Le Royaume des Rats

Chapitre 18 : Inquiétudes de demain

7726 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 17/09/2020 20:15

Filles et Fils du Rat Cornu,

 

Vous m’excuserez, j’ai eu quelques petites contrariétés ces dernières semaines. Rien de bien grave, rassurez-vous, mais de quoi retarder quelque peu mon travail. Sans doute l’effet de Geheimnisnacht…

 

Quoi qu’il en soit, je n’ai pas pour autant arrêté l’écriture, au contraire. J’avoue que ce chapitre m’a posé quelques problèmes de « syndrome de la page blanche ». J’espère qu’il ne perdra pas en qualité, et que je ne perdrai pas votre bienveillante attention.

 

Merci pour votre fidélité, l’aventure continue et n’est pas près de s’arrêter.

 

Gloire au Rat Cornu !

 

 

Morrslieb était haute dans le ciel, tandis que Mannslieb déclinait. Pour les habitants du Vieux Monde, cet alignement était un mauvais présage. Chaque citoyen de l’Empire, chaque habitant du pays des Hauts Elfes, de la Norsca, de la Lustrie, jusqu’aux montagnes glacées et mortelles de Naggaroth, tout le monde connaissait l’influence néfaste de la lune de malepierre. Seuls les Skavens Sauvages ne maudissaient pas sa vue. Et donc, les gardes qui patrouillaient dans les rues, aux alentours de Steinerburg et sur les remparts du château, étaient toujours plus vigilants pendant cette période, même s’ils n’en étaient pas toujours conscients. Les superstitions génèrent souvent des comportements contradictoires ou salutaires. Qui pouvait dire ?

 

Larn, en tout cas, tâchait de garder cette idée à l’esprit. Pour lui, comme pour son peuple, Morrslieb portait chance.

 

Larn du Clan Eshin allait accomplir le plus grandiose des exploits, et faire mourir d’envie et d’admiration tous ses pairs. Il s’y était préparé pendant six longues lunes, avait concocté les poisons les plus violents, affuté ses couteaux les plus tranchants. Puis il y avait eu le trajet jusqu’au repaire de l’infâme Psody, le plus grand traître du peuple des Fils du Rat Cornu, le Grand Blasphémateur, avant d’atteindre enfin son clapier.

 

Tout en aiguisant délicatement dans l’ombre la lame de son poignard encore une fois, le Skaven gris sombre se remémora les quelques nuits précédentes.

 

Sa Grande Cape l’avait déclaré devant tous les membres du Clan Eshin de la communauté : tout le Pays des Apostats au Rat Cornu était un piège. Ces faux frères avaient été retirés à leurs terriers légitimes quand ils étaient de simples ratons, mais avaient de surcroît été privés de l’avenir de la race des Skavens. Les choses-hommes avaient violé leurs domaines, puis avaient capturé les Fils du Rat Cornu.

 

Ceux-ci auraient pu être pardonnés par le dieu des Skavens s’ils avaient juste été éliminés lâchement, avant d’avoir été en âge de se défendre. Mais le pire s’était produit : les choses-hommes en avaient fait des larves, de pauvres limaces molles, incapables de ressentir pleinement la chance qu’ils avaient d’être les instruments d’un dieu aussi juste et parfait que le Rat Cornu. La Grande Cape l’avait dit avec la voix crispée de colère et de chagrin : les Skavens s’étaient rabaissés à devenir des choses-hommes.

 

Larn n’avait pu se résoudre à croire une telle aberration. Comment de vrais Skavens pouvaient-ils faire preuve d’une telle lâcheté, une telle faiblesse, une telle ingratitude ? Non, la Grande Cape ne pouvait pas dire la vérité. Elle mentait. Ou bien on lui avait menti. Mais lorsque le Skaven à poil gris sombre s’était porté volontaire pour quitter le terrier afin de mettre fin à la vie du Grand Blasphémateur, il s’était enfoncé dans cette province de la surface qu’on surnommait le « Royaume des Rats ». Et il avait vu de ses yeux la véritable horreur.

 

Ainsi, les Skavens dressés par les choses-hommes se comportaient comme eux ! Ils s’habillaient avec les mêmes vêtements, parlaient le même langage, et par-dessus le marché, avaient le culot de vivre pleinement de cette façon ! Aucun n’avait l’air prêt à briser ses chaînes, regagner l’Empire Souterrain et réclamer ce qui lui revenait de droit. Aucun ne semblait malheureux à l’idée d’être réduit à l’état de pauvre mouton inoffensif.

 

Tout était de la faute du Grand Blasphémateur. Il allait payer. Avec sa vie.

