L'épopée de la Lumière

Chapitre 5 : La Flamme vacille

9791 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 24/02/2019 23:14

Maintenant reposés et enhardis par leur précédent succès, les trois aventuriers reprirent la même route que plus tôt au sud-est de Darkshire. Ils repassèrent à côté du petit cimetière érigé sur la butte et remontèrent le sentier en direction de l’ancienne église, qui était autrefois un refuge sacré, un symbole d’espoir et de pureté dans ces terres sinistres, autour duquel on enterrait les êtres chers.

Mais aujourd’hui, ce symbole était souillé, corrompu et ceux que l’on avait inhumés sur la terre consacrée se relevaient pour s’en prendre à leurs anciens compagnons. Il leur fallut encore une dizaine de minutes en marchant d’un bon pas pour approcher de l’ancien cimetière.

Une araignée menaça de les attaquer au détour d’une butte, surgissant des ombres comme un spectre, mais s’immobilisa quand les compagnons lui firent face l’arme à la main, et elle préféra battre en retraite dans les ténèbres.

Le sentier remontait entre deux surplombs rocheux, et le peu de visibilité que le relief offrait était masqué par de larges troncs sombres. Le terrain idéal pour une embuscade, le danger pouvant se cacher à quelques longueurs de bras à peine sans qu’on ne puisse le détecter.

Heureusement, les mort-vivants n’étaient pas adeptes des pièges et personne ne surgit d’un buisson pour les attaquer par derrière. Ils aperçurent les premiers ennemis, des squelettes bleus ou rouges portant des bâtons ou de grands guerriers osseux en armes et armures.


  • Des squelettes…tu as une stratégie à nous proposer, Tharok ?
  • Grumpf. Plus ou moins la même. Contrairement aux zombards, ces tas d’os sont des combattants. Y sont plus forts et vifs qu’y z'en ont l’air.
  • Il nous faudla lester gloupés quoiqu’il allive alols.
  • ‘zactement. D’autant qu’y z’ont l’air plus nombreux qu’ceux de taleur, ça va être une bataille d’endurance.


Une telle déclaration était loin de la rassurer. Elle n'ignorait pas avoir failli mourir contre les zombies un peu plus tôt, que Tharok semblait presque tenir pour quantité négligeable en comparaison des squelettes. Déterminée à mettre toutes les chances de leur côté, la Paladine récita une bénédiction afin d'accroître ses forces et celles de ses compagnons alors que la Chamane renouvelait les enchantements de ses armes.


  • Je plends le plemier, là, dit Aayla en désignant le squelette bleu le plus proche.


Elle commença à se concentrer et des arcs électriques se mirent à danser autour de ses masses ensorcelées. Le mort-vivant tourna ses orbites vides dans leur direction, comme attiré par le sortilège, tandis que la Draenei libérait une boule de foudre qui frappa le squelette de plein fouet et fit éclater sa cage thoracique.

Comme un seul être, les autres non-morts braquèrent leurs regards malveillants sur eux et ne tardèrent pas à converger vers le groupe. Félicia inspira à pleins poumons, constatant avec satisfaction que s’ils sentaient la pourriture, les squelettes ne la révulsaient pas jusqu’au plus profond de son être.

Elle jeta un œil sur la position de ses compagnons pour ajuster la sienne en levant son bouclier tandis qu’Aayla incantait déjà un nouveau sort. La Paladine constata que le Nain avait dit vrai, car les mort-vivants en armure les chargeaient au pas de course avec une certaine aisance.

Un nouvel éclair fila pour percuter l'un des guerriers impies qui chancela, son armure ne lui offrant guère de protection contre la magie. Grièvement touché, mais pas vaincu, il ralentit à peine et Félicia réalisa que seuls ceux qui portaient une armure se précipitaient sur eux.

Les squelettes colorés, plus lents, s’approchaient à un jet de flèche et s’arrêtaient. Concentrée sur les imposants guerriers dont les orbites luisaient d’une lueur rouge comme la braise, la Paladine n’avait pas remarqué que les autres étaient en train de réciter des sorts.


  • Attention, ce sont des mages !


Confirmant son alerte, un trait de givre quitta les mains d’un squelette bleu pour la frapper de plein fouet, traversant son bouclier et lui arracha un cri muet, son souffle se changeant en buée alors qu'elle se sentait gagner jusqu’aux os par le froid.

Aayla se morigéna de ne pas avoir identifié la menace plus tôt et usa du pouvoir de la terre pour frapper un squelette rouge et briser son incantation, mais un troisième mage écarlate projeta une boule de feu sur Tharok. Le Nain cependant, plus aguerri, parvint à l’éviter et à s’élancer à la rencontre des guerriers les plus proches.

Félicia essaya de se reprendre pour absorber le choc imminent de la charge, mais le sort de givre l’avait ralentie. Avec une force démentielle le guerrier la percuta d’un grand coup d’épaule qui l'ébranla jusqu'aux os et la projeta sur le dos deux mètres plus loin.

Aayla se dépêcha de reculer pour rester en formation, délivrant un nouvel éclair sur le guerrier pour le déstabiliser, mais insuffisant pour l’arrêter. La Chamane essaya de recommencer, mais le squelette se jeta sur elle et lui flanqua un coup de bouclier la sonner avant de la frapper au flanc. L'épée à l'apparence rouillée mordit la chair, même à travers le gilet de cuir.


N’ayant pas le temps ou la place pour jeter un sort, Aayla se déporta sur la droite et envoya un double coup de masse, que mort-vivant le dévia de son bouclier avant de la frapper d'estoc au visage. La Draenei esquiva de justesse, mais l’épée souillée lui laissa une balafre sur la joue.

Elle dégagea sa lame d’un revers de masse avant de l’abattre par au-dessus. Le squelette interposa à nouveau son bouclier avec succès, et la Chamane frappa comme une furie de la droite et de la gauche. Aayla était plus agile que le guerrier impie, mais ses armes étaient lourdes et ne lui permettaient pas de se protéger efficacement, alors que son adversaire faisait preuve d’une redoutable dextérité en restant caché derrière son écu pour frapper avec précision lorsque la Draenei s’exposait trop.

Elle sentit le fer la mordre plusieurs fois, trouvant un défaut dans son armure à la cuisse et la cognant durement à l’épaule et à l’avant-bras. Un revers vicieux lui coupa le souffle en la frappant en plein dans le buste.

Mais elle ne s’acharnait pas en vain. Ses masses enchantées étaient puissantes et ses coups brutaux. Le mort-vivant bloquait et repoussait chacun de ses assauts, mais son bouclier craquait, se fissurait un peu plus à chaque parade, l’anneau de fer qui l’entourait se tordait et des planches commençaient à voler à chaque échange. D’un coup brutal, la Draenei fracassa finalement l’écu. Le guerrier impie changea alors tactique et la chargea subitement pour lui décocher un violent coup de poing. Aayla sentit sa tête partir sur la côté, et accompagna le mouvement pour transformer le déséquilibre en rotation et envoyer un terrible revers qui défonça le crâne du squelette qui s’écroula enfin.

