L'épopée de la Lumière

Chapitre 6 : Chasser les ténèbres

13531 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 30/03/2019 15:32

Félicia n'attendit pas la fin des interminables cabrioles du conteur Nain pour rejoindre sa couche, épuisée par sa convalescence. Soucieuse, Aayla l'accompagna et elles se couchèrent tôt, après leurs rituels du soir et discutèrent du meilleur choix à faire à propos de la suite de leur aventure jusqu'à ce que la nuit ne l'emporte sur leur réflexion.

En dépit de l'inconfort de leur chambre, elles profitèrent d'un sommeil réparateur. Grâce à leurs efforts et sacrifices, Darkshire pouvait enfin souffler...pour l'instant. Les bruits de ripailles, et l'odeur des cuisines en pleine activité chassaient l'atmosphère oppressante qui étouffait la ville à leur arrivée. Même la Night Watch, qui continuait sa veille vigilante, était plus détendue.

Lorsque l'aube réchauffa les bois de ses rayons timides, la ville s'éveilla. Encore un peu faible, la jeune Humaine eut un mal inhabituel à s'extirper de son lit pour ses routines matinales, contrairement à son amie bleue qui ne cessa de lui demander si elle avait besoin d'aide. Après sa sixième demande, Félicia lui jeta une serviette au visage en l'enjoignant, en riant à moitié, d'aller s'occuper de ses cornes ailleurs.


Aayla enfila son équipement complet, réparé depuis son dernier combat alors que la Paladine devait se contenter d'une tenue de voyage, de son tabard, recousu tant bien que mal, et de son sac puisque ses armures étaient restées à la forge la veille. En descendant les escaliers, elles s'étonnèrent de ne trouver Tharok nulle part dans l'auberge.

Le patron leur apprit que le Nain était sorti un peu plus tôt pour aller voir le forgeron et qu'il reviendrait bientôt. Les deux filles le remercièrent, mais choisirent de rejoindre leur compagnon plutôt que de l'attendre et quittèrent l'établissement à leur tour.

Elles le croisèrent sur le chemin, il venait tout juste de quitter la forge, un grand sac de toile qui semblait bien lourd à la main et un imposant marteau sur l'épaule. En les apercevant, il leur offrit son habituel sourire, plein de bienveillance et de poils.


  • Alors les filles, la forme ?
  • Ma foi, oui, dit Félicia. Et toi, pas trop de bleus ?
  • Ha ! C'pas quelques chaises qui vont cabosser l'vieux Tharok, Bahrum !


Il tendit ensuite le sac à la Paladine.


  • Tiens, v'la ton armure ma p'tite Féli. Rafistolée comme il le faut, ouaip.
  • Ah, merci Tharok. Elle commençait à me manquer.


Elle retira son tabard pour le confier à Aayla, le temps d'enfiler sa cotte de mailles, refaite à neuf, puis lui demanda un coup de main pour serrer les lanières de ses brassards. Ceci fait, elle chercha ses armes.

La voyant faire, le Nain soupira et commença à chercher sa pipe, avant de se raviser.


  • J'imagine qu'tu veux toujours v'nir ?
  • Bien sûr ! J'ignore si je serais d'une quelconque utilité, l'épée à la main, mais je ne le saurais jamais si je fuis au moindre doute.
  • Nous pouvons au moins aller voil, surenchérit la Draeneï. Nous avons encole beaucoup à applendle, sultout à tes côtés.
  • Et si jamais ça tourne mal, nous pourrons toujours nous enfuir. On sait à peu près à quoi nous attendre désormais, nous progresserons d'autant plus prudemment.


Tharok les regarda, tour à tour. Il semblait les jauger, et peser le pour et le contre de leur décision. Sa main libre farfouilla à nouveau dans sa sacoche, avant de s'arrêter. Finalement il haussa les épaules, et leur sourit.


  • j'étais sûr qu'vous diriez ça. Z'avez probab'ment raison, faut b'en se salir les mains si on veut parv'nir à quelque chose, mais ca n'veut pas dire les laisser au croco pour autant, Bahrum !
  • J'ai été négligente la dernière fois. J'ai sous-estimé la menace et je nous ai mis en danger. C'est une erreur que je ne referais pas !
  • Mmh. D'ailleurs, à ce sujet.


Il fit sauter le grand marteau dans ses mains, et le tendit à Félicia qui le dévisagea sans comprendre.


  • V'la ta nouvelle arme ma p'tite. Désormais, tu t'battras 'vec ça.


Perplexe, elle saisit tout de même l'imposant marteau. L'arme était typiquement Naine mais calibrée pour un Humain. Il est vrai que les Paladins avaient souvent une telle masse pour arme de prédilection, afin de pouvoir terrasser les autres guerriers lourdement protégés tout en respectant l'idéal de ne pas faire couler le sang, un vœu proféré par bon nombres de soldats de la Lumière, souvent d'anciens prêtres.

Elle soupesa l'énorme marteau en jetant un regard circonspect au Nain, qui paraissait on ne peut plus sérieux.


  • T'sais l'manier, pas vrai ?
  • Oui, évidemment..,cela dit, ce n'est pas mon arme favorite. J'ai fait vœu de protection, et choisi de me spécialiser dans le bouclier plutôt que le marteau de guerre.
  • J'sais bien. Justement.


Les deux filles le dévisagèrent comme s'il était devenu fou. Avec un soupir, il finit par craquer et sortit sa pipe.


  • T'as pas l'air mauvaise 'vec une lame, mais tu n'sais absolument pas t'défendre, Félicia. Et t'pourras jamais protéger qui que ce soit, si t'es d'jà pas fichue d'protéger toute seule.
  • Je sais très bien me battre au bouclier ! Protesta-elle, mais le Nain leva la main pour lui couper la parole.
  • T'as été un boulet, contre les mort-vivants. Les deux fois.


Piquée au vif par une franchise aussi crue, la jeune femme voulut rétorquer quelque chose...mais craignait de n'avoir aucun argument à opposer à la fantastique expérience d'un véritable professionnel du combat rapproché. Elle sentit à son agitation qu'Aayla souhaitait la défendre également, mais ne trouvait rien à redire.

Tapotant sa pipe contre sa paume, Tharok poursuivit, d'un ton sévère, mais calme. La Paladine n'en avait pas besoin pour savoir que son ami ne cherchait pas à l'insulter, mais à partager son savoir.


  • Tu comptes trop sur ton armure, p'tiote. Pask't'as un bouclier, tu fonces sans réfléchir et tu t'fais allumer dans tous les sens.
  • Ce n'est pas ce que je suis sensée faire, en étant mieux protégée que mes alliés ?
  • Si t'étais un Orc, p'tet ben qu'ouais.


Il gratta à nouveau l'embout avec son ongle.


  • T'as eu d'la chance qu'y soient d'ta taille, les pourris sur pattes. Mais même les squelettes n'étaient pas si forts qu'ça. T'aurais fait quoi contre un Ogre ? Ou même contre les lycanthropes ?
  • J'imagine que je les aurais tenu à distance tant bien que mal, en esquivant les coups les plus sévères...je sais me battre, tu sais ?


Le Nain secoua la tête, faisant claquer sa langue d'un air réprobateur.


  • Tu t'serais faite déboîtée, ma p'tite Féli. T'utilise ton bouclier comme si c'était une porte, et tu t'retrouves vulnérable. D'où ça.


Il pointa le pesant marteau.


  • S'tu veux poursuivre c't'affaire 'vec moi, tu t'battras avec ça jusqu'à c'que j'décide le contraire.
  • Je ne pense pas que ce soit à toi de décider de ça, Thalok, coupa la Chamane d'un air soucieux. Si ce n'est pas son alme habituelle, Félicia va se letlouver en danger.
  • Précisément, biquette.


La Draeneï lui fit de gros yeux, ne parvenant pas à croire qu'il exige à la Paladine de risquer sa vie ainsi.


  • Elle aura pas d'bouclier pour s'cacher derrière. Ca n'dépendra que d'elle, et de sa façon d'aborder l'combat.
  • Alols au moins plendle une épée ! Ce malteau doit êtle aussi lould qu'elle !
  • Mais ça fait partie du plan aussi, pas vrai ? Glissa Félicia.


Pensive, elle écoutait ses amis en soupesant le marteau. Loin d'être aussi massif que le prétendait Aayla, il fallait tout de même reconnaître qu'elle avait du mal à imaginer une arme moins pratique qu'un marteau de guerre. Lourd et encombrant, c'était probablement la moins maniable de toutes les armes.

Mais elle pensait comprendre le plan de Tharok. Sa capacité à combattre ne dépendrait pas de son équipement, mais d'elle et elle seule, qu'elle décide de monter au front en nuisette ou en harnois. Après tout, et ses combats venaient de le prouver, une armure n'était faite que pour réduire les dégâts subis, pas pour encourager son porteur à foncer dans le tas en espérant faire plus de dégâts que celui d'en face.


  • Cela dit, Aayla a raison. Je ne suis pas une experte du marteau...puis-je espérer compter sur toi pour m'instruire ?
  • Â la bonne heure ! S'égaya le Nain. Pour sûr qu'tu pourras, ma p'tite Féli !
  • Merci, Tharok.


Sincèrement reconnaissante de ses efforts à son égard, bien qu'anxieuse à l'idée de devoir désormais combattre avec le style le plus éloigné du sien qui soit, elle s'inclina humblement. Pris de court, le Nain parut hésiter, avant de finalement lui flanquer une énorme claque dans le dos qui lui coupa le souffle.


  • Mais qu'est-ce qu'tu m'fais là, Féli ? C'pas l'heure d'ramasser les champignons ! On a une boudiou d'route à faire, faudrait point s'y traîner le derche pendant la nuit, créfieu !


La Chamane afficha une moue perplexe.


  • Cléfieu ?
  • Farpaitement biquette, Créfieu ! Bahrum !
  • On aurait peut-être du rester à Darkshire, se plaignit Félicia en roulant des yeux.


Accompagnés par le rire gras du Nain, les trois aventuriers allèrent trouver la commandante Althea pour l'informer de leur projet. Elle les en remercia à nouveau, ainsi que pour les services déjà rendus qui leur avait valu une prime plus qu'honnête, et ne se montra pas avare en instructions.

