Un nouveau monde

Chapitre 15 : La taverne du Corbeau écarlate

3687 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 10/08/2020 23:40

Arrivés à Sombre-comté, petit village guère plus chaleureux que la forêt qui l'abritait, ce fut Jakua qui vint accueillir le groupe. Plus particulièrement sa maîtresse pour lequel le Sabre-de-nuit avait dû se faire des soucis et qu'il ne manqua pas de léchouiller pourtant témoigner sa joie de la revoir vivante et un seul morceau.

Puis ce fut l'aubergiste de la taverne du Corbeau éclarte, une femme d'âge mûr à la peau mate, qui se ravit du retour des aventuriers, ravie d'avoir des clients à servir et héberger, l'auberge tout comme le village étant de moins en moins fréquenté depuis l'expansion des worgens et des morts-vivants dans les alentours. Elle fut tellement enchantée qu'exceptionnellement, elle accepta la présence du Sabre-de-nuit dans son établissement à condition qu'il se tienne à carreau.

Près du foyer, une table débordant de victuailles, comprenant viandes, pains et fromages, attendaient les aventuriers quand ils entrèrent dans l'auberge.

— Cela a l'air appétissant, commenta poliment Gahahli.

— Attendez de goûter nos spécialités, lui répondit l'aubergiste. La tourte d'araignée fondante et le kebab de loup assaisonnée.

Curieusement, l'elfe de la nuit eut plus envie de la tourte aux araignées qu'à une brochette de loup.


Bien le repas fut que plus rustique, la réception ne fut pas sans rappeler le banquet auquel ils avaient été convié par la cour royale en remerciement de leur exploit contre les Défias récemment. La jeune elfe se souvenait avoir goûté à son premier vin et qu'elle y avait aussitôt pris goût. Si bien qu'elle s'était permise de s'enivrer pour la soirée.

Elle se souvenait également avoir été approchée par cette étrange femme habillée ne pourpre, Dame Katrana Prestor, qui après s'être excusée auprès d'elle pour son attitude un peu rustre pendant que l'enfant-roi distribuait des médailles à son groupe, lui avait fait parlé de son parcours et ce qui l'avait conduit jusqu'à Hurlevent. Elle en avait fait de même avec Baelbo avec lequel la jeune elfe avait été voisin de table, et leur avait assuré qu'elle voyait en eux un "certain potentiel", qu'ils pourraient être les héros qu'Hurlevent, si ce n'était l'Alliance, attendait depuis les événements qui avaient ébranler tout Azeroth durant la Troisième Guerre. Qu'elles les voyait à l'image des héros dont les statues trônaient à l'entrée de la cité, ce qui n'avait pas manqué de flatter la jeune elfe et son ami gnome.


Ils furent servi en milieu de repas avec de la bière par une serveuse qui ne put s'empêcher de faire de l'œil au paladin.

Batël reconnu la bière comme étant de la Tonnebière.

— Vous m'en direz des nouvelles, les p'tits gars, dit-il avant de lever sa choppe. À nous, petite équipe de bras-cassés !

— À la gloire qui nous attend ! déclara Bartélo en levant à son tour sa choppe.

— Et à la fortune ! l'imita Baelbo.

— Et tor ilisar'thera'nal ! clama à son tour Gahahli en les imitant.

Ses compagnons la dévisagèrent d'un regard incrédule.

— Ça veut dire "que nos ennemis prennent garde" dans ma langue natale, s'empressa de leur expliquer l'elfe confuse.

— Ah ça, pour prendre garde, ils vont prendre garde, ceux qui nous attendent de main, répondit sobrement le nain en levant sa choppe à ses lèvres.

Voyant ses compagnons se rincer goulûment le gosier en vidant leur choppe, Gahahli se senti obliger de les imiter et de goûter à sa première bière. Et à la première gorgée seulement, elle eut envie de recracher tellement elle n'en supportait pas la saveur. Autant elle appréciait le vin, autant le goût de la bière était trop âpre pour son palais. Elle se força toutefois à avaler sa première gorgée afin de ne pas vexer l'aubergiste ou faire honte à ses compagnons qui eux semblaient apprécier la bière, quitte à avoir la gorge en feu.


— ... Les morts-vivants, soupira le nain en contemplant la choppe qu'il vient de vider cul-sec. Ah qu'ils nous ont pas loupé, il y a cinq ans, ces salopiots.

— Vous... Vous l'avez vécu comment, la Troisième Guerre ? osa demander Bartélo.

