Un nouveau monde

Chapitre 1 : Enfance détruite

3838 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 11/12/2020 17:10

Quelque chose perturbait la tranquillité de la forêt d'Orneval. La jeune elfe de la nuit, répondant au nom de Gahahli Ventenuit, le savait. Elle le sentait. Même si personne ne voulait lui dire quoi.

Du haut de ses vingt ans, elle était encore considérée comme une enfant aux yeux des elfes immortels. Voire un enfant en bas-âge, un être fragile et impressionnable qu'il fallait cajoler malgré le fait qu'elle fut physiquement en pleine adolescence. La jeune elfe aux cheveux bleus d'azur était certes du genre candide, mais elle n'était pas pour autant une idiote. Elle était même assez futée pour se rendre compte que quelque chose n'allait pas, même quand ses parents affirmaient le contraire pour la rassurer, et qu'on lui cachait la vérité.

Cette vérité, Gahahli voulait la connaître et dès l'instant qu'elle voulait quelque chose, elle n'en démordait pas. Au grand dam de ses parents.

Elle voulait comprendre ce qui mettait tant en émois ses semblables ainsi que les animaux de la forêt, ce que signifiait les mobilisations incessantes des Sentinelles et des dryades. Mais ni son père, Fyrvas, druide et disciple de Cénarius, ni sa mère, Méridia prêtresse d'Elune ne voulut lui répondre ou même aborder la question. En réponse à l'insistance de leur fille, ils lui interdirent de sortir de la maison — une autre perspective que Gahahli n'appréciait guère, se sentir enfermée.

En feignant d'aller se coucher, elle parvint à surprendre une conversation entre ses parents. Elle comprit alors que des étrangers à la peau verdâtre et chevauchant des loups géants avaient fait leur apparition au sud-est d'Orneval et commençaient à déboiser la forêt, chose qui révélait au-delà du sacrilège chez les elfes de la nuit. Et apparemment, la situation s'était récemment empirée quand des "monstres de métal" vinrent prêter mains fortes aux "peaux-vertes", abattant ains des arbres par centaines et s'en prenant même aux villages des elfes de la nuit et à leurs puits de lunes, ainsi qu'aux camps des furbolgs. Plus alarmant encore, Gahahli crut comprendre que les envahisseurs approchaient dangereusement de son village.

Ce serait par conséquent ce qui provoquait toute cette agitation, ce qui mobilisait ainsi les Sentinelles et les autres défenseurs de la forêt qui peinaient à repousser ses envahisseurs. Ces monstres seraient en effet assez puissants pour réduire en charpie tout un contingent de défenseurs elfes, même parmi les plus aguerris. Toute la forêt était par conséquent en état d'urgence.

De ce que Gahahli comprit, le demi-dieu Cénarius en personne préparait une contre-offensive pour chasser les envahisseurs pour de bon et c'était pourquoi il rassemblait les Sentinelles et les forces de la Nature... et que son père devait partir le lendemain pour leur prêter main forte.

En tant normal, sa mère, devrait également assisté à l'assaut et ainsi guider un contingent de Sentinelles en tant que prêtresse d'Elune. Mais elle était enceinte d'un second enfant et il était hors de question qu'elle aille se battre dans sa condition, surtout que chez les elfes de la nuit, la descendance était rare, donc trop précieuse pour être ainsi mis en péril. De plus, Méridia était trop pacifiste pour mener un assaut. Ce fut donc au père de répondre à l'appel de son mentor et de partir, étant l'un des rares druides en éveil, ses aptitudes allaient être plus que nécessaire pour soigner les plaies qu'avaient provoquaient les envahisseurs.

En fin de compte, Gahahli comprit pourquoi ses parents s'obstinaient tant à lui cacher la vérité. Elle ne parvenait pas à trouver le sommeil, perturbée à l'idée que la forêt qui l'avait vu naître était en proie à une menace inconnue et aussi sérieuse, que des créatures venus d'une autre terre étaient en train de saccager sa forêt et de s'en prendre à des civils, que son père allait devoir les affronter et qu'il n'allait probablement jamais en revenir, à en croire la brutalité sauvage des envahisseurs.

Et elle, dans tout ça ? Elle, petite elfe chétive et juvénile. Que pouvait-elle faire ? Attendre sagement avec sa mère, le retour de son père ? Que les Sentinelles leur apporte sa dépouille ? Que les envahisseurs viennent à leur place pour tout saccager ?