 

Larn n’avait pas eu beaucoup de mal à atteindre la principale cité où cohabitaient les choses-hommes et les traîtres. Le plus dur avait été de se déplacer à l’air libre. Ces misérables faux Skavens n’avaient pas de tunnels. Ils étaient donc obligés de supporter la lumière blessante du soleil. Il s’était déplacé seulement de nuit, et avait pris soin de creuser rapidement un terrier pour se cacher dès que l’horizon s’éclairait. Mais il avait pris le temps d’observer les faux Skavens. Ceux-ci ne semblaient pas du tout incommodés par la boule de feu céleste honnie par les Fils du Rat Cornu. Au contraire, ils riaient, ils vivaient sans penser à se battre pour savoir qui était le plus fort. Ils étaient tous ramollis, incapables d’honorer leur Clan d’une quelconque manière. De toute façon, ils n’avaient pas de Clan. Pas de technologie Skryre, pas d’astuce et d’intelligence Eshin, pas d’améliorations Moulder, et pas de stimulants Pestilens. Et surtout, aucun guide spirituel élu par le Rat Cornu pour les guider. Une fois, dans un hameau, il avait même vu de loin un rassemblement de choses-hommes autour d’un petit autel dédié à l’un de leurs dieux minables, et les Skavens avaient assisté à l’office avec la même passion que les choses-hommes !

 

Tous étaient vraiment condamnés à être des cafards, heureux d’être exploités par les choses-hommes. Et le principal responsable était le pire des traîtres : un Skaven Blanc !

 

Rien qu’à penser à une telle ingratitude, Larn sentait son sang bouillir. Des milliers de Skavens étaient prêts à tuer pour naître avec la Grâce du Rat Cornu. Non, en réalité, tous les Skavens étaient prêts à tuer, si l’on exceptait les faibles et les fous. Et celui-ci faisait preuve de la dernière des ingratitudes en dédaignant ainsi le plus sacré des cadeaux du seul Vrai Dieu.

 

Il était temps pour toute cette folie sacrilège de s’arrêter.

 

La grande ville des choses-hommes où se terrait le Grand Blasphémateur était équipée d’un système d’égouts. Tout était neuf, c’était du travail fait par les choses-naines, sans doute. Elles avaient d’abord amené l’eau vitale grâce à un immense aqueduc, puis avaient construit ce réseau afin de lui permettre de circuler. Un sacré travail qui avait sans doute mobilisé beaucoup d’ouvriers.

 

Larn ne le savait pas, mais les Nains qui avaient élaboré ce système avaient dû travailler « rapidement », et se contenter de faire l’essentiel, sans décorations. Ils n’avaient pas été particulièrement satisfaits du résultat, mais Steiner leur avait donné assez d’argent pour endormir leur fierté. Les habitants de Steinerburg avaient voulu des égouts solides, pratiques et efficaces rapidement, ils n’étaient pas aussi exigeants que le peuple des karaks.

 

Ce réseau avait permis au Skaven du Clan Eshin de se faufiler sans le moindre risque jusqu’aux abords de la propriété du traître. D’épais grillages enchâssés dans les conduits l’avaient empêché d’aller plus loin, mais il était bien décidé à ne pas se laisser arrêter. Il avait attendu la nuit pour se glisser hors des égouts et déboucher dans une impasse sombre à quelques yards de l’entrée.

 

Il était temps de passer à l’action. La vue de l’éclat verdâtre de Morrslieb réchauffa son cœur. Il allait remplir son Clan de fierté et d’orgueil.

 

D’abord, il fallait pénétrer à l’intérieur. Un jeu de petit raton pour le Coureur d’Égout. En trois sauts, il fut sur le toit de la grande bâtisse qui faisait face au mur d’enceinte qui cerclait le domaine. Il repéra rapidement trois sentinelles en train de patrouiller chacune de son côté. Il sourit cruellement ; son plan venait de gagner une nouvelle possibilité.

 

Il prit son élan, et fit un immense bond pour se recevoir en souplesse sur le rempart. Il se glissa silencieusement jusqu’au porche de l’une des tourelles traversées par le chemin de ronde. Vite, il bondit pour se cacher sous une grosse poutre de soutien. Puis il attendit, ordonnant intérieurement à son cœur de ralentir son rythme. Il ne fallut à celui-ci qu’une poignée de secondes pour battre la mesure comme si rien ne s’était passé.

 

Le bruit de pas s’accentua, encore et encore. L’ombre d’un Skaven ramolli se découpa sous le demi-cercle du porche. Au moment où il se trouva juste sous le Coureur d’Égout, sa vie s’arrêta. Larn se laissa tomber sur lui, et dans le mouvement lui plaqua une main sur la bouche, avant de lui trancher la gorge de l’autre d’un coup sec de sa dague recourbée. La proie n’eut pas le temps de comprendre qu’elle était déjà morte, et flasque sur les bras de l’Eshin. Larn s’empressa de lui retirer sa cotte de mailles et son casque pour les mettre. Il jeta un bref coup d’œil par-dessus le parapet, vers l’intérieur. Un immense parc entourait la propriété où se cachait misérablement le Grand Blasphémateur. Avec des buissons.

 

Larn dut retenir un ricanement. Il s’assura d’être hors de vue des autres gardes, puis laissa tomber le corps de sa nouvelle victime dans un gros buisson. La dépouille disparut dans un froissement de feuillage.

 

C’était presque trop facile.

