L'Enfant Terrible du Rat Cornu

Chapitre 27 : Jeux dangereux

7231 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 11/04/2020 11:01

Cela faisait déjà plusieurs heures que Chitik le Skaven Noir avait mal aux pieds. D’ordinaire, marcher ne le dérangeait pas, mais le bataillon de Skavens de Brissuc ne s’était pas arrêté depuis presque deux jours. Contrairement à son chef, la Grande Dent Sémik, il n’avait pas le privilège de faire le trajet assis sur un chariot. Il n’avait qu’à penser à la malchance des esclaves qui tiraient ces mêmes chariots pour oublier temporairement cette douleur. Il ne s’inquiétait pas pour Diassyon. Le jeune Skryre était en bonne position dans la hiérarchie de son Clan, et était confortablement installé à l’arrière d’une des charrettes de transport du matériel.

 

Diassyon repensait à ce qu’ils avaient vu la veille, avec une lueur rêveuse dans le cerveau. La route de la compagnie avait croisé celle du malerail. Ils avaient vu circuler dans un tunnel qui traversait perpendiculairement le boyau qu’ils empruntaient cette invention du Clan Skryre. Ce moment eut pour le jeune Skaven brun quelque chose de magique. L’immense assemblage de bois, de cuivre et autres métaux brillants roulait sur deux tronçons de fer qui s’étiraient à l’infini. La toute-puissance du Clan Skryre se manifestait à travers cet engin. Ils n’avaient pas pu monter à bord, malheureusement. D’abord, il n’allait pas du tout vers Treecil, ensuite il ne s’était même pas arrêté.

 

Qu’importe, il confirmait la suprématie du plus riche des Clans des Fils du Rat Cornu, et sa présence laissait présager qu’ils se rapprochaient de la cité de Vodaj – aucun seigneur Skaven d’un autre Clan n’aurait l’envie de s’installer près d’un tel arsenal technologique. D’ailleurs, le Diacre de la Peste Soum avait clairement exprimé son mécontentement : les tunnels étaient faits pour que les Skavens y marchent, et étendre un tel réseau de machine était faire outrage au Rat Cornu en souillant son domaine. Bien évidemment, le Maître Technomage Mabrukk avait un discours qui était exactement l’inverse, et vantait le progrès considérable que représentait cette invention. Une fois toutes les principales cités de l’Empire Souterrain reliées par le malerail, des troupes pourraient se déplacer d’un bout à l’autre en un temps très court.

 

L’influence du Clan Skryre se faisait sentir au fur et à mesure que la troupe approchait de Treecil. Les Skavens virent notamment d’énormes globes suspendus aux stalactites, qui émettaient une lumière incandescente. Mabrukk expliqua que ces lueurs étaient davantage destinées à éloigner les créatures indésirables, en particulier les squigs et les trégaras, sensibles à certaines couleurs invisibles pour les hommes-rats.

 

Bientôt, les Skavens de Brissuc atteignirent les portes de la colonie alliée. Impossible de ne pas remarquer les deux immenses battants de bois renforcés de plaques métalliques, directement incrustés dans la roche. Six autres ouvertures étaient creusées tout autour de la porte. Mabrukk sentit un frisson de plaisir en distinguant dans chacune d’elles une autre invention du Clan Skryre.

 

Des mitrailleuses Ratling.

 

Ces armes étaient une version très améliorée des jezzails à malepierre. C’était la première fois de sa vie que Diassyon en voyait. Six canons tubulaires montés autour d’un axe central, chacun chargé d’une balle de malepierre d’un très gros calibre. Six coups très dangereux, un seul Skaven requis pour les tirer. Le Maître Technomage, qui avait déjà manié une telle mitrailleuse pendant sa formation, savait qu’elle pouvait être rechargée très rapidement grâce à un système astucieux d’ouverture de la culasse. Il était possible à un Skryre chevronné avec suffisamment de munitions de tenir tête à un peloton tout entier… tant que l’arme ne s’enrayait pas, naturellement.

 

Si seulement Brissuc avait ça ! pensa fébrilement Mabrukk. Je pourrais convaincre Vellux de me laisser en fabriquer, s’il n’y avait pas l’autre dégénéré-pourri !

 

Le Maître Technomage jeta un bref coup d’œil vers le Diacre de la Peste.

 

Je m’occuperai de lui, un de ces jours.

 

Le vieux Skaven voûté s’avança, nullement impressionné par les six machines mortelles. Pour lui, il était évident que le Rat Cornu le protégeait de ces abominations blasphématoires. Il leva la patte, et les Skavens de Brissuc ne firent plus ni mouvement ni bruit. Une fois le silence obtenu, il toussa plusieurs fois, cracha un glaviot noir et gluant sur la poussière, releva la tête et cria d’une voix éraillée :

 

-         Holà ! Je suis le Diacre de la Peste Soum du Clan Pestilens ! Nous sommes venus au nom du Prophète Gris Vellux !

