Un monde brisé

Chapitre 34 : Émancipation

4404 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 30/08/2022 16:07

Avant d'avoir été plongée dans un sommeil réparateur par le naaru, Gahahli ne gardait que de vagues souvenirs précédant sa guérison et à la suite de sa confrontation avec Illidan.

Elle se souvenait vaguement d'avoir été mentalement assaillie de visions atroces et cauchemardesques dont elle ne pouvait se débarrasser, des visions de la Légion en train de détruire son monde et de n'y laisser que des cendres et du sang.

Puis ses visions s'étaient amenuisées jusqu'à complètement s'effacer quand elle fut envahie par une étrange énergie chaleureuse et apaisante, faisant ainsi place à un sentiment de bien-être, de calme et de sérénité. Un sentiment qu'elle n'avait pas dû ressentir depuis une époque trop lointaine pour qu'elle pût s'en souvenir.

Elle se souvenait aussi d'avoir été portée par des bras forts et même temps doux et chaleureux, ainsi que d'avoir sentie battre le coeur de son porteur tant il l'avait serre sur sa poitrine. Elle se souvenait non seulement de la chaleur du corps de son porteur mais aussi du rythme effréné de son mystérieux porteur. Comme s'il avait été à la fois content de la tenir ainsi et en même temps inquiet de son état et terrifié à l'idée de la perdre.

Elle n'était pas sûre de l'identité de son porteur, mais se doutait qu'il devait s'agir de quelqu'un qu'elle connaissait et qui tenait énormément à elle.

Et puis, tandis qu'elle se laissait abandonnée à cet étrange sentiment, ce fut le trou noir.


Quand elle revint doucement à elle, elle avait le corps encore endolori, comme si elle était tombée dans les escaliers. Mais rien de cassé ni de paralysé à son grand soulagement.

Elle ressenti également une légère migraine et sentie quelque peu étourdie.

Petit à petit, elle reprenait le contrôle de ses dix doigts et des ses dix oreilles, ainsi que de ses paupières et de ses lèvres.

Ses sens se réveillèrent par la même occasion. Elle sentit alors qu'elle était allongé sur le dos sur un matelas plutôt confortable, ni trop dur ni trop mou. Elle sentit également qu'un de ses bras pendait du bord du lit et du bout de ses doigts, elle sentit une fourrure qu'elle connaissait que trop bien pour l'avoir maintes fois carressé et brosse.

Elle sentit aussi qu'elle avait la bouche et la gorge sèche, probablement qu'elle avait dormi la bouche ouverte durant tout ce temps.

Ses oreilles bourdonnant encore cependant et à peine elle ouvrait les yeux qu'elle se sentit ébloui, bien qu'elle se trouvait dans une pièce pas tant éclairée que ça.

Petit à petit, elle retrouva l'usage de ses mains, de ses pieds ainsi que sa nuque. Sa vision était encore troublé mais commençait doucement à s'habituer à la luminosité ambiante, de même son audition commençait à s'éclaircir.


Elle entendit alors des voix qui lui parurent familières sans qu'elle pût leur donner un nom, provenant sans doute des deux silhouettes du coin de l'œil. Et au son de leur voix, elle semblaient se quereller.

Malgré elle, la jeune elfe de la nuit les écouta d'une oreille distraite sans y prêter davantage attention?

— Franchement, vous ne croyez pas que vous y êtes allé un peu fort ? demandait une des deux voix, féminine.

— J'ai fait ce qui était nécessaire ! répondait l'autre plus masculine.

— Je ne... Je me doute bien que vous ne pensiez pas à mal, que vous faites tout son bien pour son bien, mais ça reste un peu extrême...

— Ça m'est égal ! Et puis je ne vous permet de me juger ou de me critiquer ! Vous n'avez jamais été parent que je sache !

— Non, mais j'ai été jeune et j'ai connu un parent autoritaire. Le genre qui veut imposer sa loi et avoir le contrôle sur tout, même sur sa famille. Et je sais ce que c'est que de devoir avec un tel individu à longueur de temps. Pourquoi croyez-vous que nos relations se soient détériorées depuis le temps ?

— Peut-être agissait-il simplement pour votre bien, parce qu'il se souciait de votre bien-être mais que vous étiez trop égocentrique et enfant gâtée pour vous en apercevoir....