 

Larn observa pendant une longue minute les autres gardes, assimila ainsi leur chemin. Après quoi, il tâcha de se tenir bien droit, comme le faisaient inutilement les choses-hommes. Cette pièce d’armure l’obligeait à le faire, de toute façon. Il ramassa la lance tombée sur la pierre taillée, bomba le torse, et reprit le chemin tel qu’aurait probablement dû faire la sentinelle morte. Il entra dans le champ de vision des autres gardes. Tout allait se jouer. Son casque dissimulait ses traits, et il s’arrangea pour marcher le plus possible le dos vers la lune verte. Son cœur battait à tout rompre à la fois d’appréhension et d’excitation quand il fut à portée de voix d’un Skaven-traître.

 

Il le croisa.

 

Celui-ci ne réagit pas.

 

Un pas plus loin, puis deux, puis trois…

 

Toujours aucune réaction.

 

Cette fois, c’était gagné.

 

Bien entendu, il ne pourrait pas entrer au culot dans la propriété, on remarquerait son appartenance à l’Empire Souterrain, et donc sa supériorité physique et mentale. Ce qui amènerait le Grand Blasphémateur à se cacher derrière son armée et sa magie. Mais il n’allait pas continuer bien longtemps à jouer le jeu des Skavens-traîtres.

 

Il repéra un recoin sombre dans une arrière-cour, à côté de la propriété. Il pourrait s’y rendre, se débarrasser des effets fabriqués par les choses-hommes, puis atteindre la fenêtre du Grand Blasphémateur, et mettre fin à sa misérable existence.

 

Il s’arrêta un bref instant, pour repérer l’escalier du mur de ronde le plus proche de la grande maison, visualisa le chemin à emprunter qui lui permettrait de rester le plus possible dans l’ombre, et se mit en marche, le léger cliquetis de son attirail partiellement dissimulé par le chant lointain d’un hibou.

 

Tout en approchant, il veilla à surtout ne pas ralentir la vitesse de ses pas, encore moins l’accélérer. Les gardes étaient à l’affût du moindre mouvement suspect, de la moindre attitude inhabituelle. Il fallait être invisible. Bien se tenir droit, et rester calme. Les petits insectes qui fuyaient habituellement les terriers striaient la nuit de leurs crissements hautement désagréables, qui titillaient les tympans sensibles de Larn. Mais il en avait entendu d’autres. Au-dessus de lui, une chauve-souris voleta, et poussa même un petit cri en écho à l’ululement du hibou. C’était un autre bon présage.

 

Larn sentit son oreille pivoter lorsque l’oiseau de nuit creva encore le silence de son bruit caractéristique. Le Coureur d’Égout était plus habitué aux raclements des cavernes, aux cliquetis bruyants des immenses trégaras, ou à l’écoulement de l’eau des rivières souterraines. Il retrouva néanmoins avec soulagement ce dernier son. Les choses-hommes faisaient en effet couler de l’eau par des statues à l’effigie de leurs faibles divinités et de leurs héros pathétiques. Il en distingua justement quelques-unes.

 

Enfin, il se retrouva dans l’arrière-cour. Les hiboux continuaient leur chorale, cela en devint presque agaçant. L’un d’eux chanta même non loin de sa position, à tel point qu’il se glissa en un instant derrière un tas de fagots de bois, plus rapidement qu’un serpent.

 

Il laissa passer une longue minute, puis quand il décida qu’il n’y eût définitivement plus rien à craindre, il posa sa lance, laissa glisser à terre sa cotte de mailles, puis le casque. Enfin, il contempla la grande bâtisse.

 

Plein d’ouvertures vitrées. Une seule mène au Grand Blasphémateur. Je ne dois pas me tromper-tromper !

 

Et pour éviter cela, il y avait un moyen aussi simple qu’efficace.

 

Larn sortit de sa poche un fragment de tissu que sa Grande Cape lui avait confié. Dessus était imprégnée l’odeur du Grand Blasphémateur. Il cala dans ses narines le carré soyeux, et inspira longuement à plusieurs reprises. Une fois sûr de lui, il retira de son museau le tissu, et le mangea en une bouchée. Puis il se concentra, et bientôt, l’odeur lui apparut aussi clairement que si un nuage de lucioles s’était matérialisé devant la bonne fenêtre.

 

Le troisième étage !

 

Et comme si le Rat Cornu en personne voulait l’aider, un épais nuage noir passa alors devant Morrslieb. Une ombre engloutit irrésistiblement les alentours. C’était le moment ou jamais.

 

Larn sauta de cachette en cachette avec souplesse jusqu’au pied du mur. Les pierres rugueuses et les colombages étaient autant de prises qui facilitèrent son ascension. Il jeta un coup d’œil vers le parc. Personne ne semblait l’avoir repéré. Les sentinelles patrouillaient toujours. Il atteignit la fenêtre.

 

L’assassin Eshin avait déjà tué des choses-hommes en plein sommeil. Il avait tous les outils nécessaires pour franchir n’importe quel obstacle en silence, y compris les vitres. D’abord, il fallait ouvrir les volets. Il fouilla dans sa sacoche, en sortit une petite barre de fer avec un crochet, et s’appliqua à soulever le loquet qui retenait les volets. Il fit pivoter lentement l’un des panneaux de bois. Puis il saisit délicatement entre ses doigts un petit morceau de diamant, avec lequel il découpa proprement un trou dans le panneau de verre. Il put ainsi passer la main par l’ouverture, et ouvrir la fenêtre. Puis il entra dans la chambre, en veillant à se recevoir le plus légèrement possible sur le plancher.