 

L’un des gardes du Clan Skryre tourna la tête, et fit un signe. Un instant plus tard, un grondement sourd retentit derrière la porte. Les deux battants s’écartèrent dans un grand raclement, des cliquetis d’engrenages et des rejets de vapeur. Tous les Skavens de Brissuc restèrent ébahis devant un incroyable spectacle. Diassyon, en particulier, était impressionné. Les Skavens du Clan Skryre de Treecil avaient fabriqué un véhicule propulsé en avant par une chaudière. Cette plate-forme était un invraisemblable assemblage de pièces de bois, de tuyaux de cuivre, de plaques de fer, monté sur quatre roues de bois, chacune plus grande qu’une Vermine de Choc. Sur la partie supérieure, un grand trône de bois monté derrière une pièce de cuivre forgée en forme de disque plat, qui pouvait tourner autour d’un axe en son centre. Sur le fauteuil se tenait un grand Skaven. Il arrêta le char en tirant un levier. Le bruit du moteur mourut au bout d’une longue minute, à l’issue de laquelle le silence complet se fit sur toute l’assemblée.

 

Le Skaven se leva, les bras en avant, et annonça :

 

-         Bienvenue, Fils du Rat Cornu de Brissuc. Je suis le Seigneur de Guerre Vodaj du Clan Skryre, et je vous attendais.

 

Mazette ! Ce cabotin soigne son entrée-arrivée ! se dit le jeune Diassyon.

 

Vodaj du Clan Skryre était un grand Skaven à la fourrure beige, avec une longue rayure noire bordée de blanc qui suivait sa colonne vertébrale. Il avait un très long museau, le pelage de son faciès était partiellement brûlé, sans doute à cause de multiples explosions consécutives à autant d’expériences ratées ou réussies. Le plus étonnant était ce qui pendouillait sous son nez. Au lieu des longs poils fins qui composaient habituellement les vibrisses des Skavens, il présentait deux longues et fines bandes blanches qui ondulaient jusque sur sa poitrine. Il avait bien mérité son surnom de « longues moustaches ». Diassyon remarqua avec le plus vif intérêt l’attirail que le Seigneur de Guerre portait par-dessus son gilet de cuir bouilli : un réservoir à carburant portatif ressemblant beaucoup à celui qu’il avait lui-même inventé. Ce dispositif avait une différence notable ; le cône crachant des flammes était fixé à sa queue par de gros boulons traversant la chair annelée, et le tuyau longeait son appendice caudal. Ainsi, il utilisait sa queue pour braquer le canon de ce lance-feu directement sur sa cible.

 

Vodaj poussa une manette, et un escalier se déplia sur le côté gauche du chariot à vapeur. Lentement, cérémonieusement, il descendit les marches de cuivre. C’est alors que toute une procession de Skavens surgit de derrière la porte. Deux d’entre eux s’allongèrent face contre terre au pied du char. Le grand Skryre piétina ses sous-fifres, qui ne dirent mot, et fit face à Soum.

 

-         Vellux m’a dit que vous étiez digne de confiance-confiance. Bienvenue dans ma cité.

-         Je suis à votre service, en attendant mon maître, répondit le Pestilens en s’inclinant.

-         J’aimerais faire le tour de vos troupes, histoire de voir ce que Brissuc pourrait apporter à Treecil.

 

La procession d’hommes-rats franchit le portail. Quand les lourds battants se refermèrent, le fracas du bois fit écho sous la voûte. Diassyon jeta un coup d’œil par-dessus son épaule, et avala nerveusement sa salive. Cette colonie ressemblait de plus en plus à un piège à rat géant.

 

 

La colonie de Treecil était plus grande que Brissuc. Elle était surtout organisée différemment : tout était construit autour d’un gigantesque puits souterrain de plus de cinq cents yards de diamètre. De multiples tunnels s’ouvraient à tous les niveaux de la paroi circulaire, et un impressionnant enchevêtrement de ponts de cuivre, de cordage, et de filets. Les plates-formes d’acier renforcé les plus solides permettaient la circulation des véhicules. Le puits descendait dans les profondeurs de la terre hantées par d’horribles créatures. Les Skavens ne s’aventuraient jamais trop profondément, et ceux qui étaient trop vieux ou éclopés pour progresser sur l’assemblage finissaient invariablement par faire une chute mortelle. La vue d’un Skaven disparaissant dans les ténèbres avec un crissement déchirant était quotidienne à Treecil.

 

Les Skavens de Brissuc furent installés dans l’un des tunnels les plus proches de la surface. Il était suffisamment long pour loger tout le monde, mais l’air y circulait difficilement, et tous les nouveaux venus étaient contraints de supporter les émanations fétides et insupportables des Moines de la Peste.