La pauvre Chamane n’eut pas une seconde pour souffler, deux autres guerriers se ruaient déjà sur elle. Il sembla apercevoir vaguement du coin de l’œil son amie aux prises avec un autre squelette armuré qui la martelait impitoyablement en tenant à deux mains son épée bâtarde.

Aayla para le premier coup et dut se contorsionner pour éviter le second. Un coup d’épaule la fit reculer, et elle failli perdre l’équilibre en se jetant en arrière pour esquiver une lame qui siffla à moins d’un pouce de sa gorge. Elle tenta un coup au jugé sur la gauche, mais ne rencontra qu’un bouclier en bon état alors que son porteur s’avançait sur son flanc et lui flanquait un coup d’épée dans le dos.

Elle s’étrangla de douleur, avant de tourner sur elle-même pour essayer de frapper ses deux ennemis. Sa masse glissa sur l'écu d’un des guerriers et le toucha au sommet du crâne, lui arrachant son casque mais hélas sans plus de dommages, le second bloqua l’attaque et la punit immédiatement en la frappant à la tête.

La lame heurta sa corne arrondie, lui infligeant une vilaine balafre mais ripa le long de la kératine et rebondit sans gravité contre son épaulière. Paniquée, et furieuse, la Draenei se retourna pour lui flanquer un double coup de masse qui le fit reculer en fissurant son écu. Elle fit à nouveau volte-face en balançant sa matraque dans un grand arc de cercle.

Le mort tête nue intercepta sans mal cette attaque, mais dès qu’il eut écarté son bouclier, Aayla lui projeta un Horion terrestre qui le frappa en plein front avec la force d’un marteau-pilon. Son cœur cognait dans sa poitrine en feu, elle n’avait pas une seconde pour respirer correctement, et déjà elle devait à nouveau bondir pour éviter les assauts du deuxième guerrier, dont la lame glissa contre sa cuissarde, l’épargnant pour cette fois.

Mise en confiance par ses succès malgré l’essoufflement, Aayla attaqua avec une ardeur renouvelée pour obliger son ennemi à rester sur la défensive, prête à viser son bras d'arme lorsqu'il tentait une riposte. Avec un cri sauvage, elle abattit sa masse par le haut, faisant chanceler le guerrier non-mort derrière son écu, et fit faire le trajet inverse à son autre arme, cognant par dessous son bouclier et le lui arracha du bras.


Elle n’eut pas le temps de pousser son avantage. Une douleur horriblement glacée envahit son dos, la tétanisant dans un odieux frisson alors que son souffle se changeait subitement en vapeur. La Draenei avait déjà vaincu deux guerriers, mais se faisant elle avait aussi dégagé une ligne de tir pour les mages ennemis et allait le payer cher.

Le squelette féroce ne manqua pas de profiter de l’occasion. Le sort de glace l’avait engourdie et son ennemi ne tarda pas à trouver une ouverture pour lui flanquer un coup de taille dans les côtes. Son épée n’était pas suffisamment aiguisée pour traverser le cuir dense qui couvrait la Chamane, mais le plastron absorbait mal les chocs et Aayla sentit une de ses côtes se briser sous l’impact, la faisant glapir de douleur.

Vicieux, le mort-vivant enchaîna les assauts contre ce même flanc. Encore ralentie par l’éclair de givre, la Draenei ne pouvait pas bondir hors de portée et devait retenir son souffle pour ne pas lâcher sa massue lorsqu’elle bloquait tant bien que mal l’offensive inlassable du squelette. Chaque parade envoyait de violentes secousses dans son bras endolori et aggravait un peu plus la douleur de son flanc, ses forces l'abandonnant dangereusement vite alors que son corps réclamait un air qu'elle n'avait pas le temps de lui fournir.

Un nouvel éclair de glace l’atteignit et paralysa tout son côté droit. Le mort-vivant en profita pour écarter sa masse de défense et lui enchaîna une taille aller-retour au buste, lui brisant une deuxième côte et déchirant son plastron alors qu’elle tombait à genoux.

Les yeux embués de larmes, elle claquait des dents, la tête basse. Elle distinguait vaguement les bottes attaquées par la moisissure du guerrier squelette qui se postait à côté d’elle pour l’exécuter. La Chamane tenta vainement de ravaler un sanglot, terrifiée à l’idée de mourir ici, si loin de chez elle, en risquant très probablement d’être à son tour relevée pour se retourner contre ses anciens amis.


Une lumière dorée l’entoura soudain, l’emplissant d’une délicieuse chaleur qui dissipa la douleur, ses côtes la démangeant alors qu'elles se ressoudaient sous l'énergie sacrée. Elle releva la tête, animée d’un second souffle et vit une épée à moitié rouillée fondre sur elle. Aayla se jeta sur le côté, roula sur le flanc en lâchant un cri lorsqu’elle s’appuya violemment sur ses côtes blessées et balança un grand revers de masse dans le tibia du guerrier, le cassant net.

Surpris, le monstre s’effondra et la Chamane ne lui laissa pas le temps de se reprendre et le martela furieusement jusqu’à disloquer son crâne et son épaule. Une nouvelle fois, la lumière dorée l’enveloppa et la Draenei ferma les yeux quelques secondes pour savourer ce réconfort délicieux, qui soulageait ses peines et lui redonnait des forces.

Un cri l’avertit d’un danger, et en rouvrant les yeux elle trouva une boule de feu lui foncer dessus. Une silhouette élancée passa devant elle, et le sortilège explosa contre la Paladine, qui tomba à genoux.


  • Grille-les, Aayla ! Je te couvre !


La guerrière de la Lumière se releva péniblement, mal en point mais néanmoins hardie, en récitant déjà un nouveau sort de guérison pour elle. Se remettant sur pieds également, la Draenei nota que son amie avait passé un sale quart d’heure. Son épée était ébréchée, son tabard déchiré en plusieurs points et tirait sur le violet en se maculant de sang, une de ses épaulières était à demi-défoncée et sa chemise de mailles baillait parfois si large qu’on aurait pu y passer la tête. De dos, elle ne le voyait pas mais Félicia portait aussi une vilaine croûte, déjà séchée grâce à ses pouvoirs, sur le front.

Admirative devant sa bravoure alors qu’elle paraissait si petite à ses yeux, Aayla se concentra sur ses sorts, des éclairs commençant à crépiter entre ses doigts. Un éclair bleuté fusa dans leur direction, et la Paladine n’hésita pas à s’interposer. La Chamane l’entendit geindre lorsque le froid la gagna, mais une lueur chaude irradia bientôt de l’Humaine qui tint la position, permettant à Aayla de projeter une boule de foudre sur le squelette azur et de faire exploser sa cage thoracique.

Un autre mage mort-vivant, rouge cette fois, était déjà en train d’invoquer un nouveau sort. Le son qu’il produisait malgré son absence de cordes vocales était particulièrement dérangeant. La Draeneï essaya de réciter le plus rapidement possible son prochain éclair, mais elle savait que l’arcaniste réanimé aurait le temps de tirer avant elle.