D'après elle, Ravenhill avait toujours eu un passé houleux. Les créatures et monstres qui rôdaient aux alentours étaient redoutables et intelligents, et ce ne serait pas la première fois que la magie noire s'y manifeste. La commande insista sur le fait qu'elle les envoyait en éclaireurs et non pas en armée de libération, si jamais la ville était tombée, et sur la nécessité de s'équiper d'antidotes et de médicaments contre les infections.

Ils lui assurèrent en retour qu'ils ne feraient aucune folie, et que leur groupe était constitué d'un Nain – réputé pour leur résistance à tous les maux, même la gueule de bois – et de deux guérisseuses.

Moyennement convaincue, elle leur recommanda finalement, alors que ses devoirs recommençaient déjà à exiger sa présence ailleurs, de faire halte au campement à la croisée des chemins. Elle assura qu'il n'y avait pas besoin de lettre officielle ou de sceau, et les quitta après leur avoir souhaité toute la bonne chance que ce monde pouvait leur offrir.


Le groupe s'en alla ensuite remplir ses sacs pour la route, chacun glissant trois jours de provisions et quelques torches dans son paquetage. Un vigile de la Night Watch les héla avant qu'ils ne quittent Darkshire, et leur confia un autre sac de provisions à l'intention des soldats au campement.

Le trajet ne fut pas plus agréable que lors de leur première venue, au contraire. Plus ils s'enfonçaient dans ces bois sordides, plus le sentiment d'être épié, et même encerclé grandissait. Plusieurs fois, les aventuriers aperçurent des créatures surveiller leur progression, à la lisière des ténèbres.

Le plus inquiétant, c'est que les monstres ne craignaient même plus de se montrer. En ayant cette pensée, Félicia trouva finalement réconfortant le poids de son marteau qu'elle portait sur son épaule. Elle n'aurait pas besoin de le dégainer, lui.


Mais en dépit de ce péril à portée de bras, leur voyage se déroula sans heurt. Si elles ne craignaient pas le trio, les bêtes de la forêt noire ne se montraient pas suffisamment audacieuse pour les attaquer sur le sentier. Aayla fut la première à remarquer que quelque chose d'autre rôdait dans le noir, car elle vit briller l'esspace d'une seconde une paire d'yeux ambrés, qui n'appartenait pas aux loups. Des yeux qui semblait faire fuir les autres créatures, dit-elle.

Cependant, quel que soit leur propriétaire, celui-ci préféra retourner dans les ténèbres et ne se manifesta plus.

Finissant par être rongée par l'angoisse, en marchant dans le silence anormal de ces bois embrumés, Félicia garda l'oeil ouvert tout en commençant à discuter de technique martiale avec Tharok.

Comme à son habitude, le Nain était intarissable, et la Paladine dut se faire violence pour qu'il écourte ses explications. Non pas que le sujet ne l'intéressait point, mais dans l'immédiat elle n'avait que faire des stratégies Orques, du secret de lancer de marteau Nain ou encore de la guérilla Kaldorei.

Recentré sur l'objectif de la conversation, Tharok fut sans surprise très éloquent quant aux bases du combat au corps à corps, et à ses applications en groupe. Elle-même adepte des armes contondantes, la Chamane joignit sa parole à la discussion et partagea sa propre expérience, radicalement différente de celle du Nain.

L'un comme l'autre s'accordaient toutefois à dire que la meilleure façon de résister à une attaque était de ne pas l'encaisser, et ce quelles que soient les protections dont on s'équipait.

Loin d'être innocente en la matière, Félicia approuvait, et soulignait que c'était même là l'une des raisons l'ayant poussé à choisir le bouclier. Les Paladins ne sont pas les plus agiles des combattants, et même leur courage inébranlable ne peut leur donner la force de parer les coups les plus sauvages, comme ceux d'un Ogre par exemple, tandis qu'un écu ou un pavois permettait de faire glisser l'attaque et de réduire son impact.

Tharok la contredit sur ce point, arguant qu'au contraire, plus l'écart de force était marqué, moins le bouclier était efficace. Un Tauren l'enverrait tout bonnement valdinguer, sans autre forme de procès. Une fois de plus, Aayla approuva.

Bien que très grande et dotée d'une force physique non négligeable, la Chamane comptait essentiellement sur son potentiel offensif et ses réflexes pour se protéger. En maniant deux armes puissantes, elle essayait d'empêcher ses adversaires de riposter.


La vérité, et elle l'avoua un peu honteusement, c'est qu'elle n'était pas suffisamment adroite pour se lancer dans de complexes passes d'armes. Les gourdins qu'elle maniait ne lui permettait ni de parer les coups efficacement, ni d'enchaîner les attaques avec agilité. Il lui fallait vaincre le plus vite possible, avant que son grand corps ne devienne une cible facile.

Félicia opina du chef. Elle-même, lors de son entraînement, avait eu l'occasion d'expérimenter différentes armes. Un marteau, comme ceux d'Aayla ou le sien, pouvait très bien mettre fin à un combat en un seul coup...mais il avait surtout intérêt à le faire, sous peine de subir une terrible riposte.

Pour sa part, Tharok s'avoua satisfait de sa hache à deux mains. Compromis idéal, disait-il, entre l'épée et le marteau. La Paladine devina qu'il s'agissait d'un bon compromis pour quelqu'un d'aussi fort que lui, mais elle garda sa pensée pour elle. Il souligna toutefois que les masses étaient des armes de choix contre les mort-vivants, puisqu'elles brisaient les os à chaque impact là où les lames pouvaient riper dessus.


Ils continuèrent à parler, sans cesser de jeter des regards méfiants aux bois qui les encerclaient, jusqu'à arriver aux abords du campement à la croisée des chemins.

Félicia fut particulièrement surprise, pour ne pas dire choquée, par l'austérité de l'endroit. Elle s'était attendue à un avant-poste lourdement fortifié, avec des tours de guets remplies d'archers, des tranchées surmontées de barricades hérissées de piques, et pourquoi pas même de fosses piégées.

Elle n'avait pas de mot pour exprimer sa stupeur lorsqu'elle et ses compagnons découvrirent une poignée de tentes dressées en rond, loin du feu, avec pour seule protections quelques pieux grossièrement taillés et pointés vers l'extérieur, afin de ralentir les bêtes sauvages et quelques maigres torches disposées ici et là pour éloigner la nuit.

Six hommes aux gestes nerveux faisaient le guet, permettant la circulation en une relative sécurité au croisement. Ils reconnurent aisément les aventuriers venus aider Darkshire. Pour des raisons pratiques, les gardes faisaient des relèves, quatre par quatre, tous les quatre jours. Cela permettait de déplacer moins d'hommes d'un seul coup.


Le trio fut bien accueilli, et Tharok ne tarda pas à vouloir égayer les tristes mines des vigiles de la Night Watch par le récit détaillé de leur victoire contre les mort-vivants et les Worgens. Mais avant qu'il ne devienne inarrêtable, Félicia expliqua la raison de leur venue et leur distribua les vivres supplémentaires.

Comme l'avait fait la commandante Althea, les sentinelles du croisement les enjoignirent à passer la nuit ici. La Paladine fut assez contrariée. Elle aurait voulu arriver au plus vite à Ravenhill, mais bien qu'il leur restât encore plusieurs heures avant la tombée du jour, elle se refusait de voyager de nuit dans les bois, et encore plus d'y camper.

Elle accepta leur offre, et Tharok recommença à se faire grand narrateur. Sous sa verve épique, leur épopée prit une tournure si fascinante que Félicia se demanda même au bout d'un moment s'ils avaient bien mené le même combat ce jour-là.


D'histoires en histoires, le crépuscule tomba. Les vigiles allumèrent alors de nouvelles torches, et commencèrent le premier tour de garde de la nuit en conseillant aux aventuriers d'aller dormir. Félicia assura qu'elle voulait participer elle aussi aux rondes, faisant rire Tharok qui s'apprêtait à déclarer la même chose.

Le Nain lui tapa dans le dos, et lui dit d'aller se coucher alors qu'il prendrait le premier quart. Aayla récupéra le deuxième, et la Paladine le troisième. Les soldats monteraient la garde avec eux deux à deux.

Baissant le ton, sans perdre une once d'éloquence, Tharok poursuivit ses interminables récits, sa voix guillerette et assurée, apaisant la tension et la morosité de la veille ingrate et aida les autres à s'endormir.

Mis à part quelques pupilles luisant à la lueur des torches entre les arbres, il n'y eut rien à signaler pour le premier tour. Rien que la routine dans cette forêt de malheur.

Le second quart fut tout aussi « tranquille ». Après avoir réveillé la Chamane, Tharok s'effondra pesamment sur son sac de couchage, sur le flanc contrairement à son habitude afin de ne pas trop ronfler.

Si elle ne raconta pas de grandes épopées en murmurant, Aayla échangea toutefois assez longuement avec ses camarades nocturnes. Ceux-ci n'avaient jamais eu l'occasion de rencontrer une Draeneï, et ils se montrèrent relativement curieux.

Ils s'interrompirent deux fois, lorsqu'un bruit attira leur attention, mais ne donnèrent pas l'alerte. Il y avait toujours des bruits, même le jour. Par acquis de conscience, la Chamane leva la tête et scruta les arbres, et un garde devina ce qu'elle avait en tête.

Il la rassura en lui expliquant qu'il n'y avait aucune araignée dans cette partie de la forêt. Les loups dominaient ici, et dévoraient tout ce qui n'appartenait pas à leur meute, y compris les autres monstres.


Sa ronde terminée, Aayla secoua doucement la jeune Humaine par l'épaule qui alla prendre le dernier tour de garde en baillant. Elle fut encore moins éloquente que son amie, tendue à l'idée que discuter l'empêcherait d'entendre les bêtes de la nuit approcher.

Les gardes lui assurèrent que ça ne changerait rien, et qu'eux-même avaient l'habitude de parler entre eux pendant les rondes. Sans quoi, ils finissaient paranos. Peu convaincue, la Paladine se laissa toutefois petit à petit tenter lorsqu'ils demandèrent un semblant d'office religieux.