— Ah, j'attendais qu'on me pose la question ! s'exclama le nain en servant une nouvelle choppe de bière. Et préparez vos mouchoirs car ce n'est une histoire très rigolote. Ça avait pourtant bien commencé. Mon fils aîné, Baïn, et moi patrouillions à travers Khaz Modan, traquant les orcs, trolls et autres bandits qui sévissaient la région. Quant à mon second fils, Daïn, il avait rejoint Muradin pour une expédition dans le continent glacé du Norfendre en tant que fusilier.

— Pardon,mais qui est Muradin ? demanda Gahahli.

— Muradin Barbe-de-Bronze, lui répondit Baelbo. Le jeune frère disparu du roi de Forgefer.

— Et une légende vivante, à l'époque, ajouta Batël d'un ton nostalgique. Daïn était plus qu'honoré d'explorer le monde à ses côtés.

— Et il n'est jamais revenu de cette expédition ? devina le paladin.

— Ni lui, ni Muradin, ni aucun de l'expédition, confirma tristement le nain en vidant le contenu de sa choppe avant de la remplir à nouveau.

— Le Fléau mort-vivant leur a fait leur fête ? devina à son tour le gnome.

— Si ce n'est pas le Fléau, ça ne peut être que ce félon d'Arthas, pesta Batël.

— Excusez moi à nouveau, mais qui est ce Arthas ? demanda à nouveau l'elfe de la nuit.

— Décidément, il faut tout t'apprendre, petite ! s'emporta le nain.

— C'était le prince héritier de Lordearon, expliqua Bartélo. Et un paladin, de surcroît. Autant dire un symbole d'espoir pour l'humanité à l'époque.

— D'après ce qu'on dit, il aurait commencé à perdre la raison quand le Fléau est venu infester son royaume, expliqua à son tour Baelbo. Puis il est parti avec ses hommes pour le Norfendre combattre le Mal à sa source. Il serait le seul à revenir vivant de sa croisade.

— Pour achever ce qu'avait commencé ce même Mal qu'il avait juré d'annihiler, pesta le paladin en tapant du poing sur la table.

— En clair, il a zigouillé tout le monde à son retour du Norfendre, clarifia le gnome. Y compris son propre peuple.

— C'est horrible ! s'exclama Gahahli. Mais pourquoi aurait-il fait une telle ch... ?

— Chaque chose en son temps, gamine ! l'interrompit Batël qui s'impatientait de reprendre son histoire. Et de toutes façons, les Titans seuls savent quelle folie a pu lui traverser l'esprit quand il combattait le Fléau au Norfendre.

— Et... vous pensez qu'il aurait quelque chose à voir avec la disparition de votre fils ? demanda à nouveau l'elfe. Ou même de toute l'expédition naine.

— Oh il y a des chances ! répondit sèchement le nain. Si j'en crois sa dernière lettre qui m'est parvenu depuis le Norfendre, indiquant qu'ils avaient été rejoint par le prince et ses troupes. Et puis plus rien, si ce n'est des rumeurs comme quoi ils seraient tous fait baisés, humains et nains, par ce traître de prince tandis qu'il réduisait son propre royaume à feu et à sang. Des rumeurs qui sont tout de même parvenus jusqu'à Forgefer. Et pour ne rien vous cacher, j'ai été atterré à l'idée qu'un de mes fils ait pu périr dans une contrée aussi éloignée et de la main de celui qui avait été considéré à l'époque comme l'espoir de l'humanité et de l'Alliance. En fait, toute notre famille l'a été.

— Je... suis désolée, dit l'elfe de la nuit.

— Et t'as pas fini de l'être, gamine, car ce n'est que le début, lui répondit le nain en versant à nouveau de la bière dans sa choppe. Vois-tu, ce fut au tour de mon fils aîné, mon héritier au titre de thane, de partir venir en aide aux rescapés de Lordaeron. C'était un idéaliste qui croyait dur comme fer en l'Alliance et ne supportait pas l'idée de laisser des innocents, fussent-ils d'une autre race que les nains, souffrir de la folie d'un prince renégat. Ouais, il avait l'inaction en horreur. Il partit donc pour Lordaeron en ruine, sans attendre que Forgefer ne rassemble ses troupes pour affronter la menace grandissante des morts-vivants, et s'était juré que si par malheur se croisait la route du prince, il ne manquera pas de lui faire venger pour ce quoi qu'il ait pu faire à son petit frère.