Félicia frappa alors devant elle, et un petit marteau lumineux vola en tournoyant jusqu’au squelette qui tituba en arrière, sonné. la Chamane ne lui laissa pas le temps de se remettre et lui jeta un violent éclair qui le fit s’écrouler en tas d’os fumants.

Enfin, les deux filles purent s’accorder quelques secondes de répit. Exténuée par un combat trop physique pour elle et ayant encaissé de graves blessures, Félicia tomba à genoux et paraissait suffoquer tant elle avait du mal à reprendre son souffle. Ses oreilles sifflaient alors que sa vue se voilait. Sa poitrine paraissait sur le point d'éclater et elle ne sentait plus ses bras. Pour ne rien arranger, elle avait épuisé en quelques instants tout son mana, son énergie magique, ajoutant l'accablement psychique à son état.

Elle tira avec difficulté d’une sacoche brune un flacon de verre contenant un liquide bleu. Elle le proposa tout d’abord à la Draeneï, mais celle-ci refusa et alla récupérer sa deuxième masse tandis que la Paladine vidait le contenu d’une traite, poussant un soupir de soulagement en sentant ses pouvoirs lui revenir rapidement.


Elles s’inquiétèrent alors pour leur troisième larron, qu’elles retrouvèrent en train d’abattre un cinquième guerrier squelette, tout en en tenant deux autres à distance par de grands moulinets de sa lourde hache. Tharok était petit, mais c’était une de ses forces. Il cognait comme un ours, et sa lame filait si bas qu’il était difficile de la parer sans se déséquilibrer.

Félicia glapit lorsqu’elle le vit prendre de plein fouet un coup d’épée sur l’épaule, mais le Nain ne parut même pas le remarquer et pivota pour sanctionner le mort-vivant d’un coup brutal qui enfonça le bouclier et la cage thoracique du guerrier, avant de lui flanquer un coup d’épaule pour le repousser et dégager sa hache.

Le temps qu’elles le rejoignent, il avait terminé son engagement en beauté. Avec une frappe en rotation, Tharok avait ouvert la garde du squelette avant de lui fracasser une jambe au retour de lame, mettant le mort-vivant à son niveau pour le fendre comme une bûche.

Le voyant à peine essoufflé lorsqu’il tira sa lourde arme qu’il posa sur son épaule avant de les saluer, les deux filles se sentirent un peu minables, mais lui retournèrent son entrain.


  • La forme mem’zelles ? Pask’ça, c’était l’échauffement !
  • Comment !? s’écria Félicia en devenant blanche comme un linge.
  • Ouaip ma p’tite, pask’y reste tout ça !


Le cimetière grouillait encore d’une quinzaine de mort-vivants du même acabit, ce qui n’augurait rien de bon. Ils approchaient dans leur direction, attirés par le bruit des combats, et les plus féroces accéléraient déjà leur foulée.


  • Okey les donzelles, changement d’tactique. J’passe devant, Féli trois pas derrière sur la droite, Biquette pareil sur la gauche.
  • Compris.
  • Entendu, Thalok.
  • Virez ces foutus magos en priorité, et si ça part en cacahuètes, foutez l’camp !
  • On ne t’abandonnera pas !


Le Nain commençait déjà à faire des moulinets, et Félicia se dit qu'une distance de trois pas d’Homme en arrière n’était vraiment pas de trop.


  • Z’en faites pas pour moi, j’sais m’débrouiller, Bahrum ! Biquette, crame moi c’fumier au fond ! Féli, économise-toi.


Quelques secondes après, un premier éclair fusa depuis la Chamane. Il frôla un guerrier, et percuta l’épaule d’un mage rouge qui perdit son bras, mais ne tomba pas. Tharok frappa d’un grand balayage devant lui qui jeta au sol le premier guerrier et ficha sa hache dans le bouclier du second.

Il tira son arme à lui, confirmant une fois de plus la force extraordinaire des Nains lorsque le squelette se pencha sous la traction, et se mit à le rosser à coups de poing en pleine figure. Cette volée de coups produisit un craquement osseux de plus en plus fort à chaque nouvel impact, et Tharok conclut d’un grand uppercut qui renversa le squelette en arrière, le crâne explosé, avant de dégager sa hache du bouclier et de reprendre position.

La violence de la nouvelle mêlée ridiculisa celle de la précédente. Ramassant une arme tombée au sol, le Nain la projeta sur l'un des rares mages restants, le faisant s'effondrer alors que les filles conjuguaient leurs pouvoirs afin d'en réduire un second en cendres. Enfin débarrassé des sorciers squelettes, le trio put se concentrer sur les guerriers et ce n'était pas de trop.

Affaiblie, et à court de mana, la Draeneï ne pouvait compter que sur sa dextérité pour s'en sortir. Les beuglements féroces de Tharok renforcèrent son ardeur, mais il lui fallait frapper de toutes forces pour résister à une véritable marée de mort-vivants qui ne pardonneraient pas la moindre erreur. Félicia était encore plus mal en point, et fut rapidement contrainte à la défense pure pour ne pas être instantanément vaincue.

Chaque fois que ses masses s'abattaient, Aayla écopait d'une nouvelle blessure, le plus souvent aux bras. Son cuir ne suffisait pas à arrêter les lames rouillées, et elle faillit bien trop de fois lâcher ses armes. Faisant voler ses deux armes du même côté, à la fois en haut et en bas, elle réussit à terrasser l'un des redoutables guerriers squelettes. Un autre la punit aussitôt en la frappant à l'avant-bras et lui fit lâcher son arme avec un cri lorsque l'épée s'enfonça jusqu'à l'os.

Le mort-vivant lui flanqua un coup de bouclier qui la fit tituber en arrière avant de la frapper en pleine poitrine, la faisant s'effondrer, à bout de forces, le corps tout entier irradiant de douleur.


  • Féli ! Replie-toi !


Comprenant que le combat tournait au plus mal, Tharok fit reculer ses ennemis à l'aide d'un grand balayage de sa hache avant de bondir au secours de la Draeneï. Il brisa la colonne vertébrale du guerrier d'un coup brutal, et dégagea le corps sur le côté d'un grand coup de pied.


  • Toi aussi ! File, vite !
  • Le corps engourdi par un froid inquiétant, qui ne cessait de prendre de l'ampleur, la Chamane essaya pourtant de protester. Elle voulait continuer à se battre, ne pouvait pas se résoudre à les abandonner lui et la Paladine.


Tharok lui ne l'entendait pas de cette oreille, et sans ménagement l'empoigna par le col pour essayer de la rejeter plus loin, qu'elle se mette enfin en mouvement.


  • On s'replie j'ai dit ! Z'êtes plus en état !


