Un nouveau monde

Chapitre 3 : Arrivé à bon port

4571 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 12/05/2020 14:15

Une corne de brume retentit à bord de la Bravoure, réveillant Gahahli en sursaut tandis qu'elle dormait dans la cale. Le son fut insupportable pour ses oreilles sensibles qu'elles bourdonnèrent une bonne heure, si bien que la jeune elfe peina à comprendre que la capitaine du navire, une humaine robuste à la peau mate et aux cheveux bruns, venait lui annoncer qu'ils allaient débarquer. Il lui fallut monter sur le pont, malgré le fait qu'il faisait encore jour — même au crépuscule, le soleil était trop brillant pour ses yeux faits pour voir la nuit — pour comprendre que le bateau approchait d'une ville portuaire.

Enfin, après une semaine de voyage en mer qui lui avait paru une éternité, à manger du poisson pour les recracher dès qu'elle se sentait nauséeuse, la jeune elfe et son Sabre-de-nuit arrivèrent à leur destination. Du moins, ce qui se rapprochait le plus de sa destination initial. À la base, elle voulait se rendre à la capitale des humains, une cité nommé "Hurlevent", mais en embarquant, la capitaine lui avait fait comprendre que le port de la cité était encore en construction donc fermé aux navires, que la Bravoure ne pouvait la débarquer qu'au Port de Menethil et qu'elle devrait faire le reste du trajet à pied.

Le principal était qu'ils allaient bientôt retrouver le plancher des vaches après un long et rude en voyage. Même Jakua semblait presser de quitter le rafiot, lui tolérait moins le mal de mer que sa maîtresse.


Le Port de Menethil était une petite ville portuaire, à peine plus grande qu'Auberdine que les passagers avaient quitter une semaine plus tôt, et dont le port était presque aussi grande que la ville en elle-même. Elle tenait sur un îlot et était relié au continent par un pont de pierre. En son centre se tenait un donjon dont Gahahli reconnaissait l'architecture humaine pour en avoir vu au mont Hyjal, et comportait également une forge ainsi qu'une auberge.

Elle comptait bon nombres d'humains et de nains, plus courtauds et barbus, des gardes et des dockers, que l'elfe voulut saluer d'un amical "Ishnu-alah" ainsi que d'un respectueux "Elune-Adore" aux gens qu'elle croisait mais n'eut droit pour réponse qu'à des regards perplexes ou accusateurs, un roulement des yeux dédaigneux ou parfois même un détournement de regard. Elle comprit que ce n'était pas la manière de faire et n'insista pas, décidant de se faire plus discrète.

Elle se sentit de plus en mal à l'aise quand ses oreilles cessèrent de bourdonner, lui faisant entendre les messes basses que s'échangeaient les villageois à son sujet, ainsi qu'à son Sabre-de-nuit qui affichait également un malaise devant la foule.

" C'est une de ses elfes sauvages qui ne sortent que la nuit " entendit-elle.

" Vous avez vu ses cheveux ? Je vous dis, ce n'est pas naturel cette couleur. "

" Et ses yeux qui brillent ! Est-ce qu'au moins elle a des iris ? "

" Moi qui trouvaient que les hauts-elfes étaient... bizarres."

" Elle a l'air bien cruche, vous ne trouvez pas ? "

" Elle fait surtout très négligée."

" Vous avez vu cette espèce de tigre qu'elle promène tel un chien ? "

" Il parait qu'ils peuvent se changer en animal quand ils veulent."