— Et c'est ce qui s'est passé ? demanda le paladin. Il a croisé la route d'Arthas et a péri de sa lame ?

— J'aurais préféré, répondit amèrement Batël. Quand j'ai rejoint avec mes troupes les rescapés de l'Alliance ayant formé une résistance contre le Fléau, j'ai appris que Baïn avait subi la trahison de... une autre race que je croyais être mes alliés.

La jeune elfe hésita à demander de quel race le nain faisait allusion, de peur de se faire à nouveau rembarrer pour son ignorance, et se contenta d'imiter le regard entendu de ses compagnons et d'afficher au nain ses condoléances.

— Et cette résistance ? interrogea le gnome. J'imagine qu'elle ne fut pas une réussite ?

— Un échec ! confirma le nain. Un effroyable échec ! Un désastre sans non ! Le pire que l'Alliance ait pu subir depuis sa création ! Et même avec le recul, je ne vois pas comment on aurait pu éviter un tel revers. Rien que le type qui dirigeait la résistance, un humain soi-disant maréchal du nom de Gary Toss ou un truc dans le genre dont je n'ai jamais entendu parler des exploits ou quoi que ce soit qui lui vaut un tel titre, ce fut de loin le pire trou-du-cul qui m'ait été donné de rencontrer. Je vous jure ! À peine mes troupes et moi-même avons rejoint la résistance, pas un bonjour, pas un merci d'être venu. Juste un "vous êtes en retard" suivis de réprimandes et des réflexions désobligeantes que je ne me serais jamais permis de faire, pas même à un murloc. Et c'est de lui que j'ai appris que j'ai appris ce qu'il était advenu à mon fils. Aucun tact ! Mais genre, il en avait rien à cirer et insinuait même qu'il n'avait que ce qu'il méritait ou que j'aurais foiré son éducation.

"Et pour ce qui était de sa stratégie militaire, on en reparlera ! J'ai connu des types plus bourrés que moi qui avaient une meilleure stratégie militaires que ce mec. Lui, il avait insisté pour que mes troupes seules reprennent une forteresse tombée aux mains du Fléau. J'avais beau lui expliquer que nous n'étions pas assez nombreux pour reprendre la forteresse, qu'on avait pas la moitié des moyens requis, que ça allait être une mission suicide et qu'il allait perdre des hommes pour rien, il refusait d'entendre, cette tête de mule. Limite, ça lui était égal de nous envoyer au casse-pipe. Même le fait que je sois endeuillé par la perte de mon fils aîné, donc peut-être en état de mener une telle opération avec succès, le mec n'en avait rien à battre. Même si ça nous conduisait à une mort aussi certaine qu'inutile, il fallait lui obéir au doigt et à l'œil ou il nous faisait tous passer en cour martiale.

En écoutant le nain, Gahahli n'y entendait goutte. Le simple fait qu'il parlait d'un humain de l'Alliance dépassait sa compréhension. Un tel individu pouvait-il vraiment exister ?

— Et donc, vous n'avez pas la prendre, cette forteresse ? demanda Bartélo.

— On a même pas pu l'approcher ! répondit le nain. À peine on avait été en vue de la forteresse que nos ennemis nous ont envoyés leurs gargouilles qui ont décimé la moitié de mes hommes. Avant même quand on ait eu le temps d'établir un plan d'attaque. Et l'autre con avait refusé de nous céder des chevaucheurs de griffons ou des gyrocoptères, quand bien même ça aurait été utile pour prendre d'assaut une forteresse situé au milieu d'un lac, sous prétexte qu'il en avait plus besoin que moi pour reprendre la capitale. C'est à se demander pourquoi il tenait à ce que je reprenne cette foutue forteresse si elle n'est même pas prioritaire.

"Du coup refusant de sacrifier ce qui restait de mes hommes pour une mission vouée à l'échec, je reviens au quartier général dire à l'autre demeuré ce que je pense de sa stratégie et... (il se massa les tempes) c'est tellement parti en sucette que j'aurais du mal à vous expliquer. Tout ce que je peux vous dire c'est que pour venir à bout de nos ennemis, Gary machin-chose a jugé bon de conclure "temporairement" avec des morts-vivants soi-disant dissidents, ce qui a marché, on a fini par prendre la capitale en ruine, mais ça s'est aussitôt retourné contre nous. Du coup, on a perdu quand même. On a été Gros-Jean comme devant.

