Un monde brisé

Chapitre 8 : Mobilisation

4682 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 23/05/2021 13:01

— Tu sais qu'en temps normal, je devrais t'ordonner de rentrer à Darnassus et d'y rester jusqu'à mon retour, dit Fyrvas réveillé et dégrisé. Mais te connaissant, je ferais mieux de t'attacher au pied de ton lit.

Une bonne chose que le groupe fût sur la route à ce moment précis, songeait Gahahli. Et ce dès les premières lueurs du jour.

— Alors écoute bien ! reprit son père le ton grave. Je t'autorise à venir à avec nous qu'à une condition : interdiction de jouer les héroïnes. En cas d'attaque, il n'est pas question que je te retrouve en première ligne. Tu resteras en arrière quoi qu'il arrive et su ça tourne mal, contente toi de te mettre à l'abri.

An'da, j'ai passé les derniers mois sur ces terres à combattre des bandits, des morts-vivants, des orcs et des nains à le peau noire, lui rappela la jeune elfe non sans laisser échapper sa frustration. J'ai même survécu à un dragon, je vous signale.

— Là n'est pas la question ! lui rétorqua sèchement le druide. C'est de la Légion Ardente dont on parle, pas d'orcs ou de dragons isolés. Tu sais comme moi de quoi ils sont capable.

— Si je le sais... ça me fait une raison de plus de régler mes comptes avec eux, répondit amèrement la jeune elfe aux cheveux bleus.

— TU N'AS PAS LE MONOPOLE SUR LES DÉMONS, jeune fille ! s'impatienta le vieil elfe. Nous avons tous souffert de leur précédente invasion. À nous six, si on compte Jakua, nous avons tous été victime de la folie destructrice de la Légion. Alors n'en fais pas une affaire personnelle !

— Je n'en fais pas une affaire personnelle ! se défendit Gahahli en mentant légèrement à elle-même. Seulement, je ne veux pas rester sur la touche. Je veux...

— Je sais que tu veux te rendre utile, lui dit son père d'un air compréhensif. Mais réfléchis, à quoi tu nous serais utile si tu mettais ta vie inutilement en danger en jouant les héroïnes comme je sais tu as l'habitude de faire.

La jeune elfe fut à court d'argument et cette discussion commençait à la fatiguer. Elle l'avait l'impression d'être à nouveau au jour précédant son départ pour les Royaumes de l'Est.

— Et puis, vous savez, on peut très bien se rendre utile en étant "sur la touche" comme vous dîtes, tenta d'intervenir Ouladre. Prenez mon cas par exemple, en tant que prêtre soigneur je suis bien plus utile en restant en arrière et...

Les deux elfes lancèrent au draeneï un regard sévère lui faisant comprendre qu'il s'immisçait dans une discussion intime. Il se tût donc.

— Alors, j'ai ta parole ? demanda de nouveau le druide.

— Oui, an'da, répondit la jeune elfe dans un soupir. Je ne jouerai pas les héroïnes et je serais prudente.

— Je préfère ça ! dit Fyrvas satisfait. Au fait, t'as oublié de mentionner l'incident avec les worgens parmi tes exploits.

— Quel incident ? Quel worgen ? demanda Gahahli en feignant l'ignorance et tenant nerveusement le bras sur lequel il y avait encore les marques dudit incident.

— Ne fais pas l'innocente ! railla le druide. Ton ami aux grandes oreilles m'a avoué que ce n'était pas un accidentel coup de griffe de Jakua.

La jeune elfe lança un regard furibond et accusatrice à l'intention de Baelbo qui se cachait tant bien que mal derrière Harrina. Le sale petit cafteur !


Le groupe traversait la région enneigée et boisée de Dun Morogh, la patrie des nains et des gnomes. Nichée dans les plus hautes montagnes de Khaz Modan, cette région contrastait fortement avec la douce vallée du Loch Modan de par sa rudesse qui devait clairement déteindre sur l'attitude de ces habitants nains.