L'un des deux hommes avait une sœur, qui officiait dans la prêtrise, et son père avait servi aux côtés des Paladins de Lordaeron, lors de jours plus heureux. Incapable de refuser quelques rites, qui pourrait apaiser leur conscience et leur redonner espoir, Félicia improvisa une prière, l’œil toujours ouvert sur les ombres alentours.

Les bêtes semblaient plutôt calme, cette nuit-là. On les entendit même chasser dans les bois, signe qu'elles ne viendraient sûrement pas se risquer à affronter le feu et l'acier des hommes aujourd'hui. Le second garde amusa même son collègue et Félicia en prétextant que c'était la Paladine qui leur portait chance.

Après leur modeste prière, les deux soldats questionnèrent la jeune fille. Ils s'étonnaient notamment de la voir déjà affronter des périls comme ceux des Duskwood, à son âge. Comme d'habitude, elle expliqua que c'était le minimum à faire, en tant que Paladine, que de prêter main forte à ceux qui en avaient besoin.

Mais un peu plus d'une demi-heure avant ce que la Night Watch estimait être l'aube, le sentiment d'être observée particulièrement désagréable enfla chez Félicia. Peut-être les bénédictions récitées avaient éclairci son esprit, ou peut-être n'était-ce qu'une hallucination, mais elle aurait juré entendre quelqu'un murmurer dans les bois.

Mal à l'aise, elle tourna la tête vers ce qu'elle pensait être la direction de la voix fantôme, et son cœur manqua un battement. Là, au milieu des bois et des ténèbres, une silhouette humanoïde la fixait, elle, personnellement. La panique la gagna, mais elle la réprima une seconde plus tard en saisissant son marteau et en bondissant sur ses pieds.


  • Hé ! Vous là-bas !


Mais la chose avait déjà disparu, tandis que les gardes la rejoignaient, surveillant ses arrières. Tharok débarqua quelques secondes à peine plus tard, étonnamment alerte, sa hache prête à l'emploi.


  • Qu'est-ce qu't'as vu, Féli ?
  • Quelqu'un nous observe...


La Paladine se frotta les yeux, se demandant si elle n'avait pas rêvé malgré tout. Elle était convaincue d'avoir vu un être humain, tout autant qu'elle était persuadée que la silhouette s'était tout bonnement évanouie dans les ombres, comme ça.

Tharok grommelait en plissant ses yeux enfoncés sous ses sourcils brousailleux, tandis que les autres soldats et Aayla les rejoignaient. Les deux vigiles du tour de ronde leur firent signe d'une fausse alerte.


  • C'pas bien anormal, ma p'tite dame. C'est pas la première fois qu'y a des types assez toqués pour jouer aux rôdeurs dans le coin.
  • Des types peu fréquentables, j'imagine ?


Il haussa les épaules alors que ses collègues retournaient se coucher, gardant toujours leur arme contre eux malgré tout, alors qu'Aayla venait scruter les ténèbres à son tour.


  • Aucune idée mam'zelle. On cause pas trop aux rôdeurs dans le coin.


Au cas où, les deux hommes restèrent sur leurs gardes et firent le tour du campement, sans rien trouver. Aayla, les yeux encore ensommeillés, se rapprocha de la Paladine.


  • Tu penses que ça poullait êtle l'homme que l'on a apelçu en allivant ?
  • Je n'en sais rien...mais je ne crois pas. Je pense que ce que j'ai vu était une femme...et elle n'était probablement pas seule.
  • Ah bon ?


Le Nain essayait encore de percer la pénombre, en vain, alors que Félicia se concentrait sur l'image fugace qui échappait déjà à sa mémoire.


  • J'ai cru l'entendre parler. Chuchoter même, comme si elle nous épiait en discutant avec quelqu'un d'autre.
  • Ce n'est pas la plemièle fois que l'on lemalque que quelque chose nous suit...


Ses compagnons acquiescèrent, en se souvenant de leur impression dès leur arrivée et des yeux qu'ils avaient pu apercevoir furtivement dans la journée.

Cette menace, aussi persistante qu'invisible angoissait Félicia. Ils couraient déjà suffisamment de risques pour ne pas en plus être pris en chasse par des détraqués.


  • Vous pensez qu'on devrait s'en occuper avant d'aller à Ravenhill ?
  • Mh. Pas b'en convaincu. C'p'tet juste un trappeur un peu allumé qu'à été attiré par la lumière du feu.
  • Tu clois qu'il n'y a pas de danger, alols ?


Le Nain haussa simplement les épaules.


  • Y'a toujours du danger, ma biquette. Mais j'pense pas qu'un pauv'Rôdeur viendrait nous chercher des noises.
  • Et si c'était le cas ?
  • Alors on lui péterait sa face, comme aux autres ! Bahrum !


N'ayant rien à offrir contre cet argument percutant, les filles se rangèrent à l'avis de leur compagnon. Aayla hésita à se recoucher, mais l'aube arrivait bientôt et elle était trop nerveuse pour se rendormir, surtout pour si peu de temps. Elle aida plutôt ses compagnons et les gardes à préparer l'arrivée du jour.

Les aventuriers rassemblèrent leurs affaires et vérifièrent leur équipement. Mieux valait éviter qu'il ne les lâche en plein milieu d'un combat. Puis, rassurés, ils reprirent la route en suivant le maigre sentier.

Si les Duskwood s'étaient toujours montrés inhospitaliers, Félicia s'étonnait toutefois qu'ils parviennent à être encore plus oppressants à mesure qu'on s'y enfonce. La présence permanente de ce regard sur sa nuque mettait ses nerfs à vifs alors que l'obscurité dansait entre les racines noueuses et les reliefs irréguliers pour jouer des tours à son esprit.

De cela, elle commençait à avoir l'habitude. C'était presque normal, même...mais si loin dans ce territoire sordide, de nouvelles peurs rongeaient les voyageurs. Les loups avaient cédé à la place aux Worgs, leurs cousins plus trapus, plus vicieux et plus dangereux.

L'un d'eux, un mâle noir aussi haut que Tharok, s'autorisa même l'audace de traverser la route à quelques mètres d'eux, flanquant une belle frousse à Aayla qui se retourna en craignant à tout moment de voir débouler le reste de la meute.

Il n'en fut rien, toutefois ce calme trompeur n'apaisa pas le trio. Les créatures des bois ne craignaient absolument pas d'approcher des Humains – dans le sens le plus général de cette appellation – et en cas d'attaque, il serait tout bonnement impossible de fuir.


Félicia était plutôt inquiète des gigantesques toiles d'araignées, qu'elle voyait pendre aux arbres, de plus en plus bas, tantôt en filets compacts tantôt en lambeaux.

Une sensation de démangeaison particulièrement pénible lui rampa dans le dos, la faisant friser la paranoïa, lorsqu'elle aperçut une toile s'étirer du pied d'un arbre jusqu'à plus de trois mètres de haut. Si les rampantes que le groupe avait aperçu à leur arrivée auraient pu manger un homme, les pièges de soie tissés ici pouvaient attraper tout le trio sans soucis.

La Paladine remarqua que son amie, tout particulièrement, vivait très mal ce nouvel environnement. Au cœur de la forêt, les arbres se faisaient plus resserrés. Le chemin, faiblement balisé de lanternes blafardes, était plus étroit, et le feuillage si dense qu'il aurait pu cacher un ours était si bas par endroits que la Draeneï devait se baisser pour ne pas que ses cornes raclent les branches.

Un hululement fit bondir Félicia, qui paniqua alors la Chamane. La jeune fille s'excusa, la chaleur lui montant aux joues alors qu'elle se sentait ridicule d'avoir eu peur d'une chouette. Un cri strident retentit peu après, dans la même direction, et lui glaça le sang.

Insensible à ces petites frayeurs, ou pressé de sortir de ce traquenard, Tharok leur fit presser le pas, préférant ignorer la veuve noire de la taille d'un chien qui longeait paresseusement un frêne centenaire, étirant ses pattes ignoblement fines pour parcourir sa toile, tissée entre trois arbres. Une boule de soie de la taille d'un homme y était déjà suspendue. La Paladine préféra ne pas se demander quelle malheureuse créature y avait trouvé son triste destin.


Les mains près de leurs armes, les aventuriers traversèrent sans encombre durant un peu moins de deux heures ce qu'ils étaient tenté de surnommer « la forêt des huit-pattes ». Ils n'avaient eu de cesse de jeter des regards nerveux tout autour d'eux, aussi bien dans leur dos qu'au-dessus de leurs têtes. Ici, la menace était réellement omniprésente.

Félicia avait blêmi, et insisté pour forcer encore l'allure lorsqu'ils avaient dépassé un chêne, si large qu'ils n'auraient pas pu en faire le tour à eux trois, et dont le tronc était intégralement recouvert d'une épaisse soie blanche. Par prudence, ils avaient même fait un léger écart du côté opposé à la toile, pour ne pas risquer de s'y prendre les pieds.

Mais quelques minutes après l'avoir dépassé, ils foulèrent un sentier qui serpentait à nouveau entre des collines bosselées, de part et d'autres, qui leur coupaient totalement la vue et formaient avec les feuillages bas une atmosphère étouffante, que le mince brouillard que peinait à dissiper l'aube timide n'arrangeait pas.

C'est à ce moment, alors qu'elles regardaient dans tous les sens, guettant le moindre bruit, que Tharok choisit de leur révéler qu'elles étaient passés par loin d'un camp d'Ogres. Il leur annonça la nouvelle avec nonchalance, avec le ton de celui qui a oublié d'acheter une baguette de pain le matin.

Les deux amies en revanche n'apprécièrent pas la plaisanterie. Elles redoutaient déjà les innombrables périls de ces bois, apprendre qu'il s'y trouvait en plus ces monstrueuses créatures usa un peu plus encore leur moral.


Quel soulagement fut le leur lorsque enfin, les arbres s'espacèrent alors que les collines se faisaient plus basses. Quelques bâtisses apparaissaient déjà, sur le surplomb un peu plus loin, et affichaient un style architectural similaire à celui du Darkshire.

