L'Aube du Chaos : Sororitas - a Warhammer 40k story

Chapitre 2 : Doute Interdit

2649 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 01/10/2021 14:10

La journée avançait, toujours sous l'emprise de cette pluie fine, froide et agaçante qui ne cessait de tomber de la mer de nuages grisâtres qui couvrait le ciel. Mais le mauvais temps n'était pas une excuse. En début d'après-midi, l'entraînement quotidien au maniement des armes avait débuté dans la grande cour annexe au nord du temple. La grande cour, de forme rectangulaire et entourée de grandes colonnes de fer représentant de fières sœurs de bataille, était le lieu où les sœurs novices venaient chaque jour recevoir une initiation de base au maniement des armes telles que le pistolet Bolt ou les épées. Le but de cette initiation était de former des novices à découvrir les armes de l'Imperium, avant de pouvoir commencer à s'entraîner avec des armes bien plus puissantes.

Sous la surveillance et le regard plus attentif des sœurs supérieures, les novices s'entraînaient maintenant depuis plus de deux heures, sans interruption, dans le froid et la pluie. Une dizaine de sœurs novices faisaient la queue, chacune armée d'un pistolet bolter, et devaient effectuer les tirs les plus parfaits sur les cibles mobiles qui apparaissaient sur le champ de tir devant elles. Les cibles représentaient des xenos comme des orks, des hérétiques ou des mutants. Mais certaines cibles étaient équipées de dispositifs leur permettant de tirer des charges électriques, pas assez puissantes pour tuer mais assez pour infliger des douleurs fulgurantes dans la zone touchée. Les sœurs novices devaient donc à la fois tirer mais aussi pouvoir rester prudentes et se mettre à couvert pour ne pas se faire toucher. Mais l'une des novices était trop pressée et fut touchée de plein fouet à l'épaule droite. La décharge électrique la fit crier de douleur et elle retomba sur le sol dur et froid de la cour, sous le regard impitoyable de l'instructeur. La sœur novice légèrement blessée fut contrainte de se retirer du champ de tir pour recevoir des soins, mais serait sévèrement notée pour cet échec. Échec. Un mot qui n'était pas toléré dans les rangs de l'Imperium.

Dans un autre coin de la grande cour, d'autres novices s'exerçaient à manier des épées forgées dans le métal le plus pur de l'empire. Ici, pas d'épées en bois pour l'entraînement. Pour apprendre à frapper et à tuer dès le départ, il fallait commencer par le principal. Mais pour l'entraînement, aucune épée énergétique comme celles que les vraies sœurs de combat maniaient. Les novices étaient loin d'être prêtes pour cela. Pour l'entraînement, de simples épées en métal, mais les lames étaient encore suffisamment tranchantes pour infliger de graves blessures à un corps.

Comme toutes ses sœurs, Irina devait participer à la formation. Ses performances au pistolet bolter étaient toujours acceptables, elle n'était pas la pire mais pas la meilleure non plus. Elle avait réussi à ne pas se faire toucher par les projectiles électriques, mais elle avait raté pas mal de cibles aujourd'hui, ce qui n'avait pas échappé au regard belliqueux de l'instructeur qui en avait pris note.

Concernant l'épée, Irina avait plus de difficulté. Assise sur l'un des bancs sur le côté, elle acheva de se préparer, enfilant ses coudières et genouillères, ses mitaines et son plastron par-dessus sa tenue de nonne. Elle garderait néanmoins son voile et son aquila autour du cou, n'ayant pas le droit de les retirer. À côté d'elle, sur le banc, reposait son épée d'entraînement. À leur arrivée au temple, chaque novice recevait sa propre épée qu'elle devait entretenir soi-même. Il en allait de même pour le pistolet bolter. De cette façon, les futures Soeurs de Bataille apprenaient dès le début à être responsables de leurs armes. Que le fusil et l'épée seraient leurs alliés les plus précieux sur un champ de bataille. Car sans ses armes, un soldat n'est qu'un futur cadavre.