 

Une heure plus tard, les hommes-rats de chaque Clan s’étaient mêlés à ceux de Treecil. Vodaj choisit ce moment pour faire le tour des différents régiments. Même mélangés avec ses propres Skavens, le grand Skryre pouvait les reconnaître sans hésitation à l’odeur.

 

Les premiers à être supervisé furent les Guerriers des Clans, accompagnés des esclaves. Le Seigneur de Guerre ne voulut pas s’attarder sur le menu fretin. Il passa aux Eshin. Les redoutables assassins constituaient le Clan le moins nombreux, mais cela ne nuisait en rien à leur efficacité. Comme à son habitude, le Maître Assassin Tweezil ne se montra pas. D’ailleurs, on ne l’avait pas vu de tout le trajet. Avait-il vraiment suivi la procession ?

 

Les Skavens du Clan Pestilens éveillèrent l’attention des habitants de Treecil. En effet, ce Clan n’avait aucun représentant dans la cité de Vodaj. La rivalité entre les deux Clans Majeurs les plus opposés de la société des Fils du Rat Cornu était donc évitée en temps normal. Aussi, la vue d’une bande de Skavens aussi sales, malodorants et mal fichus provoqua répulsion et fascination au sein des hommes-rats du Seigneur de Guerre Skryre. Le Diacre de la Peste Soum insista pour tenir un grand discours où il vantait les mérites de ses disciples qui portaient avec abnégation le fardeau que leur avait confié le Rat Cornu.

 

« Le Clan Pestilens est le plus incompris de la société Skaven, mais c’est aussi le plus proche-fidèle au Rat Cornu. Nous sommes le visage de notre dieu. Nous sommes l’avenir du monde du dessus. Si vous avez la foi, vous accepterez de vous ouvrir à la vision du Clan Pestilens ! »

 

Vodaj se contenta de hausser les épaules. Après quoi, il s’intéressa aux Vermines de Choc. Sémik, plus servile et mielleux que jamais, le suivit jusqu’à l’arène d’entraînement où les Vermines de Choc de Treecil avaient l’habitude de s’exercer. Les Skavens Noirs de Brissuc les y avaient rejoints, et participaient aux exercices. La Grande Dent présenta au commandant Skryre les guerriers qu’il jugeait les meilleurs. Bien sûr, ces « meilleurs » étaient en réalité les plus obéissants.

 

-         Ce sont de terribles guerriers invincibles ! exulta Sémik.

 

Le Seigneur de Guerre poussa un soupir sceptique. Habitué aux champs de bataille, il avait l’œil pour repérer ceux qui savaient vraiment se battre. Justement, son œil fut soudain attiré par l’un des combattants qui ne faisaient pas partie de ses troupes.

 

Ce Skaven Noir-là était clairement au-dessus de la moyenne, physiquement. Il était bien plus costaud que les autres. Il y avait autre chose de curieux, comme une sorte de magnétisme qui émanait de cette Vermine de Choc. Quelque chose d’invisible qui inspirait le respect envers lui.

 

Le grand Skaven Noir brandit son nouveau marteau avec un feulement tonitruant. Le Seigneur de Guerre était capable de distinguer une arme de qualité, et celle-ci en était une. Vodaj tendit le doigt vers ce guerrier qui lui semblait extraordinaire.

 

-         Qui c’est, celui-là ?

-         C’est Chitik, répondit la Grande Dent Sémik, soudainement moins enthousiaste. Le plus grand et le plus fort des Skavens Noirs de Brissuc… à part moi, bien sûr !

-         Bien sûr, marmonna le Seigneur Skryre, qui ne croyait pas la vantardise de la Grande Dent. Bizarre-curieux, cette arme. Je me demande ce qu’il vaut au combat.

 

Sémik, déjà contrarié par l’intérêt de Vodaj par rapport à la Vermine de Choc qu’il enviait sans oser l’avouer, sentit son agacement grandir.

 

-         Il n’en vaut pas la peine, Seigneur Vodaj ! Rien de plus qu’un Skaven Noir !

-         Beau-joli marteau. Je me demande ce qu’il peut casser ?

-         Rien qu’un maillet ordinaire !

-         Vous croyez, Grande Dent ? J’aimerais voir ça.

 

Le Seigneur de Guerre avait une petite manie : il était joueur. Il fouilla dans sa poche, et en sortit une poignée de pépites de malepierre. Il en compta dix. Il désigna un gros rocher.

 

-         Vous voyez ce caillou ? Ces dix pépites sont à vous si votre Vermine de Choc n’arrive pas à le briser d’un seul coup.

 

La vue de la malepierre fit étinceler une lueur gourmande dans l’œil de la Grande Dent, mais quelque chose occulta cette perspective.

 

-         Et s’il gagne ?