— Ah pas de culpabilisation avec moi. J'ai peut-être était une enfant gâtée et égocentrique, mais je sais reconnaître une personne qui agit sincèrement pour le bien de ses proches et une autre qui prétend faire la même chose pour sauver les apparences ou avoir le dessus. Et autant vous dire que j'ai une aversion pour cette seconde catégorie.

— Dois je comprendre que vous me méprisez, en ce moment ?

— Bien sur que non ! Je vous respecte parce que je sais que vos intentions sont louables. Seulement vous êtes en train de vous fourvoyer.

— Vous me dites me respecter et pourtant vous êtes en train de critiquer mes méthodes ! Comme c'est drôle !

— Justement ! Parce que j'ai trop de respect à votre égard pour vous laisser vous entraîner vers une pente glissante, je me dois d'être honnête avec vous...

— Dites, vous pourriez faire moins de bruits, s'il vous plaît, demanda Gahahli d'une petite voix qu'elle venait à peine de retrouver.


Elle ne s'attendait nullement à ce que sa simple et banale requête fit autant d'effets quand elle vit les deux silhouettes reporter leur attention sur elle, toutes deux subitement muettes, avant de se précipiter à son chevet.

Elle sentit également une tête velu se redresser juste devant son visage, la renifler avec son museau humide, lui chatouillant avec ses moustaches et la tenter de lui faire des léchouilles avec sa langue gluante.

Gahahli venait tout juste de retrouver l'usage de ses bras et de ses jambes qu'elle se sentit effarouchée par tant de réactions à son égard.

— Elune soit louée, tu es réveillée ! s'exclama la voix masculine.

— Comment vas-tu, ma chérie ? lui demanda l'autre voix.

— Je... J'ai la gorge un peu sèche, répondit Gahahli. Et je me sens un peu vaseuse.

— Tiens, de quoi te désaltérer ! dit la voix féminine en lui tendant ce qui devait être un verre d'eau.

Gahahli fait ce qu'elle pût pour se tenir assise sur le lit, maintenant qu'elle retrouvait l'usage de tout son corps, et saisit le gobelet avec ses deux mains qu'elle porta à ses lèvres.

— Vas-y doucement, mon cœur, lui dit la voix masculine. Tu dois ménager tes forces.

— C'est que tu nous a fait une belle frayeur, là bas, au Temple Noir, lui dit la voix féminine.

C'est alors que l'évocation du Temple Noir eu un effet flash dans l'esprit encore embrumée de la jeune elfe de la nuit, tandis que le liquide qu'elle ingurgitait venait rafraîchir et hydrater sa gorge.

Tout lui revenait à présent. Son séjour forcé au Temple Noir, Illidan tentant de la convertir en un de ses disciples, ses amis ainsi risquant leur vie pour la secourir...

Maintenant que sa vision et son esprit d'éclaircissement, elle se rendit compte qu'elle était en présence de son père, de Jakua et de Harrina, tous à son chevet.

D'instinct, elle cacha le bras qui devait porter la marque d'Illidan derrière son dos, renversant ainsi le gobelet à moitié vidé.

— Tout va bien ! tenta de rassurer son père. Tu es en sécurité à présent.

— Je suis désolée, An'da, s'excusa Gahahli. Mais je vous jure que je ne voulais pas de ça... Illidan m'a embrouillé... Et j'ai été imprudente avec ce maudit crâne... C'était un accident ! Ne vous fâchez pas par pitié !

— Allons, de quoi tu parles ? demanda Fyrvas incrédule.

— Chérie, regarde ton bras, dit soudain Harrina.

Incrédule, Gahahli risqua un œil à son bras, s'attendant à le retrouver couvert de marques verdâtres et ce fut à son grand étonnement qu'elle le retrouva son bras parfaitement intact. Elle inspecta même sous sa tunique. Plus aucune marque ni aucune trace de celle-ci. Seulement des cicatrices datant d'avant son séjour au Temple.

La jeune elfe de la nuit fut à la fois soulagée, car libérée de la peur de finir avec l'apparence d'un démon et d'être rejetée par ses proches à cause de son état à l'instar d'Illidan, et en même temps déconcertée. Ce fut comme si elle n'avait jamais posé la main sur le crâne de Gul'dan ni eu un quelconque entretien avec Illidan. Comme si son séjour forcée au Temple Noir n'avait jamais eu lieu.

Comment cela était-il possible ?

Comment cela était arrivé ?

N'était-ce donc qu'un mauvais rêve ? Non, ça paraissait si réel.