La région, habituellement infestées de troggs et de trolls des glaces à l'affut de voyageur imprudents, semblait pourtant tranquille malgré les événements qui avaient ébranlé le continent ces derniers jours. Si bien qu'on ne se douterait pas qu'une attaque de démons avait récemment eu lieu. Ou même que les menaces trolles habituelles.

Mais alors que le groupe s'approchait de Forgefer, cité naine sculptée dans le cœur de la plus haute montagne de la région, des cadavres de démons encore fumants ainsi que des pierre noires au filon verdâtre parsemaient le chemin menant aux imposantes portes de la cité, visibles de l'extérieur.

La présence de ces cadavres indiquaient que le raid était encore récent. Gahahli savait qu'ils auraient dû s'y rendre plus tôt pour prêter main forte aux nains, au lieu de passer la nuit dans une auberge vide sur des lits inconfortables.

Forte heureusement, la cité avait tenu bon. Preuve en était, les nains montagnards qui patrouillaient encore sur les routes et surtout les gardes qui gardaient la porte plus vigilant que jamais. Si bien que le groupe dût montrer patte blanche avant d'être autorisé à entrer dans la cité. Et c'était sans parler des tanks à vapeur, toujours aussi bruyant, qui faisaient barrage devant la grande porte.

— Quelles sont les nouvelles, sergents ? demanda Harrina à un des gardes.

— En trente ans de services, je n'ai jamais vu un tel acharnement à nos portes depuis la Seconde Guerre, répondit le sergent. Et j'y étais !

— Ça me fait penser, on aurait peut-être dû informer votre peuple de cette début d'invasion, non ? demanda la magicienne à Ouladreoccupé à admirer l'architecture de la ville.

— Ce n'est pas nécessaire, lui répondit le draeneï. J'ai déjà contacté le Prophète Velen via ma balise de communication la nuit dernière et il s'avère qu'il est déjà au courant. Il n'est pas prophète pour rien, je peux vous l'assurer. À l'heure actuelle, il a déjà envoyé un régiment de vindicateurs prêté assistance à l'Alliance.

— Parfait ! dit Harrina satisfaite. Si la Légion prépare bel et bien une nouvelle invasion, ce sera l'occasion pour vous de nous prouver votre valeur.

— Qui aurait cru que les démons nous rendrait service, plaisanta le Ouladre.

Gahahli réprima une envie de vomir à l'idée que la Légion Ardente pût être charitable.


Aussi majestueuse fut la cité souterraine creusée à même la roche, au point de ne pas laisser le draeneï indifférent, l'heure n'était pas au tourisme.

Le groupe dût d'abord s'entretenir avec le roi des nains, Magni Barbe-de-Bronze, pour l'informer de la venue des draeneïs et de leur possible intégration dans l'Alliance, au grand dam de la jeune elfe qui n'y voyait qu'une perte de temps. La Légion Ardente était de retour, sûrement en train de préparer un invasion plus meurtrière que la précédente et ses compagnons de voyage en étaient encore aux formalités. Comme s'il avaient tout leur temps et qu'il n'y avait pas plus urgent en ce moment-même.

Fort heureusement pour elle, l'entretien fut plus brève qu'avec Tyrande ou Jaina, Magni étant occupé dans les forges à restaurer armes et armures. Forges dans lesquelles le coups de marteaux sur le fer et l'enclume agressaient les oreilles des deux elfes de la nuit.

— Si c'est pour vos amis à peau bleue, moi et Bolvar ne voyons aucun inconvénient à leur intégration tant qu'ils nous sont utiles contre la Légion, leur dit Magni nerveusement durant sa pause.

— Et bien... voilà une bonne chose de faite, en conclut Ouladre.

— Après, si vous voulez vous rendre utile, je vous suggère de vous rendre à Rempart-du-Néant sans plus tarder, ajouta le roi nain. Il paraît qu'ils auraient besoin de volontaires. D'ailleurs, il me semble que vos amis, Batël et Bartélo s'y sont déjà rendu peu de temps après le début des attaques.

— À-à... Rempart-du-Néant ? répéta Baelbo mal à l'aise. V-vous voulez au plus près de la p-p-Porte des Ténèbres.