Elle espéra qu'on la laissera au moins dire au revoir à son père avant son départ tout en feignant l'ignorance, mais quand au saut du lit elle vit sa mère seule allongée sur le lit parentale et en pleurs, elle comprit vite que le druide n'avait pas attendu son réveil pour faire ses adieux.

Gahahli tenta de rassurer sa mère Méridia, ne supportant pas la voir dans cet état. Mais elle ne sût quoi dire. Elle n'était pas censée savoir que son père était parti affronter les envahisseurs et elle même ne pouvait que partager la détresse de sa mère. Le mieux qu'elle pût faire était de lui préparer du thé chaud... la seule chose qu'elle savait faire, piètre cuisinière qu'elle était.

Elle posa la tasse fumante sur la table à manger, mais sa mère n'y toucha pas. Elle resta allongée sur le lit, une main sur son ventre arrondi, visiblement dans un état second.

Gahahli eut alors l'idée un peu folle de profiter de l'état apathique de la prêtresse pour filer en douce de la maison et se lança à la recherche de son père. Elle avait pleinement conscience que ce qu'elle faisait était inconscient et irrationnel, voire stupide, qu'elle était en train de désobéir à ses parents en agissant ainsi en plus de se mettre en danger. Mais rester enfermée à ne rien faire, à attendre et à regarder un de ses proches dans le tourment et la souffrance, elle ne pouvait plus l'encaisser. Elle voulait agir. Elle voulait faire quelque chose d'utile.

Peut-être retrouvera-t-elle son père à temps. Peut-être le convaincra-t-elle de renoncer à cette assaut, de trouver une autre solution.

Et si à la place elle tombait sur les "peaux-vertes" ?

Avec un peu de chance, peut-être que ce qu'on a rapporté sur eux était exagéré. Peut-être ne sont-ils pas aussi agressifs que ça. Peut-être ne faisaient-ils que se défendre. Peut-être que tout ceux-ci n'était qu'un regrettable malentendu, après tout.


Elle se faufila dans la forêt avec une agilité exemplaire pour une elfe de la nuit. Pour cause, elle avait littéralement grandi dans ses forêts. Elle s'y baladait souvent avec son père pour observer les animaux, reconnaître les plantes, comprendre les règles de la nature, et ce pendant des heures. De ce fait, elle en connaissait chaque recoin, chaque emplacement de tel arbre et de tel lac, elle se rappelait de chaque racine, quelle branche, quel rocher ou quel nid de poule à éviter. De plus, étant relativement petite et chétive pour une elfe de son âge et préférant les pantalons aux robes, elle avait plus d'aisance de se mouvoir et de se faufiler dans les endroits un peu étriqués.

Gahahli n'eut cependant pas besoin d'aller loin pour constater par elle-même les dégâts causés par les envahisseurs. À peine fut-elle hors d'atteinte de son village qu'elle fut surprise d'atteindre la lisière de la forêt alors que dans ses souvenirs elle se tenait beaucoup plus loin que ça.

Ce qu'elle vit alors était pire que ce qu'elle s'était imaginée. Elle connaissait que trop bien cette partie de la forêt. C'était là où elle se rendait pour cueillir des baies et des fraises des bois dont elle raffolait — il lui arrivait même de se laisser aller à la gourmandise et d'en engloutir une vingtaine pendant la cueillette. À présent, le paysage était méconnaissable et s'étendait à perte de vue. Tout ce qui restait des arbres était les souches et les troncs qui, s'ils n'étaient pas assemblés en piles, servaient déjà à la construction de bâtiments, visiblement laissé à l'abandon. Il n'y avait pas âme qui vivait, pas même les envahisseurs à la peau verte. Seuls restaient les affreux monstres de métal qui semblaient dormir tant ils restaient immobiles.

La jeune elfe resta des heures à contempler ce tableau qui dépassait ses pires cauchemars. Elle tomba sur ses genoux tant même ses jambes avaient perdue la force de supporter le poids de son désarroi. Elle voulait pleurer. Elle voulait crier sa rage. Mais elle n'en avait pas la force. Elle n'avait même plus de voix pour exprimer sa colère et sa détresse. Elle ne pouvait que laisser couler des larmes.

Elle fut tellement transite d'horreur qu'elle ne prêta guère attention aux bruits de pas et d'essoufflement qui émanaient derrière elle.

— Par Elune ! Que viens tu faire ici, jeune fille ?

C'était sa mère. Elle avait dû se rendre compte de l'absence de sa fille quand elle daigna enfin à sortir de son état apathique. Et sans surprise, elle était très mécontente que Gahahli lui ait non seulement désobéi, qu'elle l'ait obligé à la chercher malgré son gros ventre mais surtout qu'elle se soit aventurée au plus près du danger.