Une fois équipée, Irina ramena son épée sur ses genoux et dut maintenant attendre son tour. A quelques mètres d'elle, au centre d'un carré tracé par des lignes blanches, deux de ses sœurs s'affrontaient dans un duel acharné, sous la surveillance d'un maître d'armes. Les coups étaient puissants et rapides, les deux lames se heurtant l'une contre l'autre et provoquant de petites explosions d'étincelles à chaque impact. Les deux sœurs, bien que techniquement du même côté, se regardaient avec détermination et colère, mettant chacune leur âme dans cet affrontement, comme si elles étaient des ennemis jurées. Irina déglutit. Plusieurs fois, elle avait vu des novices sortir de ces duels avec des blessures. Mais comme le disait le maître d'armes, les cicatrices servaient à renforcer le soldat qui les portait, lui rappelant sans cesse la nécessité de donner toute sa force dans le combat pour gagner.

_ "Les Orks, les Eldars ou les Démons du Chaos n'auront aucune pitié envers vous." Le maître d'armes expliqua alors de sa voix forte aux autres novices durant la poursuite du duel. "À la première occasion, ils vous tueront, vous arracheront les entrailles du corps et vous mettront la tête sur des piques. Ne leur montrez donc aucune pitié. Nous sommes les soldats de l'Imperium. Notre tout-puissant Empereur nous a accordé sa bénédiction en nous guidant à travers cette galaxie de ténèbres. Il est de notre devoir de le remercier en combattant et en mourant pour lui !"

Irina et toutes les autres novices ont écouté avec la plus grande attention les paroles du maître d'armes. Elle s'appelait sœur Celti, une femme d'une trentaine d'années aux cheveux blonds et aux yeux bleus, qui vivait dans le temple depuis l'âge de six ans. Celti était aveugle de naissance, mais ce handicap ne l'avait pas empêchée de devenir un maître d'armes du temple et de rester une redoutable combattante à l'épée. Avec ce manque de vision, Celti avait appris à utiliser ses autres sens et à développer littéralement un sens de l'ouïe presque surhumain.

_ "Irina ? A quoi penses-tu ?"

Cette voix calme sortit Irina de ses pensées et tourna son attention vers la sœur novice qui était assise à côté d'elle. Une jeune femme de 20 ans à la peau ébène et aux cheveux noirs courts. Elle s'appelait Helen et était l'une des rares sœurs à montrer de la sympathie pour Irina et la seule qui ne la regardait pas toujours avec supériorité.

_ "Je... j'ai pensé à ce matin..." avoua Irina, s'adressant discrètement à Helen pour ne pas être entendue des autres. "... Pendant un instant, pendant l'évangile à notre empereur, je n'ai pas pu restreindre dans mon esprit... enfin... un doute."

_ "Un doute ? Sur quoi ?" demanda Helen en haussant un sourcil.

Irina n'osa pas le dire tout de suite, se frottant les mains nerveusement et montrant une certaine gêne sur son visage, comme si elle avait honte. Mais au final, elle se confia à Helen, le plus discrètement possible.

_ "Sur moi-même. Je fais de mon mieux et remercie l'Empereur chaque jour de m'avoir donné une nouvelle vie. Mais j'ai fait tellement d'erreurs involontaires depuis que je suis ici. Et si je n'étais finalement pas fait pour servir l'Imperium ? Si l'Empereur avait changé d'avis et ne voulait plus de moi ?"

Helen ne put contenir le choc de la réponse d'Irina et l'attrapa brusquement par le poignet.

_ "Tu n'as pas le droit de dire une chose pareille, Irina. Notre Immortel Empereur ne se trompe jamais. S'il n'avait pas voulu de toi dans ses rangs, il t'aurait laissée mourir dans cette ruelle, seule, dans le froid et la faim. Mais au lieu de cela, il a envoyé un de ces soldats pour te sauver. Si après ça, tu doutes encore de la décision de notre glorieux souverain, c'est qu'en effet tu ne méritais pas de vivre."