— Un peu mon neveu ! rétorqua Magni. D'après nos sources, il y aurait eu des activités suspectes autour de cette satanée Porte peu de temps avant les premières attaques de démons. Et il y a fort à parier que c'est de là qu'ils sont venus.

— Alors qu'est-ce qu'on attend pour y aller ? s'impatienta Gahahli.

— C'est que ce n'est pas la porte à côté! lui répondit calmement Harrina. Rempart-du-Néant est situé dans les Terres Foudroyées, tout au sud du continent.

— "Les Terres Foudroyés" ! répéta Magni distraitement. Dire que ça s'appelait encore le Marais Noir quand je n'étais encore qu'un jeune roi.

— Bref, pour nous y rendre, il faudra compter une journée et demi de marche minimum, reprit la magicienne comme si elle n'avait jamais été interrompue.

— Alors téléportez nous-y ! insista la jeune elfe. Il y a urgence, je vous rappel ! Les démons sont littéralement à nos portes !

— Je te trouve un peu pressée d'aller les combattre, fit remarquer son père. Et ta promesse ?

— Je ne l'ai pas oublié, se défendit la jeune elfe à bout de patience. Mais nos amis sont probablement déjà là-bas ! Ils ont besoin de nous plus que jamais !

— C'est bon, c'est bon, on va y aller ! la calma la magicienne. Le souci c'est que je n'y ai encore jamais mis les pieds... Ben non, les Terres Foudroyées, ce n'est pas trop une région où j'ai l'habitude de m'y rendre. Mais peut-être que Baelbo...

— Vous voulez rire ? s'offusqua le gnome. Une terre ravagée par la Première Horde et leur magie démoniaque, où pullulent encore des démons et des ogres, ça révèle du suicide d'y aller seul.

Aucun des deux mages n'avaient donc eu l'occasion de se rendre dans les Terres Foudroyées. Et c'était bien un hic. Pour se rendre dans un lieu précis par téléportation, les mages avaient besoin de bien connaître le lieu de leur destination et assez pour s'y être déjà rendu en personne. Ils ne pouvaient prendre le risque de se téléporter dans un lieu qu'il ne connaissait que de nom, sur des cartes ou dans des livres, sous peine d'atterrir au mauvais endroit et n'importe où sur Azeroth.

— Bon, je peux éventuellement nous en rapprocher, dit finalement le gnome. Si ça peut nous faire gagner une journée de marche !

Gahahli lâcha un soupir de soulagement. En fin de compte, elle savait qu'elle pouvait compter sur son ami gnome. Pour peu qu'il retînt un peu mieux sa langue !

Et au moins, ça lui faisait l'infernal Tram des Profondeurs, avec ces rouages bruyants et stridents, ainsi que ses wagons qui démarraient et s'arrêtaient tout aussi brusquement manquant de faire basculer leur passagers.


Quand le rituel de téléportation fut achevé, laissé les deux mages exténués d'avoir partagé et consommé leur mana pour transporter tout le groupe sur une aussi longue distance, ils se retrouvèrent au pied d'une tour de guet délabrée, au sommet d'une colline à l'orée d'un forêt si sombre et lugubre qu'on se croirait en pleine nuit. Ce que ne manqua pas de faire remarquer le draeneï persuadé qu'il était encore midi.

Gahahli mit un moment avant de reconnaître l'endroit jusqu'à qu'elle repéra un petit village en contrebas. Sombre-Comté. Ils étaient dans le Bois de la Pénombre.

Une fois que les deux mages eût recouvré leur force grâce aux soins (prodigieux, il fallait l'admettre) du prêtre draeneï, Baelbo désigna un chemin sinueux qui s'enfonçait vers l'Est dans une crevasse. C'était par là qu'il devait se rendre pour Rempart-de-Néant. Des traces de pas ainsi que des restes de nourritures jonchaient le sentier, indiquant qu'ils n'étaient pas les premiers à prendre la route pour les Terres Foudroyées.

