Un monde brisé

Chapitre 7 : Le retour des démons

3888 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 08/05/2021 22:52

Enfin, le Port Menethil. Une petite ville portuaire naine se tenant sur un îlot situé sur la côte ouest des Paluns.

Et Gahahli constata rapidement que rien n'avait changé depuis la première fois où elle y avait mis les pieds.

Outre l'air humide typique de la région bien marécageuse, les habitants, constitués majoritairement de nains mais aussi d'humains, étaient toujours aussi dédaigneux et méfiants autant à son égard qu'à ses compagnons de routes.

" Encore ces elfes sauvages ! " entendait-elle. "Ils se font de plus en plus nombreux ! Ils sont en train de nous envahir !"

" Regardez ça ! Ils ne font même pas l'effort de tenir leur animaux en laisse ou de leur mettre une muselière ! On n'est pas à l'abri avec une telle bête ! Et s'il lui prenait une envie de nous bouffer ?"

" Vous avez vu le truc bleu qui marche à leur côté ? C'est quoi ces machins qui lui sort de la tête ? Je vous le dis, ça ne doit pas être de ce monde ! En plus ça a une queue !"


— Je ne pense pas qu'on va s'attarder ici plus longtemps, déclara Harrina qui semblait également sentir la tension à leur égard. On ferait mieux de prendre la route tant qu'il fait encore jour !

— On ne pourrait pas attendre que ce soit moins lumineux ? demanda Fyrvas encore légèrement barbouillé par le voyage en mer. Cette lumière me rend aveugle.

— Les routes sont moins sûres de nuit, lui répondit la magicienne. Et cette région regorge de nains Sombrefers et d'orcs Gueule-de-dragons.

Elle disait vrai ! songeait la jeune elfe. Lors de son premier jour sur ces terres, elle avait eu le malheur de subir une attaque de d'orcs à la peau noire et chevauchant des drakes. Elle ne s'en était tiré que grâce à l'intervention de Baelbo dont elle avait fait connaissance à peine quelques heures plus tôt dans une taverne. Mais depuis, elle avait appris combien il fallait être prudent quand on voyageait seul sur les routes de campagnes, surtout de nuit. Même son Sabre-de-nuit, qui avait été présent ce soir-là, était sur le qui-vive quand la troupe quitta la ville par le pont de pierre et veillait à ne jamais s'écarter du chemin au risque de répéter le même incident que l'autre fois. Comme on disait dans la région, "chat échaudé craint l'eau froide".

Voyant son père se déplacer avec peine sous la lumière brillante du jour, Gahahli se rappela combien elle avait également eu du mal à s'accoutumer à autant de luminosité. Puis elle se rappela du foulard que Batël, un compagnon d'arme nain un peu bourru, lui avait offert lors de son premier jour à Hurlevent et qu'elle devait mettre sur ses yeux pour être moins gênée par la lumière du jour. Dès lors, ses yeux avaient eu le temps de s'adapter, si bien qu'elle ne songeait plus à les protéger sous le foulard qui en conséquence était resté dans sa poche durant tout ce temps. Maintenant qu'elle s'était souvenue qu'elle l'avait toujours sur elle, elle en fit cadeau à son père qui clairement en aurait plus besoin qu'elle. Une fois que Fyrvas eût couvert ses yeux du foulard, la jeune elfe constata que les yeux couleurs ambre de son père continuaient de briller à travers le tissu, lui donnant un air plus intimidant qu'il ne l'était déjà avec sa haute stature et son regard sévère.


Le groupe prenait la route pour Forgefer, la cité des nain, par l'Est puis par le sud.

Fort heureusement, il n'y aucune incident durant leur traversé des marécages des Paluns. Aucun signe de la présence d'un nain à le peau noir-grisâtre ou d'un orc de même couleur et chevauchant un drake. Mais le groupe resta prudent, d'autant qu'ils étaient en fin d'après-midi, le soleil n'allait pas tarder à se coucher.