 

La pièce était encore sombre, mais Larn put l’analyser. Elle était spacieuse, comprenait quelques meubles. Un tapis de tissu isolait ses orteils des lattes du parquet. Et à quelques yards de là, pas plus d’une demi-douzaine, le Coureur d’Égout repéra un lit.

 

Cependant, le sens qui réagit le plus n’était pas sa vue, mais son odorat.

 

Pas d’erreur.

 

L’odeur caractéristique du Grand Blasphémateur flottait dans la pièce.

 

Il est là ! Je ne sais pas précisément-précisément où, mais il est là ! T’es mort-mort !

 

Larn regarda vers le lit. Il savait que les choses-hommes dormaient sur des matelas posés sur ce genre d’armature de bois. Le traître avait sans doute adopté la même coutume. Il distingua nettement une forme lovée sous les draps, et son sourire s’étira en une affreuse grimace quand il repéra deux longues cornes qui dépassaient pour reposer sur l’oreiller. Il porta la main à sa ceinture, referma les doigts sur la poignée de sa dague, et la sortit de son fourreau, pouce après pouce. Quand la lame de fer couvert de sang séché fut à la hauteur de son museau, avec sa main libre il tira une petite fiole d’une de ses poches, la déboucha, et versa sur toute la longueur de l’arme le poison qu’il avait concocté. Venin de manticore mélangé à du sang de malesouris, avec quelques paillettes de malepierre. Aucune chance de survie pour qui recevait ne serait-ce qu’une goutte dans le cœur.

 

Larn enroula précautionneusement sa queue autour de la poignée de la dague, fléchit lentement ses jambes, et se concentra. Il calcula mentalement l’énergie qu’il allait devoir mettre dans ses jambes pour faire un saut suffisamment long pour atterrir à côté du lit. Dans l’élan, il ferait un tour sur lui-même, et abattrait la dague sur sa cible. Le Grand Blasphémateur ne mettrait que quelques secondes à crever. Il lui prendrait sa tête, et la ramènerait à Skarogne, et remporterait la plus belle récompense qu’un Skaven pût rêver. Des pondeuses par dizaines, des montagnes de malepierre, et peut-être une place au Conseil des Treize ? Tout était à portée de main.

 

Une fois sûr de son coup, il inspira profondément, et se lança. La lame empoisonnée siffla jusque sur le lit. Mais au lieu du petit bruit sec et bref qui résonnait habituellement quand on plantait un couteau dans un quartier de viande, il y eut un grand fracas et un chuintement inquiétant, tandis qu’un nuage de gaz s’échappa du lit et monta rapidement aux narines du Coureur d’Égout. Affolé, Larn sentit ses jambes s’affaisser sous son poids. Le monde entier se renversa autour de lui. La tête lui tourna. Ce fut alors qu’il distingua une silhouette penchée vers lui, celle d’un Skaven au visage couvert d’un masque de métal ressemblant à ceux des globadiers du Clan Skryre. Il eut le temps de repérer deux cornes au-dessus du masque, puis ce fut le trou noir.

 

*

 

Une gifle glacée réveilla l’Eshin en sursaut.

 

-         Alors, tu pensais vraiment pouvoir me charcuter aussi facilement ?

 

Larn secoua vigoureusement la tête. Il avait une telle migraine que pendant un instant, il eut peur d’avoir la tête fendue. Il ouvrit en grand les yeux, et vit deux Skavens. Le premier, le plus proche de lui, était une Vermine de Choc. Bien plus grand et plus fort que lui, il tenait encore entre ses mains le seau d’eau dont il venait de jeter le contenu sur sa figure. Il portait une tunique à manches bouffantes, comme celles des choses-hommes. Mais sa silhouette paraissait large sous les étoffes colorées. Son regard ne laissait présager la moindre compassion. L’Eshin se focalisa rapidement sur le deuxième, et son sang ne fit qu’un tour.

 

Le Grand Blasphémateur était devant lui. Il était ridiculement petit, et maigrichon. Vraiment, le Rat Cornu avait eu doublement une drôle d’idée en octroyant sa bénédiction la plus sacrée à un individu aussi faible physiquement et avec des idées aussi traîtresses. Vraiment, il n’avait rien de terrifiant, ce n’était qu’un minable petit ingrat.

 

Et pourtant, il y avait dans ses yeux roses une détermination que Larn n’avait jamais vue nulle part, pas même chez sa Grande Cape ou son Seigneur de Guerre. Comment quelqu’un d’aussi inconsistant pouvait faire preuve d’une telle assurance ? Son petit corps de gringalet à lui seul était une excellente raison d’avoir honte de vivre.

 

Le timbre un peu éraillé de sa voix traduisait d’autant plus cette force intérieure.