" Vous croyez que le tigre qui l'accompagne serait son petit copain ? "

" J'en ai croisé un en fuyant Lordearon, il avait des bois de cerfs qui lui sortait de la tête. Vous croyez que ces elfes sont comme les cerfs ? "

La jeune elfe fit de son mieux pour ne pas prêter attention aux ragots et se dirigea vers une vendeuse d'arcs. Si elle devait parcourir ce nouveau continent à pied, il était impératif pour elle qu'elle ait une arme pour se défendre, et une bien plus efficace qu'un vulgaire couteau de chasse. Elle vida sa bourse, comptant les pièces d'argent qui lui restait. Elle était plutôt contente d'en avoir eu à sa disposition quand elle avait pris le bateau, sans lesquels elle n'aurait pu entreprendre son périple. Mais le trajet en bateau lui avait déjà coûté un bras et elle commençait à être court. Elle prit alors ce que la vendeuse avait de moins cher en stock et se retrouva un arc rudimentaire et un lot de flèches tout aussi grossières. Certes, son nouvel attirail faisait pâle figure comparé à ce qu'il se faisait chez elle, mais Gahahli devrait s'en contenter pour le moment. Au moins, à défaut de pouvoir se payer un repas complet, elle aurait ce qu'il fallait pour chasser quand elle aurait faim. Elle devrait juste à faire attention à ne pas gaspiller ses flèches.


Voyant qu'il lui restait finalement assez d'argent pour se payer une boisson, elle prit la direction de l'auberge, se disant qu'elle aurait bien mérité de quoi s'hydrater après un si long et éprouvant voyage en mer. Elle y sentit une chaleur plutôt agréable provenant du foyer quand elle entra dans la salle et ne tarda pas à constater que l'endroit était bondé.

Elle chercha une place où s'assoir quand l'aubergiste, un nain chauve et doté d'une barbe noire plutôt élégante, l'interpella :

— Désolé, petite dame, mais les animaux sont interdits dans l'établissement. On accepte que les chats et pas les gros gabarit.

La jeune elfe comprit vite qu'elle faisait allusion à son Sabre-de-nuit, et voyant tout les regards accusateurs fixés sur elle, elle comprit également qu'il était vain de discuter.

— Je suis désolée, Jakua, dit-elle à son tigre, mais il va falloir que tu m'attendes dehors. Ne mords personne et ne vas pas embêter les chevaux.

Elle perçut de la déception dans le regard du tigre mais aussi de l'acceptation. Il allait devoir se priver de la douche chaleur d'un feu dans l'âtre mais d'un autre côté, il n'aurait peut-être pas supporté la présence d'autant de monde dans un lieu aussi restreint. Il fit donc demi-tour et quitta l'auberge.

— Il ne faut pas m'en vouloir mais c'est le règlement, s'expliqua l'aubergiste. Et je ne peux pas faire d'exception. Vous désirez passer la nuit ici ?

— Non, juste à boire, répondit tristement Gahahli. Et un bol de lait pour mon... "gros chat".

Encore une fois, elle choisit ce qu'il y avait de moins cher, à savoir un jus de melon, et régla vite son addition. La voilà à court de pièces d'argent, elle ne restait plus que du cuivre.

Elle alla s'installer à une petite table en bois dans un coin de la salle pour attendre sa commande, où se tenait déjà un humain et un nain aux regards sévère.

— Ha, il fait bon, ce soir, vous ne trouvez pas ? dit-elle à ses nouveaux camarades qui la dévisagèrent d'un air méprisant avant de s'échanger un regard.

— Tu sais quoi ? dit l'humain en se levant et empoignant sa chopine. Je vais vider ma chope près de la cheminée.

— Je te suis, répondit le nain en l'imitant, laissant Gahahli seule et plutôt déconcertée.


Elle reporta son attention sur un gnome se tenant sur une balustrade en bois à l'autre bout de la salle et qui semblait attiré l'attention de toute la clientèle. Avec sa robe grisâtre et rapiécé, ses cheveux bleus ciel en bataille et sa barbe mal-entretenu, il avait l'air encore plus négligé que la jeune elfe.

En lui prêtant une oreille attentive, elle comprit que le gnome était en train de narré la fois où sa ville avait été assiégé par une armée de morts-vivants menée par une liche ainsi qu'un chevalier noir que tout le monde dans l'auberge (à l'exception de Gahahli) reconnaissait comme un certain prince renégat.