Il y eut un silence de mort dans l'auberge. Personne autour de la table débarrassée de victuailles qui l'avait encombré une heure plus tôt ne semblait croire l'histoire du nain tellement cela semblait ahurissant.

— Alors du coup, j'ai pris avec moi les quelques nains qui avaient survécu à ce revers et on a filé aussi vite qu'on a pu, reprit Batël. On a déclaré la campagne comme étant un échec critique et je peux vous dire que j'avais eu toutes les peines du monde à l'annoncer au roi Magni. Et d'affronter le regard des familles attendant ceux que je n'avais pas pu sauver. Le seul truc positif dans cette histoire, c'est que l'autre demeuré, je n'ai plus jamais entendu parler de lui depuis. Pour dire cette campagne a été un cauchemar. Même pour un vétéran.

— Et ben, mazette ! s'exclama le gnome. Je comprends mieux que vous ayez sombré dans... tenté de noyer votre chagrin.

— Détrompes-toi, Bilbo ! lui rétorqua le nain. Ce n'est même pas ça qui m'a fait sombrer dans l'alcool. Ça, c'est plus dû à la perte de mes deux fils et... une accumulation de problèmes dont je n'ai pas la force de vous parler ce soir.

Il prit une dernière gorgée de bière avant de poser sa choppe pour de bon.


L'aubergiste choisit ce moment pour revenir vers le groupe et leur annoncer :

— Vos chambres sont prêtes ! J'imagine que deux devraient vous suffire mais nous en avons trois de disponibles, dont une avec un lit deux places.

— Ce sera donc une chambre avec un lit individuel pour moi, déclara prestement Batël. Je veux bien partager ma chambre, mais je ne partage pas ma couche, je le dit tout de suite.

— Je prendrais donc la chambre avec le lit double, si cela ne dérange personne, dit à son tour Bartélo.

— Et bien... Non, répondit Baelbo dont la voix laissé transparaître une pointe de dépit. Je n'aurais qu'à dormir avec maître Marteau-de-Bronze.

— J'aime autant te prévenir, p'tit gars, je ronfle, lui dit le nain. Mais tu n'auras qu'à siffler.

— Et sinon, vous avez un emplacement de préférence ? demanda le gnome après un soupir d'exaspération.

— Ben, du moment que je n'ai pas le soleil dans les yeux en me réveillant, répondit le nain.

— Alors, je récapitule, reprit l'aubergiste. Nous avons une chambre à lit séparés pour messires nain et gnome, et une autre à lit double pour le beau jeune homme et... la mignonne aux cheveux bleus, je suppose ?

Sur le moment, Gahahli se sentit très embarrassée, la tête rentrée dans les épaules comme si elle s'était cru être une tortue et fuyant le regard de tout le monde.

— Moi et Lili ? rétorqua le paladin. Ah non-non-non, vous n'y êtes pas du tout ! Je veux dire, oui, elle est mignonne et sympa comme tout mais de là à partager ma couche avec elle. Elle n'est même pas mon genre.

Ces mots eurent l'effet d'un coup de poing dans le ventre pour la jeune elfe. "Mignonne", "sympa" mais "pas son genre". Et le tout dit avec une indifférence proche de la condescendance. Bartélo aurait pu dire qu'elle trouvait l'elfe moche comme un pou ou la traiter d'idiote devant tout le monde, l'effet aurait été pareil.

— Alors pourquoi tiens-tu tant à avoir le lit double ? demanda le nain incrédule.

— Ben je pensais passer une nuit avec une charmante compagnie, oui, mais plutôt avec une humaine, vous voyez ? s'expliqua fébrilement le paladin. Et pourquoi avec une fille de la région, genre...

C'en fut trop pour Gahahli qui se leva furibonde de sa chaise, renversant dans la foulée sa choppe encore rempli de bière qu'elle détestait et se dirigea vers la sortie de l'auberge.

— Attendez-attendez, dame elfe ! intervint l'aubergiste qui semblait vouloir rectifier le tir. Il reste toujours une chambre avec un lit rien que pour vous.

— Est-ce qu'elle ne serait pas adjacente avec la chambre au lit double, par hasard ? demanda l'elfe âprement.

Elle n'eut droit pour toute réponse au regard gêné de l'aubergiste, ainsi qu'à ceux de ces compagnons qui eux n'avait pas bougé de leur chaise. Seul son Sabre-de-nuit s'était relevé de devant la cheminée où il avait passé la soirée allongée.