 

-         Tu es plutôt talentueux-talentueux, Eshin. Bon équipement, une habileté certaine pour avoir réussi à monter jusqu’à mes appartements… ta Grande Cape t’a bien entraîné. Mais pas assez. Et maintenant, tu es notre prisonnier-prisonnier, au fond de la caserne la mieux gardée du Royaume des Rats. Tu n’as aucune chance de nous échapper, alors oublie-abandonne tout de suite tes espérances.

 

Le Coureur d’Égout baissa le museau, et réalisa pleinement la situation dans laquelle il était : attaché à un chevalet de torture, complètement nu, ses chevilles et ses poignets serrés à en faire mal par d’épais bracelets de métal. Le Skaven Blanc continua :

 

-         Je comprends ton but. On t’a envoyé pour me réduire au silence-silence. Et tu as failli réussir. Je m’y attendais, et pour cela, je ne suis pas fâché-furieux. J’aurais presque envie de te féliciter, si tu n’avais pas tué un brave soldat et mis la vie de ma famille-famille en danger. Normalement, ma femme dort à mes côtés. Si j’avais été dans ce lit avec elle, je suppose que tu l’aurais tuée, elle aussi ? Pas de témoin gênant, et de toute façon, les Eshin adorent voir le sang gicler-couler. Tu as menacé mon amour. Et ça, pour moi, c’est impardonnable.

 

Larn était épouvanté, mais comme tous les Skavens Sauvages pris, il ne voulut pas le laisser paraître.

 

-         Tu es le Grand Blasphémateur, Psody ! Traître-imposteur !

 

Psody avança posément, se posta à côté du chevalet, et murmura d’une voix mielleuse :

 

-         Ah, je suis un traître-imposteur ? Et toi, tu crois valoir mieux que moi ? Tu sais comment on vous appelle, vous autres de l’Empire Souterrain ? « Skavens Sauvages ». Pour nous, vous êtes des brutes-assassins, des violeurs-dévoreurs, une misérable vermine que nous avons fait vœu d’exterminer. C’est vrai-vrai, je suis un traître, j’ai tourné le dos à tout ça quand je me suis rendu compte que ça ne nous mènerait à rien-rien. Plus j’obéissais à mon maître, plus j’étais fier de le servir. Plus j’étais fier de le servir, plus il m’a détesté. Jusqu’au jour où il a ordonné mon exécution ! J’ai échappé à sa colère-jalousie. Et j’ai compris que tout ce qui stimule les Skavens de l’Empire Souterrain, c’est la peur-haine ! Mais ça ne mène qu’à la destruction ! S’ils continuent comme ça, les gens de ton peuple finiront par se détruire eux-mêmes ! Mais ça, tu n’es pas près de le comprendre, n’est-ce pas ? Ta Grande Cape ne s’en rend pas compte, ni ton Seigneur de Guerre, ni le Prophète Gris de ton terrier ! Même le Conseil des Treize ne l’a pas compris. Sinon, ils auraient tout arrêté depuis longtemps ! Mais leur incapacité à se remettre en question va provoquer le déclin-effondrement de l’Empire Souterrain !

 

Le Coureur d’Égout était abasourdi. C’est alors qu’il se rappela les mots de sa Grande Cape : « Attention, le Grand Blasphémateur est capable de vous ensorceler avec des paroles toxiques-puantes ! Surtout, ne l’écoutez pas, car il vous fera douter du Rat Cornu ! » Le Rat Cornu… Oui ! Il devait absolument se raccrocher au seul véritable guide des Skavens. Aussi, il glapit :

 

-         Le Rat Cornu est furieux contre toi !

-         Tu es sûr ?

-         Il me l’a dit !

-         À toi, un vulgaire Eshin ? Aucune chance !

 

Le Skaven Blanc connaissait bien la psychologie de ses anciens pairs. Sa ruse marcha. Le prisonnier cracha :

 

-         Mon maître me l’a dit !

 

Larn réalisa ce qu’il venait de faire, et paniqua de nouveau. Il ferma la bouche, et n’émit plus un son.

 

-         Qui est ton maître ?

-         …

-         Ne l’oblige pas à répéter ! aboya Sigmund.

 

Larn sursauta quand il entendit pour la première fois la voix du Skaven Noir. Il desserra les dents pour se défendre :

 

-         J’ai vu comment se conduisent les Skavens d’ici, sale traître ! Tu en as fait de pauvres moutons ! De misérables limaces incapables de se défendre ou d’honorer le Rat Cornu ! Tu les as trompés.

-         Je n’ai trompé personne. S’ils veulent vraiment aller vivre dans l’Empire Souterrain, qu’ils y aillent. Mais ils ne le feront pas, car ils savent ce qu’ils deviendront s’ils l’intègrent-intègrent.

-         Ils seront de vrais Fils du Rat Cornu ! Pour l’instant, ils sont faibles-minables !

-         Faux. Ils sont heureux-épanouis. Cela les rend beaucoup plus forts. Le peuple des Skavens a tout intérêt à collaborer-s’harmoniser avec le peuple des Humains s’il veut vivre. Ce Royaume des Rats en est la preuve. Ce que tu as vu n’est que le début, Eshin. Un jour, nous serons un peuple entier, suffisamment grand-puissant pour vous soumettre et vous obliger à changer-changer. Vous vivrez tous, mais plus de Conseil des Treize, plus de Clans, plus de malepierre, plus de violence. Quoi que tu puisses penser, nous y parviendrons. Maintenant, pour la dernière fois : qui est ton maître ?