Arrivés à l'extrémité sud de la région, ils furent en vue de l'imposant barrage de Formepierre qui séparait les Paluns du Loch Modan, l'étape suivante du voyage pour Forgefer. Une vraie prouesse de la construction naine ! songeait la jeune elfe admirative. Le barrage de pierre était aussi haute que les montagnes qui bordaient la région et dessus était sculpté des visages de nains laissant échapper de l'eau depuis leur bouche, comme s'ils la crachaient tels des fontaines pour alimenter la rivière en contrebas.

— Ceux sont les nains qui ont bâti cette édifice ? s'extasia Ouladre. Impressionnant !

— Ça a été construit par les Sombrefers ! s'empressa d'ajouter Baelbo d'un ton amer.

— Et alors ? demanda le draeneï perplexe.

— Les mauvais nains, lui expliqua le gnome

Ce détail avait mis Gahahli dans l'embarras. C'était comme si elle était tombée sous le charme d'un magnifique tableau et qu'on lui annonçât de but en blanc que ça avait été peint par un des orcs qui avaient défrichés sa forêt natale. Ni elle ni aucun de ses compagnons d'armes n'étaient en bon terme avec les nains Sombrefers et encore moins avec leur reine actuelle.

— Quand on le voit de plus près, on se rend compte comme c'est grossier comme ouvrage, commenta-t-elle avec une "légère" mauvaise foi. Et puis ça fait tâche dans le paysage.

— Il ne faut pas voir le mal partout, tenta de relativiser Harrina. Sans ce barrage, la région serait pratiquement sous les eaux et il nous serait plus difficile d'atteindre la grande ville à sec. Je dis ça...


Après les commentaires autour du barrage, le groupe emprunta le col de Dun Algaz pour se rendre dans le Loch Modan, de l'autre côté dudit barrage. Un passage plutôt escarpé et sur le côté du chemin, on y trouvait des forteresses naines laissées à l'abandon.

Le groupe était à mi-chemin sur le col de montagne quand Gahahli finit par lâcher une pensée qui la taraudait depuis leur départ du Port Menethil :

— Je comprends toujours pas pourquoi on a eu un accueil aussi glaciale au port. On a pourtant sauvé l'Alliance de l'emprise d'une dragonne, non ?

— Tu sais, chérie, tout le monde n'était pas à Hurlevent ce soir-là pour être témoin de la chute d'Onyxia, lui fit remarquer la magicienne toujours aussi pragmatique. Pour certains, ce ne sont que des rumeurs.

— Elle a raison, Gahahli, vint confirmer Fyrvas. À Darnassus non plus, on ne nous a porté plus de louanges que le jour où tu avais fugué pour les Royaumes de l'Est. Et pourtant, les rumeurs sur la mort d'Onyxia sont bien parvenu jusqu'à Teldrassil.

— D'accord pour Darnassus et Teldrassil mais le Port Menethil, c'est quand même plus proche de Hurlevent, se défendit la jeune elfe.

— Ce n'est pas si simple que ça, tenta d'expliquer Harrina.

— Les gens ne croient que ce qu'ils ont envie de croire, intervint Baelbo. Ne cherche pas plus loin.

Gahahli ne put s'empêcher de remarquer que le ton du gnome était bizarrement sur la défensive, comme si la discussion le gênait plus que n'importe qui. Ou qu'il avait quelque chose à voir avec cet accueil mitigé au port. Serait-ce possible ? Après tout, c'était bien au Port Menethil que la jeune elfe avait vu le gnome pour la première fois.

— Au fait Baelbo, t'y serais pas pour quelque chose, dés fois ? l'interrogea-t-il.

— Non. Ou... peut-être... Un petit peu...

Le gnome était incapable de soutenir le regard de la jeune elfe. Le connaissant, il était clair qu'il cachait quelque chose.

— Bon, ok, j'avoue ! finit-il par céder. Vous savez qu'avant que nous ne formions un groupe, je gagnai ma vie en racontant mes faux exploits héroïques dans les tavernes de la région ? Histoire de booster mon CV, afin que quelqu'un daigne à faire appel à mes talents de mage ?