Plus en avant se tenait une nouvelle intersection. En repensant aux cartes qu'elle connaissait, Félicia devina que le chemin qui continuait tout droit les conduirait vers la Marche de l'Ouest. Sur leur droite, la route les mènerait à Ravenhill...ou ce qu'il en restait. Quant au dernier sentier, elle l'ignorait mais il conduisait tout droit à une autre ferme, infestée de fantômes.

Tharok les fit faire halte à l'abri d'un arbre accolé à un pente raide où même l'herbe n'arrivait pas à pousser. Ils jetèrent un œil aux alentours pour s'assurer qu'aucune créature ne risquerait de leur tomber dessus, puis rassérénés, les aventuriers posèrent leurs sacs afin de manger un morceau et se désaltérer.

Une fois repus, Tharok et Aayla dévisagèrent la Paladine, qui semblait perdue dans ses pensées. Elle réalisa après quelques secondes qu'ils la fixaient et les regarda tour à tour. Elle fit la moue en comprenant ce qu'ils attendaient d'elle et soupira.


  • Je n'ai pas demandé à être la cheffe du groupe.
  • P'tet ben qu'oui, p'tet ben qu'non. En attendant on t'écoute.


La Chamane approuva Tharok en hochant la tête, au grand dam de Félicia qui comptait sur elle pour convaincre le Nain de prendre le commandement.

Il était le plus fort, et le plus expérimenté. Si quelqu'un devait les diriger, ce devrait-être lui, le vétéran, et non pas la Paladine à ce point inconsciente qu'elle avait déjà failli mourir deux fois. La dernière chose qu'elle pouvait souhaiter, ce serait d'entraîner ses amis dans sa chute.


  • On te fait confiance, Félicia. Dit avec douceur la Draeneï.
  • Yep ! Alors on t'écoute, avant d'prendre racines dans c'te forêt d'malheur. Quoi qu'on fait ?


Bien que touchée par la bienveillance de ses compagnons, Félicia n'en demeurait pas moins en proie au doute. Elle savait qu'ils lui faisaient confiance...et elle redoutait justement de ne pas en être digne. Chacune de ses décisions risquait de les précipiter vers une catastrophe.

Elle leva la tête vers Ravenhill, et pensa aux pauvres gens qui y vivaient. Entourés toute l'année de créatures hostiles, menacés par les bêtes, les mort-vivants et tout ce qui pouvait nuire, les habitants devaient vivre dans une peur continue...

Félicia se sentit ridicule d'hésiter, alors que des innocents pouvaient avoir besoin d'elle en se moment. Elle chassa ses pensées noires, écartant au loin les pires hypothèses et empoigna fermement son marteau en se redressant. Oui, ses compagnons dépendaient d'elle...et c'est pour ça qu'elle ferait de son mieux pour garantir non seulement leur survie, mais leur succès.


  • On y va. On n'a pas fait toute cette route pour rentrer la queue entre les jambes !


Tharok tapa bruyamment dans ses mains, en s'exclamant d'un air enjoué.


  • Ha ! Ça c'est b'en parlé ma p'tite Féli. J'en attendais pô moins d'toi, Bahrum !


Aayla opina à nouveau leur ami verticalement handicapé, et se leva à son tour.


  • Préparez vos armes. On ignore ce qui nous attend, il faut se tenir prêts à toute éventualité.
  • Pour sûr ! Z'ont qu'à v'nir les affreux qui veulent tâter du Nain !
  • On a déjà chassé les molt-vivants et les Wolgens qui lôdaient autoul de Dalkshile. Plus lien ne nous implessionnela désolmais !


Félicia les regarda une dernière fois, intensément. Elle pesait ses prochaines paroles, ses ordres, et jaugeait ses compagnons. Tharok était fidèle à lui-même, tellement plein d'entrain qu'il semblait prêt à exploser alors qu'Aayla était nerveuse...mais le dissimulait derrière son courage.

D'après la Paladine, elle l'était peut-être même un peu trop. Félicia craignait que son amie bleue ne fasse trop confiance à leur trio, et ne soit prête à prendre des risques inconsidérés pour le défendre...mais elle l'avait vue à l’œuvre. La passion était un moteur puissant pour la Chamane, autant que la Foi en la Lumière ne l'était pour elle.

Elle hocha la tête, heureuse de les avoir à ses côtés et prit la tête en direction de Ravenhill.


Ils gravirent la petite pente qui menait au hameau et le trouvèrent désert. Les quelques maisonnées, ici et là, semblaient vides de l'extérieur. Il n'y avait ni bruit, ni lumière.

Une sensation amère serra la gorge de la Paladine. Elle s'attendait à tomber sur un charnier, en venant ici...mais le constater de visu était presque douloureux.

Le groupe s'avança d'un pas prudent dans le village. De toute évidence, même en se dépêchant, ils n'auraient rien pu faire. L'état des lieux laissait à penser que cela faisait au moins une semaine qu'il n'y avait plus âme qui vive ici...mais au lieu de déculpabiliser la jeune femme, ça ne fit qu'accentuer ses remords. Elle aurait du chercher plus tôt des aventuriers, agir plus vite pour aider ceux qui en avaient besoin. Elle aurait peut-être pu empêcher ça...

Ou simplement rejoindre les victimes. Sa raison lui criait qu'elle n'était tout bonnement pas assez forte pour changer le destin, même lorsqu'il était à portée de regard.


  • Explorons les maisons, dit-elle. Il y a peut-être des survivants qui se cachent.


Elle s'attendait à ce que ses compagnons lui disent que c'était peine perdue...et fut surprise de les voir acquiescer et lui emboîter le pas. Aussitôt, la Paladine se morigéna. Bien sûr que ses amis espéraient trouver quelque chose à sauver dans ce hameau-fantôme ! Les fidèles de la Lumière n'avaient pas le monopole de la compassion.


  • Commençons par celle-ci.


Elle désigna une des plus grandes maisons. Mais avant d'entrer elle arrêta ses compagnons.


  • Ce sont peut-être des monstres qui nous attendent.
  • P'tet ben qu'ouaip.
  • Quel est ton plan, Félicia ?


Détestant cette responsabilité qui pesait sur ses épaules, la Paladine refusa cependant de se morfondre et trouva un plan qui lui semblait raisonnable.


  • Tharok, passe devant. Tu es le plus robuste et aguerri, et donc le plus à même de réagir à une embuscade. Je te suivrais pour te couvrir, ou te protéger avec ma magie s'il y a un problème.
  • Héhé, comptes sur l'vieux Tharok !
  • Aayla. Tu es celle qui a le plus besoin d'espace, mais également la seule à pouvoir attaquer à distance. Couvres nos arrières, ce n'est pas impossible que des ennemis attendent qu'on entre pour nous attaquer et nous acculer.
  • Complis ! S'il y en a un assez fou poul nous attaquer, il goûtela à mes solts !


Le cœur cognant à toute allure, Félicia fit signe au Nain d'avancer. Celui-ci empoigna sa hache solidement et passa l'embrasure de la porte avec plus d'assurance qu'elle n'en aurait eu. Elle le suivit après qu'il eut fait quelque pas, levant son marteau, prête au combat.

Tharok fit quelques mètres, regarda dans les coins, et annonça qu'il n'y avait rien à signaler. La pression retomba d'un seul coup sur la Paladine. Elle ignorait combien de gens le savaient, mais les Nains avaient une assez bonne vision nocturne. Félicia avait entendu des théories comme quoi, cette faculté leur venait de leur vie dans les mines...mais elle refusait d'y accorder un quelconque crédit.

Toutefois, elle ne doutait pas que leur vétéran puisse réellement voir dans le noir...ou du moins, dans la pénombre qui baignait la maison. Elle fit signe à la Chamane d'entrer. Malgré ses intuitions, probablement liées aux voies spirituelles qu'elle suivait, Aayla n'avait rien senti à l'extérieur.

Pendant ce temps, le Nain avait fait le tour des rares pièces du rez-de-chaussée, qui se limitaient à un salon commun autour de la cheminée, intégrant la cuisine, et du hall d'entrée, coupé par une poutre verticale, qui servait vraisemblablement à accueillir les amis. Une table retournée et cassée dans un coin, ainsi qu'un paquet de cartes dispersé au sol soutenaient cette théorie.


Avant même qu'elle n'ait le temps de lui dire, Tharok commença à monter l'escalier menant à l'étage. Les deux filles jetèrent un dernier coup d’œil aux alentours, puis le suivirent mais il revenait déjà, en secouant la tête. La maison était totalement vide.

Sans se démonter, ils répétèrent l'opération dans les autres bâtisses, y compris la grange, et fouillèrent même les greniers. Le claquement des sabots d'Aayla fit même suggérer à Tharok de chercher une trappe, ou un sous-sol, mais en vain. Ils trouvèrent bien une cave à un moment, mais à part quelques bouteilles qui n'inspirèrent guère le Nain, elle était vide.

Un peu découragé après deux heures de recherches infructueuses, le groupe fit une pause sur la place centrale du hameau.


  • Bon...hé bien nous avons une mauvaise nouvelle à ramener à la commandante, les amis.
  • J'en ai bien peul, Félicia.
  • Hrmf. M'est avis que c'est qu'la partie la plus peinarde.


Elles se tournèrent vers lui. Félicia ne put s'empêcher de grimacer. Jusqu'à maintenant, le Nain avait toujours vu juste et elle craignait ce qu'il allait leur annoncer.

Lui-même ne semblait pas serein, et il sortit sa pipe par réflexe avant de s'arrêter un instant et la ranger.


  • Z'avez rien remarqué ? Pendant qu'on fouillait c'patelin crevé ?


Les deux filles se concertèrent du regard, mais haussèrent l'une et l'autre les épaules.


  • Il n'y avait personne ? Tenta Félicia.
  • 'Zactement, Féli. Y'avait que dalle. Pas d'trace de quoi qu'ce soit, ni cadavre ni charognard.


La réalité les frappa si fort qu'elles se demandèrent comment elles avaient pu passer à côté. Toutefois, ce fait en impliquait un autre des plus inquiétants.