 

Larn ne prononça plus une syllabe. Psody se pencha vers le prisonnier, en prenant garde à ne pas rester à portée de ses crocs. Il plissa les yeux, et murmura :

 

-         Tu sais qu’avant d’être ce « Grand Blasphémateur », j’étais un Prophète Gris. Un Élu-Élu du Rat Cornu. Mon maître était le Prophète Gris Vellux. Il se vantait d’être le fils de Thanquol. Tu connais Thanquol, n’est-ce pas ? Tout l’Empire Souterrain connaît Thanquol. Tout ce que Thanquol savait, il l’a appris à Vellux. Et Vellux m’a appris tout ce qu’il avait appris de Thanquol. Et j’étais un élève très doué. J’ai tué mon premier esclave alors que je n’étais âgé que de deux saisons.

 

Sigmund jubilait. Il savait qu’il y avait beaucoup de mensonges dans ce que venait de dire son père. Mais pour un Skaven Sauvage, c’était crédible. En outre, il avait mis une telle conviction dans ses paroles que quelqu’un ne le connaissant que de réputation ne pouvait pas ne pas y croire.

 

-         Je sais que les Eshin sont entraînés à résister à la douleur-douleur. Mon frère de sang Klur en était un. Il était talentueux, mais mon autre frère de sang Chitik l’a tué. Je ne sais pas comment, mais il l’a fait. Et si un Skaven Noir lié à moi par le sang peut tuer un autre Skaven lié à lui par le sang, tu imagines ce que je peux faire à un Skaven qui n’a même pas de lien de sang avec moi-moi ? Allez-allez, tu es plus futé que ça, Eshin. Je veux savoir comment tu t’appelles, qui est ta Grande Cape, comment s’appelle le Seigneur de Guerre de ton terrier, et l’endroit où vous vous cachez. Si tu me dis tout ça tout de suite-maintenant, j’accepterai peut-être de te laisser partir sans trop de douleur. Sinon, tu vas avoir de très gros problèmes, et ça, c’est sûr-certain ! Alors ?

 

Pour toute réponse, Larn inspira, et cracha de toutes ses forces sur le Grand Blasphémateur. Le Skaven Blanc ne perdit pas son calme pour autant. Il s’essuya dignement la joue, et murmura :

 

-         Siggy ?

 

Le Skaven Noir avança à son tour, et balança à l’assassin une violente gifle qui le sonna. Le monde entier bascula autour de Larn, qui n’entendit plus rien. Il perçut néanmoins la voix du traître au Rat Cornu qui articula :

 

-         Très bien. Si tu veux jouer-jouer à celui qui craquera le premier, on va jouer-jouer.

 

*

 

-         Décidément, il est obstiné !

-         Il a été entraîné à ça, Père.

-         Peut-être, mais là…

 

Ludwig Steiner ne savait pas trop quoi penser du spectacle qui s’offrait à lui. Il pouvait voir à travers les barreaux le prisonnier toujours attaché au chevalet. Près de lui, un musicien s’appliquait à jouer de la flûte, sous l’œil attentif de Sigmund qui restait près du Skaven Sauvage, bras croisés. L’Humain jouait un air plutôt joyeux, et s’appliquait à rester concentré malgré les grognements, les sifflements et les chuintements du prisonnier.

 

-         Ça fait plus d’une heure que ce concert dure !

 

Le Prince parla au ménestrel.

 

-         Désolé de vous infliger un aussi mauvais public, mon ami !

-         Que Votre Majesté se rassure, un véritable artiste doit être capable d’exercer son art en toute circonstance ! Et puis, ce n’est pas tous les jours que je suis payé pour une simple répétition !

 

Et il reprit sa musique de plus belle, et le prisonnier Eshin geignit davantage. Sigmund afficha un petit rictus méprisant. En revanche, son grand-père émit quelques doutes :

 

-         Tu es sûr que ça va marcher ?

-         Les Skavens Sauvages détestent le son de la flûte, vous le savez. Cela leur rappelle la légende de ce flûtiste qui a vaincu une armée entière en les hypnotisant grâce à sa musique ensorcelée.

-         Peut-être, mais même si c’est un ennemi et qu’il a tenté de te tuer, je n’apprécie pas spécialement de le voir souffrir. Ça reste de la torture, Psody.

-         Tout ce qu’on torture, c’est sa superstition-naïveté. Si je voulais, je pourrais le torturer d’une manière autrement plus violente-brutale que ça. Vellux a été un bon professeur. Et n’oubliez pas qu’il aurait pu blesser votre fille.

-         Mouais… Quoi qu’il en soit, je ne voudrais pas remettre en doute tes connaissances sur les habitants de l’Empire Souterrain, mais celui-ci m’a l’air de rester imperméable à cette tentative.

