juste reprendre là où on s’était arrêté. »

Elle se rapprocha encore du jeune homme, la silhouette lumineuse embrassa celle d’ombre. Leurs âmes s’unissaient pour la première fois.

           Lorsque Will relâcha son étreinte, Eric lui sourit et s’éloigna. Elle savait qu’il viendrait vite. Elle ne fut donc pas triste de le voir repartir. Elle se réveilla, reprenant conscience de la douleur qui enserrait ses poignets. Mais elle avait le souvenir de ce baiser en son âme. Elle était sûre qu’elle n’avait rien connu d’aussi doux que cet instant irréel.

 

           Eric réintégra son corps. Il ouvrit les yeux, découvrant Hanabi devant lui. Il se leva, remettant son sabre dans sa ceinture.

« Je sais où elle est. »

 

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