Un nouveau monde

Chapitre 2 : Bonne volonté, mauvaise volonté

3036 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 14/04/2020 20:07

Cinq ans plus tard...


Accompagnée de son Sabre-de-nuit, Jakua, équipée d'un arc et de flèches, Gahahli remontait la rivière Bondissante au nord de Sombrivage, en se faisant la plus discrète possible.

Elle était venu aider son père à enquêter sur une mystérieuse corruption qui sévissait la région et affectait principalement la faune. Une corruption qui n'était pas sans rappeler celle qu'infligeaient les démons sur leur passage.

La peste soit des démons ! songeait la jeune elfe de la nuit qui gardait un très mauvais souvenir de leur passage dans sa forêt natale. Même mis en déroute après la bataille du Mont Hyjal — bataille ayant coûté aux elfes de la nuit leur immortalité et ayant nécessité l'aide improbable des humains et des orcs — ils trouvaient le moyen de souiller de leurs sales griffes ce qu'il n'avaient pas encore détruit. Depuis qu'ils avaient commencé leur invasion, Gahahli s'était jurée de n'accorder aucune pitié envers ses êtres infâmes et de les chasser jusqu'aux confins du monde s'il le fallait.

Elle voulait intégrer les Sentinelles, histoire de leur prêter main forte dans leur lutte pour la préservation de leurs terres. Elle avait même entretemps perfectionné ses talents d'archère et avait dressé un Sabre-de-nuit qu'elle avait recueilli peu de temps après la victoire des elfes au mont Hyjal quand il n'était encore qu'un tigreau — un autre orphelin ayant souffert de l'invasion des démons. La jeune elfe fut cependant recalé non seulement en raison de son âge toujours trop insuffisant mais surtout de son manque de discipline. Et son Sabre-de-nuit n'était pas encore suffisamment grand et robuste pour servir de monture.

Elle parvint toutefois à convaincre (non sans insistance) son père de l'emmener avec elle à Sombrivage pour l'aider dans son enquête que lui avait confié le Cercle Cénarien, à condition qu'elle soit obéissante et qu'elle ne fasse rien qui pourrait la mettre en danger. Et ils avaient vite trouvé une piste : l'eau de la rivière où les animaux venaient s'abreuver.

Face à cette découverte, Gahahli avait proposé de remonter la rivière à sa source pour connaître l'origine de son empoisonnement. Mais son père étant devenu procédurier depuis le réveil de ses confrères druide, il se contenta de prélever un échantillon de l'eau dans une fiole et de la faire analyser auprès de ses confrères. Fyrvas dut pour cela se rendre à Havrenuit en Reflet-de-Lune, qui était réservé aux druides. Cela l'obligea à laisser sa fille à la ville portuaire d'Auberdine, lui faisant promettre d'attendre son retour avant de faire quoi que ce soit. Oubliant que sa fille était aussi peu encline à la patience et à l'inaction qu'à la discipline

Au bout de deux jours d'attente, elle en eut marre et décide de reprendre l'enquête de son côté. Avec un peu de chance, elle sera rentrée avant le retour de Fyrvas. Et tant qu'elle avait son arc, ses flèches et surtout son Sabre-de-nuit à ses côtés, que pouvait-elle lui arriver ?


Elle se rendit alors à la Bondissante et longea la rivière vers l'amont jusqu'à une cascade où elle découvrit une piste menant à une grotte cachée derrière la chute d'eau.

— Tu vois ça, Jakua ? dit la jeune elfe excitée à son Sabre-de-nuit. C'est sûrement là dedans qu'on trouvera la réponse à nos questions. J'en mettrais ma main à coupé !

Elle se faufila précautionneusement entre la roche et la chute d'eau, limitant autant que possible tout contact avec l'eau infectée pour entrer dans la grotte qui semblait déserte à première vue et donnait sur une fosse dans laquelle l'elfe put descendre en empruntant une pente douce.

Profitant de son aspect inoccupé pour explorer et inspecter la grotte,jakua toujours à ses trousses Gahahli nota que le sol était parsemé de champignons qu'elle reconnaissait comme étant comestibles. Mais elle repéra également des traces suspectes sur le sol pourtant sec et dur, comme des traces de pas mais qu'elle ne pouvait identifier, laissant suggérer que la grotte était encore occupé, peu de temps auparavant.

En s'enfonçant plus profondément dans la fosse, elle emprunta un tunnel au don duquel elle découvrit une plantation de champignons aux chapeau verdâtre qui se démarquaient des autres, en plus de lui être étrangère et d'émaner une odeur d'œuf pourri.

