La voix de l'ombre - Livre I : Les murmures du passé

Chapitre 19 : Une affaire en cours

2402 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 17/02/2024 18:39

Chapitre 19 : Une affaire en cours.



Walmor relut ses notes : à n'en point douter, il était sur une piste des plus intéressante. Les points marquants de sa rencontre avec le chef de guerre et la femme qui l'accompagnait convergeaient selon une interprétation : l'orc était en fuite avec la jeune princesse perdue d'Altérac, à qui Perenolde l'avait marié de force. Il ne voyait que cela. Elle correspondait à sa description des rapports qu'il avait reçu. Néanmoins, il avait besoin que son espion confirme ses doutes.

Ce qui lui échappait, en revanche, c'était la raison pour laquelle elle le suivait. Pour cela, Walmor allait devoir faire appel à son intuition et sa capacité d'analyse.


En effet, le général avait un don pour les sciences comportementales, compétences grâce auxquelles il avait su démanteler un réseau entier de contrebandiers par son analyse des attitudes humaines par le passé. Le seigneur qui en était à l'origine, se croyant protégé par son statut, avait été confondu sans équivoque.


Sur ce point, Walmor était parfaitement efficace. Et les éléments qu'il avait relevés en disaient long : la jeune femme était une guerrière qui ne semblait pas être l'esclave de l'orc. Elle ne présentait aucune marque de coup, et semblait en bonne santé. Elle était son alliée. Mais le plus troublant, c'était bien le comportement de Marteau-du-destin qui donnait l'impression de vouloir la protéger. Et ce mot qu'il a prononcé dans sa langue lorsqu'il avait maîtrisé la fille, « O'nosh », et si cela était une sorte de surnom ? C'était le seul mot en langue orque qu'il avait prononcé.


Walmor avait donc dépêché un agent auprès du camp nord pour avoir la signification du mot. Bien qu'apathiques, les orcs étaient encore capable de parler, quitte à insister à coup de savate.

L'orc s'était également agité lorsqu'il s'était mis à humer les cheveux de la jeune femme. Il aurait juré percevoir une forme de jalousie dans son regard plissé et vicieux. Comme si elle était sa propriété, sa chose,...son amante...


  • Général, au rapport, s'annonça le cavalier revenu du camp, ce qui sortit Walmor de sa réflexion. L'un des orcs captif a accepté de me traduire le mot orc en langue commune, poursuivit-il en descendant de cheval.
  • Eh bien, tu vas pouvoir éclairer ma lanterne, dit Walmor, le regard avide.
  • « Nosh » ou « Osh » signifie « cœur », affirma-t-il. Le « O » devant semble être un préfixe honorifique, ou encore une marque de familiarité.
  • De familiarité, vraiment... pensa tout haut le général. Merci pour cette information des plus précieuse. Rompez !
  • À vos ordres mon général.


Le cavalier tourna les talons et s'éloigna avec son cheval, tandis que Walmor reprit ses notes. Ses déductions commençaient à prendre forme, c'était évident. Il en parlerait à Vosh dès son retour.



Plus ils avançaient au nord, plus le paysage était boisé. La flore était luxuriante, les plaines comptaient des dizaines de pins immenses et les longs pâturages.

Cela faisait plusieurs jours qu'ils n'avaient rencontré aucun humain. En revanche, les Hinterlands comptaient quelques tribus trolles qu'Orgrim décida d'ignorer. Bien qu'ils aient été alliés durant la Seconde Guerre, il n'était pas question de laisser des traces de leur passage, si tant est qu'un des trolls le reconnaissait.

Pour avancer discrètement et à vive allure, cette contrée était idéale. Les haltes étaient rares, il fallait maintenir une bonne distance avec les humains qui pouvaient les talonner. Ils purent cependant se reposer à l'ombre d'une dune rocheuse encerclée de pins et de hautes herbes, près d'un court d'eau, plus au nord.


  • Nous allons devoir chasser, déclara Orgrim devant la besace de vivres à présent beaucoup plus légère. Les deux daims que nous avons pris hier y sont passés.
  • Évidemment, à l'allure où tu les engloutis, il ne restera plus que de l'herbe à brouter, se moqua la princesse.

Orgrim grogna et se renfrogna. Il était vrai que les daims ici étaient particulièrement petits.

  • En tout cas c'est une bonne idée, rétorqua Keera en étirant ses membres. Les muscles endormis sont...


Elle se tut lorsqu'elle vit Orgrim regarder derrière elle. Il lui fit signe de ne pas bouger, mais elle dégaina sa dague précautionneusement, puis pivota. Un loup au pelage gris blanc se tenait là, à les regarder. Ce n'était pas un loup géant, comme Orgrim avait l'habitude de rencontrer sur Draenor. Il sortit son couteau silencieusement mais s'immobilisa : le loup avançait à tâtons vers Keera qui le fixait. Un jeu de regard entre les deux s'installa, puis Keera tendit une main ouverte vers le loup. Il s'approcha un peu plus, et renifla la main. Elle caressa son museau, puis sa gueule.