Irina sentit sa gorge se serrer alors que ses yeux rencontraient ceux d'Helen. Jamais elle n'avait vu son amie lui parler si sévèrement et la regarder ainsi. Irina avait honte. Comment avait-elle osée, ne serait-ce qu'une seconde, douter de l'Empereur ? C'était intolérable, indigne, même pour une simple novice comme elle. Elle dut empêcher une larme de couler de son œil, mais dès ce soir se jurait de corriger cet affront à son divin souverain.


***************


Le soir venu, alors que le voile nocturne de la nuit était déjà tombé, le ciel d'Omin Paradise était parsemé d'une nappe d'étoiles. La faune nocturne de la forêt autour du temple commençait à se faire entendre et au loin les grandes montagnes ressemblaient presque à des dents noires géantes. Mais malgré la beauté de la soirée, Irina n'y fit pas attention. Après un maigre repas car elle n'avait pas très faim, la jeune novice retourna aussitôt, comme toutes ses sœurs, dans l'aile ouest du temple, où se trouvaient les chambres. Chacune des cinquante novices qui vivaient dans le temple avait une chambre, de petites pièces rectangulaires de quelques mètres carrés seulement.

Tout le reste de la journée, Irina était restée hantée par sa honte envers elle-même d'avoir doutée de la décision de l'Empereur de la sauver et c'est la tête baissée qu'elle regagna sa chambre. Une fois la porte fermée, Irina se dirigea vers le petit lit simple dans le coin, qui était le seul meuble de la pièce. Les murs étaient métalliques, d'un gris profond et froid, et sur le mur opposé au lit se trouvait un petit autel de prière au-dessus duquel était suspendu un grand aquila en fer.

Chaque matin au réveil et chaque soir avant d'aller se coucher, les sœurs novices devaient s'agenouiller et saluer l'aquila dans leur chambre, et pour assurer le respect absolu de cette règle sacrée, des servo-crânes patrouillaient matin et soir dans la zone ouest, s'assurant que chaque novice accordait sa prière à l'Empereur. La moindre violation était immédiatement signalée par les servo-crânes aux sœurs supérieures et un châtiment était attendue pour la fautive.

Le visage fatigué mais aussi un peu triste, Irina repoussa l'oreiller de son lit et prit doucement quelque chose qui se trouvait dessous. Un petit chapelet composé de petits crânes en fer. Elle tenait précieusement l'objet dans ses mains et le fixa, retrouvant un semblant de sourire. Elle se souvenait encore de ce jour où ce soldat de l'empire, Mahyar, l'avait amenée au temple et juste avant de partir, lui avait donné ce chapelet.

"Tu n'es pas seule, Irina… tu ne l'as jamais été."

Cette phrase que Mahyar lui avait dite juste avant de partir et de la laisser entre les mains des religieuses du temple... ces mots étaient restés gravés dans son esprit, comme un fer rouge sur la peau.

Mais à ce moment-là, le devoir la ramena à la réalité. Elle devait expier cette erreur qu'elle avait commise. Ce doute indicible envers l'empereur, mais aussi envers Mahyar quand elle y pensait, qui ne faisait qu'accentuer la douleur dans son cœur.

Dans un silence parfait, elle vint s'agenouiller devant l'autel et l'aquila qui la dominait et semblait presque la juger par ses deux têtes immobiles.

Dans ses mains, Irina tenait un autre objet. Un petit fouet de cuir qu'elle déroula en silence. Puis, toujours sans dire un mot mais résolue, elle ôta sa tunique, dévoilant le haut de son corps et ses seins, nus. Agenouillée devant l'aquila, des larmes de honte perçant au coin des yeux, Irina commença son châtiment.