C'était sûrement ça, la clé du mystère ! se dit Gahahli, ravie de sa découverte.

Elle décida d'en cueillir quelques uns et de les rapporter comme preuves, prenant soin de prendre les champignons toxiques avec ses gants avant de les ranger dans sa besace.

La jeune elfe fut soudain interrompue dans sa cueillette par le feulement alarmant de son Sabre-de-nuit. Elle n'eut nullement besoin de lui demander ce qui le mettait dans cet état que d'un d'un simple coup d'œil, elle vit avec effroi trois nagas et armés de tridentsse tenir devant l'entrée du tunnel et les fixer du regard.

— Je me disais bien avoir senti la présence d'intrus, ricana l'un d'eux en sifflant un chaque S tel un serpent doté de parole.

— Et de voleurs, par dessus le marché, ajouta le second.

— Écartez-vous ! s'écria en chargeant le troisième qui semblait être le plus bourrin des trois. Ils sont à moi !

L'attaquant était à peine à mi-chemin de ses cibles que Jakua lui sauta littéralement à la gorge à la vitesse de l'éclair et planta ses crocs dans la jugulaire.

Les deux autres nagas chargèrent à leur tour, décidé à venger leur confrère tombé. Mais Gahahli avait eu le temps pour sortir son arc, encocher une flèche et tirer dans l'œil du premier assaillant. La flèche fit mouche et traversa le crâne reptilien du naga qui s'écroula lourdement. La jeune elfe manqua cependant le second qui pris de peur esquiva la flèche et rebroussa chemin, s'en allant alerter ses congénères d'un sifflement glaciale, aussi rapidement que ne le permettait sa queue de serpent que les nagas avaient comme parti inférieur du corps. Gahahli parvint tout de même à le stopper avant qu'il ne soit hors d'atteinte avec une troisième flèche tirer dans la nuque.

Les nagas. Encore des créatures ayant fait leur apparitions peu de temps après celles des orcs et des démons sur Kalimdor qui faisaient frémir d'horreur et de dégoût la jeune elfe. Elle ignorait s'ils s'agissaient d'autres serviteurs de la Légion Ardente ou d'autres forces maléfiques, juste qu'ils étaient moins sympathiques que les orcs qui avaient déboiser Orneval et assassiné Cénarius. Dire que, à en croire ceux qui avaient survécu à leur premières apparition, ces monstres reptiliens-humanoïdes dépourvus de jambes et à l'imposante crête dorsale étaient autrefois des elfes, des Biens-Nès. Comment des êtres autrefois pas si différents des elfes de la nuit — juste plus nobles, plus guindés et qui auraient fait passé Gahahli pour une sauvageonne — auraient pu engendré de tels aberrations ?

Une chose était sûr, la jeune elfe et son Sabre-de-nuit avait intérêt à quitter les lieux au plus vite. Mais à peine étaient-ils revenus dans la fosse, il était trop tard. Le cri d'alerte du naga avait fait son effet, et là où la grotte était encore vide quelques minutes plus tôt, une trentaine de nagas séparaient Gahahli et son tigre de la sortie de la grotte, glissant lentement dans la fosse pour les encercler. S'adossant contre un mur, elle craignit ne pas avoir assez de flèches pour les tenir à distances et que son tigres n'ait pas assez de griffes et de dents pour forcer un passage. Ils étaient perdus. Tout ça pour des champignons.

La jeune elfe avait perdu tout espoir quand elle vit une masse imposante et hirsute entrer dans la grotte et balayer les nagas d'un puissant coup de patte tout en se frayant un passage jusqu'à la fosse. À première vue, cela ressemblait à un ours — du moins, la chose en avait l'apparence et les grognements — mais Gahahli remarqua qu'au lieu d'être brun comme les ours locaux, l'animal avait la fourrure violette et avait des sortes de tatouages sur les épaules. Ses yeux brillaient d'une couleur dorée et il avait de longues oreilles pointus, dont une à moitié arrachée que la jeune elfe reconnut.

An'da ? s'exclama-t-elle.

— Je les retiens ! s'écria Fyrvas d'une voix déformé par ses grognement d'ours. Sortez d'ici ! Vite !

Gahahli ne se le fit pas dire deux fois, encore moins Jakua qui prit la tête vers la sortie, profitant que les nagas soient en grande partie à terre et dégagés du chemin. La jeune elfe tira toutefois deux-trois flèches sur ceux qui restaient encore debout et sur leur chemin, tandis que son père fermaient la marche. Les fuyards traversèrent la cascade (tout en gardant la bouches et les yeux fermés) et continuèrent leur course dans la forêt, en direction d'Auberdine.