Elle se souvenait encore de la brûlure qu'elle avait ressenti en touchant le crâne du sorcier orc. Et ses horribles visions avant qu'elle ne perdît connaissance. Cela ne pouvait être un rêve.

Que s'était-il passé, au juste ?

— Tu peux remercier le naaru de t'avoir retiré ses horribles marques ! lui fit remarquer la magicienne.

— Le... "naaru" ? répéta Gahahli dubitative.

— De quoi tu te souviens-tu, au juste ? lui demanda Fyrvas soucieux.

— Je... Je ne sais pas, répondit la jeune elfe en fouillant dans sa mémoire. C'est... C'est encore très confus... On étais tous là au Temple Noir... Akama et Maiev affrontaient Illidan... Mes amis étaient venu me sauver... Mes amis, comment ils vont ?

— Ils vont bien, ne t'en fait pas ! lui répondit la magicienne aux cheveux auburn. Ils ont peut-être été un peu secoué, mais je peux t'assurer qu'ils sont tous sains et saufs.

— Quant au Traître, la Gardienne s'est chargé de son corps, ajouta Fyrvas. Il ne devrait plus nous causer de problème. Logiquement...

Gahahli lâcha un soupir de soulagement. Au moins, elle n'aura plus jamais affaire à cette énergumène. Certes, elle ne pourra plus jamais bénéficier de son pouvoir pour vaincre la Légion Ardentes mais au vu du prix qu'il fallait payer, ce n'était pas une grande perte. Elle et ses amis trouveront une autre solution pour combattre la Légion. Après tout, son peuple, l'Alliance et la Horde y étaient parvenu au Mont Hyjal. Et ce n'était pas Illidan qui avait liquidé le seigneur démon Archimonde et mis fin à a précédente invasion. Tout ce qu'il avait fait à cette période, d'après Tyrande, ça avait été de vaincre un de ses lieutenants en s'appropriant le pouvoir de Gul'dan et ce avant d'entrer au service d'un autre seigneur démon, selon les dires d'Akama. Sans parler de sa tentative de créer un second Puits d'Eternité qui toujours selon les dires de Tyrande avaient valu à Illidan ses dix milles années d'emprisonnement car susceptible d'attirer à nouveau la Légion Ardente, ce qui s'était effectivement produit dix milles ans plus tard malgré les efforts de Malfurion pour dissimuler le Puits. En d'autres termes, ce qu'avait accompli ce soi-disant chasseurs de démons contre la Légion Ardente n'avait pas plus d'effet qu'un cataplasme sur une jambe de bois... Dans le meilleur des cas. Sinon, il n'avait fait que jouer avec le feu pour que ce fut finalement des innocents qui s'en brûlèrent les doigts.

Et parmi ses innocents... la mère de Gahahli.

En y repensant, la jeune elfe se sentit stupide et honteuse d'avoir songé une seconde que la proposition et les méthodes du Traître serait LA solution.

Une bonne chose qu'Illidan ne fût plus de ce monde car elle n'était pas prête de lui pardonner.


Toutefois, il restait un détail qui l'a préoccupait et que son père ainsi que la magicienne avaient appartement omi.

— Et Bathris ? demanda-t-elle.

— Qui ça ? demandèrent à l'unisson la magicienne et le druide.

— Je veux dire, l'elfe de sang qui... Qui était avec mes amis quand ils sont venus me sauver. Est-ce qu'il est sain et sauf, lui aussi ?

Harrina gênée fut tentée de répondre mais elle fut vite devancée par Fyrvas qui avait soudain pris un air grave et répondit d'un ton ferme :

— Tu n'as pas à t'en faire pour lui, je m'en suis occupé.

— Comment ça ? demanda Gahahli incrédule.

— Tu n'as pas à t'en faire, je te dis, lui rétorqua son père. Il ne te causera plus de problème. En attendant, j'espère que cette fois tu auras retenu la leçon...

— Qu'est ce que vous lui avez fait ?

Gahahli s'était relevée d'un bond de son lit, malgré ses muscles encore endoloris, quand elle posa la question avec un ton de défi, fixant son père d'un regard sévère.

— Rien qui puisses te préoccuper, lui répondit ce dernier qui eut du mal à lui cacher sa surprise. Toutefois, il faut qu'on parle de ton attitu...

— Qu'est ce que vous lui avez fait ? redemanda Gahahli avec insistance.

— Dis donc ! Je ne te permet pas de me parler de cette façon...

— QUE LUI AVEZ VOUS FAIT, AN'DA ?