— Ça, je m'en souviens parfaitement ! affirma Gahahli.

— Ce n'est très digne d'un magicien ! s'offusqua Harrina. Que dirait Antonidas ?

— J'étais sans le sou, et je n'avais nulle part où aller, se défendit Baelbo. Ma famille ne voulait plus de moi depuis que je suis parti m'installer à Dalaran. Mais bref, depuis qu'on a mis une bonne raclée à Onyxia, je n'avais plus de raison de mentir sur mon CV. Mieux, j'avais de vrais exploits héroïques à colporter dans les tavernes pour vanter nos mérites sans avoir à "enjoliver" les faits ou inventer quoi que ce soit. Mais les gens ont décidé de ne plus croire à mes histoires, aussi réels soient-elles. Encore plus "drôle", les gens sont encore plus sceptique qu'à l'époque où je me vantai d'avoir failli empêcher la destruction de Dalaran. Apparement, ils ne trouvent ça pas crédible qu'un gnome et une elfe "étrangère" viennent un bout d'un dragon avec seulement des flèches et quelques boules de feu.

Sur ces mots, Gahahli se sentit encore plus outrée que par l'accueil glaciale au port. Dire qu'elle avait risqué sa propre vie face au dragon...

— Avez-vous songer à avouer avoir menti sur vos faux exploits ? risqua de demander le draeneï. Là d'où je viens, on pardonne plus facilement nos mensonges quand on les reconnaît publiquement.

— Bien sûr que j'ai essayé ! répondit le gnome. Mais apparement, ça n'a fait qu'empirer ! Dès lors, tout le monde ne me considère plus que comme un gros mythomane, comme un menteur compulsif !

— Vous m'en voyez navré ! s'exclama Ouladre.

— Ah bah, c'est ça ! fit remarqué la magicienne toujours aussi pragmatique. À force de mentir, plus personne ne finit par vous croire.

— Au point qu'on vous colle une étiquette pour toute votre existence ? rétorqua le gnome. "Faute avouée à moitié pardonnée", mes fesses, ouais ! Faute avouée deux fois pénalisée, moi je dis !

Le jeune elfe espérait que Baelbo avait exagéré sur ce dernier point. Elle ne pourrait jamais se faire à l'idée qu'une telle injustice pût exister. Pas au sein de l'Alliance.


Ils arrivèrent finalement dans le vallon boisé du Loch Modan, où reposait le fameux loch dont les eaux était retenu par le barrage Formepierre que le groupe venait de contempler à l'instant. L'air était chargée d'odeur de pins et de bouleaux, constituant la majeure partie de la végétation locale, et relativement doux comparée à la région enneigée de Dun Morogh où siégeait actuellement Forgefer ainsi que Gnomeregan, la cité des gnomes.

Cependant, la nuit venait de tomber. Il n'était pas prudent de se rendre directement à Forgefer au risque de subir une attaque de Sombrefers, de troggs — créatures troglodytes, sortes de cousins primitifs des nains — ou encore les trolls des glaces qui infestaient la région de Dun Morogh et menant une guérilla contre les nains de Forgefer.

Ils se mirent donc d'accord pour faire escale à la ville naine de Thelsamar, sur la berge ouest du Loch, et d'y passer la nuit, après un bon repas. Après un voyage aussi éprouvant.

Sur le chemin, Gahahli humait le parfum rafraîchissant des pins et des bouleaux aux alentours avant de se tourner vers son père qui venait de défaire son foulard. Elle constata que même sans la lumière du jour, il paraissait toujours aussi bougon depuis qu'ils avaient quitté Darnassus. Fort probable qu'il n'eût toujours pas digéré son évincement du cercle.

— Alors an'da, comment trouvez vous ces Royaumes de l'Est ? lui demanda-t-elle en tentant de lui rendre le moral.

— Ce n'est pas Orneval ni le mont Hyjal mais je suppose qu'il y a pire, rétorqua le druide désabusé.