Ils traversèrent donc un canyon venteux et aux parois rugueuses, parsemés d'arbres morts et pétrifiés. Le Défilé de Deuillevent, comme on l'appelait. Et il méritait bien son nom. C'était une région complètement désolée et dépourvue de vie, empestant la mort et la malfaisance, ce qui n'était pas arrangé par les vents plutôt assidu. Même les rayons du soleil ne parvenaient pas à éclairer le canyon. Cela n'était pas sans rappeler les zones ravagées et corrompus par le passage de la Légion Ardente. En fait, à en croire les deux mages, la désolation de cette endroit était dû à l'emploi de la magie corruptrice d'un sorcier pourtant réputé de son vivant qui résidait jadis dans la monumentale Tour d'Ivoire de Karazhan que le groupe pouvait voir se dessiner à l'horizon au sud. Tour qui paraissait tout aussi lugubre que la région qu'elle dominait, laissée à l'abandon dès lors que le magicien se révélait avoir sombré dans la folie et permis la première invasion des orcs sur Azeroth. De ce fait il avait été abattu par son apprenti, le magicien Khadgar, et son ancien frère d'arme, le chevalier Anduin Lothar.

— Et pourtant, ce fut ce même sorcier qui nous conduit, la Horde et l'Alliance, en Kalimdor pour nous unir contre la Légion Ardente, se permis d'ajouter Harrina.

— Vous parlez de ce Medivh ? s'exclama Fyrvas.

— Et alors qu'il est supposé avoir trépassé ? s'étonna également Ouladre.

— Ça nous a tous surpris, je dois dire, reconnut la jeune magicienne. J'ignore encore comment il est parvenu à revenir d'entre les morts, mais au moins il a pu se racheter de ses erreurs.

— Il aurait été encore plus efficace s'il avait eu la présence d'esprit d'informer mon peuple de l'arrivé des orcs et des vôtres sur nos terres, pesta le druide. Ce qu'il a fait avec les taurens.

— Ah, ne faîtes pas le difficile ! objecta Harrina. Sans lui, on n'aurait jamais pu faire le poids contre les démons.

— Ça n'enlève rien au fait que nous autres elfes de la nuit avions été les derniers à avoir été contacté par votre sorcier, insista le vieil elfe. Ainsi qu'à parler d'alliance avec les vôtres. Et ce après qu'on ait perdu Cénarius, notre unique chasseur de démons et une grande partie de nos Sentinelles et de nos terres. Franchement, merci le sorcier.

— Je suis d'accord avec an'da, se risqua la jeune elfe. Je veux dire... de ce que j'ai compris, ce sorcier pouvait se rendre n'importe où à sa guise et contacter les gens dans leur rêve. Il aurait même été connu des taurens depuis bien avant votre arrivée en Kalimdor. Il aurait pu nous faire de ses conseils à n'importe quel moment à nous, elfes de la nuit, et pourtant il attend la veille de la bataille au Mont Hyjal pour le faire. Vous ne trouvez pas qu'il y a eu du laisser-aller ?

— Ah, vous les elfes de la nuit, vous êtes vraiment difficile ! s'emporta Harrina. Rien n'est assez bien pour vous !

Et on me reproche d'avoir un mauvais caractère ! songea ironiquement Gahahli.


En sortant du Défilé, le groupe déboucha sur le Marécage du Chagrin, une région tout aussi sombre et lugubre que le Bois de la Pénombre, en plus marécageux. L'air empestait la présence d'orcs en plus de l'eau stagnante et pour cause, le marais aurait servi de base à la Horde durant la Première Guerre, si bien qu'on pouvait encore y trouver des avant-postes orcs datant de cette période.

Les Terres Foudroyées — qui autrefois constituaient la partie sud du marais — n'étaient plus très loin.

Le groupe fut à mi-chemin de leur destination quand une odeur de cadavre en putréfaction vint s'ajouter à l'air nauséabond du marais. Puis un petit groupe de murlocs sortit d'un buisson, sans prêter attention au groupe, traînant péniblement au sol un cadavre d'une créature dont Gahahli ne parvenait pas à identifier.

— Que les naarus nous protègent ! s'exclama soudain Ouladre.

Le cri du draeneï avait suffit à surprendre les murlocs et à les mettre en déroute dans un beuglement, laissant ainsi à l'abandon leur charge putréfiée et que le draeneï s'empressa d'examiner.