Ils s'arrêtèrent reprendre leur souffle lorsqu'ils furent en ville de la ville portuaire, après s'être assuré qu'ils avaient semé les nagas.

La jeune elfe fut sur le point de remercier son père de l'avoir tiré de ce mauvais pas, mais se retint devant l'air mécontent de ce dernier ayant repris sa forme elfique. Même sous cette forme, il gardait un aspect de l'ours.

— Je peux savoir ce que tu n'as pas compris quand je te disais d'attendre mon retour avant de faire quoi que ce soit ? questionna-t-il.

An'da, laissez moi vous expliquer, dit Gahahli en tentant de se justifier.

— M'EXPLIQUER QUOI ? l'interrompit sèchement Fyrvas. Que tu m'as désobéi ? Trahi ma confiance ? Joué les aventurières ? Mis ton Sabre-de-nuit en danger ? Manqué de te faire tuer ? Et ainsi violé toutes les conditions auxquelles j'ai accepté de te laisser m'accompagner ? Et tout ça pour quoi ? Hein ? À quoi tu pensais ?

La jeune elfe tendit sa besace que son père arracha des mains et inspecta. Son visage se durcit davantage.

— Des champignons ! Tu t'es exposé au danger, pour CUEILLIR DES CHAMPIGNONS ! tempêta le druide, dont la voix reprit la consonance d'un ours en colère.

— Je... Je pensais trouver la source de l'infection de la rivière, s'expliqua Gahahli en balbutiant. Je t'assure, il y avait toute une plantation dans la grotte.

Pour toute réponse, Fyrvas s'infligea un facepalm, avant de prendre une grande inspiration et de reprendre :

— Premièrement, petite, ce que tu as pris dans la grotte sont des amanites phalloïdes (il en sortit une de la besace). Si les animaux ont avaient ingurgité, même inconsciemment, ils ne seraient pas juste pestiférés, ils serait raides morts (il broya le champignon dans sa main). Deuxièmement, saches que pour me rendre à Reflet-de-Lune, il m'a fallu passer par Gangrebois, d'où coulait la source des rivières traversant Sombrivage. Et il m'a fallait d'un seul regard pour comprendre ce qui était à l'origine de leur infection.

Gahahli se senti très sotte sur le moment. Gangrebois. Pourquoi n'y avait-elle pas songé plus tôt ? La région avait servi de base à la Légion durant son invasion, ce qui avait entraîné sa corruption. Son père avait donc raison. Elle avait improvisé et mené une expédition pour rien.

— Je suis désolée, An'da, avoua la jeune elfe confuse. Je vous promet de me tenir à carreau, la prochaine fois.

— La prochaine fois ? tempêta à nouveau le druide. Non, jeune fille. Il n'y aura pas de prochaine fois. Pas après ton attitude, aujourd'hui.

— Mais An'da, je vous jure, j'ai compris mon erreur, se défendit Gahahli. Plus jamais je ne la referai.

— Et moi ? J'étais un idiot de t'avoir laissé revenir sur le continent en sachant pertinemment que tu allais n'en faire qu'à ta tête, avec nos ennemis les plus mortels dans les environs.

" Assez ! Je ne veux plus rien entendre ! Ton arc et ton carquois !

La jeune elfe resta coi tant elle eut l'impression qu'on lui avait planté une dague dans le cœur. Non seulement elle comprenait que ses armes de prédilections allaient lui être confisqués mais elle savait que cela signifiait plus d'aventures pour elle. Il ne lui laissa que son couteau de chasse mais même avec ça en main, elle ne serait à peine plus dangereuse qu'un enfant avec un bâton. Elle céda devant l'insistance de son père et lui donna ses armes le cœur lourd. Elle aurait refusé, son père les lui aurait pris de force et elle savait qu'elle ne serait pas de taille.

— Maintenant, je veux que toi et ton Sabre-de-nuit retournez à Teldrassil et que vous y restez jusqu'à nouvel ordre, lui ordonna le druide. Tu y rentreras par le prochain bateau . Et ne t'avises pas de me désobéir une fois de plus. Figure-toi que je connais Kalimdor comme le dos de ma main, alors je saurais te retrouver si t'y retournes sans mon accord.


Assise sur le ponton en attendant le voilier qui la ramènerait à la maison, Gahahli pestait contre son père. Qu'elle se faisait réprimander pour sa mauvaise conduite, elle pouvait l'accepter, elle en avait même l'habitude. Mais voir ses armes confisqués et être consigné chez elle, c'était trop pour elle. D'autant que Fyrvas aurait pu l'accompagner, ne serait-ce que pour s'assurer qu'elle ne fasse pas de détour pour fuir sa punition, mais ce dernier avait préféré aller retourner voir ses confrères avec les champignons qu'il avait gardé pour mener une enquête sur l'intérêt soudain des nagas pour les champignons toxiques.