— Aussitôt que l'archimage Antonidas fut tombé, nous fûmes contraint d'abandonner Dalaran, raconta le gnome de sa voix fluette. Mais moi et mes confrères restant refusions de nous enfuir comme des lâches ou même de laisser notre chère cité en de si vilaines mains. Nous traquâmes les assassins d'Antonidas jusqu'à une colline surplombant la cité dans l'espoir de venger la mort de notre bien-aimé archimage. Nous exterminâmes tous les morts-vivants qui nous barraient la route mais quand nous arrivâmes à la colline, il était trop tard. La liche avait commencé son invocation et des démons vinrent grossir les rangs de nos ennemis. Ce fut d'abord de monstrueux chiens sans yeux qui nous pompèrent le mana de mes confrères, les privant ainsi de leur pouvoirs, avant de les déchiqueter en pièces. Puis des météorites tombèrent du ciel par centaine pour s'écraser un peu partout dans la région et donner naissance à des géants de pierres et de flammes vertes qui vinrent semer le chaos.

" Je parvins tant bien que mal à me cacher des assaillants, mais le désespoir me guettait quand je réalisais que tous mes compagnons avaient péri.

Gahahli fut captivé par le récit du gnome dès l'instant où elle reconnaissait via leur description les démons qui avaient ravagé sa forêt natale, les gangrechiens et les infernaux tels qu'ils se faisaient appeler. Elle eut des frissons rien qu'en les revoyant dans sa tête, et elle senti une pointe de sympathie quand elle entendit le gnome parler de la perte de ses confrères ainsi de ses sentiments de solitude et de désespoir. Elle tendit l'oreille pour connaître la suite.

— Et puis je le vis, continua le gnome. Un colosse qui aurait fait passer le plus grand des humains pour un tout jeune gnome. La peau bleu-grisâtre, les sabots aux pieds, le front protubérant, une paire de tentacules au menton, les yeux cruels brillant du même éclat que les flammes propagés par les démons. C'était leur grand patron. Archimonde, qu'il s'appelait (la jeune elfe fut à nouveau parcouru de frissons à la simple mention de ce nom).

" La prochaine chose qu'il fut à peine avait-il posé le pied sur notre sol, c'était de détruire Dalaran à lui tout seul. Et à distance. D'un simple geste de sa main griffu. Et je vous l'affirme sans honte, messieurs-dames, quelque chose s'était brisé en moi quand je voyais ce qui avait été mon chez moi pendant une vingtaine d'années tombait en ruines tel un vulgaire château de cartes.

" Et puis ce fut un sentiment de révolte qui s'empara de moi. Je pris mon courage à deux mains, je sortis de ma cachette et défia le démon en lui lâchant un "HÉ, GROS LARD ! ÇA TE TUERAIS DE T'EN PRENDRE À QUELQU'UN DE TA TAILLE ?". Il tourna sa sale bobine vers moi, ricanant, et tendit sa main griffu vers moi pour m'attraper. Ni une ni deux, je lui envoyai une de mes plus belles boules de feu dans la paume et à ma grand surprise, je parvins à le toucher. Qui l'eut un cri qu'un tel géant serait aussi sensible aux flammes d'un si modeste mage tel que moi. En tout cas, il n'avait pas l'air d'aimer de ce faire ridiculiser par ce qu'il aurait été une fourmi à ses yeux. Il créa à son tour une boule de flamme vertes dans son autre main, prêt à me l'envoyer sur la gueule. Mais je fus bien plus rapide que lui. Je désamorça son attaque en lui envoyant une seconde boule de feu dans la sienne qui explosa et lui brûla le bras entier. Il me lança un regard noir... et je lui répondit d'une troisième boule de feu dans l'œil. Pensant l'avoir bien éborgné, je réussis à me faufiler entre ses jambes et en profita pour lui tirer une quatrième dans... vous savez quoi. Il a crié comme une fillette, le colosse !

