La voix de l'ombre - Livre I : Les murmures du passé

Chapitre 34 : La légende du nord

1986 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 02/03/2024 11:22

Chapitre 34 : La légende du nord.



  • Pourquoi qui t'appelle O'nosh l'grand ? demanda Hermand.

Après plusieurs jours à attendre l'ami de Hermand, Orgrim avait pris l'habitude d'aller chasser l'ours, animal assez grand à dépecer, et dont la peau constituait une couche soyeuse et chaude.

Keera et Hermand discutaient donc, seuls dans la maisonnée du nain.

Keera sourit à la question qu'il venait de lui poser.


  • Si je traduis en langue commune, cela donne « mon cœur ». Pour les orcs, tout est lié au cœur, leurs croyances, leur force, leur âme.
  • J'savais pas qu'c'était un peupl' aussi spirituel, s'étonna Hermand qui caressait sa longue barbe tressée. Ni aussi romantiqu' tu m'dira, dit-il le sourire aux lèvres.
  • Oui, ils sont bourrus, concéda la princesse. Mais beaucoup ont un grand cœur.
  • Me souviens d'certains qu'avaient surtout un'grand' hache, lança le nain.
  • Oui, aussi, admit-elle, un léger sourire en coin.
  • M'enfin, ton jules l'a l'air plutôt droit dans ses bottes, malgré qu'il menait c'te foutue Horde.
  • C'est vrai, et son but n'était pas le génocide, crois-moi, dit Keera. Il n'a pas lancé cette guerre, mais il l'a poursuivie pour la survie de son peuple. Ce qui n'excuse pas tout, je te l'accorde.


Hermand savait, de par son expérience et ses connaissances historiques, que d'une histoire découlait souvent plus d'une version. Et, pour avoir côtoyé Orgrim depuis un moment, il devait bien admettre que certains d'entre eux étaient doués de raison.

  • Enfin, j'espèr' qu'on n'refra pas la guerre avec c'grands verts, dit Hermand. Si tant est qu'ils sortent d'leur prison un jour.

C'était le rêve d'Orgrim, pensa Keera. Libérer son peuple et le guider vers une terre qui serait la leur. Pratiquer leurs anciennes coutumes et élever les prochaines générations. Ce dont elle doutait en ce qui concernait la lignée des Marteau-du-destin.


Hermand la vit masser son ventre, perdue dans ses pensées.

  • J'peux m'permettre une question ? osa le nain.
  • Je t'écoute, dit Keera qui refit surface.
  • Tu m'dit si c'trop personnel, mais, j'me d'mandais si vous vouliez avoir des enfants ?

La question était en effet très personnelle, et elle dérouta Keera quelques instants. Elle réfléchit, puis dit :

  • Nous avons eu un enfant, né après la fin de la guerre, précisa-t-elle. Mais il a vécu moins d'une heure.
  • J'en suis désolé princesse, dit le nain, navré. Du coup, c'dur d'remettre le couvert j'imagine.
  • Non, en fait, je...
  • J'ai vu un nain plus loin dans la vallée, annonça Orgrim qui venait d'entrer en trombe dans la maison.
  • Ah ! dit Hermand en se levant brusquement. Dis-moi pas qu'c'est l'pote Futalenfer ! J'en connais peu qui viennent jusqu'ici.


Le nain se faufila hors de la maison, l'air joyeux. Keera et Orgrim lui emboîtèrent le pas, impatients de savoir s'il s'agissait réellement de son ami.

Plus âgé que Hermand, la barbe plus courte et soigneusement entretenue, le nain qui chevauchait son bélier dans leur direction transportait deux lourdes besaces. Tous deux l'observèrent tandis que Hermand lui fit signe.

Le nain arriva à leur hauteur et les scruta. Tout en descendant de sa monture, il dévisagea Orgrim, l'air suspicieux.

  • J'tavais prév'nu qu'il était grand l'bonhomme, fit Hermand à son ami.
  • J'vois ça, confirma le nain qui s'approcha du groupe.
  • Mon ami, j'te présente Orgrim et sa compagne, Keera, dit Hermand.
  • Salutations, j'suis Dagor Futalenfer, explorateur et chercheur de la Ligue des explorateurs.


Dagor les observa, puis s'attarda sur Keera :

  • Par la barbe de Modimus, nous v'là en présence d'une rareté, dit le nouveau venu.

Légèrement mal à l'aise, Keera croisa ses bras sur sa poitrine.