— Alors non merci ! répondit sèchement l'elfe de la nuit. Je préfère dormir seule "à la belle étoile" parmi les loups et les araignées plutôt que...

Elle n'eut pas la force de sortir les mots qui lui brûlaient la langue et s'en va en claquant la porte de l'établissement.


Gahahli se dirigea vers la fontaine qui trônait au centre du village, juste en face de l'auberge dont elle venait de sortir et vint s'appuyer sur le rebord, le souffle coupé. Elle ne saurait l'expliquer ou le décrire mais elle souffrait atrocement, et cela n'avait rien à voir avec les blessures que lui avaient infligé les worgens plus tôt dans la soirée, blessures qu'elle ne sentait plus de toutes façons et qui lui parurent comme des gestes amicales comparés à ce qu'elle était en train de subir. Ce qu'elle ressentait était non seulement plus violent mais aussi plus viscérale. Elle eut comme une envie de vomir alors que rien de physique n'était en train de lui remonter l'estomac, pas même la tourte à l'araignée qu'elle avait ingéré plus tôt.

Elle songea à se noyer dans la fontaine, pensant ainsi abréger ses souffrances, quand elle entendit la porte de l'auberge s'ouvrir derrière elle et quelqu'un avancer dans sa direction.

— Lili, attends !

C'était Bartélo. Gahahli serra les poings aussitôt qu'il avait reconnu sa voix.

— Va-t'en, murmura-t-elle à son intention.

— Écoutes, je n'avais pas l'intention de te blesser, tenta de se justifier le paladin, mais... Nous deux, ça n'aurait jamais marché. Je veux dire... Ne te méprends, je me doute que t'es une fille bien, mais... Je n'arrive pas à m'imaginer avoir ne serait-ce qu'une aventure avec... quelqu'un de ton genre.

— Et pourquoi donc ? lui demanda l'elfe énervée. Je ne suis pas assez bien pour toi ? Ceux sont mes oreilles qui te posent problème ? Mes cheveux ? Mes yeux ? Le fait que j'ai l'air d'une "sauvage" ?

— Non ! Enfin... Peut-être que ça a un rapport...

— Mais traites-moi de phénomène, tant que t'y es ! Allez, sois franc !

— D'accord, j'avoue. T'es trop.. insolite à mon goût. Mais ce n'est pas contre toi personnellement...

La jeune elfe fit signe au paladin de se taire. Elle en avait assez entendu comme ça. Et ce n'en était plus que douloureux.

— Tu veux qu'on couche ensemble alors ? demanda Bartélo qui perdait lui aussi patience. Si c'est que tu veux, je peux...

— Tout ce que je veux, c'est que tu me fiches la paix, lui répondit Gahahli du ton le plus froid qu'elle n'ait jamais employé jusqu'à ce jour.

Le paladin fit la moue et tourna les talons en direction de l'auberge. L'elfe l'entendit marmonner "Je ne comprends jamais rien aux femmes, moi !".

— Et pour ton information, c'est Ga-hah-li, le nom ! explosa-t-elle à l'intention du paladin quand il atteignit la porte. Et non, ce n'est pas "dur" à prononcer !


La jeune elfe se retrouva seule au centre du village plongé dans la nuit la plus lugubre qui soit.

Elle s'en alla se réfugier dans le box vide d'une étable délabrée dans lequel elle pleura toutes les larmes de son corps.

Elle n'était pas seulement en colère contre le paladin et son attitude déplacé et indélicat, elle était en colère contre elle-même. En colère et honteuse d'avoir été aussi stupide, d'avoir ressenti une quelconque attirance et même une sympathie pour un mec avec elle faisait équipe pour combattre des bandits et d'autres ennemis, qui non seulement ne voyait en elle qu'un phénomène mais en pensait de même pour la race à laquelle elle appartenait.

Le pire, c'est que si un humain tel que lui voyait sa race ainsi, qu'en était-il des autres ? Des autres humains ? De l'Alliance toute entière ? Elle qui voyait en l'Alliance un espoir pour son peuple... N'était-elle pas aussi naïve que ne l'avaient été les fils disparus de Batël ? N'était-elle pas en train de faire fausse route depuis le début ?

Gahahli ne savait plus quoi faire. Elle se sentait perdue. Désemparée.

Elle sentit quelque chose de poilu se frotter contre elle accompagné un ronronnement grave. C'était Jakua, venu lui apporter un peu de réconfort et dont elle enlaça l'encolure en guise de réponse. Lui au moins, la jeune elfe pouvait compter sur lui.

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