Après un moment, le loup se retira et partit. Rengainant son couteau, Orgrim lança :

  • Les loups de vos contrées sont bien moins sauvages que nos garns, soupira-t-il. Et plus petits.
  • Oui, tout comme les orcs sont plus grands et massifs que les humains, considéra Keera pour suivre la réflexion de son compagnon. Chaque espèce s'adapte à son environnement.
  • Hum... tu sembles attirer les créatures les plus sauvages. L'autre jour, c'était un ours, à qui tu as rendu un de ses petits. Il aurait dû te charger pour avoir porté son rejeton, mais non, il t'a laissé approcher. Ils sentent que tu n'as pas peur, conclut-il.
  • J'ai bien approché un orc, une fois, ironisa-t-elle. Il était pourtant colossal avec son armure noire et sa mine renfrognée et farouche. Et il ne m'a jamais mordu ! dit-elle en souriant.
  • Peuh ! Il a souvent été tenté, crois-moi, ajouta Orgrim qui faisait référence au début de leur rencontre.

Tous deux se regardèrent et sourirent. Leur rencontre n'avait été facile pour aucun des deux. Les choses avaient bien changé depuis.


Orgrim se leva et scruta l'horizon. Il aperçut quelques daims qui devaient être tout jeune.

  • Je m'en occupe, annonça Keera qui se levait aussi. J'ai besoin de me dégourdir les jambes.
  • Je garde les chevaux, mais ne t'éloigne pas trop, dit Orgrim en la voyant s'éloigner.

Elle lui fit signe, sortit sa dague, et s'enfonça dans la végétation.

Orgrim en profita pour observer les alentours. Ils arrivaient au point culminant des Hinterlands, et allaient bientôt atteindre les Terres du Nord. Cependant, ils n'avaient pas localisé de passage terrestre entre les deux contrées. Ils allaient sûrement devoir escalader la pente douce dont les rochers faciliteront l'ascension. Ils seraient également suffisamment à couvert grâce à la végétation généreuse du flanc de la montagne. Mais cela signifie que les chevaux ne pourront pas les suivre. Il faudrait en trouver d'autres rapidement, une fois le col montagneux passé.


Keera revint une heure plus tard avec suffisamment de nourriture pour deux ou trois jours.

Rassuré de la voir revenir, Orgrim l'aida à ranger le gibier pris et ils s'approchèrent le plus possible du pied de la montagne. Après avoir effrayé les chevaux pour qu'ils fuient assez loin de leur point de départ, Orgrim accrocha la besace de cuir contenant son armure, et qu'il avait fauché dans une ruine, en biais dans son dos, ainsi que le marteau-du-destin. Keera transportait la musette de vivre et avant sanglé sa lance dans son dos.

Ils se lancèrent alors et prirent un bon rythme de montée. Les passages plus pentus offraient toujours une bonne accroche grâce aux rochers qui sortaient du flanc. Les nombreux pins pouvaient également être utilisés, et procuraient une couverture efficace.



Ils mirent deux bonnes heures pour atteindre le sommet. La terre y était plus sèche, ce qui expliquait l'absence de végétation.

Keera aida Orgrim à se hisser au sommet, et tous deux posèrent leurs bagages pour reprendre leur souffle.


Une longue étendue de terre creusait une sorte de chemin et séparait le sommet en deux. De loin, ils pouvaient apercevoir les Terres du Nord. Une ombre, tel un nuage, passa au-dessus de leur tête. Le soleil n'était pourtant pas couvert, ni le ciel assez gris pour annoncer un déluge. Soudain, une autre ombre les survola encore plus rapidement que la première. Des griffons.

Keera les reconnut. Quelqu'un les survolait.

  • J'ai déjà vu ces oiseaux hybrides nous attaquer au royaume elfe, se méfia Orgrim.
  • Ce sont des griffons, rectifia Keera qui scrutait les airs. On nous attaque !


Orgrim sortit son marteau-du-destin et se tenait prêt, tandis que Keera pointa sa lance en direction d'un des cavaliers aériens qu'elle manqua de peu. Ils en comptèrent quatre. L'un d'eux vola trop près du sol et Orgrim attrapa l'une des serres de la bête qu'il cogna contre le sol, faisant tomber son cavalier par la même occasion. Il acheva le cavalier en écrabouillant sa tête à l'aide du marteau-du-destin.

Keera eut de la peine pour la créature plaquée au sol, et cette seconde d'inattention donna l'occasion à l'un des assaillants de l'attraper par le bras et de la hisser sur sa monture volante. Elle lâcha alors sa lance.

  • Keera ! cria Orgrim dans sa direction.
  • Tu veux dire la princesse Keera d'Altérac ? demanda sournoisement Walmor qui venait de sauter de son griffon. Aurais-tu peur pour sa vie ?
  • C'est pour la tienne que tu devrais trembler, humain, répondit Marteau-du-destin, le regard mauvais tandis qu'il le chargea.