-         Hélas, j’ai bien peur que vous ayez raison-raison, peut-être qu’il faudrait changer de méthode ?

 

Psody rentra dans la cage, et fixa d’un œil sévère le prisonnier. Il s’appliqua à étirer sa bouche en un sourire inquiétant.

 

-         Plutôt borné-borné, hein ? Qu’à cela ne tienne ! On va passer à l’étape suivante !

 

 

Larn fut détaché, puis poussé jusqu’à la plus profonde des caves de la caserne. C’était une grande salle basse de plafond. Pour tout mobilier, il y avait un trône de métal forgé fixé au centre, avec des bracelets aux poignets, aux chevilles et au cou. Sigmund força fermement le Skaven Sauvage à s’asseoir, puis l’attacha sans ménagement. Les menottes claquèrent froidement pendant que le Grand Blasphémateur expliqua, toujours un vilain sourire aux lèvres :

 

-         Nous avons conçu cette pièce pour les Fils du Rat Cornu les plus récalcitrants. Je peux t’assurer que tu vas nous raconter toute ta vie depuis la sortie de la pouponnière quand on aura fini-fini.

 

Deux choses-hommes, dont l’une avec le menton recouvert d’une impressionnante touffe de poils, apportèrent une marmite dont émanait une forte odeur. Les deux Skavens reculèrent, et les deux choses-hommes balancèrent sur Larn le contenu de la marmite. Le Skaven Sauvage se retrouva couvert d’une épaisse purée qui exhalait une odeur atroce qui lui rappela le jour où il s’était aventuré dans la fosse des Pestilens. Les deux choses-hommes s’appliquèrent à répandre sur tout son corps l’odieuse mixture à l’aide de gros pinceaux, puis se retirèrent.

 

Le Grand Blasphémateur se pencha vers Larn.

 

-         Je te laisse. Tu as peut-être survécu à la musique, mais tu ne pourras pas leur résister-résister.

 

Et il s’éloigna rapidement vers la porte, suivi par la Vermine de Choc. La porte claqua, la clef tourna dans la serrure. Larn sentit son cœur battre à s’en disloquer les côtes. Qu’est-ce que ces maudits traîtres au Rat Cornu allaient lui préparer ?

 

Un petit grincement de charnière attira son attention. Il tourna péniblement la tête, et vit au pied du mur une petite trappe haute de deux pieds qui venait de se lever, révélant une ouverture sombre.

 

Larn entendit alors un léger ronflement. Puis un son bref, aigu et geignard résonna dans la cave. D’instinct, il comprit sans y croire qu’il s’agissait d’un des pires dangers que le vaillant peuple des Skavens pouvait redouter. Et ses pires soupçons flamboyèrent en une terrifiante certitude quand il distingua les lueurs de petits yeux méchants qui le regardaient. Une paire d’yeux. Non, deux, trois, quatre…

 

Par le Rat Cornu ! NON !

 

Une petite créature poilue à longue queue ondulante entra posément dans la pièce. Ses quatre pattes n’émettaient pas le moindre bruit alors qu’elle se déplaçait sur la pierre froide. Elle leva la tête, révélant deux grands yeux qui le regardaient avec gourmandise. Elle se pourlécha les babines, impatiente à l’idée d’arracher un doigt ou une oreille à l’Eshin. Une deuxième jaillit, et s’avança vers la chaise. Larn sentit sa vessie se vider à la vue de trois autres monstres au pelage rayé. Le Skaven gémit devant les moustaches frémissantes, les petites dents pointues comme des aiguilles et les griffes dissimulées dans les pattes de ces ignobles fauves.

 

-         Ah… Oh… Non ! Arrêtez ! Allez-vous-en ! Filez-filez !

 

Il remua de toutes ses forces sur sa chaise, malgré les entraves. Il glapit, crissa, tenta de cracher sur les petites horreurs à fourrure. Mais ces choses monstrueuses n’avaient pas peur de lui. Ou plutôt, elles semblaient trop affamées pour renoncer à un tel festin.

 

L’une d’elles poussa alors un long mugissement aigu, qui fut repris en chœur par les autres. Le sang de Larn se figea, ses yeux tellement écarquillés menacèrent de tomber au sol. Fou d’épouvante, l’Eshin se contorsionna de toutes ses forces, à tel point que le fer des menottes qui le retenaient lui écorcha la peau.

 

-         Au secours-secours ! Pitié-pitié, sortez-moi de là !

 

La porte s’entrouvrit, et la voix du Skaven Blanc résonna dans la pièce :

 

-         Comment tu t’appelles ?

-         Larn ! Larn du Clan Eshin !

-         Qui est ton chef, Larn du Clan Eshin ?

-         Je… ne dois…

-         Dis-moi son nom, ou mes fidèles compagnons te mangeront tout cru !

 

L’Eshin ne réfléchit pas davantage. Son instinct de survie l’emporta sur sa fierté de Coureur d’Égout.

 

-         Dalwos ! Dalwos ! C’est le Seigneur Dalwos !

 

Il n’y eut pas de réponse. L’une des créatures vicieuses grimpa sur les genoux de Larn, qui se secoua pour la faire partir.