-         S’il gagne, vous devrez vous mettre sous le commandement de Fermy, ma Grande Dent, jusqu’à la conquête du château des choses-hommes convoité par votre Prophète Gris.

 

La Grande Dent Fermy, qui était en retrait, émit un petit ricanement très irritant entre ses longues incisives. La Grande Dent Sémik serra les dents. Il ne voulait pas subir une telle humiliation, mais la perspective de gagner dix jetons de malepierre se fit plus forte. La cupidité l’emporta sur la fierté.

 

-         D’accord.

-         Bien. Demandez à votre Vermine de Choc de frapper le caillou le plus fort possible.

 

Sémik se racla la gorge, avala sa salive, et cria à l’attention du Skaven Noir :

 

-         Ho, Chitik !

 

Chitik cessa aussitôt ses moulinets, et se tint immobile, attendant les ordres.

 

-         Tape sur ce rocher, là-bas. Et surtout…

 

La Grande Dent allait ordonner à la Vermine de Choc de retenir son coup, mais le grand Skryre le regarda d’un drôle d’air, et murmura :

 

-         Le plus fort possible, Sémik, sinon le pari est rompu-rompu.

-         Euh… Oui, c’est ça ! Cogne aussi fort que tu peux !

 

Chitik secoua vigoureusement la tête, puis se plaça devant le caillou. Il se campa fermement sur ses deux pieds, agrippa le manche de son marteau neuf de ses deux mains. Il leva l’arme au-dessus de sa tête, resta en position quelques secondes, comme s’il voulait concentrer toute son énergie dans la tête métallique du lourd marteau de guerre, puis l’abattit avec un grand cri sur le rocher. La pierre se fendit en deux dans un craquement tonitruant et les deux morceaux tombèrent chacun d’un côté.

 

La Vermine de Choc poussa un grondement triomphal, et se tourna vers la Grande Dent. Celle-ci cracha de rage.

 

-         Merci-merci, gros naze !

-         Euh... Je…

-         Très impressionnant, Chitik ! dit alors Vodaj d’une voix puissante. Tiens !

 

Le Seigneur de guerre lança un jeton de malepierre en direction du grand Skaven Noir qui le rattrapa d’un geste précis.

 

-         Va donc retrouver les autres Vermines de Choc dans les quartiers-secteurs qu’on vous a attribués. Après ce voyage, tu as bien mérité un peu de repos.

-         Je… Je dois, Grande Dent ?

 

Sémik fit un geste nerveux du bras pour le congédier.

 

-         Hors de ma vue !

 

Chitik pressa le pas vers un tunnel annexe. La Grande Dent grimaça de colère.

 

-         Grrr ! Je vais le…

-         Le quoi ? coupa Vodaj. Le punir ? Parce qu’il a obéi à votre ordre-ordre ?

 

Sémik ne répondit rien, ne sut quoi répondre, cloué net par le grand Skryre. Celui-ci continua d’une voix neutre, mais qui laissait présager une désagréable condescendance :

 

-         Le Diacre Soum m’a un peu parlé de lui. Fort, mais tête brûlée.

-         Il est désobéissant-entêté ! Les autres Vermines de Choc commencent même à le respecter plus que moi !

-         Pas si étonnant, quand on voit sa Grande Griffe.

 

Sémik sentit son estomac se serrer brusquement, et son cœur accéléra quand il entendit la voix de son interlocuteur continuer sur le même ton :

 

-         Grande Dent Sémik, je commande depuis plus longtemps que vous. Je sais reconnaître les bons meneurs… et les mauvais-minables.

 

Les yeux de la Grande Dent jetèrent des éclairs de rage, mais le Seigneur de Guerre ne broncha pas.

 

-         Passons aux Moulder.

 

Il laissa Sémik fulminer en silence, et se dirigea vers le bataillon mené par Skilit.

 

Les Moulder de Brissuc attendaient Vodaj près des fosses où les Mutateurs de Treecil rangeaient leurs bêtes. On leur avait alloué un espace suffisamment grand pour y loger la dizaine de rats-ogres de leur colonie. Ils ne s’étaient pas encombrés de rats géants, sachant qu’ils pourraient en dénicher à peu près n’importe où. Le Maître Mutateur Skilit, le Skaven dégingandé, s’inclina avec un mouvement théâtral de la main droite.

 

-         Zalutations, ô immenze-zigantezque Zeigneur de Guerre Vodaz !

 

Le Seigneur de Guerre fit un petit hochement de tête. Un rire gras éclata dans les rangs. Tous les museaux pivotèrent vers l’origine du bruit. C’était un Skaven anthracite, plutôt petit et très gros. Il s’arrêta net en voyant le regard du Maître Mutateur.

 

-         Ah, ze vois que quelqu’un aime bien rigoler, izi, dit alors Skilit.

 

Personne ne bougea. Tous les Skavens de Brissuc savaient ce qui allait se passer, et inconsciemment, leurs hôtes comprirent que leur camarade venait de provoquer un désastre.