— Je n'aurais jamais cru en trouver dans votre monde, se lamenta-t-il.

Le groupe le rejoignit et examina également le cadavre. Il faisait tout juste la taille d'un nain, avait la peau d'une pâleur maladive, trois doigts griffus à chaque mains, deux énormes griffes en guise d'orteils à chaque pieds et seulement vêtu d'un pagne et d'un capuchon. Sous la capuche, le visage du cadavre était émacié, presque squelettique, n'avait pratiquement pas de nez, seulement deux narines et était dépourvu de lèvres — laissant ainsi visible une rangée de dents en strie. Gahahli avait rarement vu quelque d'aussi hideux et quelque chose chez la créature, hormis le fait qu'elle était morte et avait les tripes à l'air libre, lui rappelait un mort-vivant.

— Mais qu'est-ce que cette horreur ? demanda Baelbo tout aussi perplexe que le reste du groupe.

— Ça, mes amis, c'est un Perdu, répondit le draeneï d'un air navré et grave comme s'il leur annonçait le décès de quelqu'un.

— Un "perdu" ? répéta la jeune elfe de plus en plus confuse. Vous voulez dire qu'il s'est perdu ou ... ?

— Perdu dans tous les sens du terme, répondit Ouladre.

— Vous pouvez nous expliquer ? demanda Fyrvas impatient.

— Quand la Horde a pris le contrôle de Draenor et contraint mon peuple à fuir et se cacher pour échapper au massacre, certains d'entre nous ont eu le malheur de se retrouver exposé à l'énergie gangrenée manié par les démonistes orcs, expliqua donc le draeneï. Cela a eu pour effet de les couper de la Lumière et de les muter pour se retrouver avec une apparence dégradée similaire à celle-ci. Les plus chanceux prirent le nom de Roués mais gardèrent leur esprit intact, plus ou moins. Les autres ont vu leur état se dégénérer et sont devenus sauvages et primitifs, plus proche d'une bête que d'un être doté de raison, les Perdus.

— Vous voulez dire que... cette chose... c'était un des vôtres ? redemanda Gahahli abasourdie.

Elle eut du mal à faire le rapprochement entre l'être tout bleu de peau et de belle stature qui se tenait devant elle et la créature pâle rabougrie qui pourrissait à ses pieds. Seule la forme des pieds semblait faire le lien entre les deux, les sabots ayant dû muté en griffes.

— Je me disais qu'il n'avait pas l'air d'appartenir à ce monde ! s'exclama le gnome. Sans vouloir vous offenser !

— J'avoue que je ne m'attendais pas en à trouver non plus, dit Ouladre tout aussi confus. Mais il est fort probable qu'il ait traversé la Porte des Ténèbres à un moment ou un autre.

Jakua attira leur attention avec un miaulement et entraîna le groupe derrière le buisson d'où étaient sorti les murlocs à l'instant. Et apparemment, le Perdu n'était pas seul avoir traversé la sinistre Porte. Ni à trouver la mort d'ailleurs. Devant le groupe se tenait une véritable hécatombe de Perdus dans ce qui devait être leur campement. Tous gisaient sans vie et étaient soit décapités, amputés, éventrés ou calcinés on ne savait comment.

— Rassurez, ceux ne sont pas ses espèces d'hommes-grenouilles qui les ont massacrés, demanda Ouladre mal-à-l'aise.

— Si ceux sont les murlocs, il ne doivent pas être terribles, vos Perdus, rétorqua le gnome. Je veux dire... vous avez vu à l'instant comment ils prennent facilement leur jambes à leur cou ?

— Ah je vous assure, ceux sont de vrais sauvages ! insista le draeneï. Aussi sauvages et sanguinaires que les orcs...

— Ce ne sont pas les murlocs ! déclara Harrina qui venait d'inspecter les cadavres. Au vue des traces sur les cadavres, soit c'est un coup de la Horde, soit ceux sont des mercenaires de l'Alliance qui nous ont précédés. En tout cas, quelqu'un qui maniait les armes lourdes, la magie noire ou qui sait dressé les raptors, mais rien qui ne soit à la portée d'un murloc. Ceux que nous avons venu à l'instant, ils étaient sûrement là pour se délecter des cadavres.