Gahahli pouffa de rire en imaginant le démon se tenir les parties en émettant le son le plus aigu qui pouvait sortir. Elle aurait donné n'importe quoi pour voir un tel spectacle, surtout si ça pouvait résoudre ses problèmes de cauchemars qu'elle avait eu quatre ans plus tôt.

— Et c'est quand que tu lui infliges le coup de grâce à Archi-machin ? interrogea un des consommateurs d'un ton désabusé.

— C'est que je m'apprêtais à faire quand il se retrouvait à terre, après le coup que je lui avais infligé, répondit prestement le gnome sur la défensive. Mais tous les démons et les morts-vivants environnant avaient commencé à rappliquer. Je me retrouvai alors encerclé et il me restait assez de mana pour me téléporter le plus loin possible de cet enfer. Alors je vous laisse deviner la suite.

Un torrent de huées et de protestations ébranla l'auberge, laissa à peine le gnome placer un mot pour sa défensive.

— Tu avais assez de puissance de feu pour mettre en difficulté un démon grand comme un château fort et tu n'en a pas profité ? s'indigna à des consommateurs. Tu parles d'un héros !

— Tu l'avais à ta merci ! lui reprocha un autre. Tu aurais pu stoppé l'invasion avant qu'elle ne commence !

— Tu aurais pu sauver le monde à toi tout seul, ajouta un troisième, mais tu as préféré te défiler pour sauver ta vie ! Égoïste ! Lâche !

— Et qui nous dit que ce n'est pas des bobards, ce que tu nous a raconté là ? interrogea un quatrième. Que tu as vraiment affronté Archimonde à toi tout seul et surtout que t'aies pu t'en échapper ?

Voyant le gnome en difficulté face aux huées incessantes dont il était la cible, Gahahli se sentit obligée d'intervenir.

— Vous pouvez lui laisser tranquille, par Elune ! cria-t-elle en se levant de sa chaise

Elle se sentit de nouveau mal à l'aise en voyant tous les regards se reporter sur elle. Même le gnome la dévisageait d'un air intrigué.

— Je veux dire... ça révèle de l'exploit d'affronter un ennemi comme Archimonde seul à seul et en sortir vivant, s'expliqua la jeune elfe en se rasseyant et cherchant ses mots. Là où une alliance de mon peuple avec des humains et des (elle afficha une grimace qui en disait long) orcs peinait à ralentir sa progression vers l'Arbre-monde sans risquer leur vies. Ou en sacrifier quelques unes. Et puis soyons honnêtes... on n'aurait pas fait mieux dans sa situation...

La jeune elfe à cours d'arguments se tût. En guise de réponse, elle eut droit à des réactions certes moins violentes que n'en avait reçu le gnome à l'instant, mais pas moins glaciales. Des haussements d'épaules, des roulements des yeux, des regards réprobateurs et encore des ragots à son sujet.

— T'as vu ça, frangin ? Ça débarque il y a pas cinq minutes et ça se permet de nous faire la leçon.

— Ha, les elfes et leur arrogance ! Quelle plaie que le Fléau et la Légion ne nous en aient pas débarrassé pour de bons.

Décidément, la jeune elfe ne se sentait pas du tout bien accueilli chez les nouveaux alliés de son peuple, elle qui espérait s'y faire des amis.

Elle chercha des yeux le gnome conteur, mais celui avait dût s'éclipser pendant que toute la salle s'était focaliser sur elle. Dommage, elle aurait aimé en savoir plus sur ce curieux personnage.


L'aubergiste lui apporta finalement le verre du jus de melon et le bol de lait qu'elle avait commandé.

— Au fait, c'était courageux de votre part, ce que vous avez fait à l'instant, lui dit-il. Mais ne vous y fiez pas trop. Je le connais, ce gnome, c'est un vagabond et il est souvent de passage dans le coin. Ce n'est pas un mauvais gars mais il a tendance à enjoliver ses récits d'aventures. Et entre nous, le seul exploit dont j'ai été témoin venant de lui, ça a été de nous débarrasser de la vermine murloc.