Et "jusqu'à nouvel ordre", qu'est ce que cela voulait dire ? Que la jeune elfe devrait encore attendre avant de prouver sa valeur ? Et attendre quoi, au juste ? Qu'elle soit reconnue comme étant adulte, donc assez mature pour prendre les armes et partir à l'aventure sans se mettre bêtement en danger ? Qu'elle soit assez prête pour défendre ce qui restait de sa patrie sans risquer la mort pour autant ? Cela pouvait prendre des décennies, voire des siècles, avant qu'elle ne soit jugée assez mûre pour reprendre les armes. Et rien ne certifierait qu'il resterait quoi que ce soit à protéger et défendre d'ici là. D'autant que les elfes ayant perdu leur immortalité, la vieillesse les guettait. Gahahli ne serait plus autant dans la fleur de l'âge quand elle sera autorisé à revenir sur le continent qui l'avait vu naître.

Elle jeta son regard sur Teldrassil dont la silhouette se dessinait à l'horizon. Dire que ce nouvel Arbre-Monde n'avait pas plus de quatre ans et pourtant assez gigantesque qu'il était visible depuis Sombrivage. Tellement gigantesque qu'il recouvrait la totalité de l'île sur laquelle il avait été planté. Tellement gigantesque qu'il abritait dans sa frondaison un écosystème similaire à Orneval, ainsi qu'une cité pour les elfes de la nuit, Darnassus.

Depuis la bataille du mont Hyjal, cet arbre — initialement et secrètement le fruit d'une tentative des druides elfes de retrouver leur immortalité — servait de refuge aux survivants de la récente invasion de la Légion Ardente, parmi lesquels Gahahli, son père et son fidèle Sabre-de-nuit. C'était même sur cet arbre que Gahahli avait pu se remettre de ses émotions et perfectionné ses talents d'archère et de chasseresse. Cet arbre qu'elle devait appeler maison prenait maintenant des allures de prison, avec la restriction que venait de lui imposer son père.

Seul Jakua parvenait à distraire la jeune elfe quand il vint frotter sa tête contre elle en ronronnant, geste qu'elle répondit d'une caresse. S'il pouvait se montrer farouche et redoutable face au danger ou dans le feu de l'action, le Sabre-de-nuit n'était pas moins aussi doux qu'un chaton quand il était avec sa maîtresse — ou plutôt sa partenaire, les elfes de la nuit traitant leur bêtes comme d'authentique compagnons plus que comme de vulgaire animaux de compagnie.

Le voilier censé ramené la jeune elfe et son tigre à Teldrassil se fit attendre. À la place, ce fut un navire d'humain qui accosta.

Gahahli n'était pas surprise de la présence d'humains sur ces terres. Depuis leur alliance et leur victoire au mont Hyjal, les elfes et les humains avaient commencé à commercer ensemble. Une alliance que tous les elfes de la nuit, parmi lesquels le père de la jeune elfe, ne voyaient pas d'un très bon œil, restant méfiants envers ces êtres qui avaient débarqués sur leur terre presque en même temps que les orcs.

Gahahli quant à elle était plutôt satisfaite de cette alliance improbable et préférait de loin être ami avec les humains qu'avec les orcs. Car au moins, les humains n'avaient pas volontairement ingurgité du sang de démon pour en devenir leurs esclaves et se transformer en des monstres assoiffés de sang et provoquant un carnage sans nom sur leur passage. Ce qui faisait que même libéré de l'influence des démons (et retrouvé leur habituelle peau verte) et même après apporté leur aide au mont Hyjal, la jeune elfe ne pouvait leur pardonner. Le simple fait que les orcs traitaient Grommash Hurlenfer comme un héros tout en se rappelant que ce fut ce même Grommash qui avait bu en premier le sang du démon et incité ses confrères d'en faire de même, cela faisait hérisser le poil de la jeune elfe. Et ce n'était pas seulement à cause du souvenir qu'elle gardait du dénommé Hurlenfer.

D'autres part, la jeune elfe éprouvait secrètement une fascination pour les humains et rêvait de découvrir le monde d'où ils venaient.

En voyant le bateau accosté et déchargé sa cargaison, elle eut alors une idée. Une idée qui allait fortement déplaire à son père.


Laisser un commentaire ?