 

Skilit avança lentement vers le fautif. Le frottement de ses orteils nus sur la terre résonna dans toutes les oreilles. Tout en avançant, il articula :

 

-         Ze sais. Quand ze parle, ze peux être très drôle-rigolo.

 

Le Maître Mutateur se tenait à deux yards du petit gros Skaven. Il s’arrêta, et ses yeux scintillèrent d’un éclat à glacer le sang.

 

-         Et t’as de la zanze. Moi auzzi, z’aime bien rigoler. Ha… ha… ha !

 

Au moment où il émit son troisième rire, le Maître Mutateur ouvrit grand la bouche. Aussitôt, sa langue de vouivre barbelée jaillit telle la lanière de cuir d’un fouet, et s’enroula autour du cou du Skaven. Celui-ci tomba à genoux, et écarquilla les yeux tellement fort qu’ils menaçaient de tomber de leur orbite. Il essayait désespérément de faire pénétrer ne serait-ce qu’un souffle d’air dans ses poumons, sans y parvenir. Ses mains n’étaient pas suffisamment fortes pour relâcher la pression de la langue sur sa trachée. Skilit rabattit sa tête vers l’arrière, et sa langue réintégra sa bouche avec un écœurant bruit de succion. Le malheureux Skaven fut irrésistiblement attiré vers le Moulder. Une fois à portée, Skilit plongea d’un coup sec ses doigts crochus dans l’abdomen de sa victime, et en arracha une pleine poignée de tripailles. Le sang explosa en une fontaine chaude et odorante dans un grand chuintement. Le Skaven resta au sol quelques instants secoué de violents spasmes, puis s’immobilisa.

 

Skilit saisit à deux mains le cadavre, le souleva au-dessus de sa tête avec une force déconcertante, et le jeta dans la fosse. Très vite, les rats-ogres se disputèrent les restes, et ce fut finalement la monstruosité qui avait été Tôrkh qui s’appropria la plus grosse part. Le silence revenu, Skilit s’adressa à la cantonade.

 

-         Est-ze que quelqu’un d’autre a envie de rigoler avec moi ?

 

Il n’y eut pas de réponse. Pendant toute cette démonstration de force, Vodaj n’avait absolument pas réagi. Il murmura :

 

-         Vous vous y connaissez en discipline-respect.

 

Le Skryre avait un certain intérêt pour les Moulder. Selon lui, ce Clan était autant tourné vers l’invention que le sien. Au lieu de construire des machines avec les matières inertes, ils créaient leurs aberrations en utilisant la chair et le sang. L’esprit inventif restait le même. Il n’y avait pas beaucoup de créatures différentes à montrer, mais le Seigneur de Guerre prit le temps d’examiner chaque rat-ogre, sous l’œil attentif des dresseurs qui retenaient les bêtes. Vodaj observa également l’efficacité de Zowie, le meilleur dresseur.

 

Une fois sorti de la fosse, le Seigneur de Guerre du Clan Skryre jugea qu’il était temps de passer à l’étape qu’il attendait depuis le début.

 

-         Bon, assez attendu. J’aimerais voir ce dont vos Skryre sont capables.

 

 

Le Maître Technomage Mabrukk fut réellement heureux. Enfin, après tout ce temps, il avait une conversation avec quelqu’un qui comprenait pleinement son travail, et qui l’appréciait à sa juste valeur. Enchanté, il félicita le Seigneur de Guerre pour le chariot à vapeur, invention qui lui parut géniale. De son côté, Vodaj se montra intéressé par les nombreux plans et schémas que le Skaven couleur sable lui mit sous le nez. Autant de merveilles à venir pour raffermir encore la puissance du Clan le plus puissant de tout l’Empire Souterrain.

 

Puis, Mabrukk parla de ses Technomages. Afin de s’attirer les bonnes grâces du Seigneur de Guerre, et éventuellement recevoir un soutien matériel, il ne lésina pas sur les flagorneries. Il présenta fièrement ses hommes-rats les plus intelligents et les plus zélés, ce qui fut à l’avantage de Diassyon.

 

Curieusement, le jeune Skaven brun, qui était bien le plus créatif des Technomages de Brissuc, ne suscitait pas de la jalousie ou du mépris chez ses camarades, ni chez son chef de Clan. Au contraire, Mabrukk avait de l’estime pour Diassyon, tant que celui-ci ne pensait pas à le trahir. Comme le seul but dans la vie du jeune Technomage semblait être de fabriquer des inventions et non pas de renverser son chef, il n’apportait que du positif au Clan Skryre. Ainsi son « roulepartout » achevé avait eu un petit succès, la lune précédente. La « supergrimpette » constituait un autre progrès, et d’autres Skryre avaient tenté de développer la leur.