— Rien à craindre avec vos bestioles, donc ? demanda le draeneï. Me voilà soulagé.

— On ferait mieux de reprendre notre route ! exigea Fyrvas. On a assez perdu de temps et je n'ai pas envie de m'éterniser dans ce marais qui empeste l'orc.

Tous approuvèrent. Exceptée Gahahli.

— Mais que fait-on de ces cadavres ? demanda-t-elle.

— Bah, laissez à vos meur-loques, répondit Ouladre. Au moins ils ne feront plus de mal à qui que ce soit.

— Mais enfin, ceux sont vos semblables ! s'indigna légèrement la jeune elfe. Et vous êtes prêtres ! Ils bien le droit à une sépulture ! Vous pourriez leur accorder au moins une cérémonie...

— C'étaient peut-être mes semblables à une certaine époque, mais ce n'est plus le cas désormais, la corrigea le draeneï. Et croyez-moi, ma chère, ceux ne sont pas le genre d'être qui mériteraient une sépulture. Même si je devais leur accorder un rite funéraire, autant faire la même chose pour les orcs qui ont massacré mon peuple.

La jeune elfe ne sût quoi répondre à ça, tant elle fut abasourdie devant l'indifférence du draeneï quant au sort de ceux qui fut jadis ses semblables.


Enfin, le groupe arriva au Terres Foudroyés. Et non seulement ces terres venaient s'ajouter à la liste de sinistres régions des Royaumes de l'Est que Gahahli eût connu jusqu'à ce jour — avec le Marais des Chagrins, le Défilé de Deuillevent, le Bois de la Pénombre et le Mont Rochenoire — mais rien qu'en observant le paysage, il était difficile d'imaginer que la région fut jadis un prolongement du marécage que le groupe venait de quitter.

Devant eux s'étendait à perte de vue un désert de roches et de terre rouge, dépourvue de la moindre végétation ou de point d'eau, couvert d'épais nuages noirs qui semblaient annoncer l'orage. Pas étonnant qu'on appellerait ça les "terres foudroyés" !

La jeune elfe avait beau balayé le paysage du regard, elle ne voyait rien qui pourrait ressembler à une "porte des ténèbres", probablement que ladite Porte était encore trop loin pour apparaître dans son champ de vision.

Son groupe ne tarda pas toutefois à localiser la forteresse de Rempart-du-Néant, juchée sur un promontoire dominant le désert sur leur gauche. La fameuse forteresse construite au terme de la Seconde Guerre contre la Horde pour surveiller la fameuse Porte et empêcher toute nouvelle invasion provenant de l'autre côté. Plus qu'une forteresse, c'était une citadelle qui n'était pas sans rappeler Theramore. En moins hospitalier, cependant.

Le groupe s'y rendit donc via un sentier longeant la falaise et fort était de constater que la place ne manquait pas de volontaires. Il y avait de tout. Des fantassins de Hurlevents, des fusiliers nains de Forgefer, des ingénieurs gnomes ainsi que des mages, des clercs, des paladins et des mercenaires de toutes races de l'Alliance confondus.

Mais aucun signe de Bartélo ou de Batël. Magni leur avait pourtant assuré qu'ils devait déjà être sur place.

— Vous êtes de nouveaux volontaires ? leur demanda un mage venu à la rencontre du groupe. Il faudra entrer vos noms dans le registre, au donjon juste-là.

— Au fait, nous sommes supposés y retrouver des amis à nous, expliqua Harrina. Peut-être les connaissez-vous...

— Demandez au bureau des enregistrements dans le donjon quand vous y irez entrer vos noms, insista le mage avant de laisser le groupe en plomb.

Finalement, le groupe se résigna à se rendre au donjon, pour à nouveau des formalités administratives.