La jeune elfe ne répondit pas, cependant. Toujours sous le choc, elle n'essaya même pas de se justifier comme elle l'aurait fait habituellement. Et Méridia se calma quand elle atteint à son tour la lisière. Elle s'approcha doucement de sa fille, s'agenouilla à côté d'elle — non sans peine à cause de sa condition — et lui passa un bras rassurant sur l'épaule.

— Tu comprends à présent pourquoi ton père et moi ne pouvions rien te dire ? la questionna la prêtresse. Pourquoi il a dû partir rejoindre Cénarius et les Sentinelles ? Pourquoi il a quitter la maison pendant que tu dormais ?

Pour toute réponse, Gahahli tourna la tête vers sa mère aux cheveux argentés et hocha lentement pour afficher sa compréhension.

La prêtresse tenta de la rassurer avec son sourire le plus bienveillant et un baiser sur le front de sa fille mais la jeune elfe voyait dans les yeux bleus-argentés de sa mère qu'elle ressentait également de la peur derrière son air compréhensif.

D'aucun dirait que la mère et la fille n'avaient pas grand chose en commun hormis la couleur de leurs yeux. Qu'il s'agissait du caractère, du style vestimentaire ou encore de la couleur des cheveux, la jeune elfe tenait en effet davantage de son père. Pourtant, jamais les deux elfes ne furent proche l'une de l'autre en ces temps troublés.


— Il faut rentrer maintenant, lui conseilla Méridia. La couleur du ciel ne m'inspire pas confiance.

Maintenant qu'elle le mentionnait, Gahahli constata également que le ciel avait drastiquement changé de ton depuis qu'elle était sortie de la maison. L'habituelle bleu nuit avait fait place à un vert sombre qui ne laissait présager rien de bon.

La jeune elfe garda un œil méfiant à la voute céleste tandis qu'elle aidait sa mère à se relever. Elle eut le temps d'apercevoir une traînée de météorites zébrer le ciel avant de s'enfoncer dans le soys bois.

À peine les deux elfes étaient à mi-chemin de la maison qu'elle furent chargées par une créature surgissant des buissons et se jetant sur Méridia, plaquant cette dernière au sol.

Gahahli fut tétanisée d'effroi. Elle qui connaissait toutes les créatures de la forêt, elle n'en avait jamais vu de tel, même dans ses pires cauchemars. Cette chose avait la taille et la carrure d'un loup mais avait une peau couverte d'écailles d'un rouge vermillon, ainsi qu'une épaisse crinière noire et hirsute. Ses pattes se terminaient en une seule et énorme griffes. Sa tête ressemblait un crâne de loup mais dépourvu d'orifice -- la chose n'avait ni yeux ni narines ni oreilles -- et sa gueule était garnie de dents acérés. Des cornes courbées vers l'avant et pointant vers le bas sortaient de ses épaules et une paire tentacules semblables à des fouets et se terminant en d'espèces de ventouses se dressaient du haut de son dos.

Curieusement, la créature ne fit usage ni de ses dents ni de ses énormes griffes ne serait-ce que pour déchiqueter sa victime. À la place, elle usa de ses appendices qu'elle plaquant sur le torse de la prêtresse, semblant lui aspirait quelque chose.

Ne se laissant pas faire, Méridia plaqua ses mains sur l'encolure de la bestiole et cita une prière en elfique qui fit émaner de ses mains une lueur blanche qui, au vu de la réaction de la créature, lui fit l'effet d'une brûlure. Le monstre pris de spasmes relâcha finalement son emprise et s'en alla comme s'il avait le feu aux trousses.

Une fois la bestiole disparut, Gahahli se précipita sur sa mère, l'aidant à nouveau à se révéler.

—Je vais bien, la rassura la prêtresse. Ne t'en fait pas pour moi.

Mais la jeune elfe savait que sa mère lui mentait. Sa peau était devenu toute pâle et en la faisant s'assoir sur une souche d'arbre mort, elle sentait que ses forces avait considérablement diminuées. Comme si on le lui avait vidé.

La jeune elfe n'eut pas le temps de demander ce qu'était cette immonde créature que des cris se firent entendre, en provenance du village. Et une odeur de bois brûlé se fit sentir.

Prise de panique, Gahahli partit devant... et son coeur s'arrêta quand elle parvint en vue de son village qui était assiégé et déjà en proie aux flammes.