 

-         C’est Dalwos du Clan Skab ! Dalwos du Clan Skab !

 

La Vermine de Choc parla à son tour :

 

-         Et Blokfiste du Clan Moulder ? Où est Blokfiste ?

-         Je ne sais pas ! Je ne connais pas de Blokfiste ! J’aime pas les Moulder !

-         Et ta Grande Cape ? Qui est ta Grande Cape ?

-         Connais pas son nom ! Fort-effrayant ! Cruauté sans limite ! Fait peur aux démons !

 

Ce fut de nouveau le Grand Blasphémateur qui le questionna.

 

-         Et ton terrier ? Où est-il ?

-         Je ne sais pas !

-         Ne te moque-fiche pas de moi ! Tu n’es pas arrivé jusque chez moi en volant depuis Skarogne ! Où est ta colonie ?

-         Peux pas dire ! J’ai… été… amené par… autres Skavens. Ont amené moi… à un point… où je dois les retrouver ! Mais… connais pas… chemin entre terrier… et cet endroit !

 

Larn glapit encore lorsqu’un des monstres donna un coup de patte sur sa queue.

 

De l’autre côté de la porte, les deux Skavens et le Prince se concertèrent. Steiner, indisposé par les hurlements du prisonnier, grommela :

 

-         Tu es sûr qu’on peut le croire ?

-         Vu l’état dans lequel il est, je pense que oui. Les Eshin font attention de ne pas divulguer-révéler trop d’informations à leurs larbins, si ceux-ci se font prendre, ils parleront moins. Sa Grande Cape peut très bien taire son nom.

-         Et sur le fait qu’il ne sache pas où est son repaire ?

-         Il est très possible qu’un groupe de Skavens Sauvages l’aient déposé les yeux bandés à quelques jours de marche d’ici. Il serait revenu au même endroit avec ma tête pour qu’on vienne le chercher-chercher.

-         Ça se tient. Hé, mais si ce Dalwos du Clan Skab avait décidé de l’abandonner ?

-         Et ne pas récupérer la récompense-récompense ? Les Skavens Sauvages sont sans pitié pour les faibles-perdants, Père, mais ils ne sont pas tous stupides.

-         Qu’est-ce qu’il a de particulier, ce Clan Skab ? demanda Marjan.

-         C’est un Clan mineur, l’un des plus importants avec le Clan Mors. Ses membres sont principalement des guerriers bien entraînés et grands-costauds. Ils produisent plus de Vermines de Choc que les autres, et les vendent volontiers à qui peut payer.

-         Des mercenaires ? s’étonna Jochen. Ça existe chez eux, ça ?

 

Le Skaven Blanc leva un regard un peu cynique vers le jeune homme.

 

-         Tu sembles oublier que les Skavens Sauvages tirent profit de tout et de tout le monde.

 

Marjan se frotta le menton.

 

-         Votre Altesse, on devrait peut-être le convaincre de nous conduire à ce lieu de rendez-vous ?

-         Hum… Peut-être, oui. Mais je dois y réfléchir.

 

Sigmund se sentait de plus en plus gêné devant le supplice qu’endurait le pauvre Eshin. Ses cris et ses pleurs lui vrillaient les tympans.

 

-         En attendant, s’il a vraiment tout dit, on l’a assez effrayé comme ça !

-         Père ? demanda le Skaven Blanc.

 

Le Prince fit un vague geste de la main.

 

-         Allez, ça suffit. Remettez-le dans une cellule.

 

 

Larn était mort de peur. Il pleurait sans retenue, et suppliait le Rat Cornu de lui accorder une mort rapide. Soudain, la porte s’ouvrit. Les deux choses-hommes entrèrent, suivies par la Vermine de Choc. Les deux choses-hommes tapèrent dans leurs mains, sifflèrent, crièrent, pour éloigner les monstres. Le Coureur d’Égout s’attendait à les voir bondir sur le grand Skaven Noir et le tailler en pièces. Mais aucune odeur de peur ne suinta de celui-ci. Au contraire, il resta très calme. La terreur de l’Eshin se mua peu à peu en une stupéfaction suprême quand il vit le Puissant marcher au milieu des créatures affamées sans la moindre hésitation, et sans se faire attaquer. Pire, il se pencha, et en prit une dans chaque main pour les déposer hors de la salle. Il en évacua ainsi une bonne demi-douzaine.

 

Quand il ne resta plus qu’une seule créature maudite, la Vermine de Choc la ramassa délicatement, et la présenta sous le nez de Larn. Celui-ci ne savait plus ce quoi penser. Fasciné par les yeux scintillants, il sursauta quand la voix du Skaven Noir lui dit :

 

-         Une bonne leçon pour toi, idiot-crétin : les chats ne représentent pas le moindre danger pour des rats de ta taille.

 

La peur fit rapidement place à une colère terrible. Furieux d’avoir été dupé de la sorte, Larn éclata de nouveau en sanglots rageurs, et un torrent d’insultes toutes plus imagées les unes les autres jaillit de sa bouche. Ce fut intense, mais bref : un coup de poing de Jochen sur sa nuque coupa court à ses invectives.

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