Arrivé au bureau des enregistrements en la présence du quartier-maître, Fyrvas fut le premier à se faire enregistrer et à signer son nom suivi d'Harrina quand il demanda au responsable :

— Est-ce que par hasard vous auriez déjà enregistré un certain... (il peinait à se remémorer les noms que Gahahli et Baelbo durent les lui souffler) Batël Marteau-de-Bronze et un... Barthélemy Lockhart ?

Les Tueurs de Dragons, vous voulez dire ? Ils sont venus s'enregistrer pas plus tard qu'hier ! répondit le responsable. Et c'est un honneur de les avoir dans nos rangs !

— Et vous savez où ils sont ? s'empressa de demander la jeune elfe.

— On les a envoyé surveiller la Porte ce matin-même, répondit le quartier-maître. Et on attend encore leur rapport.

On les a raté de peu ! pesta intérieurement la jeune elfe.

— Harrina et moi allons les retrouver, voir s'ils ne leur ait pas arrivé malheur... avec votre permission, exigea le druide au quartier-maître.

— Faites comme bon vous semble ! répondit nonchalamment ce dernier.

— Ah, si vous pouviez faire en sorte que cette jeune elfe ne sort pas du fort avant notre retour, demanda à nouveau le druide.

— Je ne promets rien, rétorqua toujours aussi négligemment le quartier-maître.

Son père et la magicienne partis, Gahahli se sentit à nouveau couverte de honte. Elle avait encore cette désagréable impression d'être considérée comme une gamine.

— Bon, je suppose que nous n'avons plus qu'à nous enregistrer, proposa Ouladre en essayant de détendre l'atmosphère.

— Au fait, depuis quand ces deux tarés se font appelés les "Tueurs de Dragons", demanda Baelbo perplexe. Aurions nous manqué quelque chose ?

— Mais enfin, depuis qu'ils ont abattu Onyxia, voyons ! répondit le responsable.

— De quoi ??? s'écria la jeune elfe.

— On en parle dans tout Hurlevent ! reprit le responsable. Comment ce jeune et brave paladin et son mentor nain ont bravé à eux seuls la dragonne, secouru l'enfant roi Anduin Wrynn et sauvé tout le royaume de son joug.

— Mais c'était nous, ça ! tempêta la jeune elfe en désignant son ami gnome et elle. Nous avons sauvé la vie du prince ! Nous avons affronté Onyxia ! Nous l'avons battu !

— Non mais écoute-les ! Ils s'approprient les exploits héroïques de leur propres frères d'armes ! railla le quartier-maître. Des opportunistes, j'te dis !

— Pourtant, je peux vous assurer que ce que dit mon amie est vrai ! intervint le gnome. Vos "tueurs de dragons" ont à peine fait quoi que ce soit qui ait contribué à la mort d'Onyxia. Sa chute, c'était de notre fait à nous deux.

— Ah ouais ? Et comment ? demanda le quartier-maître d'un ton condescendant. Avec des tours de passe passe et des paillettes ? Avec de ridicules flèches ?

— Quand on sait où viser, on peut venir à bout de n'importe quel ennemi ! rétorqua Gahahli.

— Ah c'est bon, ça suffit la vantardise ! l'interrompit le quartier-maître. Ne nous faîtes pas à croire que vous êtes capables de venir à bout d'un dragon comme Onyxia à vous seuls. À part le bleu là, on sait très bien quel genre de bras-cassés vous êtes. Le gnome mage bon qu'à faire exploser des trucs jusque dans sa propre gueule et l'elfe archère tellement mauvaise qu'elle manquerait un éléphant dans un couloir. Alors ou vous entrez vos nom dans le registre et vous vous rendez utiles comme vous pouvez ou vous foutez le camp de mon fort.

En cet instant, Gahahli réprima une envie de sauter à la gorge de cette humain méprisant qui mettait en doute ses compétences ainsi que celles de son ami gnome. D'autant qu'elle avait perfectionné ses aptitudes au tir à l'arc depuis qu'elle s'était installé à Teldrassil et que depuis qu'elle avait son propre arc, elle n'avait jamais raté sa cible.

Elle se résigna finalement à entrer son nom dans le registre et le signa avec tant de rage et de nervosité qu'elle abîma la plume.

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