Un coup sournois lui arracha un râle grave, avant qu'il ne se retourne et fauche le tibia du squelette d'un grand revers. L'un des guerriers qu'il avait du abandonner pour aider Aayla se rua sur lui, profitant de l'ouverture pour le frapper à l'abdomen, arrachant de nombreuses mailles à son armure. Tharok lui retourna immédiatement son attaque, sa lourde hache s'enfonça dans son crâne et mettant fin à sa non-mort. Il la dégagea d'un grand coup de pied, et acheva le squelette à la jambe brisée.

Si la Chamane avait enfin reculé, il n'eut pas le temps de s'en soucier. A quelques mètres à peine, Félicia était au plus mal. Déjà épuisée, la jeune Humaine avait rapidement fléchi sous l'assaut implacable des mort-vivants. Courageuse, elle avait tenté de résister, sur la défensive, mais un coup puissant lui arracha son épée des mains, l'obligeant à se recroqueviller derrière son écu à demi fracassé

Quelques guerriers-squelettes, délaissés par le Nain, se joignirent à l'assaut de la pauvre adolescente qui se fit marteler tous azimuts. Un coup de masse tordit son bras d'arme selon un angle anormal, une épée fêla encore plus son bouclier et mordit dans son épaule, lui faisant baisser sa maigre défense. Les non-mort étaient bons guerriers, et contournaient aisément sa garde aussi désespérée que maladroite, multipliant les blessures critiques.

Quand Tharok s'élança pour l'aider, elle venait de s'effondrer. Elle n'entendit pas le cri angoissé de son amie, à deux doigts de l'inconscience. La seule chose qu'elle ressentait encore était la plainte hurlante de son corps brisé, lacéré, son armure et ses chairs mises en pièces par les armes des non-morts.

Félicia peinait à garder les yeux ne serait-ce qu'entrouverts, et ne comprenait plus ce que représentaient ses silhouettes qui bougeaient dans tous les sens autour d'elle. Elle avait juste...sommeil. Le froid terrible qui engourdissait son corps faisait naître une alléchante torpeur, et elle ne sentait ni le courage ni la force de résister à son appel.

Jusqu'à ce qu'une écharde brûlante n'explose dans son ventre, la faisant hurler en la réveillant quelques instants. En redressant la tête, tétanisée par la souffrance, elle croisa le regard d'une infinie malveillance du guerrier-squelette qui venait de l'empaler d'un coup d'épée.

Folle de rage, et les joues couvertes de plus de larmes que de sang, Aayla se rua sur son bourreau et la vengea en le massacrant à coup de masse, même bien après qu'il ait cessé définitivement de bouger.

C'est Tharok qui la fit revenir à elle, après qu'il soit parvenu à éliminer les derniers ennemis. Il avait le nez tordu, l'oeil gonflé, et une substance épaisse et sombre, qu'elle devinait être son sang, apparaissait partout où elle posait le regard.

Ils clopinèrent jusqu'à leur malheureuse amie, pâle comme la mort, alors que les terres inhospitalières des Bois de la Pénombre rougissaient en s'abreuvant de son sang.


  • Féli.. ? Hasarda la Draeneï, mortifiée.
  • La jeune humaine hoqueta péniblement, s'étouffant dans son propre sang qui se mit à ruisseler par la commissure de ses lèvres.
  • Tiens bon gamine ! Pas question qu'tu nous lâches !


Aussi prudemment que possible, arrachant une grimace ignoble à la Paladine mourante qui toussa un peu plus de son précieux fluide vital, Tharok arracha l'épée de son abdomen alors qu'Aayla se précipitait sur la sacoche de son amie, dévidant son contenu sans la moindre précaution avec des gestes d'autant plus paniqués que ses bras meurtris tremblaient d'épuisement.


  • Aayla ! Dis-moi qu't'peux la rafistoler le temps qu'on la ramène !


La Chamane claquait tellement des dents, en état de choc, qu'elle ne parvint même pas à articuler une réponse avant d'enfin débusquer une nouvelle fiole de verre, remplie d'un liquide bleue. Elle s'assura de sa couleur, et arracha le bouchon avec les dents avant d'en vider le contenu.


  • Les...les amis...


Le Nain l'avait assise, afin qu'elle ne s'étouffe pas avec son propre sang qui s'écoulait bien trop vite par ses trop nombreuses plaies, et plaqué ses mains de part et d'autre de son ventre pour essayer d'endiguer le flot carmin.


  • T'inquiète ma p'tiote, ça va l'faire ! Reste calme, et dans quel'ques z'heures j'te paye une bonne choppe pour te requinquer !
  • Je suis...désolée...


La Draeneï regarda avec horreur la main de Félicia se lever légèrement, avant de retomber lourdement au sol. Elle cessa de tousser, et devint pesante entre les bras du Nain. Mille fois trop lentement à son goût, Aayla enveloppa enfin son amie de l'aura verdoyante de ses pouvoirs guérisseurs et pria, supplia tous les esprits et les forces élémentaires qu'elle connaissait de ne pas reprendre la jeune Paladine...




En reprenant péniblement connaissance, la première chose que Félicia remarqua fut les draps rêches qui l'enveloppaient. Elle essaya d’ouvrir les yeux et dut refermer plusieurs fois les paupières pour s’habituer à la luminosité pourtant faiblarde.


  • Bon letoul palmi nous, Félicia, dit une voix douce.
  • Salut, Aayla…que s’est-il passé ?


La Draenei rapprocha un peu sa chaise, et la jeune femme remarqua qu’elle s’était délestée de son armure.


  • Tu nous as fait une belle peul. Tu as été glavement blessée contle les molt-vivants, et tu as peldu connaissance.
  • Pardon de vous avoir donné du souci... Je suis restée inconsciente longtemps ?


Son amie à cornes soupira avec un profond soulagement. Elle avait les traits tirés, et ses blessures étaient complètement guéries.


  • Tlois jouls... Les soigneuls ont dit que tu avais une chance incloyable d’êtle encole en vie…


Aayla lui lança une œillade d’un air complice.


  • Mais moi je pense plutôt que tu es une petite coliace.
  • C’est la voie que j’ai choisie...mais on dirait que ça ne m’a pas beaucoup réussi…


La Paladine essaya de se redresser. Elle était tirée d’affaire, mais très faible et son amie dut l’aider à s’installer avec une infinité précaution.


  • Merci, Aayla. Tharok et toi, vous allez bien ?
  • Moi ça va, quant à Thalok...


Elle poussa un soupir en levant les yeux au ciel.


  • Je me demande s’il existe quelque chose qui puisse l’allêter La Night Watch avait encole besoin d’aide, un peu paltout, alols il a continué à leul foulnil ses selvices.
  • Il a continué à se battre depuis tout ce temps ?
  • Sans intelluption. Il a palticipé à la chasse aux loups qui lôdaient autoul du village, et foulnit ainsi une belle léselve de viande.


La Draenei émit un léger rire.


  • J’ai même été sulplise que tu palvienne à dolmil avec le boldel qu’ils ont fichu en bas.
  • Les villageois ont du être heureux d’avoir enfin quelque chose de consistant à se mettre sous la dent.
  • En effet, acquiesça la Chamane. Aplès ça, il a accompagné les galdes de Dalkshile poul lepousser les wolgens au sud, à la mine. J’ai clu complendle qu’il souhaitait aussi examiner quelque chose à l’intélieul, mais je n’ai pas tlès bien saisi.