  • Quelqu'un a donc emmené les colps...le néclomancien, peut-êtle ?
  • Probablement, répondit la Paladine. Les Worgens ne se seraient pas embêtés à traîner les corps hors du village.
  • Probablement pas, nope.
  • Mais alols...où sont-ils, maintenant ?


Le Nain les jaugea du regard, une nouvelle fois. Elles devinèrent aisément qu'il avait déjà sa petite idée mais craignait pour elles. Il les avait prévenu que les monstres seraient bien plus forts ici, et si un nécromancien était encore dans les environs, il faudrait non seulement compter en cas de combat sur la population fraîche d'un hameau mais aussi sur un sorcier noir.


  • J'ai z'yeuté quelq'cartes, pendant qu'vous faisiez vos infirmières. Y'a un cimetière, un peu plus au nord. Un gros cimetière.
  • Autrement dit, beaucoup d'ennemis.


Il hocha la tête avant de la fixer intensément. Malgré sa volonté de bien faire, la jeune fille hésitait. Elle avait fini dans un état critique lors du premier combat contre les non-morts et avait tendu la main à la faucheuse lors du second. Le troisième promettait de l'envoyer rejoindre les rangs des adeptes du Roi-Liche...

Elle raffermit sa prise sur son maillet et pointa le nord du menton.


  • Allons voir. Nous en aurons le cœur net. Mais tâchons de rester discrets.


Tharok leva le pouce en approbation alors qu'Aayla grimaçait. Immense et dotée de sabots, elle était encore moins furtive que le Nain.

Félicia prit cependant la tête, progressant penchée en essayant de longer les murs ou les buissons pour masquer au maximum leur approche. Le groupe redoubla de prudence lorsqu'ils entendirent les bruits des mort-vivants, leur pas traînant et leurs vagissements hagards, tandis qu'ils approchaient du cimetière.

Le doute figea la Paladine, presque à plat ventre derrière rocher couvert d'une mousse jaune-blanche. Ses compagnons la rejoignirent peu après, mais au lieu de leur donner de nouvelles instructions elle fixait le Nain.

Devinant son trouble, il lui tapota l'épaule pour la rassurer alors qu'Aayla fronçait les sourcils.


  • J'entends une voix, leur dit-elle.


Ils firent silence, aux aguets. Tharok se gratta l'oreille d'un ongle sale, laissant la jeune Humaine sceptique quand à l'intérêt de sa manœuvre, mais après un moment elle eut l'impression d'entendre elle aussi quelque chose.


  • Vous pensez que c'est le nécromancien ? Chuchota la Paladine.
  • Probablement. J'vois pas qui d'autres s'rait assez tordu pour tailler d'bout d'gras 'vec les moisis.
  • Alols...peut-êtle qu'on poullait l'allêter ici ? Si on pouvait le tuer, Lavenhill selait vengée, et Dalkshile plus seleine.


Bien que consciente de la difficulté, Félicia ne put s'empêcher d’acquiescer pensivement. Qu'il agisse seul ou en groupe, le magicien noir était inévitablement lié à bon nombres des menaces qui pesaient sur les Duskwood. L'abattre serait au minimum y mettre un frein considérable.

Elle jeta à nouveau un regard vers le Nain, lui demandant silencieusement son avis. Il parut réfléchir trois secondes à leurs chances, avant de hocher sa grosse tête velue.


  • Ca peut s'tenter. Si on rentre assez fort, assez vite, et qu'on l'fume avant qu'y s'tire.
  • J'imagine que si on abat leur contrôleur, les mort-vivants retourneront à l'état de cadavres...ou du moins, ralentiront.
  • Ouaip.
  • Mais si on le late...
  • Alors on s'ra b'en dans la marde, mes cocottes. Et faudra filer fissa, en espérant qu'y soient moins bon qu'nous à la course, les affreux.


Ils pesèrent le pour et le contre, avant de se tourner à nouveau vers Félicia. En sa qualité de chef, il lui incombait de décider ou non de l'assaut. Elle grimaça à nouveau sous l'horrible responsabilité qui lui tombait dessus.

Si elle déclarait l'attaque, elle mettait en péril la vie de ses compagnons...et la sienne, accessoirement. Or, s'ils trépassaient, ils iraient renforcer les rangs de leurs ennemis et Darkshire ne serait pas avertis du sort de Ravenhill.

Si elle ne le faisait pas, la Night Watch pourrait se préparer...mais le Nécromancien aurait tout le temps qu'il souhaitait pour accroître son armée de mort-vivants et ses pouvoirs. Aussi braves soient-ils, les vigiles ne feraient pas le poids face à une horde vingt fois plus nombreuse et insensible à la douleur.


  • On va essayer. Si c'est peine perdue, on s'enfuit et on prévient Darkshire d'une façon ou d'une autre.


Elle leur désigna l'Ouest.


  • Westfall est juste là. De nombreuses menaces y rôdent, vautours, élémentaires, Gnolls et quelques Murlocs peut-être, sans parler des Défias...mais ça sera une promenade de santé comparé à ces bois.


Ensuite, elle pointa le Nord.


  • Mais idéalement, s'il faut fuir, ce serait vers la forêt d'Elwynn...et Stormwind. De nombreux loups, ours et Gnolls parcourent les bois, mais ils ne sont pas une menace pour des aventuriers comme vous. Si vous prévenez les gardes qu'un nécromancien lève des armées de mort-vivants, Stormwind enverra sûrement des chevaliers faire le ménage.


Tharok approuva, assez gravement, son plan. Elle prévoyait déjà des issues, et c'était appréciable. En revanche, la Chamane s'énerva et se rapprocha pour la rabrouer.


  • Poul des aventuliers tels que « nous » ? Poulquoi ? Tu ne comptes pas fuil en cas de ploblème ?
  • Pour être tout à fait honnête...pas vraiment.


La Draeneï se mit à violacer de colère. La Paladine explicita cependant son odieuse résolution.


  • Si la situation nous échappe, je ne sais pas si on pourra tous s'enfuir...ni même si j'en serais capable. Évidemment, si je peux le faire je le ferais.
  • Mais ?
  • Mais...s'il faut que quelqu'un reste en arrière, pour les retenir, ça sera moi.


Tharok se rapprocha un peu plus en fronçant ses grosses narines.


  • J'suis pas b'en d'accord 'vec ça, Féli. D'autant qu't'es sûrement plus rapide que l'vieux Tharok, alors c'moi qui les retiendrait s'il faut en arriver là.
  • Tu as sans doute raison...mais c'est moi qui vous ai entraînés dans cette histoire. Alors je veillerais à faire tout ce qui sera nécessaire pour que vous vous en sortiez.
  • Et moi je te lépondlais : Même pas en lêves ! On est venus ensemble, on lepaltila ensemble ! Et s'il faut que je t'assomme et te polte poul ficher le camp, alols je le felais !
  • Bahrum ! V'là qui est b'en parlé, ma biquette !


Partagée entre la gratitude et l'anxiété, Félicia les regarda tour à tour. Leur soutien, leur volonté lui apportaient un soulagement tel qu'elle n'avait pas de mot pour l'exprimer...mais l'amenaient encore à douter d'elle. Il était hors de question que ses compagnons fassent les frais de son immaturité.


  • Très bien. Alors maintenant, baissons encore la voix. Un buisson qui braille, ce n'est pas commun, et je crains que ne nous n'attirions l'attention à force.
  • Ma foi, c'est b'en vrai.


Aayla lui fit encore les gros yeux, comme si elle essayait de deviner le fond de sa pensée, avant de jeter un coup d'oeil entre les branchages. Les mort-vivants continuaient à errer dans le cimetière, entouré de quelques grillages rouillés et déchaussés.


  • Alols, comment s'y plend-t-on poul attaquer le néclomancien ?
  • Tharok ? Aurais-tu un plan à nous suggérer ?
  • Hmpf. Dans un tel cas, m'est avis qu'la meilleure solution c'est la plus simple.
  • Se rapprocher autant que possible sans être repérés, puis foncer tout droit jusqu'à la cible, l'abattre, et prendre la poudre d'escampette ?


Lui-même peu convaincu par la stratégie, le Nain hocha cependant la tête. La Chamane grimaça en se remémorant leur dernier combat contre les mort-vivants.


  • Et s'il y a plusieuls néclomanciens ?
  • J'imagine qu'on répétera l'opération autant de fois qu'il le faudra...dans le pire des cas, abattre un seul de ces vils sorciers serait déjà ça de pr...


Félicia se tut subitement et leva son marteau en se redressant. Tharok fit volte-face en serrant sa hache, alors qu'Aayla cherchait du regard la menace. Mais elle ne trouva rien d'autre que ce paysage morne, que même les corbeaux évitaient désormais.

Perturbée, la Paladine abaissa son arme et se tassa à nouveau au ras du sol, imitée peu après par le Nain qui jeta un coup d'oeil vers les réanimés afin de s'assurer qu'ils ne les avaient pas vu. Il secoua la tête.


  • Je...j'ai cru voir...je sais pas. Une silhouette, quelque chose.
  • Ton esprit te joue des tours, ma p'tite Féli.
  • Possible...cet endroit use mes nerfs. Je suis fière d'avoir pu apporter mon aide aux citoyens de Darkshire, aussi modeste qu'elle soit, mais j'ai hâte de quitter ces bois de malheur.
  • Peut-êtle était-ce un fantôme ? Une âme ellante, attilée pal la magie noile du solcier ?
  • Ce n'est pas impossible non plus... Dans tous les cas, ça ne sera pas une entrave à notre plan d'attaque.


Un peu soucieux à l'idée d'être épiés par une créature de l'ombre, très probablement à la solde de leur ennemi, ses compagnons opinèrent cependant du chef et se préparèrent à l'assaut.


  • On garde la formation de tout à l'heure. Tharok, tu nous ouvriras la voie. Contente toi d'écarter ou renverser quiconque se dressera sur son chemin, mais ne perds pas de temps à essayer de les neutraliser. Moi et Aayla on s'en chargera en te suivant.
  • Ha ! Toute en finesse et en subtilité hein ? Tu m'plais de plus en plus ma p'tite Féli.
  • Aayla, économise au maximum ta magie. Si tu peux, priorité sur les sorts d'entrave ou de guérison. On ne sera de toute façon pas assez forts pour nettoyer tout le cimetière si ça dérape.
  • Celtes. Tu peux compter sul moi.
  • D'ailleurs, si je traîne trop à cause de mon marteau, n'hésite pas à me dépasser pour suivre Tharok. Il faut à tout prix vaincre le nécromancien.