— Admettez que ce n'est pas si mal ! insista la jeune elfe. Je veux dire, admirez ces arbres, ces collines, ces montagnes et ce lac si calme et miroitant. On peut voir la lune blanche s'y refléter. Et ce parfum ! Humez ce parfum ! Ça change d'Orneval, d'Hyjal ou de Teldrassil, pas vrai ? Et cet air pure et frais ! Et ce silence ! Écoutez ce silence ! N'est-ce pas apaisant !

— Crois-en mon expérience, quand c'est calme à ce point, c'est qu'une tempête se prépare quelque part, lui rétorqua Fyrvas pessimiste. Ça ne dure jamais ces moments de répit.

Elle aura essayé.


Ils arrivèrent très vite à Thelsamar, où les rues n'étaient occupé que de gardes nains, les montagnards, qui semblaient sur le qui-vive. Si bien que le groupe dût montrer patte blanche pour pouvoir entrer dans la ville.

Chez les nains, si les maisons de pierre paraissaient petites et seulement constituées d'un seul étage, elles s'enfonçaient en réalité dans le sol, les nains étant clairement plus chez seul sous la terre qu'en surface.

Ils entrèrent dans l'auberge où visiblement il n'y avait pas âme qui vivait côté clientèle. Si bien que le groupe aussitôt entré, une serveuse naine s'empressa de crier :

— Patron, on a des clients !

L'aubergiste, un nain sans âge à la barbe brune bien taillée, sortit de derrière son comptoir et jugea la troupe du regard quand son visage s'illumina :

— Par ma barbe ! Mais je ne rêve pas ! Ceux sont bien les Héros de Hurlevent ! Les pourfendeurs d'Onyxia ! Voilà des clients de prestige !

— Tiens, apparement, ici on croit à notre histoire ! fit remarquer la jeune elfe de la nuit surprise par tant d'enthousiasme.

— Il était à Hurlevent, ce jour-là, t'étonne pas ! lui expliqua Baelbo avec un haussement d'épaule.

— Je vous en prie, entrez, fiers aventuriers ! leur dit l'aubergiste. Ce soir, vous serez servis et allez dormir comme des rois !

Pour la nourriture, l'aubergiste n'avait pas menti. La table était garni viandes d'ours, de sanglier et de poissons pêchés dans le Loch avec du pain, du ragout, de la soupe, de la bière, du jus de melon (notamment pour Gahahli qui détestait la bière) et un bol de lait pour le Sabre-de-nuit.

Pour ce qui était de dormir, rien n'était moins sûr, les nains étant réputés pour dormir sur des lits aussi dur et ferme que de la pierre.

Au moins, tout le monde mangeait et buvait à sa faim et sa soif. Plus que de raisons pour certains. La jeune elfe gardait un œil sur son père qui enfilait des chopes de bière qu'il détestait clairement, voire autant que sa fille, au vu des grimaces qu'il faisait entre chaque gorgée.

Et au vu des regards que lui échangeaient ses voisins de tables, elle n'était pas la seule à se soucier de l'attitude du druide.

— Si je puis me permettre, vous devez y aller plus doucement avec l'alcool, tenta d'aborder le draeneï.

— Et bien je ne vous permets pas ! lui rétorqua Fyrvas irascible. Vous n'êtes pas ma min'da (mère en elfique). Et je suis plus âgé que vous quatre réunis, alors un peu de respect pour vos aînés, par Elune !

Ce n'était pas gagné !


— Dites donc, aubergiste, est-ce normale qu'il y ait si peu de convives, ce soir, à l'auberge ? demanda Harrina un peu gênée, tentant ainsi de changer de sujet.

— Ou bien que les rues soient désertes à cette heure là ? ajouta Baelbo. Avec seulement des montagnards qui vous demandent de vous identifier ? D'habitude, quand je vais par ici, les rues sont encore bondé jusqu'à minuit passés et les montagnards sont plutôt amicaux.