Les yeux clos, car la faible luminosité de la chambre lui faisait mal jusqu'au fond des orbites, la Paladine écouta le récit des derniers événements en hochant lentement la tête, regrettant aussitôt son geste.


  • C’est un Nain, il doit avoir une grande expérience de l’exploitation minière. Il pourra examiner les étais et les galeries.
  • Quant à moi, je suis lestée poul soigner les blessés et veiller sul toi.


La jeune femme fut touchée de cette attention. Cela lui faisait plaisir de pouvoir vraiment compter sur quelqu’un, même s’il lui fallait parfois faire un effort pour comprendre ce qu’elle disait.


  • Merci, Aayla. Peux-tu m’aider à me lever ? J’en ai déjà assez d’être au lit.
  • D’accold. Ah ! Il faut que je te dise… Les joues de la Draenei commencèrent à tirer sur le violet. Poul…poul te soigner il a fallu qu’on…qu’on te déshabille.


Félicia jeta un œil à sa chemise de nuit alors que la Chamane l’aidait à s’asseoir au bord du matelas. Cela tombait pourtant sous le sens, elle-même qui pratiquait les premiers secours à l’aide de bandages, une compétence très vivement recommandée par et pour tous les disciples de la Lumière, avait déjà dû retirer leur tunique à des hommes et femmes.


  • Et vous avez eu bien raison de le faire ! Comment auriez-vous pu panser mes plaies si vous m’aviez laissé en cotte de mailles ?
  • D’ailleuls, on a fait lépaler tes affailes ! Elles devlaient êtles plêtes ce soil je clois.
  • Voilà une bonne nouvelle, car il me semble que ma pauvre armure était en pièces, sans même parler de mes armes.


Ses souvenirs étaient encore assez flous quant à sa dernière bataille, mais il lui semblait que son épée et son bouclier avaient plus ou moins été brisés.La Paladine insista ensuite pour descendre au salon et manger un morceau. Une nouvelle tunique et un pantalon de lin étaient pliés sur la table de nuit et Félicia dut retenir son amie bleue qui voulait quitter la chambre pour la laisser s’habiller. Ce n’était pourtant pas la première fois qu’elles partageaient une chambrée, et l’Humaine était plus rassurée de la savoir à proximité comme elle ne se sentait pas très vaillante.

Une fois vêtue, elle accepta bien volontiers le bras de la Draenei pour descendre l’escalier un peu raide et se laissa choir sur la chaise la plus proche. La serveuse la reconnut et vint immédiatement prendre des nouvelles, et fut bientôt rejointe par trois autres clients qui vantaient les exploits des aventuriers, et qui voulaient entendre le récit de la bouche de la Paladine.

Tharok était une force de la nature, expérimenté et endurant, et son efficacité ne surprenait personne…mais Félicia était une jeune femme, presque une fillette, et ses actes n’en étaient que plus impressionnants. Cependant, d'un naturel modeste et encore épuisée, la pauvre Paladine n’avait pas grand-chose à leur raconter et il lui fallut l’aide d’Aayla pour renvoyer les clients à leurs affaires.

Ils lui commandèrent également une petite assiette de légumes et un verre de lait frais pour l’aider à reprendre des forces. Elles commencèrent à discuter de leurs opinions quant à la présence croissantes de créatures hostiles autour de Darkshire. La Chamane ne connaissait pas vraiment la région, elle qui n’était même pas de ce monde, mais Félicia l’aida à combler ses lacunes.


  • Les Duskwood ont toujours eu une sinistre réputation…mais elle ne fait que s’aggraver depuis quelques temps. Avec la montée du Fléau, puis le retour des Worgens, les ennemis se sont multipliés.
  • La Nightwatch a l’ail déboldée…poulquoi Stolmwind n’envoie-t-elle pas un légiment poul nettoyer les bois ?
  • Elle aimerait ! Hélas, les bêtes sauvages, aussi dangereuses soient-elles, sont bien le moindre des soucis de l’Alliance. Avec la chute de Lordaeron et la corruption du nord d’Azeroth, nous devons faire face sur tous les fronts, et les ennemis surviennent plus vite que nous pouvons nous en débarrasser.

Bien que cela transgresse les règles de bienséance, Félicia découpa son morceau de pain et fit des boulettes de mie pour improviser une carte du continent.


  • Les Malterres sont devenues le domaine du Fléau, et menace directement les terres de nos alliés Nains. De plus, les haut-elfes, autrefois nos alliés, ont failli être décimés et ont du se réfugier chez la Horde pour survivre, après avoir fui leurs terres ancestrales.


Elle piqua des trous de la pointe de son couteau dans la mie pour illustrer les plus grandes zones de conflit.


  • Chaque victime alimentant un peu plus les armées du Fléau, il nous faut mobiliser le plus gros de nos ressources et champions pour retenir leur avancée…mais ce n’est qu’une solution temporaire. Nous nous épuisons sans pouvoir vaincre, et nous le savons.
  • Et la Holde ne fait lien poul nous aider ? Les molt-vivants sont aussi leuls ennemis !
  • Si, bien sûr ! C’est même bien le seul terrain neutre que nous ayons trouvé depuis le retour de la Légion Ardente qui détruisit Dalaran et l’Arbre-Monde des Elfes, il y a dix ans. Mais mêmes en coopérant contre les impies, les rancunes subsistent et la guerre continue…et le Fléau avance, implacablement.


La Chamane hocha gravement la tête, connaissant bien l’histoire de la guerre contre Archimonde, le général démoniaque qui avait pris pied sur cette belle planète dans le but de s’emparer de ses formidables sources d’énergies, détruisant le précieux Puits de Soleil des haut-elfes, qui leur assurait santé et pouvoirs. Elle regarda ensuite sa jeune amie continuer son exposé.


  • La course à l’armement entre l’Alliance et la Horde continue, ici comme sur Kalimdor. Chaque forêt, chaque mine, chaque port devient un champ de bataille où le sang coule à flot…


Elle marqua un arrêt, avant de secouer la tête en soupirant.


  • Et comme si ça ne suffisait pas, la fragilité provoquée par cette double guerre à grande échelle sape l’autorité de l’Alliance, et l’on voit de plus en plus de troupes de bandits, mercenaires sans scrupules et autres crapules pulluler sur les routes.
  • Comme la Conflélie Défias ?


Félicia la dévisagea un instant, avant de réussir à traduire son accent et d’acquiescer.


  • C’est un cas un peu spécial...mais c’est l’idée. Tu as déjà eu affaire à eux ?
  • Oui, et ce n’était pas une expélience tlès agléable.
  • Je n’en doute pas. Et comme si ça ne suffisait pas, on recense de plus en plus d’actes de piraterie autour des cartels Gobelins. Notamment à Stranglethorn, au sud des Duskwood, où il est facile d’échapper à la justice. Là encore, il faudrait une légion entière, au bas mot, et des mois de travail pour nettoyer cette vermine…mais on peut à peine allouer une poignée de chevaliers pour patrouiller dans les zones les plus fréquentées.
  • Et ça lisque en plus de floisser vos lelations avec les gobelins, j’ai entendu dile qu’il s’agissait d’une espèce palticulièlement cupide et…hmm…chatouilleuse, quant aux intelventions extélieules.