La Draeneï hocha la tête lentement, mais plissa les yeux d'un air méfiant.


  • Ne me regarde pas comme ça. Je vous suivrais aussi vite que je le peux. En cas de besoin cependant, je m'éloignerais quand même pour les attirer.
  • Félicia, on vient juste d'en paller...
  • Je sais, mais je suis aussi la seule à posséder des sorts de protection. Je peux m'en sortir, si vous abattez rapidement le sorcier. Privés de son contrôle, les non-morts devraient avoir plus de mal à nous poursuivre.


Aayla lui retourna d'abord une moue circonspecte, ses lèvres d'un bleu plus foncé que sa peau se tordant dans un sens, puis l'autre alors qu'elle ruminait ce plan.


  • C'pas bête, conclut Tharok en mettant un terme à ses doutes. Simple, et efficace. On rentre, on rigole, on s'casse.
  • Si jamais on doit se séparer, on se donne rendez-vous à la taverne du Corbeau Écarlate. Darkshire doit être mise au courant, et on pourra aider les vigiles en attendant de se regrouper.
  • Tu penses vlaiment à tout, Félicia.
  • J'espère que tu dis vrai...nous ne pouvons pas nous permettre d'être surpris.


La Paladine sentit son cœur s'affoler alors que le moment fatidique approchait à grand pas. Elle ferma les yeux et posa le front contre la tête de son maillet pour réciter une prière afin de se calmer. Une douce lumière enveloppa l'arme.

La Chamane ensorcela à nouveau ses masses mais en les imprégnant du pouvoir de la glace cette fois. Ses coups seraient bien moins destructeurs, mais le givre magique rongerait les os de ses ennemis et les ralentirait...au moins quelques instants. Se sentant un peu mis à l'écart par tous ces rituels spirituels, Tharok passa ses doigts massifs dans sa barbe en marmonnant quelque chose.

Quand elle rouvrit les yeux, Félicia prit une grande inspiration et fit signe au Nain de prendre la tête. Il acquiesça et se pencha pour regarder vers le cimetière. Au lieu de sortir pour ramper, il retourna à l'abri derrière le feuillage.


  • J'sais point pour toi ma p'tite Féli, mais j'pense pô qu'on fera point cinq mètres avant d'se faire repérer par toute la clique.
  • Il est vlai que nous ne sommes pas tlès disclets...
  • Tu proposes de charger d'ici ? Ce n'est pas un peu risqué ?


Il haussa nonchalamment les épaules.


  • Faudra l'faire d'toute façon. Pour ma part, j'préfère taper la course pour leur tomber dans la poire, plutôt qu'attendre d'me faire griller pour sauter sur mes panards, Bahrum !
  • C'est un point de vue qui se défend...


Félicia soupesa la proposition, cette pause supplémentaire avant l'assaut recommençant à la faire stresser. Elle essaya de passer en revue toutes les situations possibles, la meilleure façon d'attaquer, de se replier...mais n'était ni assez expérimentée, ni assez savante des environs pour établir un plan très raffiné.

En fin de compte, elle approuva cette approche. Plus vite ils arriveraient au contact, mieux ça vaudrait...du moins l'espérait-elle.


  • On fait ça. Souffla-t-elle en levant la main. Tharok, tu fonces dans trois, deux, un...


Elle replia les doigts et saisit son marteau à deux mains, se jetant à la suite du Nain qui bondit littéralement hors du buisson. Il leur fallait gravir une petite pente pour atteindre le cimetière, mais elle ralentit à peine le guerrier qui se jeta sur le squelette le plus proche pour enfoncer sa hache dans son poitrail.

Les filles le suivirent à quelques pas à peine en retrait, et ne s'arrêtèrent pas pour essayer d'achever le mort-vivant. Une véritable horde décharnée rôdait entre les tombes, et ils commençaient déjà à converger vers les intrus.


Le nécromancien se tenait devant un mausolée décrépit, enveloppé dans d'épaisses robes pourpres qui volteraient autour de lui alors qu'il poursuivait sa sinistre mélopée. Des énergies noires, qui arrachèrent un frisson aux aventuriers, tourbillonnaient autour de lui en réponse à son incantation.

Tharok écarta un guerrier-squelette d'un coup d'épaule, le renversant comme s'il s'agissait d'un enfant, et continua sa course pour faucher le tibia d'un second d'un revers de sa lourde arme. Derrière lui, Félicia s'écarta sur le côté pour abattre son marteau sur le premier non-mort et lui défonça le sternum.

Sans s'arrêter plus que de raison, elle enjamba le corps dont les bras s'agitaient encore et poursuivit sa course, s'étonnant de sentir son arme si...légère entre ses mains alors qu'elle continuait à luire faiblement dans la pénombre.


Un craquement sec derrière lui fit comprendre qu'Aayla avait du se battre, mais le claquement caractéristique de ses sabots continuait à la suivre. Plus loin, Tharok trompa trois squelettes qui se rassemblaient pour lui barrer le chemin en se glissant entre les tombes. En se baissant, il était plus petit que les stèles et les mort-vivants le ratèrent, leurs lames ricochant contre les pierres érodées.

Au lieu de continuer tout droit vers le nécromancien, qui n'avait toujours pas daigné s'intéresser à eux, le Nain changea de direction pour charger par le flanc le trio ennemi, les bousculant les uns sur les autres pour dégager le passage pour ses amies.

Il perdit cependant l'équilibre et s'effondra avec deux d'entre eux. Le troisième parvint à rester debout et à se dégager, et leva son épée. Félicia se précipita pour interposer le manche en bois dur de son marteau, et grinça des dents lorsque le choc de la parade se répercuta jusqu'à ses épaules.

Elle poussa en avant pour porter un simili d'estoc en pleine face du squelette, mais ne lui infligea presque aucun dégât. Il frappa de revers, en grinçant un son affreux, et la Paladine bondit en arrière. La lame fila à moins d'un pouce de son ventre, mais ne l'atteignit pas.

Un flash bleuté submergea le mort-vivant, qui se couvrit d'une pellicule de givre, et la Chamane dépassa rapidement Félicia alors que le Nain se relevait après avoir flanqué un grand coup de hache aux deux squelettes au sol.

Elle leva son arme pour essayer d'achever le mort-vivant en profitant de son ralentissement, mais préféra se jeter sur le côté lorsqu'elle armer à nouveau un coup. Celui-ci fila dans le vide, et elle devina sans peine qu'elle n'aurait pas pu l'éviter si elle avait cherché à attaquer, malgré le sort d'Aayla.

Félicia se rua à la suite de cette dernière tandis que Tharok finissait le travail en décapsulant le squelette, avant de reprendre la course à son tour. Le cimetière était plus grand qu'elle ne le pensait et les ennemis se massaient de plus en plus.


Serrant les dents pour lutter contre son instinct, la Chamane ignora les menaces approchantes, accélérant encore le pas pour foncer sur le nécromancien. Elle dut se jeter sur le côté pour éviter l'attaque un squelette qui lui barra la route, à quelques mètres à peine de leur cible. Son sabot buta contre une pierre et son élan la fit tomber.

Elle roula sur le flanc afin de parer l'attaque de son adversaire, et se releva sur un genou en le frappant de la gauche, puis d'une double attaque qui le fit reculer. Il faillit riposter pendant qu'elle se relevait, mais dut se tourner pour encaisser la charge de la Paladine qui le heurta pesamment.

Félicia bondit aussitôt en arrière, et le mort-vivant frappa dans le vide. Elle fit tourner son marteau pour l'appâter, consciente qu'elle prendrait un coup dangereux si jamais elle attaquait précipitamment.

La Chamane allait se ruer sur son adversaire pour l'aider, ils ne pouvaient pas se permettre d'attendre alors que les mort-vivants les encerclaient, quand la voix de Tharok l'avertit.


  • Aayla, derrière !


Elle se retourna juste à temps, croisant ses masses en guise de défense, pour encaisser une attaque sournoise d'un guerrier décharné. La Draeneï repoussa sa lame et abattit une masse vers son crâne dégarni, qu'il bloqua avec sa targe.

Elle s'apprêtait à faire une feinte haute, pour tenter de le frapper au jambe et pouvoir s'éloigner, quand une lueur chaude trancha le squelette par derrière.

Aayla recula d'un pas, surprise, lorsqu'un mort-vivant aussi grand qu'elle et aussi large d'épaules que le Nain s'avança sur les restes de son semblable. Il portait un casque à cornes duquel pendait encore un camail rouillé, et les vestiges d'une épaisse armure de plaques en bronze. Ses yeux brillant d'une dangereuse intelligence la fixaient avec une intensité sans pareille chez ses pairs décrépits.

Mais le plus inquiétant était le large espadon qu'il tenait dans sa poigne squelettique. L'imposante lame brillait encore d'un puissant sortilège qui lui donnait un aspect flamboyant ainsi qu'une incroyable puissance. Pour preuve de son pouvoir, l'épée avait pourfendu sans effort l'autre mort-vivant.


Cependant la Chamane n'avait pas de temps à perdre. Elle devait au moins le repousser pour pouvoir lui lancer un sort de givre et le ralentir, sans quoi il la poignarderait aussitôt qu'elle lui tournerait le dos pour s'en prendre au nécromancien.

Aayla leva une masse comme feinte, et abattit l'autre. L'immense squelette la bloqua habilement, et la Chamane tenta une nouvelle attaque. Malgré sa grande lame, il la para sans mal et la repoussa d'un geste sec qui fit perdre l'équilibre à la Draeneï.

Le champion non-mort frappa alors revers, et aurait certainement coupé Aayla en deux sans l'intervention de Tharok qui se rua sur le guerrier pour bloquer le coup, et le faire reculer en le heurtant de tout son poids.