— J'aurais une question, demanda prestement Gahahli tant quelqu'un de pas trop désagréable sous la main. Pour me rendre à "Hurle-vent", je fais comment ?

— Hurleve... Houlà, ma petite dame ! Ce n'est pas du tout la porte à côté ! Et encore, vous avez de grandes jambes, vous au moins.

— C'est si loin que ça ?

— Ah bah ouais ! Vous-z-êtes même pas dans le bon royaume ! Après ce n'est pas compliqué, vous avez juste à suivre la route qui part du port pour vous rendre au Loch Modan puis vous prenez la direction du Dun Morogh, et je vous conseille de bien vous couvrir car il y fait très froid, et vous vous rendez à Forgefer. Là-bas, vous allez au quartier des gnomes et enfin vous prenez le Tram des Profondeurs, vous arriverez à votre destination en un rien de temps.

— Je... je tâcherai de retenir tout ça, dit l'elfe peu sûre d'elle.

— Aussi, un dernier conseil, ajouta l'aubergiste. Quoi qu'il arrive, ne vous écartez jamais de la route.


Après avoir vidé son verre et apporté son lait au Sabre-de-nuit, Gahahli songea qu'il n'allait pas s'attarder davantage dans cette ville portuaire à peine plus accueillante que la grotte aux nagas et décida de reprendre la route tant qu'il faisait encore nuit. Tant que ses yeux ne seraient pas habitués à la lumière du jour, c'était beaucoup plus aisée pour elle de voyager ainsi. Surtout que la nuit était d'ailleurs dégagée et éclairée par un magnifique croissant de lune, et cela lui suffisait pour voir sans être gêné par l'obscurité.

Ils traversèrent le pont et s'aventurèrent dans un gigantesque marécage d'où la jeune elfe pouvait entendre des grenouilles chanter mais percevait également les yeux brillants des crocolisques qui l'épiaient depuis leur étangs. Tout en restant sur le chemin comme le lui avait suggéré l'aubergiste, la jeune elfe pressa le pas, Jakua sur ses talons, pour s'éloigner au plus vite des marécages, n'ayant pas très envie de se frotter aux reptiles. Malgré leur présence et le chant des grenouilles, l'endroit était relativement paisible, quoi qu'un peu humide pour la jeune elfe.

Ils atteignirent un croisement au bord duquel étaient planté trois panneaux, l'un d'eux devant indiqué le Port de Menethil. Bien qu'on lui ait dit qu'elle n'avait qu'à suivre la route, elle voulait s'assurer qu'elle ne se trompait pas de chemin et qu'elle se rendait bien vers un des lieux mentionnés par l'aubergiste. Si elle n'avait aucun problème à retrouver son chemin sans l'aide d'une carte quand elle était à Orneval, à Sombrivage ou à Teldrassil, il pouvait tout de même lui arriver de se perdre quand elle s'aventurait en terrain encore inconnu. Mais malgré son excellente vision nocturne lui permettant même dans la nuit sans l'aide d'une torche ou d'une bougie, elle ne parvenait pas à déchiffrer les panneaux dont l'écriture lui était étranger. Elle aurait besoin d'un traducteur.

Jakua se mit soudain à renifler les alentours. Sans doute avait-il senti quelque chose. Peut-être un danger. L'elfe balaya le paysage du regard à la recherche du moindre signe d'hostilité.

Et puis sans crier gare, le Sabre-de-nuit sorti du chemin à toute bride et disparut dans les hautes herbes.

— Jakua, non ! cria l'elfe en se lançant à la poursuite de son tigre. Il ne faut pas qu'on s'éloigne de la route ! Reviens !