 

Vodaj parut prendre le jeune homme-rat brun en sympathie. Curieux, il lui demanda :

 

-         T’as une ambition, Technomage Diassyon du Clan Skryre ?

-         Oh oui, suprême lumière magnifique de notre Clan ! Il y a un rêve que j’espère atteindre un jour.

-         Lequel ?

 

Diassyon roula des yeux déments, et pointa son index vers le plafond.

 

-         Aller sur l’une des lunes !

 

Quelques Skryre de Treecil gloussèrent des rires moqueurs, mais le grand Vodaj leva la main.

 

-         Excellente idée ! Ambitieuse ! Alors, Maître Technomage Mabrukk ! N’avez-vous pas saisi le potentiel-potentiel de ce Skaven ?

-         C’est que… je crois que c’est faisable, répondit sincèrement Mabrukk. Seulement, à quoi ça servirait ?

-         Les choses-hommes prétendent qu’elle est en fromage, murmura Diassyon. Quel festin !

-         Non, elle est en malepierre ! s’exclama Vodaj. Régulièrement, le Rat Cornu fait tomber des bouts de lune sur les choses-hommes. Il y a déjà des villes de choses-hommes qui ont été détruites à cause de ça.

-         Vous en êtes sûr, Seigneur de Guerre Vodaj ?

 

Le grand Skaven posa une main sur l’épaule de son confrère.

 

-         Ma toute première sortie à la surface était justement dans une ville de choses-hommes comme ça. Détruite-anéantie. Plus rien de cohérent. Seulement des choses-bizarres, et beaucoup, beaucoup, beaucoup de blocs géants de malepierre. Endroit très dangereux, pas resté longtemps. Si nous arrivons à la lune, il y aura assez de malepierre pour refaçonner toute la surface de ce monde !

 

Tous les Skryre applaudirent et hurlèrent de joie.

 

Vodaj avait fini son tour. Il fit mine de partir, mais chuchota quelque chose à l’oreille de Mabrukk. Celui-ci hocha la tête, puis ordonna à Diassyon de le suivre.

 

 

Les trois Skryre se retrouvèrent seuls devant une grande porte métallique. Le grand Skaven beige expliqua :

 

-         Le Prophète Gris Vellux veut attaquer un château de choses-hommes. J’ai quelque chose pour l’aider.

 

Il tira une poignée de bois attachée au bout d’une longue chaîne qui pendait du plafond. Un mécanisme se mit en marche, et la lourde plaque de métal coulissa, révélant quelque chose de particulièrement réjouissant. Mabrukk écarquilla les yeux, la lentille vissée à son crâne fit paraître son globe oculaire gauche encore plus gros.

 

-         Incroyable ! Vous en avez une !

-         Hé oui !

 

Diassyon ne put articuler le moindre mot, émerveillé par ce qu’il était en train de contempler.

 

Les trois Skavens se tenaient devant une Roue Infernale. Cette machine de guerre particulièrement redoutable était le fruit d’une graine de folie qui avait germé dans le cerveau malade du célèbre et redouté Maître Technomage Ikit la Griffe. Un siège était fixé sur un châssis, de part et d’autre duquel se déployaient deux immenses roues creuses en bois renforcé de fer de treize pieds de diamètre. Une troisième roue plus petite, de trois pieds, assurait l’équilibre des deux roues principales à l’arrière du véhicule. Derrière le siège du conducteur, on pouvait voir une caisse de bois de laquelle jaillissait une multitude de câbles de cuivre, reliés sur l’axe des deux grandes roues, ainsi qu’à trois longues têtes de flèche géantes accrochées sur les moyeux, et au bout d’une tige de métal qui dépassait d’entre les roues à l’avant, tendue sous la place du pilote.

 

Nul besoin de charbon pour faire avancer la Roue Infernale : avant chaque bataille, les Moulder lâchaient dans les roues quelques rats géants surexcités, qui couraient avec tellement de hargne que les jantes internes des deux roues motrices tournaient rapidement toutes seules. Le mouvement créait des étincelles d’énergie Warp immédiatement stockées dans les cristaux de malepierre de la boîte arrière. Cette énergie permettait la rotation automatique des grandes roues. Le pilote n’avait qu’à tirer et pousser des leviers pour diriger la Roue Infernale. L’énergie Warp était également redirigée vers les trois griffes métalliques qui déchaînaient alors de redoutables flopées d’éclairs meurtriers. Les ennemis des Skavens finissaient foudroyés, les plus solides étaient réduits en charpie sous les roues.

 

Comme toute invention avant-gardiste des Skavens, piloter un tel appareil présentait de gros risques. Une complication pouvait facilement se produire, et générer une panne explosive. Mais l’expérience était si grisante que chaque Skryre rêvait de se retrouver aux commandes de cet engin au moins une fois dans sa vie.