Elle avait parlé d'une voix si forte, malgré son petit gabarit, et trahissant une colère contenu qu'elle prit le pourtant imposant druide de court. Même Harrina et le Sabre de Nuit eurent un mouvement de recul devant un tel coffre.

— Je... Rien de méchant, répondit Fyrvas. Je lui ai juste demande de ne plus t'importuner...

— Et c'est tout ? demanda sa fille sceptique.

— Oui... Enfin, pas tout à fait... Il se peut que je l'ai... un chouia intimidé... pour qu'il ne te voit ni ne s'approche plus jamais de toi...

— V-vous... Vous... VOUS AVEZ FAIT QUOI ???

— Je ho, calme toi ! Ce que j'ai fait, je l'ai fait dans le seul but de te protéger...

— EN VOUS EN PRENANT À MES AMIS DE LA SORTE ? EN DÉCIDANT À MA PLACE DE QUI JE DOIS AVOIR DANS MON ENTOURAGE ? ET VOUS OSEZ APPELEZ ÇA "ME PROTÉGER" ?

— Je savais qu'elle le prendrais mal, murmura Harrina entre ses dents et qui voulut se faire toute petite.

— Écoute-moi ! tenta d'expliquer Fyrvas à sa fille qui explosait de colère. C'est pour ton bien ! C'est un elfe de sang ! Ils appartiennent à la Horde et ils sont dangereux...

— Vous ne le connaissez pas ! lui rétorqua Gahahli dans tous ses états. Horde ou pas, il n'a rien à voir avec ce que vous décrivez ! C'est l'elfe le plus gentil et le plus sincère que j'ai jamais connu ! Et vous vous permettez de le chasser de ma vie ? À mon insu ? Sans même me laisser l'occasion de lui faire mes adieux ?

— Cet individu ne peut pas être ton ami et ne doit jamais l'être ! D'ailleurs je t'interdis de le revoir !

— Vous m'interdisez ! De mieux en mieux !

— Je suis ton père ! s'impatienta le druide. Je sais ce qui est bon pour toi ! Tu devrais m'être redevable !

L'espace d'un instant, rien qu'au regard autoritaire et au ton ferme du druide ainsi que la force de ses propos, Gahahli crut se retrouver en présence d'Illidan. Elle fut même surprise de constater à quel point son père lui ressemblait physiquement, les cornes et les ailes en moins. Et en temps normal, la jeune elfe devrait se plier aux exigences de son père, aussi injustes semblaient elles à des yeux. Mais étrangement, elle ne se laissa pas intimider pour autant. Après s'être frottée à Illidan, elle se sentait pousser un élan de courage et de rébellion vis à vis de son père.

— Redevable pour quoi ? dit elle sur un ton de défi. Pour décider de ma vie à ma place ? Me forcer à l'obéissance ? Sans que j'ai mon mot à dire ? Et puis comment pouvez vous savoir ce qui est bon pour moi ou pas ? Avez vous au moins demandé mon avis au préalable ?

— Je n'ai nullement besoin de connaître ton avis ! se défendit Fyrvas. Je suis ton père après tout...

— Alors vous vous contentez de tout décider de ce qui est bon pour moi.

— Je suis ton père ! Je SAIS ce qui est bon pour toi !

— Mieux que moi ?

— Sûr et certain !

— Et si vous trompiez sur mon compte ?

— J'ai plus d'années d'expérience que toi, petite ! Tu n'as pas à me donner de leçon !

— Et c'est ce qui vous donne le droit de décider à la place de la vie ? Je n'appelle pas ça un père ! J'appelle ça un tyran !

— Ça suffit ! s'énerva Fyrvas qui sous l'effet de la colère menaça de lever la main sur sa propre fille. Je vais t'apprendre le respect...

Un rugissement terrifiant retentit dans toute la chambre et fit reculer le vieil elfe pris de surprise.

C'était Jakua qui venait de s'interposer entre sa partenaire et son père. Il se tenait immobile au pieds de Gahahli, montrant les crocs, les griffes sorties, le poil hérissé, les oreilles abaissées, grondant et fixant le druide d'un regard sévère.

L'attitude du Sabre-de-nuit prit tout le monde de court, en particulier les deux elfes de la nuit. Ce fut la première fois qu'il se montrait aussi menaçant envers un proche de sa partenaire, à plus forte raison un membre de sa famille. Jusqu'à présent, le Sabre-de-nuit avait toujours considéré le père de sa partenaire comme s'il avait été le sien et le respectait en tant que tel.