Malheureusement, une fois lancé, le Sabre-de-nuit était trop rapide pour l'elfe de la nuit qui peinait à le suivre à travers la broussaille et finit par le perdre de vue. Puis elle entendit au loin un rugissement nerveux et elle accéléra le pas, son cœur battant la chamade. Il avait dû lui arriver quelque chose de fâcheux, elle en avait la certitude. À tous les coups, il avait dû tombé dans un piège dans lequel seul un tigre pourrait tomber. Sans vouloir se l'avouer, la jeune elfe comprit ce que son père ressentait quand il devait la tirer d'un mauvais pas tel que son récent incident avec les nagas.

Quand elle retrouva enfin son compagnon, elle crût que son cœur allait lâcher. Jakua était pris dans un filet, nargué par deux orcs à la peau noir-grisâtre dont agitait un morceau de viande devant le museau de l'animal, le morceau planté sur un pic ayant servi d'appât.

— J'ignore d'où vient ce tigre, dit l'un d'eux d'un air moqueur, mais il ferait une belle descente de lit.

Ni une ni deux, Gahahli sortit son arc et une flèche et pointa son arme sur les orcs.

— Relâchez-le, ordonna-t-elle menaçante. Ou je vous transperce le crâne d'une flèche. Tout les deux !

Les deux orcs ricanèrent. Si l'elfe ne s'écoutait, elle aurait fait déjà passé l'envie de rire d'un flèche dans le gosier.

— Tu crois vraiment nous impressionner avec ton jouet, petite ? dit l'un d'entre eux d'un ton sarcastique.

— Je vous préviens ! leur répondit l'elfe dont la voix trahissait de la terreur et du malaise, étant pour la première fois en confrontation direct avec des orcs. Je ne plaisante pas ! Je sais où tirer !

— Tu n'es pas en position de force, lui fit remarquer le second. Regarde autour de toi.

Gahahli pensait qu'il bluffait mais en autre ricanement sur le côté attira son attention et elle vit d'autres orcs à l'air vicieux sortir de la broussaille. Elle réalisa très vite qu'elle était encerclée à une contre une douzaine d'assaillants et eut l'impression d'être à nouveau dans la grotte avec les nagas. Et le pire était que cette fois, son père ne pourrait la sauver. Un océan les séparait et la jeune elfe s'était rendu sur l'autre continent car elle savait que son père aurait beaucoup plus de mal à la retrouver que sur Kalimdor, pour peu qu'il se soit rendu compte que sa fille avait de nouveau fugué. La jeune elfe se sentit plus désemparé que jamais. Elle avait tout ce chemin pour se retrouver à la merci d'orcs noirs au regards pervers, avant qu'elle n'ait eu l'occasion d'en apprendre plus sur ce nouveau continent.


— Hé les moches ! s'écria une voix fluette que l'elfe reconnut.

Les orcs tournèrent leur attention vers la provenance de la voix qui les interpellait, le gnome de l'auberge.

— Vous n'avez pas honte ? À douze contre une jeune femme elfe ?

— De quoi tu te mêles, le nabot ? protesta un des orcs qui s'avança vers le gnome d'un pas menaçant. Va jouer ailleurs si tu ne veux pas...

L'orc n'eut pas le temps de finir sa phrase qu'il se prit une déflagration dans la tronche, le faisant tomber à la renverse et hurler de douleur tandis qu'il tenait son visage encore fumant dans ses mains. De la fumée émanait des paumes du gnome défiant du regard le reste de l'assemblée.

Les autres orcs chargèrent sur le gnome qui se défendit à coup de boules de feu dans le torse, l'abdomen ou encore l'entrejambe, ce qui faisait hurler d'une voix plus aiguë qu'a l'accoutumée les orcs touchés à cette partie du corps.

Gahahli voulut profiter du chaos provoqué par le gnome pour agir quand un des orcs l'étreignit d'un bras si fort qu'il manqua de l'étouffer et plaqua son autre main sur sa bouche pour l'empêcher de crier.

— Si tu crois pouvoir t'en tirer comme ça, lui murmura-t-il à l'oreille d'un ton menaçant, tu te mets le doigt dans l'œil jusqu'au coude.