Des individus mastocs courraient après les civils elfes terrorisés en brandissant des armes gigantesques avec lesquels ils abattirent leurs victimes sans ménagement ni aucune pitié. Ces agresseurs étaient pour la plupart vêtues de pagnes en fourrure et avaient pour armure des épaulières parsemés de piques ainsi qu'un casque à cornes. Leur peau était rouge sang, leur tête était simiesque et des crocs proéminents dépassaient de leur mâchoire inférieurs. Certains d'entre eux, chevauchaient des loups anormalement gigantesques. Cela ne pouvait être...

Min'da, demanda Gahahli quand sa mère l'eut rejoint, serait-ce... ?

— Oui, répondit la prêtresse dans un souffle. Ce sont eux. Mais qu'est-il arrivé à leur peau ?

La jeune elfe remarqua juché sur un rocher celui qui semblait être le chef des agresseurs, le seul à ne pas porter de casques à cornes et n'avoir qu'une seule épaulière. Des têtes décapitées d'elfes de la nuit étaient accrochées à sa ceinture. Son horrible bobine encadrée de long cheveux noirs surmontés d'une queue de cheval tourna vers les deux elfes et son regard croisa celui de Gahahli, un regard plein de haine qui lui glaça le sang.

Le chef leva lentement sa hache en direction des deux elfes sans les quitter des yeux. Une hache maculée de sang.

— Il nous a vu ! averti Méridia en empoignade sa fille. Il ne faut pas qu'on reste là ! Vite !

Comme pour confirmer ses craintes, les deux elfes avaient à peine de tourner le talon qu'elles entendirent le chef proférer des ordres dans une langue que la jeune elfe jugea primitive et ignoble à ses oreilles.

Les deux elfes tentèrent de rebrousser chemin mais furent stopper dans leur élan en voyant à travers les arbres des formes inquiétantes avancer dangereusement dans leur direction. Cela ressemblait à des géants faits de pierres noires et nappés de flammes vertes, qui n'avaient pas l'air plus accueillant que les barbares à la peau rouge.

Méridia entraîna sa fille vers un arbre qu'elle reconnut vite comme étant sous lequel elle avait habitude de se cacher. Sous ses racines se tenait en effet ce qui devait être le terrier d'un renard ou d'un blaireau. Et Gahahli était encore assez petite et mince pour se glisser dans le trou vers lequel sa mère la poussait avec insistance.

Fort heureusement, le terrier était assez profond pour que la jeune elfe soit invisible de la surface tant qu'elle restait recroquevillée et bien au fond, mais il n'y avait pas de place pour deux elfes.

— Ne t'en fais pas pour moi, mon cœur, tenta de la rassurer sa mère. Tant qu'Elune sera avec...

Elle fut interrompue par quand quelque chose fit trembler la terre. Quelque chose d'énorme qui avançait dans la direction des deux elfes. Comme un géant. Un géant à quatre pattes.

Gahahli s'enfonça dans le terrier et eut le réflexe de protéger sa tête des débris de terres, tant les secousses gagnaient en intensité.

Puis une voix grave et gutturale se fit entendre :

— Tiens, tiens, tiens ! Mais qu'avons nous là ?

Quand les secousses cessèrent, la jeune elfe leva la tête et risquait un regard vers l'entrée du terrier. Elle vit sa mère se tenir devant le trou, faisant face à la menace. La jeune elfe l'entendit murmurer une série de prières en hommage à la déesse-Lune.

Puis elle aperçut une main gigantesque empoigner la prêtresse à la vitesse de l'éclair. La jeune elfe se retint de crier en voyant sa mère disparaître de son champ de vision.

— Mmmh... J'avais cru tomber sur Tyrande Murmevent, reprit la voie gutturale. Mais que sens-je sous mon pouce ?... Oh, petite cachotière !

L'horrible voix se mit à ricaner, glaçant ainsi le sang de la jeune elfe recroquevillée sous terre.

— Nous en avons vu deux s'enfuir, seigneur Mannoroth, intervint une autre voix que Gahahli reconnut comme étant celle du chef des barbares à la peau rouge. L'une d'elles à dû nous échapper.

— Une autre guerrière elfe ? demanda le dénommé Mannoroth.

— Non, juste une gamine dépenaillée, répondit le chef.

— Bah, elle ne nous posera pas trop de problèmes... Pour le moment. Continuez à me raser cette forêt, Hurlenfer. Et faites-moi disparaître cette racaille d'elfe de la nuit. Je veux que le terrain soit prêt pour l'arrivé du Seigneur Archimonde.