— C'est qu'avec ce qui s'est passé ces derniers jours, plus personne n'ose sortir de chez lui à cette heure-ci, leur expliqua l'aubergiste. Pas même pour se rincer le gosier à l'auberge ou la taverne du coin. D'ailleurs, au vue de votre réputation, on peut dire que vous tombez à pic.

— Que s'est-il passé ? demanda Gahahli perplexe.

— Vous n'êtes pas au courant ? leur dit l'aubergiste. Il y a eu des frappes de démons aux quatre coins du continent !

Cette nouvelle frappa le groupe de stupeur comme un éclair. Si bien que certains s'étouffaient et recrachaient ce qu'ils avaient dans la bouche.

— D-des démons, vous dîtes ? balbutia Ouladre très mal-à-l'aise.

— 'Manquait plus que ça ! s'exclama Fyrvas en état d'ébriété.

— Où et quand il y a eu ces attaques ? demanda prestement la magicienne.

— Ça a commencé il y a deux jours, répondit l'aubergiste. Et comme je vous l'ai dit, il y en a eu partout sur le continent. C'était surtout les grandes villes qui avaient été visé. Forgefer, Hurlevent, le Nid-de-l'aigle, même Rochenoire et ce qui reste de Lordaeron ont subis des attaques de ce type, à ce que j'ai entendu. Tous ceux sont déroulés durant la nuit, pour des raisons qui m'échappent.

— Il y a eu des pertes ? demanda Gahahli qui prenait cette histoire très au sérieux.

— Pour ce qui des pertes naines, gnomes ou humains, je ne sais pas, répondit l'aubergiste. Mais loués soient les Titans, toutes les villes ont tenu bon. Du moins côté Alliance. Cela dit, ces attaques ont été si brusques et rapides que ça nous a tous déconcerté. Depuis, toute l'Alliance est en effervescence. Comme jamais elle ne l'a été depuis la chute de Lordaeron. À l'heure où je vous parle, toutes les forces se mobilisent et se préparent à une seconde vague. À moins qu'ils en sont déjà à la troisième.

— Alors là, ce n'est pas bon, se lamenta le gnome. Non, pas bon du tout !

— Je suis sincèrement navré de ce qui vous arrive, déplora à son tour le draeneï. Je ne pouvais savoir qu'ils attaqueraient de sitôt.

— Et nos amis ? redemanda la jeune elfe bouleversée. Bartélo et Batël ? Ils n'ont rien, j'espère !

— Je l'ignore, ma petite dame, lui répondit l'aubergiste. Depuis votre départ, ils n'ont cessé d'aller de droite à gauche pour assurer la défense de l'Alliance. Ils pourraient être n'importe où.

— Il faut qu'on les retrouve, dans ce cas ! suggéra Gahahli. Ne serait-ce que pour s'assurer qu'il ne leur ait rien arrivé !

— PERSONNE... n'ira... nulle part, s'interposa son père plus saoul que jamais. Pas sans mon... accord. C'est moi l'aîné de la... de la bande, que je sache...

— Dame Gahahli, je respecte l'attention que vous portez à vos amis mais je ne pense pas qu'il soit prudent de reprendre la route au vu de l'état de votre paternel, dit le draeneï.

— Surtout qu'il fait encore nuit et qu'on est tous éreinté par ce voyage, ajouta Baelbo.

— Alors que l'un d'entre vous utilise un sort de téléportation, insista la jeune elfe.

— Seulement dans les cas d'urgence, la téléportation, je te rappelle ! insista à son tour le gnome.

— On a une invasion de démons sur les bras ! s'impatienta Gahahli. Ce n'est pas un cas d'urgence, peut-être ?

— ÇA SUFFIT ! intervint Harrina ! Même si nous nous rendions directement à Forgefer ou Hurlevent, nous ne serions d'aucune aide dans notre état actuelle ! Je propose que nous reprenons la route à l'aube, quand nous serons tous reposé. Et dégrisé pour certains.