La Paladine approuva d’un hochement de tête, trouvant plaisant de parler de tels sujets avec une amie qui possédait quelques connaissances. Dans la noblesse de la capitale, les autres demoiselles se préoccupaient plus de la meilleure façon de sublimer la courbe de leurs poitrines que de l’avenir du monde.


  • Absolument. Et enfin pour ne rien arranger, on dénombre de plus en plus de sectes de fanatiques à travers Azeroth.
  • Des sectes ?
  • Des groupuscules animés par une déformation d’une religion ou d’une autre. La plus inquiétante de toutes est le Marteau du Crépuscule, qui vénère les Dieux très anciens…et dont le seul désir et de mettre fin à l’existence de toute vie.
  • Comment peut-on vénéler quelque chose qui veut nous tuer !?
  • Je l’ignore, Aayla, confessa la jeune humaine en soupirant. Malheureusement, d’autre semblent le savoir, car le culte rassemble de plus en plus d’adeptes…et de moyens. Sur ce continent ou sur Kalimdor, on les retrouve partout, et ils sont toujours dangereux. Ils semblent essayer de réunir d’anciens artefacts, voire même de réanimer d’antiques créatures. Et ils pourraient bien être assez fous pour y parvenir…


Une humeur morose s’installa, alors que l’évidence était toujours plus dure à accepter. Plus ils luttaient, qu’ils remportent ou non la victoire, plus un autre ennemi gagnait en puissance dans leur dos.


  • Enfin, un autre groupuscule est tout aussi dangereux, mais au moins il peut se rendre utile.


Déplaçant une boule de mie jusqu’au nord de sa « carte », Félicia parla avec un malaise évident du dernier véritable danger.


  • La Croisade Ecarlate, installée dans l’ancien royaume de Lordaeron. Ce sont des fanatiques de la Lumière qui veulent purger le monde du mal qui y règne.
  • Ça semble plutôt une bonne chose, sultout compalé au leste… Mais s’ils sont des guelliers de la Lumièle, est-ce qu’ils ne sont pas des Plêtles, ou des Paladins, comme toi ?
  • Pour la plupart, hélas, si. Ils peuvent servir, car ils considèrent le Fléau comme leur ennemi juré et le combattent également, contrairement au Marteau du Crépuscule ou aux Défias.
  • Enfin une bonne nouvelle.
  • Mmh…oui. Cependant, ils considèrent « mauvais » beaucoup de choses. En fait, tout ce qui n’est pas de la Croisade est « impur » à leurs yeux, souillé ou corrompu, et doit donc être détruit.
  • Ah.
  • Ils s’en sont même pris à la Main d’Argent, le premier Ordre de Paladins, fondée et dirigée autrefois par le très regretté Uther Lightbringer…c’est dire à quel point ils sont fous.
  • On n’est pas si mal en fait, avec nos squelettes et les loups…et un Nain.


Ne pouvant qu’être d’accord, la Paladine se retint de pouffer d’amusement, et grimaça lorsque son rire tira sur ses blessures avant de reprendre son sérieux.


  • Cela dit, les Duskwood ne sont pas en reste… Il se passe quelque chose d’anormal dans ces bois. Les bêtes, les Worgens ET les mort-vivants semblent proliférer en même temps pour converger sur Darkshire. Ca cache quelque chose, et j’ai peur de ce que ça peut bien être.
  • Tu as une idée ?
  • Pas vraiment…mais ça ne peut rien augurer de bon.


Les deux filles continuèrent à discuter un moment, essayant de partir sur des sujets plus légers. Curieuse, et attirée par les paysages exotiques de Kalimdor, Félicia insista pour que la Chamane lui raconte un peu plus en détail ses voyages, depuis les îles Draeneïs jusqu’à son arrivée ici.

Moins douée que leur ami Nain pour les récits, Aayla fit tout de même de son mieux – certains noms manquant de faire rire la Paladine à cause de son accent – pour décrire son ressenti devant les immenses forêts d’Ashenvale et l’horizon qui s’étend à perte de vue au bord de la mer. Le sentiment d’être minuscule devant les gigantesques monts des Tarides, ou l’insupportable boue qui s’insinuait partout, particulièrement dans les sabots et le pantalon, dans les marécages des Paluns.

Puis, après avoir écouté avec un profond intérêt les épopées candides de la Chamane, et bien qu’encore fatiguée, Félicia suggéra de se rendre utiles grâce à leurs dons de guérison. Aayla essaya de la convaincre de se rallonger, de ménager ses forces, mais la jeune humaine était une tête de mule et soutenait qu’elle était suffisamment en état pour soulager de véritables blessés.

Leur venue fut particulièrement bien accueillie. Ni l’une ni l’autre n’excellait dans les arts curatifs, mais elles en savaient suffisamment pour consolider une fracture, accélérer la cicatrisation d’une vilaine plaie ou soigner une infection.

Plus expérimentée, Aayla sut ménager ses forces pour apporter son aide à un maximum de patients, mais la Paladine ne parvenait pas à se résoudre de ne pas faire de son mieux face à la souffrance de ses pairs, et elle se fit aliter à plusieurs reprises, abattue par de violents vertiges comme elle dépensait bien trop d’énergie.

Lorsque même la Chamane fut définitivement à bout de forces, les médecins eux-mêmes les flanquèrent à la porte – non sans les remercier chaleureusement, leurs précieux pouvoirs redonnant un peu d’espoir à ces pauvres hommes – pour les empêcher de devoir être soignées à leur tour.

Elles retournèrent à la taverne reprendre quelques forces, épuisées mais satisfaites d’avoir fait ce qu’elles estimaient juste. Cependant, le calme ne dura pas, car moins d’un quart d’heure après Tharok entra à son tour dans l’établissement.


  • Hééééé ! Beugla-t-il dès qu’il les aperçut. Les filles, comment qu’vous allez ? Parait que z’avez fait du zèle à jouer les infirmières ?


Le petit homme barbu s’approcha. Son vieux surcot portait des traces récentes de réparation, et pourtant avait été entamé par des griffes terriblement aiguisées, même le cuir en-dessous était endommagé. Un vilain coup de patte lui avait laissé deux longues croûtes sur le nez, et son arcade sourcilière était si enflée qu'on ne voyait plus l'oeil en-dessous. Sa démarche un peu claudicante n’échappa pas non plus aux deux femmes, mais le Nain donnait pourtant l’impression d’être au mieux de sa forme.

Tharok se vautra sur une chaise avec un soupir d’aise, et se hâta de commander une bonne pinte fraîche. Un éclair d’hésitation traversa son visage, lorsqu’il se souvint qu’elle était tout bonnement infecte à son goût, mais le petit homme haussa les épaules, considérant qu’une mauvaise bière valait mieux que pas de bière du tout.