  • Je m'occupe de c'ui là ! Toi, fumes ce bon dieu d'sorcier !


Elle resta figée une seconde, alors que le Nain abattait sa lourde hache à une vitesse ahurissante aussi bien à droite qu'à gauche, multipliant les assauts brutaux. Mais son adversaire ne se montra pas moins habile, et bloquait ou esquivait sans cesse en répliquant coup sur coup.

La stupeur lui fit perdre un autre instant, lorsque le mort-vivant à la lame magique élimina un autre de ses congères quand celui-ci tenta de se joindre au duel. Aayla réalisa que ce redoutable guerrier impie avait encore une forte conscience de lui-même, et avait vraisemblablement gardé tout le talent de son vivant.


Elle regretta toutefois d'avoir perdu autant de temps, et découvrit Félicia en train de se ruer vers le nécromancien en se retournant. Le squelette qu'elle avait affronté titubait encore du sort d'étourdissement que la Paladine avait lancé, et Aayla comptait bien l'empêcher de s'en remettre. En deux coups de masses, elle lui fracassa la tête et il tomba, inerte.

Les sans-souffles semblaient poursuivre Félicia, alors la Chamane se fit un devoir de les empêcher de l'atteindre. Elle fit face aux mort-vivants, et récita un sort de givre sur le deuxième plus proche pour le ralentir, avant d'accueillir le premier à grands coups de masses.

La Paladine n'aimait pas du tout la tournure que prenait leur attaque. Si elle échouait à tuer le nécromancien sur cette unique assaut, elle décréterait la retraite...en espérant qu'ils puissent encore avoir le temps de fuir.


Son marteau brillait plus fort que jamais lorsqu'elle l'abattit au nom de la Lumière sur le sorcier, qui se retourna enfin d'un air surpris. Il leva la main, essayant par réflexe de jeter un sort pour la repousser, mais trop tard. L'énorme maillet le frappa au bras et brisa ses os, lui arrachant un cri de douleur. Félicia faillit perdre l'équilibre sous l'élan de sa puissante arme, mais se rattrapa à temps et prépara une nouvelle attaque. La victoire lui tendait les bras !

Mais le nécromancien lui jeta un éclair d'ombre à incantation rapide. Le sortilège contre-nature la fit chanceler en arrière, alors qu'elle avait l'impression de brûler de l'intérieur, comme si ses veines elles-même s'enflammaient.

Félicia s'étrangla une seconde, avant de se forcer à avancer. Elle avait déjà connu la morsure des attaques magiques, et si celle-ci était plus ignoble que les autres...elle n'était pas vraiment plus handicapante.

Elle ne fit pas deux pas avant que le sorcier noir ne tende son bras intact vers elle et glapisse un mot sinistre aux origines plus vieilles que le monde. La Paladine fut soulevée dans les airs et elle échappa un râle rauque lorsque le sorcier incanta un drain d'âme.


  • Une Paladine...les êtres les plus ignobles que ce monde ait connu, coassa le magicien noir. J'arracherais ton âme pour nourrir mon rituel, puis je te relèverais comme Chevalière de la Mort ! Je dénaturerais tes pouvoirs, jusqu'à ce que ta précieuse Lumière devienne Ombre !


Félicia n'entendit rien du sort funeste qui l'attendait, terrassée par l'insoutenable supplice que lui infligeait la magie noire. L'essence vitale qu'on lui arrachait de force à son corps lui infligeait une souffrance qui faisait passer celle causée par la lame qui l'avait transpercée quelques jours plus tôt pour une caresse.

Avant même d'en avoir conscience elle avait lâché son marteau, qui avait cessé de briller en tombant au sol. La malheureuse était tétanisée alors que sa vie l'abandonnait. Incapable de réciter un quelconque sort ou même de bouger, elle était condamnée.

Aayla était aux abois et ignorait tout du supplice de son amie. Acculée par quatre mort-vivants dont la violence et l'adresse lui faisaient sentir le fer glacial de la Faux sous sa gorge, la Draeneï faisait de son mieux pour les ralentir et balader, mais savait qu'elle ne tiendrait pas plus de quelques secondes.

Entre deux assauts terribles qui faillirent lui trancher un bras, elle se risqua à jeter un œil vers Tharok. La Chamane espérait le voir débouler comme une fusée, victorieux...et fut estomaquée de le voir être projeté dans les airs et se heurter à une pierre tombale.


Les larmes noyèrent les yeux de Félicia, dont la rapide agonie lui semblait pourtant durer une éternité, quand tout à coup son calvaire cessa tandis qu'elle s'écroulait au sol.

Sans plus penser aux mort-vivants, ni même au sorcier noir, elle se replia sur elle-même en grelottant et claquant des dents. Même les éclairs de givre des mages-squelettes ne lui avaient pas infligé une telle sensation de froid. La jeune fille avait l'impression qu'on avait volé la chaleur même de son corps, que son propre cœur s'était changé en glace.

Après quelques instants elle releva la tête, et écarquilla les yeux en voyant le nécromancien tomber à genoux. La pointe fine d'une flèche lui sortait du front, et il louchait dessus d'un air stupéfait.

Sa main indemne essaya d'attraper le trait mortel, mais ses doigts s'agitèrent de spasmes, qui gagnèrent ensuite son bras, puis son corps avant qu'il ne s'effondre, et cesse définitivement de bouger.

Avant qu'elle n'ait le temps de comprendre quoique ce soit, Aayla s'écroula à côté d'elle. Elle avait perdu une masse, et portait de nombreuses blessures graves.

Bien que choquée par le drain d'âme, Félicia retrouva un peu ses esprits en voyant son amie en danger et se hâta de ramasser son marteau. Une ombre surgit alors de la forêt, fonçant vers elle si vite qu'elle semblait voler. Prise au dépourvu, et en tenaille, elle leva par réflexe son arme, espérant pouvoir au moins bloquer l'assaut de cette créature surgie des ténèbres...

Qui passa au-dessus de la Paladine et son amie pour renverser deux guerriers squelettes en même temps. Une flèche fila dans les airs, se fichant dans le crâne d'un troisième mort-vivant et le fit tituber d'un pas en arrière, sans l'abattre.


  • Bandu Thoribas ! Cria une voix féminine depuis la forêt. Bats-toi si tu veux vivre, Humaine !


On ne peut plus d'accord avec la voix, Félicia se remit sur pieds, bien qu'ayant les jambes encore tremblantes, et son marteau brilla à nouveau avec intensité. Elle l'abattit sur un squelette, lui pulvérisant l'épaule et le désarmant. Il essaya de lui flanquer un coup de bouclier, elle l'évita de justesse en reculant, mais se prit le talon dans une racine et tomba à la renverse.

La silhouette féline qui bondissait et glissait entre les mort-vivants se rua sur le squelette, planta ses crocs dans son tibia à nu, et le fit tomber en l'entraînant avec lui, quelques mètres plus loin.

De nouveau sur pieds après s'être jeté un sort de guérison, Aayla flanqua un grand coup de masse à l'un des guerriers qui ne savait plus qui attaquer. Une flèche heurta la côte d'un squelette et la brisa, mais le mort-vivant ne ralentit même pas. L'éclair lumineux que lui projeta Félicia en revanche le fit s'effondrer et la Paladine lui aplatit le crâne d'un coup de marteau avant qu'il ne parvienne à se relever.


Aidées par l'invisible archère et son formidable familier, elles réussirent à éliminer les mort-vivants, affaiblis par la mort du Nécromancien. Sitôt le dernier squelette retourné à la tombe, la Draeneï tomba à genoux, exténuée alors que Félicia s'appuyait sur son marteau, pliée en deux, à bout de souffle.

Elle avait pris quelques mauvais coups, et pensait avoir plusieurs os fêlés. Peut-être même un ou deux de cassé. Il lui fallut ce qui paraissait être une éternité pour rassembler suffisamment de forces pour invoquer de nouveau la Lumière afin de se jeter un sort de guérison qui lui permit de se redresser.

Elle sursauta en découvrant à moins d'une longueur de bras le fauve qui les avait sauvé. Loin d'être hostile, il était tout de même impressionnant. Il ressemblait à une énorme panthère qui lui arrivait à la poitrine, à la fourrure bleue-grise, avec d'étranges motifs violets-beige qui formaient comme des glyphes sur ses épaules et ses joues.

Deux énormes canines en sabres dépassaient de sa gueule alors qu'il la fixait, les yeux dans les yeux, de son regard ambré. Elle s'étonna d'avoir l'impression de regarder une lanterne, car le félin n'avait pas de pupilles apparente, ni d'iris. Juste...une lueur jaune-orangée dans les yeux.


  • An'da ! appela une voix juste derrière elle.


Convaincue que ces sursauts à répétitions allaient avoir sa peau, là où les squelettes avaient échoué, Félicia se retourna pour découvrir l'archère qui les avait sauvées alors que la panthère la rejoignait gaiement.

La Paladine écarquilla les yeux, en découvrant une femme à l'aspect aussi sauvage qu'élégant. Elle était presque aussi grande qu'Aayla – sans les cornes - et avait la peau violette. Son visage était plus fin que celui de la Draeneï, mais son expression plus dure. Une grande tresse vert-mousse courait sur sa nuque, et pendait jusqu'à son bassin.

Les immenses oreilles qui pointaient depuis les bords de sa tête, ainsi que ses yeux qui luisaient d'un éclat similaire à celui de son familier, ne laissaient aucun doute qu'à son identité.


  • Vous êtes une Elfe de la Nuit...


L'inconnue félicitait son fauve, lorsque la remarque de Félicia lui fit relever la tête. Ses traits se tordirent à nouveau en une expression renfrognée, et elle grimaça avant de lui répondre.


  • Sans blague ?
  • Euh...pardon.


Se sentant ridicule, Félicia alla prêter son bras à la Chamane pour l'aider à se relever et gémit lorsque l'effort tira sur ses blessures. Sa magie ne suffisait pas à soigner de tels dommages.


  • Je vous remercie de votre aide. Quelle que soit la raison de votre présence ici, nous vous devons la vie.
  • Mmh...


L'Elfe restait distante, pour ne pas dire froide même, avant de s'agiter en balayant le cimetière d'un regard nerveux.