— Et si la Légion était en train de lancer une nouvelle vague ? s'impatienta derechef la jeune elfe. Pendant qu'on est en train de roupiller ?

— Comme je l'ai dit à l'instant, nous ne serons d'aucune aide dans notre état actuelle, insista la magicienne. Si nous devons affrontez la Légion, il est impératif que nous soyons au meilleur de notre forme et que nous ayons les idées claires.

— Elle a raison, tu sais ! approuva Baelbo. Après tout, la nuit porte conseil !

— Et prudence est mère de survie, comme on dit chez vous ! ajouta Ouladre.

— Mère de sûreté ! rectifia le gnome. Quoique... ça marche aussi.

Gahahli lâcha un soupir d'exaspération. Elle se retrouvait seule contre trois — et pas question de compter sur son père pour le ranger de son avis, lui qui était enivré pour ne serait-ce qu'aligner deux mots dans sa tête. Et Jakua, bien que lui étant fidèle, ne lui serait d'aucune aide dans un monde où l'avis d'un animal comptait que celui d'un être soi-disant "pensant".

— Vos chambres sont prêtes, au fait ! leur annonça l'aubergiste.


Cette nuit-là, Gahahli eut du mal à trouver le sommeil.

Pas seulement parce que les lits nains étaient aussi peu confortable qu'elle ne se l'était imaginé si ce n'était plus — ses jambes dépassaient considérablement du lit et elle se cognait la tête contre le dossier.

Et pas seulement non plus parce qu'elle partageait la chambre avec Harrina avec qui elle venait d'entrer en désaccord.

Le simple fait de rester en position foetale sur un lit trop dur et trop petit pour elle, à ne rien faire tandis que des démons préparaient une nouvelle invasion, probablement plus dévastatrice et meurtrière que la précédente, la dérangeait au plus haut point. Elle ne supportait pas être inactive et se sentir inutile alors qu'on avait probablement besoin de son aide quelque part, dans le coin ou n'importe où ailleurs sur Azeroth. Et cela même s'il en valait de sa propre vie.

La dernière fois qu'elle avait dû rester inactive pour sa propre survie, elle avait tout perdu en retour. Sa mère (et avec un potentiel petit frère ou une petite sœur qu'elle ne connaîtra jamais), la maison où elle avait passé son enfance, son village, sa forêt, tous les gens qui l'avait vu grandir. Tout cela, les démons le lui avaient enlevé.

Et pour cela, elle ne leur pardonnera jamais. Elle les traquerait et les tuerait jusqu'aux derniers si elle en avait le pouvoir.

Cela étant dit, elle devait reconnaître que la magicienne avait raison sur un point : elle ne saurait d'aucune utilité si elle se présentait sur le champ de bataille à bout de force. Si elle devait être efficace pour affronter les démons et sauver ses amis — voire son monde tout entier — elle aurait besoin de toutes ses forces et de tous ses esprits. Quitte à passer la nuit sur le lit le plus inconfortable qu'elle ait put trouver. Mais bon, c'est ça la vie d'aventurière !

Elle parvint à se distraire en caressant du bout de ses doigts le pelage sombre et rayé de son Sabre-de-nuit qui dormait paisiblement au pied de son lit.

Elle se souvint également du jour où il l'avait trouvé, peu de temps après la bataille du Mont Hyjal. C'était encore un petit tigreau sauvage et orphelin dont la mère avait succombé à la corruption de la Légion Ardente, de même que ses frères et sœurs. Tout comme sa partenaire, lui aussi avait tout perdu à cause des démons et ne s'en était tiré par un coup de chance extraordinaire. Mais il y avait peu de chance que celle-ci les sauverait une seconde fois des démons. C'était comme la foudre, elle ne frappait jamais deux fois au même endroit.

— Je te promets Jakua que jamais nous ne laisserons ces démons semer une nouvelle fois la destruction, murmura-t-elle. Nous leur montrerons de quel bois nous nous chauffons. Et nous leur ferons payer pour tout ce qui nous ont pris.

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