En cet instant précis, ce fut comme s'il protégeait sa partenaire de celui qu'il avait toujours considéré comme un patriarche vénéré.

— Jakua... Qu'est ce que... Qu'est ce que cela veut dire ? demanda Fyrvas toujours déconcerté.

Pour Gahahli, le message était clair. Elle savait d'expérience que l'instinct de son fidèle Sabre-de-nuit ne mentait jamais et que par conséquent, elle pouvait se fier à lui pour reconnaître quiconque susceptible de lui faire du tort.

— Vous voyez père ? répondit finalement la jeune elfe avec un ton plein de rancune. Lui me protège. Pour de vrai...


Peu de temps après, Gahahli tourna les talons et récupéra ses affaires entreposées dans un coin de la pièce. Fyrvas quant à lui resta immobile au coin opposé de la pièce, comme pris en état de choc.

— Hum, chérie... Où tu vas comme ça ? osa demander Harrina qui fut restée silencieuse durant la dispute.

— Réparer les bêtises de mon père, bien sûr ! répondit la jeune elfe avec amertume.

— Mais... Attend ! Tu viens à peine de sortir du lit ! Tu devrais...

— Je vais bien ! J'ai repris du poil de la bête ! Et d'ailleurs je n'ai pas besoin de vous !

La jeune elfe mentait à moitié. Elle avait certes retrouve l'usage de son corps entier et ses forces lui revenaient certes, mais légèrement. Elle aurait besoin d'une petite heure pour retrouver toute sa vigueur. Mais cela lui était égale, tant qu'elle pouvait quitter la pièce et s'éloigner le plus possible de ce parent qu'elle ne reconnaissait plus.

— Écoute, ce que ton père a fait n'était pas très intelligent, je suis la première à le reconnaître. Mais quoi que tu fasses, tu devrais nous laisser t'accompagner...

— Je suis assez grande pour le débrouiller ! Je n'ai nullement besoin qu'on le tienne la main.

— Laisse lui au moins une chance de se rattraper....

— Je ne veux plus rien avoir à faire avec vous, c'est compris ? s'impatienta Gahahli. Laissez moi gèrer ma vie, s'il vous plaît !

Puis elle quitta l'auberge d'un pas énervé, Jakua sur ses talons, et ignorant le réceptionniste draeneï qui lui demandait innocemment si elle avait bien profité de la chambre.

Elle laissa ainsi Harrina et Fyrvas en plan et interdit dans la chambre qu'elle venait de quitter. La magicienne fut tentée de la rattraper et de la raisonner mais le vieux druide, dépité, le lui déconseilla du regard. Il venait de reconnaître son échec.


Gahahli erra sans but sur la corniche qui surplombait Shattrath, se mordant le poing pour résister à l'émotion qui l'envahissait. Elle attendit qu'elle fut suffisamment loin de l'auberge qu'elle venait de quitter pour finalement s'effondrer en larmes et s'écrouler à genoux sous le poids de l'émotion qu'elle venait d'encaisser.

Jamais elle n'avait eu de disputes aussi violentes avec son père. Pas même à l'époque celui-ci se refusait de la laisser partir à l'aventure. Et en y réfléchissant, elle se sentit un peu coupable de s'être ainsi énervé contre lui et surtout de s'être emportée contre Harrina qui n'avait pourtant rien fait pour devoir subir sa colère. Même les mots qu'elle avait du employé contre son père, elle les commençait à les regretter. En d'autres circonstances, jamais elle n'aurait mis en cause sa bonne foi et ne l'aurait traité de tyran.

Mais de l'autre côté, elle ne pouvait pas pardonner son père pour son attitude et pire encore, maintenant qu'elle avait un aperçu de son vrai visage, elle venait à l'évidence qu'elle ne lui ferait plus jamais confiance. Pas plus qu'elle ne referait à nouveau confiance en Illidan si un jour il refaisait surface.

Et s'il y avait une leçon que Gahahli avait retenu de son bref séjour avec le Traître ce fut à quel point il était vital de se tenir à l'écart de gens aussi tyranniques que lui, qu'elle ne serait jamais en sécurité avec .

Mais voilà où elle en était réduite. À renier la seule famille qui lui restait. L'une des rares choses que ne li la folie meurtrière et destructrice de la Légion ni les extravagances d'Illidan ne lui avaient pas encore pris et qu'elle redoutait de perdre à tout moment. Et voilà que l'une de ses choses qu'elle tenait à tout prix à conserver s'avérait être toxique pour elle. Quelle cruelle blague !