  • Où est le Nain ?


Réalisant l'absence de leur compagnon, Félicia se tourna vers son amie à cornes qui s'était figée, partagée entre la terreur et une violente colère. La cause en était simple, le mort-vivant qu'affrontait Tharok était en train d'avancer vers elles.

Il avait perdu le bras gauche et son casque, son armure était fendue en plusieurs endroits et sa spallière droite était froissée, et il boitait lourdement. Mais son regard haineux possédait toujours la même intensité meurtrière, et sa main continuait à serrer sa redoutable épée enchantée. Il était évident aussi que le sang qui maculait son plastron et ses jambes osseuses n'était pas le sien.


Félicia leva en grimaçant son marteau devant elle alors que la Chamane prenait place à sa droite, penchée en avant. Elle tenait à peine debout, mais ne pouvait envisager de fuir contre ce monstre. La chasseuse Elfe et son familier prirent place sur la gauche de la Paladine, le grand fauve dévoilant ses crocs impressionnant en grondant alors que sa maîtresse encochait une flèche.

Le champion impie les pointa de sa grande lame enflammée, les défiant tous ensemble, avant de les charger. Sa jambe blessée, à la limite de la rupture, l'empêchait d'acquérir beaucoup de vélocité mais il n'avait que peu de chemin à faire.

La chasseresse bondit en arrière décocha son trait, qui rebondit avec un son clair contre l'armure alors que sa panthère se décalait pour prendre le guerrier squelette à revers. Félicia lui fit face et l'accueillit en frappant de toutes les maigres forces qui lui restaient. Sans même ralentir, le mort-vivant dévia le marteau qui entraîna la Paladine, avant d'abattre sa lame sur son dos. La jeune Humaine gargouilla un son bref avant de s'effondrer.

Une flèche toucha le squelette et lui décrocha la mâchoire, mais il ne s'en soucia guère. Il se retourna pour balayer la zone derrière lui, afin de repousser le fauve qui s'approchait, et pivota encore pour bloquer l'assaut aussi furieux que désespérée d'Aayla.

Il repoussa sa masse sur le côté avant de lui flanquer un coup de pommeau en plein front. Elle perdit connaissance et tomba à la renverse comme une planche.


Son ennemi l'aurait tuée avant même qu'elle ne touche le sol s'il n'avait pas eu d'autres ennemis. L'Elfe de la Nuit courait et sautait sans cesse, se perchant même sur les tombes pour dégager une meilleure ligne de tir, tandis que son grand félin livrait un corps-à-corps frénétique avec le champion mort-vivant.

Mais s'il était d'une incomparable habilité, le squelette accusait le coup. Les flèches qui le faisaient peu à peu ressembler à une pelote d'épingle ne semblaient guère le gêner, mais les blessures causées par le Nain l'handicapaient, et la panthère était d'une vivacité à toute épreuve.

La redoutable lame enchantée lui roussit le poil plusieurs fois, mais ne trouva jamais sa chair alors que ses griffes labouraient petit à petit la carcasse décharnée du guerrier. Un tir chanceux le toucha à la jambe la plus endommagée et le fit vaciller, un bref instant. Plus qu'il n'en fallait au Sabre-de-Nuit pour lui sauter à la gorge et mettre enfin un terme au terrible affrontement.


Félicia émergea difficilement de l'inconscience, le corps tout entier irradiant d'une sourde douleur. Ses membres étaient aussi lourds que faibles, et le moindre mouvement faisait jaillir de la blessure de son dos des éclairs de souffrance qui se propageaient jusqu'au bout de ses doigts.


  • Ça va, Humaine ?
  • Gnn...

Elle n'avait même pas le courage de répondre, mais fit l'effort de saisir la main que lui présentait l'Elfe de la Nuit pour l'aider à se relever. La jeune fille regretta rapidement cette décision. Elle chancela en arrière, ses jambes n'arrivant plus à la porter, et s'effondra dans les bras d'Aayla qui l'aida à rester debout. Elle avait une énorme bosse sur le front, et semblait à peine plus assurée qu'elle, mais malgré tout la Draeneï lui souriait.


  • Vous pouvez marcher ? Demanda d'un ton sec l'Elfe.

Les deux amies répondirent par l'affirmative, surtout pour se convaincre elles-même.


  • Il faut retrouver Tharok...je suis sûre qu'il est en vie.
  • Le Nain ?

La chasseuse leva un de ses immenses et fins sourcils verts, qui lui donnaient un air de chouette, avant de se tourner vers la panthère qui rôdait un peu plus loin.


  • An'da ! Mush'surië na Tel Ravan.


Immédiatement, le fauve s'élança entre les tombes et disparut rapidement de la vue des aventurières. L'Elfe examina le cadavre désormais inerte du champion-squelette et ramassa son épée. Elle regarda les flèches plantées dans sa carcasse, et grimaça en les laissant là. Elles n'étaient pas réutilisables.

En se relevant, la chasseresse fixa à nouveau Félicia et Aayla. La Paladine la dévisagea en retour, fascinée de rencontrer en personne une Elfe de la Nuit...même dans un cadre aussi lugubre. Elle s'apprêta à la remercier à nouveau pour son aide infiniment précieuse, quand un grondement sourd résonna à travers tout le cimetière.


  • Il l'a trouvé. Dit l'Elfe. Allons-y !


Allant clopin-clopant, les deux amies essayèrent de suivre l'archère qui progressait, elle, d'un pas léger à travers le champ de bataille. Elle se retournait parfois pour s'assurer qu'elles suivaient toujours, même aussi lentement, avant de repartir.

L'Elfe atteignit bien avant elles Tharok, et elle put les rassurer.


  • Votre ami est vivant.


L'immense soulagement les fit se relâcher, et elles trébuchèrent toutes les deux, s'affalant douloureusement par terre.

Après quelques efforts de plus, elles arrivèrent jusqu'au Nain, que la chasseresse avait aidé à s'adosser à une tombe. Il était pâle et d'épaisses croûtes noires maculaient son surcot ravagé. Une balafre longue comme une main lui barrait le visage et suintait encore d'un sang épais et il semblait avoir un peu de mal à respirer. Il manquait la moitié de la lame de sa hache, qui n'avait pas supporté le choc contre l'épée enchantée.

Tharok ouvrit toutefois les yeux en les entendant approcher et essaya de leur sourire. Il toussa péniblement avant de se racler la gorge bruyamment pour cracher un caillot sombre.


  • Hé bé...y m'a b'en pourri le décomposé, hein les filles ?


La Draeneï ne put s'empêcher de lâcher un rire nerveux, contrairement à Félicia qui trouvait angoissant d'entendre leur inébranlable compagnon s'exprimait d'une voix si faible.

L'archère se releva, son visage affichant toujours ce qui ressemblait à une moue pincée dont la raison échappait à la Paladine.


  • Il s'en sortira. Il est robuste.
  • Pas assez on dirait, grommela le Nain avant de faire signe d'approcher à la panthère. Allez mon gros, files moi donc un coup d'patte, pask'les minettes elles z'y arriveront point.


La chasseresse fronça les sourcils, mais le fauve aida malgré tout le Nain à se remettre sur pieds. Il n'allait guère mieux que ses compagnes de voyage, et devait s'appuyer sur ce qu'il restait de sa hache comme sur une canne.


  • Merci mon gars, fit-il en tapotant l'épaule de l'animal aussi haut que lui avant de se tourner vers Félicia et Aayla. J'imagine que l'nécrovioque est crevé ?
  • Tu lécupèles vite, dis donc...
  • J'aimerais me remettre aussi vite, marmonna la Paladine. Oui, il est mort. Grâce à l'Elfe. Sans elle et son familier, on aurait lamentablement échoué...
  • Son familier ? Tharok regarda le fauve en levant un sourcil hirsute. Hmm...


Réalisant à quel point sa décision avait été absurde, une fois de plus, Félicia sentit sa volonté l'abandonner. Elle avait jeté ses compagnons dans une bataille totalement folle, en sous-estimant aussi bien la force que le nombre de ses ennemis.

Le Nain remarqua à quel point elles étaient épuisées, et essaya de se redresser pour faire craquer son dos.


  • Commençons par fout' le camp d'ici. Ca m'fout l'cafard tous ces macchabées, et j's'rais point contre casser une p'tite graine là, pour sûr.
  • Tu as laison...on a tous besoin de lepos.


Pesant de plus en plus lourd sur l'épaule d'Aayla, Félicia se tourna malgré tout vers l'archère.


  • Puis-je vous offrir de vous joindre à nous ? Ce n'est rien, surtout au vu de ce que nous vous devons...mais ce serait honneur que de partager un feu et nos provisions avec vous.


Sa voix était encore plus faible que celle de Tharok avant qu'il ne se lève, et le Nain rejoignit la Chamane pour l'aider à la porter. L'Elfe semblait hésiter, conservant cette étrange distance avec eux. Amicale...mais pas chaleureuse.

Son félin en revanche se rapprocha de la Paladine et frotta sa grosse tête venue contre sa hanche. Elle grimaça, le moindre contact attisant ses nerfs en feu, mais leva une main pour caresser le front de la panthère. L'archère grimaça, puis haussa les épaules.


  • D'accord.


Ils quittèrent tous ensemble le cimetière en direction de Ravenhill, portant plus Félicia qui ne pipa mot qu'ils ne l'aidaient à marcher, et s'installèrent sur la place centrale, non loin du puits et commencèrent à préparer le bivouac.

L'endroit n'était pas très accueillant...mais il l'était plus que les maisons abandonnées ou la forêt. Le groupe jouissait d'une relative tranquillité, pouvant en plus compter sur un champ de vision dégagé et le flair de la panthère pour leur sécurité, et d'assez de place pour s'installer à loisir.

Après avoir guéri ses blessures les plus graves, Aayla déplia sa couverture et aida Tharok à coucher la Paladine dessus. Le Nain alla chercher du bois dans les maisons alentours, et alluma un feu avant de sortir les victuailles. Son moral remontait en flèche, mais il était encore trop épuisé pour se lancer dans une de ses interminables histoires...pour l'instant.


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