— Comme il vous plaira, mon maître.

— En attendant, j'ai envie de m'amuser avec ma nouvelle prisonnière.

Et le ricanement repris. Ainsi que les secousses. Le dénommé Mannoroth venait de reprendre sa marche, emportant Méridia dont Gahahli pouvait encore entendre les plaintes depuis sa cachette, avant qu'elles ne s'évanouissent.


La jeune elfe resta des heures dans son trou, couverte de terre, en position foetale, sans bouger d'un poil, pleurant en silence, tandis que son monde s'écroulait à la surface.

Elle songea à sa famille. À son père, qui avait probablement péri face aux barbares. À sa mère, enlevée par elle ne savait quel démon. Ainsi qu'au petit frère ou à la petite sœur qu'elle ne connaitra jamais, elle qui jubilait à l'idée de devenir grande sœur.

Et les villageois qui était sa seconde famille. Et les autres qui allaient subir le même sort.

Et Gahahli ? Qu'allait-elle devenir si elle survivait au carnage mais qu'elle serait la seule survivante ? Où irait-elle vivre si les envahisseurs détruisait tout ?

Puis elle songea non sans amertume aux barbares qui avaient saccagé sa forêt, anéanti son village et massacré ses habitants, à leurs allures patibulaires, à leur regard pleins de haines, à leur sauvagerie, ainsi qu'aux maîtres qu'ils servaient dont elle ignorait le visage.

Elle connaissait cependant le nom de ses bourreaux. Hurlenfer. Mannoroth. Archimonde. Des noms qu'elle commençait à ruminer et à haïr de tout son être. Comme elle haïssait leur propriétaire.

Le calme sembla revenir à la surface, mais la jeune elfe ne bougea pas pour autant. Qui savait si les monstres étaient réellement parti ? Quand bien même la voie était libre, que trouverait-elle une fois sortie de sa cachette ? Que lui avait laissé les monstres ? Elle n'osait se l'imaginer et avait peur de le découvrir.

Et puis une voix retentit au loin. Une voix familière.

— Méridia !... Gahahli !... Où êtes vous ?

C'était son père ! La jeune elfe se sentit revivre aussitôt. Il était vivant. À l'entendre tousser, il ne devrait pas être dans un bon état, et le ton de sa voix laissé transparaître la peur et le désespoir. Mais il était vivant. Et cela suffisait à Gahahli pour oublier pendant un cours instant sa peur et sortir enfin de sa cachette.

Sa joie retomba aussitôt quand elle vit ce qu'il restait de son village ainsi que de sa forêt et son cœur s'arrêta. La scène des arbres abattus par centaine et celle de son village en feu n'étaient rien comparé au paysage de mort qu'elle contemplait. Les envahisseurs n'avaient laissé aucune verdure, juste des cendres, des arbres calcinés et son village en ruine. Seuls des braises d'un vert vif donnaient de la couleur à ce paysage d'un gris oppressant.

La jeune elfe reconnut néanmoins la silhouette imposante de son père, titubant dans les décombres. S'extirpant lentement et maladroitement de son trou, elle risqua une quinte de toux en voulant l'appeler ("An'da !") tant elle avait du mal à respirer, l'air étant chargé de cendres. Mais cela suffit à attirer l'attention de Fyrvas qui se précipita vers sa fille... du mieux qu'il pouvait de son pas claudiquant.

En s'approchant, Gahahli se rendit compte à quel point son père était en piteux état, en plus de son allure boiteuse. Sa tunique de druide était en lambeaux, il avait le bras et le front ensanglantés et il lui manquait même une moitié d'oreille. Des larmes coulaient de ses yeux dorés (nul ne saurait dire s'il s'agissait de larmes de joie ou de tristesse).

Le druide serra sa fille si fort dans ses bras qu'il manqua de l'étouffer. La jeune elfe enlaça son père retour avec ses bras malingres et tremblantes, avant d'éclater en sanglots.

— Ils... Ils ont tué... tout le monde, lâcha Gahahli entre deux sanglots.

— Je sais, ma fille, la rassura son père en lui caressant les cheveux. Je sais.

— Tout... détruit... Tout brûlé...

— Ça va aller... Je suis là.

— Ils ont... Ils ont enlevé Min'da !

Le druide ne répondit rien mais la jeune elfe sentit quelque chose se briser en lui, tandis qu'elle laissait exploser la colère qu'elle avait contenu dans sa cachette.

— Ceux ne sont que des monstres, An'da ! Des démons ! Je les hais ! JE LES HAIS !

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