 

La voix de Vodaj ramena Diassyon à la réalité.

 

-         Pendant l’assaut, quelqu’un de confiance devra la conduire. Il me faut un Skaven à la fois intelligent et audacieux.

 

Vodaj posa une main amicale sur l’épaule du Skaven à fourrure de sable.

 

-         Je suis certain que vous saurez à qui la confier, Maître Technomage Mabrukk. Peut-être vous ? Peut-être quelqu’un d’autre ? En tout cas, ce sera un Skaven du Clan Skryre de Brissuc.

-         Mais… pourquoi un tel privilège, ô puissant et merveilleux Seigneur de Guerre ?

-         Parce que… je dois dire, à ma grande honte-gêne, que je suis le seul Skryre de Treecil à avoir le cerveau assez éclairé pour la faire marcher. Or, pour cette bataille, en tant que chef de Treecil, ma place est en arrière. Je vous laisse réfléchir, Mabrukk. Vous… ou votre meilleur Technomage, ici présent.

 

Diassyon n’osa pas en croire ses oreilles. Lui, sur le siège de pilotage d’un exemplaire de la plus formidable et la plus destructrice de toutes les armes du Clan Skryre à ce jour ? C’était trop beau pour être vrai. Mabrukk se contenta de hocher la tête.

 

-         Je vais réfléchir, grandeur absolue de Treecil.

 

*

 

La notion de jour et nuit était inexistante chez les Fils du Rat Cornu, car dans les tunnels souterrains, il n’était pas possible de voir le ciel, et donc le soleil ou la lune. Malgré ça, il y avait quelque chose qui poussait toujours les Skavens à reconnaître le bon moment pour aller dormir. Un léger réchauffement de l’atmosphère, l’agitation provoquée par les choses-hommes lorsqu’une de leurs communautés se trouvait au-dessus d’une cité de l’Empire Souterrain, et bien d’autres petites choses similaires.

 

Les Vermines de Choc avaient fini leurs démonstrations de force. Chitik était resté seul, à éprouver son marteau sur plusieurs matériaux différents. Il posa son arme, et bâilla, bâilla à s’en décrocher la mâchoire. Il se gratta sous l’aisselle en grommelant, jugea qu’il était temps d’aller se coucher.

 

Il allait se diriger vers le dortoir, quand une vive sensation de piqûre au cou le fit sursauter.

 

Par réflexe, il claqua sa nuque du plat de la main, voulant chasser un insecte. Il eut à peine le temps de sentir quelque chose de duveteux sous ses doigts, lorsque soudain un froid terrible glaça son sang et ses muscles. En moins d’une seconde, son corps tout entier s’engourdit, et il s’écroula de tout son long, face contre terre, comme un pantin auquel on aurait coupé les ficelles.

 

Chitik sentit son cœur s’affoler, et sa respiration se faire plus difficile. C’est alors qu’un bruit de pas léger parvint à ses oreilles. Derrière lui, une voix doucereuse murmura :

 

-         Eh bien, eh bien… un petit problème de circulation ?

 

Le grand Skaven Noir fit un terrible effort pour relever les yeux vers son interlocuteur. Il fut surpris de voir un Skaven de taille plus petite que la moyenne, mais solidement charpenté. Il portait une cape grise avec une cagoule, ainsi qu’un gilet de cuir. Le pelage de ce Skaven était entièrement noir. Quelque chose d’autre n’allait pas : aucune odeur n’émanait de cet individu. Chitik comprit enfin qu’il se trouvait aux pieds du Maître Assassin Tweezil du Clan Eshin, qu’il n’avait vu qu’une seule fois, le jour de son passage à l’âge adulte.

 

Le Skaven noir s’accroupit devant la Vermine de Choc, tira un couteau de son gilet, posa la pointe sur le sol, juste devant le museau de son infortunée victime, et le fit tournoyer.

 

-         Le Clan Eshin est le meilleur-meilleur pour fabriquer toutes sortes de poisons, à partir du venin des créatures de l’Empire Souterrain. Je viens de t’envoyer une fléchette enduite de bave de manticore.

 

Le Maître Assassin rangea son couteau, et se pencha vers Chitik. Il lui chuchota à l’oreille avec un vilain sourire :

 

-         Te voilà plus vulnérable qu’un tout petit raton à peine sorti du ventre d’une pondeuse. Quel effet ça fait, Chitik ?

 

Le pauvre Skaven Noir essaya bien de répondre, mais il n’était même plus capable d’articuler une syllabe.

 

-         Tu n’as pas besoin de répondre, continua Tweezil. Ne t’en fais pas. Ce n’est pas un poison mortel. Une fois que j’aurai enlevé la fléchette, après quelques minutes-instants, tu pourras de nouveau bouger. Ce n’est pas pour ça que je m’inquiéterais, à ta place.