  • Quoique se faire soigner par vous doit être une expérience agréable. Bahrum ! Ca donn’rait presque envie d’se laisser rouster rien qu’pour voir ça, héhé !
  • N’y songes même pas, répondit Félicia en sentant déjà son humeur s’alléger, l’entrain du Nain étant toujours aussi contagieux. Si tu te blesse volontairement, c’est moi qui t’achève !
  • Grumpf ? J’aurais dû rester ‘vec les clébards, y m’faisaient moins peur que toi ma p’tite Féli !


La Paladine fit mine de le gronder, tandis qu’Aayla se moquait gentiment d’elle en approuvant le barbu. Après quelques menaces entre deux rires, le Nain reprit un peu son sérieux.


  • Sinon, comment qu’ça va ? T’nous a foutus une belle frousse, Bahrum ! J’te dis pas l’merdier si tu nous avais claqué dans les pattes !
  • Encore un peu étourdie, en particulier après avoir épuisé plusieurs fois mon mana pour guérir les blessés de Darkshire…mais je me remets. Je devrais pouvoir reprendre le combat demain.
  • Demain ? Créboudiou, j’ai connu des Nains qui s’remettaient moins vite ! Par contre, tu nous r’fais plus jamais un coup pareil, pask’sinon j’te tue gamine !
  • Tu me tues si je meurs ? On ira loin avec un tel concept…bahrum !
  • Namédidon, c’est que tu m’piques mes jurons en plus ? Mais j’vais t’remettre au lit vite fait bien fait, s’pèce de sale gosse !


Après quelques plaisanteries, menaces et rires supplémentaires, Aayla ne se privant pas de rajouter son grain de sel, le trio finit par se calmer et les filles interrogèrent leur compagnon sur son expédition contre les Worgens.


  • Ces sacs à puces avaient complètement envahis les lieux, pour sûr. L’a fallu nettoyer le coin par les grands moyens, et ces saletés voulaient rien lâcher. Bahrum ! Qu’est-ce qu’y z’étaient teigneux ! On y a laissé des plumes…


Machinalement, il sortit sa vieille pipe et la gratta du bout de l’ongle.


  • Mais bon. La mine est à nouveau à Darkshire. La Nightwatch va pouvoir s’équiper un peu mieux, r’forger lames et armures et poursuivre l’combat. Ouaip.
  • Alors ça y est ? On a déjà sécurisé les lieux ?
  • Hrmpf…pas z’actement Féli. On a juste gagné un peu d’temps…mais si on fait rien, y r’viendront d’ici quoi…quelqu’jours, quelqu’semaines ? Les zombies comme les clébards, y lâcheront pas l'morceau.
  • Poultant, on avait supplimé tous les molt-vivants. Et vous venez d’extelminer les wolgens, non ?


Le Nain secoua la tête d’un air soucieux, un mauvais présage.


  • Ils ont fui. On en a tué pas mal, mais on est très loin d’les avoir tous eu. Ils reviendront, et y s’ront encore d’plus mauvais poil.
  • Quant aux mort-vivants, ce n’est pas eux qu’il faut abattre, mais ceux qui les ont relevés. Si nous n’éliminons pas le nécromancien, il y aura bientôt une nouvelle vague de non-morts qui déferlera sur le bourg, et ce, peu importe combien nous en abattons.
  • Bien dit Féli, sauf qu’y sont pas ici, les patrons. On a fait l’tour du patelin, y’a que pouic ! Ceux qui sont derrière tout ça se sont planqués bien loin.

Il farfouilla dans ses poches, et en tira la petite bourse qui contenait ses herbes avant de grimacer, ses stocks diminuant visiblement trop vite à son goût.


  • J’ai causé ‘vec la cap’taine Althea, sur l’retour. Elle s’inquiète pour Raven Hill, un patelin à l’aut’bout de la forêt. Ca fait un long moment qu’elle n’a plus du tout de nouvelles, et les dernières z’étaient pas chouettes…
  • Raven Hill…on nous en a un peu parlé aujourd’hui. La menace worgen y était très forte, parait-il. Et si le cimetière est aussi immense qu’on nous l’a raconté…
  • Alols notle néclomancien doit s’y tlouver.

Tharok hocha la tête avant d’allumer sa bouffarde.


  • Très certainement. Du coup, est-ce qu’vous voulez qu’on aille jeter un œil ?
  • Nous sommes venus pour aider ces gens, affirma Félicia. Alors nous le ferons.
  • Je suis d’accold.
  • Hmpf. Je n’en attendais pas moins d’vous mes cocottes ! Par contre, y’a un sacré bout de route à faire. La cap’taine m’a dit qu’il y avait un petit camp sur la route, à l’intersection des chemins de Raven Hill et de Stranglethorn, mais c’pas à côté.


Il s’interrompit quelques instants, le temps de souffler quelques ronds de fumée tandis que les deux femmes se demandaient déjà quelles horreurs allaient les attendre à Raven Hill. Après un moment, Félicia réalisa que le Nain la fixait d’un air étrange.


  • T’es sûre d’vouloir y aller, Féli ?
  • Bien évidemment ! N’est-ce pas le but de notre quête ?


Elle se sentit étonnamment mal à l’aise lorsque Tharok, sans son habituelle gaieté, mit du temps à lui répondre. Il continuait à faire peser son regard insistant sur elle.


  • Y s’ront beaucoup plus forts qu'les moisis qu’on a défoncés ici.
  • Ça ne me fait pas peur, répondit-elle fermement après quelques secondes d’hésitation.
  • Tu devlais peut-êtle y léfléchil, Félicia. Tu as failli moulil deux fois…tu peux quand même aider Dalkshile sans lisquer ta vie à Laven Hill.
  • Mais si je n’y vais pas, les problèmes vont recommencer ! Et tout ce qu’on aura fait ici, tous nos efforts auront été vains !


Félicia n’aimait pas l’inquiétude qu’elle lisait sur le visage de son amie. Elle la comprenait, elle aussi avait le sentiment que cette aventure risquait de mal finir…mais la Paladine avait déjà fait ses vœux, et ils lui interdisaient de fuir à cause du danger.

Elle effleura la main de la Draeneî, essayant de lui sourire pour la rassurer, et elle devina que la Chamane avait envie de la dissuader d’aller à Raven Hill mais ne trouvait pas les mots pour le faire, quand Tharok reprit la parole. Il avait le même ton qu’un père grondant un enfant pris en faute.


  • T’feras pas l'poids Féli, j'espère que tu l'sais ?


La Paladine essaya d’affronter son regard, mais baissa bientôt les yeux en se mordant la lèvre de contrariété. Elle savait qu’elle n’aurait rien à répondre, à ce qui allait bientôt ressembler à des accusations.