Au moment où le marteau aurait dû toucher le général au niveau de l'épaule, l'humain disparut, puis réapparut une seconde plus tard derrière l'orc qui esquiva un coup de dague de justesse. L'un des cavaliers volants tenta une descente en pic vers l'ancien chef de guerre qui, pris en étau, dût s'appuyer sur le marteau-du-destin pour ne pas tomber et éviter à la fois l'oiseau et le général. Le cavalier amortit la chute en tirant sur les rênes du griffon qui faillit s'écraser au sol.


Orgrim tenta un rapide coup d’œil vers le ciel pour apercevoir Keera, mais Walmor ne lui en laissa pas le temps et attaqua en oblique pour atteindre le flanc de l'orc. Orgrim para le coup assez vite pour éviter l'éviscération, mais reçut une coupure sous les côtes. Se retournant instantanément, l'orc envoya au général un violent coup de poing au torse que l'humain para de ses bras. Le choc le repoussa cependant en arrière.

  • Tu attaques sous la ceinture, humain, reprocha Orgrim, plus accoutumé aux combats francs et directs. Bats-toi comme un homme, bien en face !
  • Si tu le dis, orc, lança Walmor avec désinvolture. Sache que tous les coups sont permis, pourvu qu'on gagne, ajouta-t-il, essoufflé.
  • Que vaut la victoire sans honneur ? s'offusqua Orgrim.
  • Elle vaut la vie, répondit Walmor, qui ne vit pas la pluie de flèches s'abattre sur eux.


Orgrim sauta en arrière mais reçut une flèche à l'avant-bras, tandis que Walmor s'abaissa pour les éviter, puis disparut à nouveau.

Il réapparut quelques pas plus loin :

  • Qui ? hurla-t-il à l'encontre des archers postés en hauteur sur les rochers derrière eux.
  • Halte aux flèches, cria leur commandant installé derrière eux, la main levée.

À cette distance, il fut difficile de l'identifier, mais Walmor le reconnut à sa voix : Garithos !


C'est alors qu'un griffon le chargea, et Walmor dû se jeter au sol pour l'esquiver. La créature se posa près de Marteau-du-destin.

  • Orgrim, monte ! ordonna Keera qui tendait la main à son compagnon pour qu'il monte en selle.
  • Malédiction ! s'écria Walmor devant la scène. Ils s'enfuient, tirez sur le griffon, tirez !

Mais aucun des archers ne visa le griffon, ni n'encochèrent de flèche.

La monture était loin à présent, emportant les proies tant recherchées, tant convoitées.


  • Garithos, fulmina Walmor qui s'avançait vers le chevalier, le regard furibond.
  • Général Walmor, je viens en renfort, annonça fièrement Garithos, le torse bombé. Personnellement mandé par le roi Terenas !
  • Parce qu'il n'y avait personne d'autre, ignorant ! avoua le général qui tentait de se calmer. (Il l'attrapa par le col) Pourquoi tes archers n'ont-ils pas obéi ! s'indigna-t-il.
  • Prenez garde général, bafouilla le chevalier. Ces archers sont sous mes ordres, ils n'obéissent donc qu'à moi, répondit-il dignement. Et le roi n'admettrait pas que vous me traitiez de la sorte !
  • Très bien, chevalier, tu te chargeras donc du prochain rapport au roi expliquant que ton excès de zèle a permis la fuite du plus grand criminel recherché, que nous étions pourtant sur le point d'attraper, accusa Walmor qui le lâcha brutalement.
  • Vous n'avez aucune preuve que cet orc était bien Marteau-du-destin, se dédouana Garithos qui massa son cou endoloris. Et fusse le contraire, vous devriez me remercier de vous avoir sauvé la vie, car il allait instamment vous abattre, finit-il.


Ignorant la remarque, Walmor s'éloigna de ce gobe-mouches, rejoint par le reste de ses hommes, l'air aussi dépité que lui, ce qui refréna son envie de meurtre.

  • Général, William est parti à leur poursuite, annonça l'un d'entre eux. Deux des nôtres ont été abattus par la fille, l'autre gît sur sol, le crâne en bouillie.
  • Très bien, retournons à la base, décréta Walmor qui appuyait sur sa tempe de ses deux doigts, plus qu'irrité. Attendons le retour de William un jour, puis nous installerons une nouvelle base dans les Terres du Nord, c'est la direction qu'ils ont prise.


Sur le départ, Walmor observa Garithos donnant ses ordres à coup de grands gestes aussi théâtraux que ridicules. Jusqu'à présent, il avait cru le roi Terenas de son côté, lui confiant cette mission notamment en raison de ses compétences particulières. Pourquoi lui avait-il donc mis cet incapable intolérant dans les pattes ?

La suite de la mission s'annonçait longue et terriblement exaspérante.

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