_ "Oh Dieu-Empereur, lumière sacrée de l'humanité. Toi qui nous protèges et nous guide dans ces ténèbres impies..."

Pendant qu'elle parlait, Irina a commencé à se fouetter par dessus ses épaules, la tige en cuir frappant fort contre la peau de son dos et laissant des marques rougies très distinctes. La douleur était intense à chaque nouveau coup, et malgré les larmes, Irina restait droite et résignée, continuant à prier pour le pardon de son souverain.

_ "Je ne suis que votre humble et mortel serviteur. Pardonnez-moi mon seigneur, parce que je vous ai déçu. Pardonnez-moi mon seigneur, parce que je vous ai trahi. Pardonnez-moi mon seigneur, parce que je n'étais pas digne de vous."

L'un des coups du fouet fut trop intense et Irina sentit un mince filet de sang couler dans son dos. La douleur était d'autant plus présente, mais cela n'avait pas d'importance pour Irina. Pour obtenir le pardon et pouvoir montrer qu'elle était digne de servir l'Imperium, elle irait jusqu'à arracher toute la peau de son dos si nécessaire.

La porte s'ouvrit soudainement et comme prévu, l'un des servo-crânes entra dans la chambre, lévitant à un mètre au-dessus du sol et posa son œil cybernétique rougeoyant sur Irina qui ne lui prêta même pas attention et continua sa prière de pardon.

Le dos couvert d'entailles sanglantes, les dents serrées contre la douleur, Irina s'inclina encore plus devant l'aquila. Le servo-crâne a enregistré la prière comme convenu et s'est dirigé vers une autre pièce, laissant Irina à sa solitude et à ses regrets.

Espérant que dans sa miséricorde l'Empereur répondrait à la prière et lui pardonnerait, Irina passa les minutes suivantes à laver son dos horriblement mutilé avec une bassine d'eau froide et une éponge. La fraîcheur de l'eau sur les blessures la fit grimacer et serrer les dents tellement cela lui faisait mal, mais elle ne pleurait plus maintenant. L'eau ne suffirait pas à effacer les cicatrices mais au moins pourrait enlever le sang. Dans son autre main, elle tenait toujours le petit chapelet fait de crânes de fer, et avec un petit sourire l'embrassa légèrement et le plaça contre son front.

_ "Toi aussi, Mahyar... où que tu sois, puisses-tu me pardonner."


Mais ce qu'Irina ne savait pas, c'est qu'après être parti, le servo-crâne diffusa ce qu'il avait enregistré. Depuis un grand bureau dans le bâtiment central du temple, la Mère Supérieure regardait attentivement, fixant l'écran holographique qui apparaissait devant ses yeux et diffusant en direct ce que le servo-crâne avait pu voir. En voyant la jeune novice Irina se fouetter ainsi jusqu'au sang pour implorer le pardon de l'Empereur, la Mère Supérieure resta silencieuse, et bien qu'habituellement neutre et froide, ne put retenir une étincelle d'admiration qui brillait dans son œil.

_ "Vous aviez raison, Mère Supérieure. Malgré ses piètres résultats au maniement des armes ou sa ponctualité, cette jeune novice a une grande foi en notre empire, ainsi qu'un désir profond et sincère de faire ses preuves. A un si jeune âge... Je doit admettre être impressionné."

Cette voix profonde et sombre, imprégnée d'un ton semi-cybernétique, s'adressait à la Mère Supérieure par l'intermédiaire d'un communicateur placé dans le renfoncement du bureau.

_ "Oui, en effet, votre sainteté." répondit la Mère Supérieure tout en continuant à regarder l'écran. "Mais avec tout le respect que je vous dois, elle est encore loin d'être prête."

_ "Ne doutez pas de votre enseignement." proclama alors la voix dans le communicateur. "Et considérez-vous comme béni que l'Empereur ait mis cette jeune novice sur votre chemin."

_ "Oui, mon seigneur... Loué soit notre Empereur."

Laisser un commentaire ?