  • J’te savais un peu faiblarde, mais j’m’en inquiétais pas. T’étais b'en brave, et on était là pour t’aider. Sauf qu'là, on parle pô de trois sacs d’os branlants et d’une bande de cabots fuyards.
  • …Je sais.
  • Si Raven Hill est bien tombée aux mains d’ce sorcier d’malheur, ça s’ra des hordes de guerriers-zombis qu’on d’vra affronter, et y risquent d’être salement costaud.


Déjà, elle devinait que le Nain ferait tout pour l’empêcher de partir avec eux…et elle savait qu’il aurait raison. Après tout, en restant à Darkshire elle pourrait remonter le moral des miliciens, guérir quelques blessés… La Paladine ne manquerait ni à son devoir, ni à ses vœux ainsi, et son aide serait tout aussi précieuse.

Mais malgré tout, Félicia ressentait cela comme une défaite, une terrible défaite. Sa vocation était avant tout la protection, d’agir comme l’avant-garde du peuple, et de défaire les menaces avant qu’elles ne soient trop dangereuses. Devoir rester en arrière était contre sa nature, mais Tharok ne semblait pas près de céder.


  • J'ai tapé la discute, 'vec la lieutenante Vaida, sur l'retour. Elle m'disait qu'd'après les rapports, elle estimait qu'les Worgens étaient deux fois plus forts que ceux qu'on a croisé aux mines. C'te fois, y'a d'quoi s'inquiéter.


La Paladine se crispa sur sa chaise, le regard baissé. Si même le Nain se faisait du soucis, ce serait effectivement se condamner elle-même que d’aller combattre là-bas. Elle entendit même Aayla déglutir, sa peau pâlissant, ce qui n’échappa pas à leur ami bedonnant.


  • Si vous voulez, ‘pouvez toutes les deux rester ici. Vous s’rez pas d’trop de deux pour aider la Nightwatch.
  • Comment ? fit brusquement Félicia en se redressant. Tu voudrais y aller seul ?
  • J’peux m’débrouiller, éluda le massif bonhomme en soufflant un rond de fumée. Ça prendra du temps, et j’sais pas si j’pourrais débusquer les troufions qui tirent les ficelles d’un camp ou d’l’aut'…mais j’peux au moins voir c’qui s’passe, et faire un peu d’ménage au besoin.
  • Si c’est déjà de la folie d’y aller à trois, ça serait du suicide d’y aller seul ! Même pour toi !


Sans s’affoler, Tharok prit le temps d’aspirer une longue bouffée de fumée, les herbes s’embrasant paresseusement à l’embout de sa pipe.


  • J’peux m’débrouiller, gamine. Surtout si j’dois pas vous protéger.
  • Si tu leste, Félicia, je lestelais avec toi, dit la Chamane en se tournant vers son amie. Je ne te laisselais pas seule…et je ne felais que lalentil Thalok, de toute façon.
  • Merci, Aayla, répondit avec un faible sourire la Paladine. Mais…
  • Bah !


Le Nain tapa brusquement sur la table, faisant sursauter les deux femmes.


  • Ca m’scie la nouille d’vous voir ‘vec ces gueules d’déterrées ! Oups, c’ptet pas l’truc à dire ici…boarf. On s’en fout.


Ses camarades échangèrent un regard, surprises par le changement d’attitude brutal de leur ami.


  • On s’prendra la tête avec ça d’main. Aujourd’hui c’la fête ! On a ramené du steak, nettoyé l’cimetière et récupéré la mine ! Pas question d’faire la tronche. Et puis hé !


Il claqua des doigts, et désigna la Paladine.


  • On a nettoyé l'champ, l'cimetière, les mines et t’es sur pieds ? Mais ça s’fête gamine ! Ce soir, c’toi qu’on fait picoler ! Hein biquette ?
  • Uniquement au jus de fruit, navrée de te décevoir. Contesta en souriant la Paladine qui sentait son moral remonter. Mais tu as raison, laissons nos soucis au lendemain, et profitons déjà de ce que nous avons accomplis et d'être encore en vie.
  • Parfaitement ! A chaque jour suffit sa peine !
  • Je palie que c’est votle cli de guelle quand vous allez à la tavelne ?


Le nain se balança sur sa chaise, prenant un air pensif.


  • Mouaip. Ca, ou « Mieux vaut deux verres qu’un seul, sinon il s’ennuie », ou b’en « tant va la cruche au Nain, qu’à la fin elle est vide », ou encore…
  • Et glou et glou et glou ? suggéra Félicia.
  • Aaah, notre préférée ! Bahrum ! C’est que tu es une fine connaisseuse des Nains, Féli.


La Paladine s’étonna une fois de plus de la capacité de Tharok à influencer leur moral, pouvant les faire remettre en question leur détermination d’un regard…ou les faire rire à deux doigts de la mort. Un grand « splaf » la tira de ses pensées, et elle réalisa que le Nain avait disparu tandis qu’Aayla se levait d’un air inquiet.


  • Tout va bien ! Leur compagnon bedonnant se remit sur pieds. C’la faute de c’te chaise, elle tient pas d’bout !
  • Tu es soble, et poultant tu tombes déjà…
  • Ben justement ! Protesta vigoureusement le Nain. C’pasqu'j’suis pas rincé ! Et puis j’me souviens d’une biquette qui rampait b’en maladroitement la dernière fois, hein ?
  • Ce…tu m’avais tendu un piège !
  • Ça t’as pas empêché de t’la descendre c'te choppe, hein ma biquette ? Ni la première, ni celles qui ont suivies ! Bahrum, c’jour là t’étais point une Chamane, t’étais une éponge !
  • Tu t’es legaldé avec ta balbe ?


La routine reprenant son cours normal sous le regard amusé ou curieux des clients, Félicia posa le menton dans sa main, s’accoudant sur la table, en regardant ses deux compagnons se chamailler comme des enfants, avant de finir par se rasseoir en riant aux éclats.

La Paladine remarqua alors que l’atmosphère étouffante qui régnait sur Darkshire, même dans la taverne, à leur arrivée avait commencé à se dissiper. Leurs victoires successives et l’entrain inébranlable du Nain apportait vraiment un réconfort bienvenu à l’équipe comme aux citoyens. Souhaitant continuer sur cette lancée, Félicia se risqua à réclamer une nouvelle histoire au Nain.

Celui-ci se prit tant et si bien au jeu, que de récit en récit, et après sa sixième choppe, on le retrouva en train de sauter de table en table, renversant chaises et tabourets en mimant un cache-cache dangereux avec un des terribles diablosaures du cratère d’Un’goro.

Oubliant visiblement qu’il était un peu court sur pattes, et que la Taverne du Corbeau Ecarlate n’offrait aucune liane épaisse à laquelle se balancer pour survoler des mares composées d’une eau qu’il décrivait comme « un magma visqueux, noir comme un charbon à moitié liquéfié dont la seule odeur faisait suffoquer comme s’il vous bouchait gorge et narines », et toute la salle le vit bondir d’une table et s’aplatir par terre en lâchant un « bouarf ! » qui brisa l'épique de son épopée lorsque ses spectateurs rirent à gorge déployée.


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