La jeune elfe parvint toutefois à libéré sa mâchoire supérieur et mordit la main de son agresseur jusqu'au sang. Puis enchaîna avec un vif coup de coude dans les intestins.

Une fois libérée de son entreinte, elle se précipita vers son Sabre-de-nuit toujours pris dans son filet et coupa les liens avec son couteau de chasse. Aussitôt libéré à son tour, le tigre se jeta sur un des orcs qui l'avait capturé et lui brisa la nuque en lui tenant fermement la tête dans ses mâchoires.

Le dernier orc encore debout se tint derrière le gnome essoufflé de sa rafale de boules de feu et brandit sa masse au dessus de lui, prêt à lui fracasser le crâne, quand une flèche tirée par l'elfe lui transperca la gorge, l'arrêtant dans son élan.

Les orcs restant encore vivants battirent en retraite et s'enfuirent en titubant , laissant leur compagnons morts ou mourant.

Gahahli avait les jambes qui tremblait, elle venait de tuer son premier orc. Elle jeta un œil à son Sabre-de-nuit en train d'engloutir la viande qui l'avait attiré dans le piège.

— Quand je pense que ta gourmandise à failli nous coûter la vie, ventre à pattes, lui lança l'elfe sur un ton de reproche.


— Hé, dame elfe ! l'interpella le gnome ayant repris son souffle. Bien visé !

La jeune elfe fut sur le point de lui répondre d'un "merci" quand elle réalisa que c'était la première fois qu'on lui faisait un compliment sur ses talents d'archère.

— M-merci d'être venu à mon secours, monsieur gnome, dit-elle un peu gênée.

— Allons, vous pouvez m'appeler Baelbo, lui répondit le gnome courtoisement. Et puis je vous devais bien ça, après avoir défendu mon honneur à l'auberge. À propos, que faisiez vous dehors à une heure pareille ? Vous non plus vous n'aviez pas les moyens de vous payer une chambre à l'auberge ?

— Non... Enfin si, c'est vrai que je suis un peu à court. Mais en vrai, je suis en route pour Hurlevent.

— Hurlevent ? s'exclama Baelbo. Whoah ! C'est que vous êtes courageuse !

Curieusement, l'elfe s'attendait à ce qu'elle se faisait traiter d'inconsciente, d'insensée ou encore d'écervelée comme elle en avait l'habitude. Une fois de plus, ce fut la première fois depuis cinq ans qu'on la disait courageuse.

— Mais sérieusement, reprit le gnome, vous comptiez faire tout le chemin à pied ?

— Comment voulez vous que je m'y rende autrement ? rétorqua l'elfe sur la défensive.

Baelbo n'eut pas le temps de lui répondre qu'ils entendirent au lin des cris d'orcs. Apparemment, ceux qui avait survécu à là confrontation venaient de rameuter tous le clan, vu qu'il y en avait une cinquantaine qui chargeaient à toute vitesse, là plupart des orcs étant montés sur des drakes rouges.

Gahahli craignit ne pas avoir assez de flèches pour les tenir à distance et que son nouvel ami allait à nouveau toute son énergie pour les repousser. Elle songea à fuir mais les drakes les rattraperaient en un rien de temps à en juger leur vitesse de vol.

Baelbo cependant ne semblait pas du tout affolé.

— Surtout, restez bien à l'intérieur du cercle, vous et votre tigre, leur recommanda le gnome d'un ton grave tandis qu'une lueur blanchâtre émana des paumes de ses mains.

La jeune elfe eut a peine le temps de demander de quel cercle le gnome faisait allusion quand elle vit un apparaitre au sol. Un large cercle brillant de la meme lueur que les mains du gnome et constitué de runes qui encerclait le trio.

Les drakes commencèrent à fondre sur leurs cibles, les flammes débordantes de leur gueule quand le trio fut enveloppé d'une lumière tellement éblouissante qu'elle manqua d'aveugler l'elfe.

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