Elle passa un long moment à pleurer toutes les larmes de son corps, serrant contre son Sabre de Nuit dont la présence chaleureuse fut son seul réconfort qu'elle ne fit pas attention au bruit de pas claudiquant d'une jambe métallique à son approche.

— Gamine ? T'es debout ?... Enfin, t'es sortie du lit ?

La voix du nain arracha finalement la jeune elfe de la nuit de sa déprime et elle vit Batël se tenir hagard derrière elle.

— Et moi qui était venu prévenir ton daron qu'on partait pour Quel'danas, dit le nain en se rapprochant de l'elfe pour la serrer dans ses bras épais comme des tronc d'arbres. Ah que je dis pas comment ça me fait chaud au cœur de te revoir sur pied !

— Moi de même ! se contenta de répondre Gahahli, étouffée par l'étreinte du nain.

— C'est que tu nous a tous flanqué la frousse au Temple ! Avec ses marques et ta crise d'épilepsie... Mais au fait, pourquoi tu pleurais à l'instant ? Il t'es arrivée quelque chose ?

Le nain avait posé la question avec tant de douceur et de compréhension que Gahahli se surprit de déceler son côté paternel. Après tout Batël avait été lui même père d'au moins deux fils morts ou disparus durant la Troisième Guerre. Et ironie du sort, le nain pourtant pas réputé pour sa finesse se révélait plus paternel aux yeux de la jeune elfe que son propre père.

— Ce... Ce n'est rien, répondit-elle en lui mentant qu'à moitié. Je... j'ai juste eu un choc... en me réveillant... Les autres vont bien ?

— S'ils vont bien ? Ils sont assez en formes pour prendre d'assaut Quel'danas !

— Où ça ?

— C'est sur la côte nord de Quel'thalas, comme tu peux t'en douter ! C'est là que ces foutus elfes de sang ont établi leur satané Puits de Soleil !

— Et... Qu'est ce qu'ils viennent faire là bas ?

— Ah que c'est vrai que t'es pas au courant ! Figure-toi que ce chacal de Kael'thas a trahi les siens, s'est allié à la Légion Ardente et a pris le contrôle de l'île avec sa clique de démons et d'elfes corrompus. Et à l'instant, ses sujets trahis viennent demander de l'aide aux draeneïs pour récupérer leur île et leur puits ! La bonne blague ! À l'heure où je te parles, tout le monde se mobilise pour de rendre sur l'île botter le cul à ce prince félon. Regarde par toi-même !

Il l'amena sur le bord de corniche duquel ils pouvaient voir une foule de guerriers, Horde et Alliance, s'attrouper sur la terrasse en contrebas, autour de portails magiques maintenus par des mages elfes de sang et draeneïs. Ces portails devaient rapprocher les troupes du lieu du prochain assaut.

Gahahli eut besoin de temps pour enregistrer tout ce flot d'informations que le nain venait de balancer avec un trop plein d'enthousiasme. La trahison de Kael'thas... Les elfes de sang en péril... Une nouvelle alliance improbable... Elle n'arrivait pas en croire ses oreilles. Et maintenant qu'elle observait la scène depuis la corniche, elle n'en croyait pas ses yeux non plus.

Elle eut beau scruter la foule, elle ne repèra aucun visage familier.

— Est ce que... Est ce que notre groupe est déjà de la partie ? demanda-t-elle à la fois inquiète et encore légèrement confuse.

— Ah, tu sais, rien ne t'oblige à y aller ! lui répondit Batël. Surtout après ce que tu as du enduré au Temple... Personne ne t'en voudra. Par contre, ne cherche pas Bilbo, Bartelo et l'autre grand bleu, ils sont tous partis devant. Mais dit, tu ne saurais où est ton père ? J'aimerais l'en tenir informé.

— Il doit être resté à l'auberge, avec Harrina.

— Merci beaucoup !

Sur ce, le nain prit la direction de l'auberge indiquée par la jeune elfe.

Cette dernière, contemplant la foule en contrebas, avait secrètement pris sa décision.

Elle ignorait ce qu'il l'attendait sur cette île mais elle sut d'instant qu'elle devait s'y rendre. N'était-ce que pour le retrouver lui. Et lui prêter main forte. Ou lui faire ses adieux au cas où les choses tourneraient mal.

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