 

Chitik sentit son pelage s’inonder intégralement de sueur froide. Jamais Tweezil ne s’était intéressé à lui jusqu’à présent. Il n’y avait qu’une seule raison pour un tel changement.

 

Il veut venger Klur !

 

-         Vois-tu, continua l’Eshin, je suis plutôt ennuyé. Très sincèrement, je ne sais pas si je dois te féliciter ou te maudire. Tu es comme tes frères, Chitik : tu es très doué dans ce que tu accomplis, mais tu as la désobéissance dans le sang. Et cette désobéissance t’a poussé-amené à régler son compte à ton frère Klur. Tu l’as tué ! Pas la peine de nier, je sais que c’est toi.

 

Le Maître Assassin se délectait en faisant semblant d’avoir une conversation avec Chitik, alors que ce dernier ne pouvait qu’écouter.

 

-         Très simple : quand on a retrouvé son corps, il y avait l’odeur de Diassyon du Clan Skryre. Or, jamais ce Technomage minable n’aurait eu le courage de l’affronter de près. Il aurait utilisé une de ses armes à feu à malepierre. Il n’y avait aucune trace de quoi que ce soit sur ses restes : pas de copeau de bois, pas d’éclat de fer, pas de poussière de malepierre. J’ai aussi regardé les alentours. Pas de bout de cervelle sur les murs. Donc, il a eu la tête broyée avec seulement la force des poings. Et si Diassyon a pissé sur lui, c’était pour protéger celui qui l’avait vraiment tué. Un Skaven suffisamment balaise pour écrabouiller un crâne, un Skaven auquel tient ce Skryre… pas la peine d’être l’Hérésiarque pour comprendre qui c’est-c’est.

 

Tweezil se redressa, et fit quelques pas autour de sa proie, lentement, très lentement. Tout en marchant, il expliqua son point de vue.

 

-         Klur était mon meilleur élément, Chitik la Vermine de Choc. Tu imagines si tu venais à disparaître ? La Grande Dent Sémik aurait sans doute beaucoup de peine. Tu es son meilleur guerrier, même si ça ne plaît pas à tout le monde, surtout pas à lui. Seulement, moi, je ne suis pas la Grande Dent Sémik. Ton frère était un excellent Coureur d’Égout, mais il commençait à devenir trop gourmand. Je ne sais pas exactement ce qu’il trafiquait-fricotait avec le Prophète Gris Vellux, mais à mon avis, il voulait me doubler. J’étais en train de me demander si j’allais le laisser vivre. Tu m’as finalement débarrassé du problème.

 

Le Maître Assassin était de nouveau juste devant le Skaven Noir. Il lui souleva lentement la tête en glissant la main sous son menton. Chitik croisa son regard. Les deux yeux de l’Eshin étaient entièrement noirs, tels deux puits sans fond. La Vermine de Choc était épouvantée. D’habitude, il pouvait lire les sentiments en regardant les yeux de son adversaire. Or, ces deux globes de ténèbres donnaient à Tweezil un regard complètement vide, et une expression indéfinissable. La voix doucereuse du Maître Assassin murmura encore :

 

-         Je ne saurai jamais quelles pouvaient être ses intentions. Dans le doute, je ne vais rien te faire pour cette fois. Mais retiens bien ceci, Chitik la Vermine de Choc : ne te mêle plus jamais des affaires du Clan Eshin. Sinon, la prochaine fléchette pourrait bien être enduite d’un poison plus violent-mortel ! C’est mon premier et dernier avertissement ! C’est bien compris ?

 

Chitik ne put répondre, et se contenta de grommeler. D’un coup sec, l’Eshin arracha l’aiguille empennée, et la laissa tomber devant le grand Skaven Noir. Puis, sans ajouter un mot, il disparut sans bruit dans les ténèbres.

 

Peu à peu, la chaleur regagna les membres musculeux de Chitik. Quelques instants plus tard, il put se relever. Il regarda les alentours, tendit l’oreille… pas le moindre son. Il ramassa lentement son marteau. Sa main tremblait encore.

 

Diassyon avait raison ! Je ne sais pas bien me défendre contre les Eshin !

 

Il serra les dents de rage. Il détestait les Pestilens et les Eshin.

 

Un jour, il finirait bien par échapper à ces deux Clans.

 

Il avait vraiment fait des progrès. Il n’était pas aussi intelligent que Diassyon, mais avait pris conscience de ses forces et ses faiblesses. Et depuis qu’il avait pris l’habitude d’utiliser la « gentillesse » sur les autres Vermines de Choc, il s’était même surpris à s’imaginer diriger son propre Clan. Ce genre de pensée lui était à la fois intéressant et inquiétant. Qui pouvait dire où ça pouvait le mener ?

 

Il était cependant sûr d’une chose : il ferait tout pour préserver la vie de Diassyon, ainsi que celle de tous ceux qui le suivraient.

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