  • Tu crois qu'j'te mentirais, s'offusqua Hermand.
  • Bon, j'crois avoir une piste sur ton identité ma belle, et j'aurais b'soin de te poser quelques questions.

Son accent était moins prononcé que celui de Hermand, à la grande joie d'Orgrim.

  • Si cela peut aider, répondit Keera.
  • 'tendez, j'ai amené quelques vieilles reliques. J'amène tout ça et on fait l'point, proposa Dagor.



  • L'collègue là, il m'a parlé de toi, princesse, dit Dagor en désignant Hermand de la tête. Et j'tavoue qu'au début, j'ai pas bien cru son histoire.

Assis près d'une marmite dans laquelle mijotait un ragoût, tous les trois écoutaient Dagor avec attention.

  • Avec les informations qu'il m'a données, j'ai r'cherché dans des ouvrages vieux d'plusieurs siècles. Et dans des écrits vrykuls, un peupl' nordique descendant des Terrestres, j'ai trouvé la trace d'un peuple éteint aux yeux ambrés, comme toi. Et plus particulièrement d'une légende.
  • Une légende, comme nous a dit Hermand, pensa tout haut Keera. Et de quoi s'agit-il ?
  • En fait, les vrykuls vénéraient une sorte d'divinité, j'suis pas sûr. Une guerrière aux yeux dorés qu'ils vénéraient comme une déesse pour sa férocité au combat. Les vrykuls sont un' race d'demi-géants guerriers dont on sait pas plus, avoua Dagor. Mais ils sont une race antique.
  • Donc, reprit Keera, je serais la descendante d'une race éteinte depuis des siècles ?
  • Ce s'rait possible, oui. Hermand m'a dit qu't'avais été r'trouvée près du Champs de Valgan, et si j'me souviens bien, cette partie du territoire était une partie des terres du nord avant la Grande Fracture.
  • La Grande Fracture ? questionna Orgrim. Qu'est-ce que c'est que ça ?
  • Dans les temps anciens, y'a plus d'dix mille ans, tous les continents n'en formaient qu'un : Kalimdor. Après l'implosion du Puits d'éternité, la plus puissante source d'magie jamais connue, l'territoire se scinda en plusieurs territoires plus p'tits, dont c'lui qu'on foule.
  • Et donc, mon peuple viendrait du territoire au nord ? Mais comment alors je me suis retrouvée ici seule sans mon peuple ?
  • V'là la vraie question, continua Dagor qui triturait son menton. J'cherche encore par rapport à là où on t'a r'trouvée. Et si c'est ça, ça voudrait mêm' dir' que ton peuple s'est éteint y'a des millénaires ! Tiens, jette un œil à ça.


Dagor tendit un ouvrage qui semblait avoir traversé les âges. Elle l'ouvrit délicatement, et commença à le parcourir. Plusieurs autres étaient empilés, enroulé dans un tissu pour les protéger.

  • T'a eu l'autorisation d'sortir tous ces livres ? demanda Hermand.
  • Tu vois une aut' solution ? Tu m'as dit qu'elle pouvait pas v'nir à Forgefer sans son compagnon. Et son compagnon c'est un orc, par ma barbe !
  • Ouais mais j'pouvais p't'êtr' la convaincre avec le temps, renchérit Hermand. Toi, t'as carrément volé c'bouquins !
  • C'mystère il m'intrigue autant qu'toi, mon frère. Et j'compte bien trouver d'quoi il r'tourne ! affirma Dagor. L'un d'ces livres pourrait bien lui parler.


Le lendemain, lorsqu'Orgrim se réveilla, il trouva Keera à ses côtés, parcourant l'un des ouvrages « emprunté » par Dagor.

  • Tu comprends ce que ça raconte ? lui demanda-t-il en massant son crâne rasé.
  • Pas vraiment, mais j'en ressens les énergies, comment dire, leur essence, peut-être.
  • Tu es plutôt pâle et tu supportes le froid, c'est possible que Dagor ait raison sur l'endroit d'où tu viens, dit Orgrim.
  • Tout est possible, en fin de compte. Sauf que ça n'explique pas comment je me suis retrouvée seule sur ce continent après la Grande Fracture, dit la princesse, perplexe.
  • Hum, ils ont l'air de vouloir résoudre ce mystère à tout prix, ne t'inquiète pas, la rassura Orgrim.
  • C'est vrai, nous verrons bien. Je vais lire celui-ci au soleil, dit-elle en se levant.
  • Je te rejoins, ajouta Orgrim qui s'étirait.


Le temps s'était adoucit, mais, bien que le soleil donnât dès le lever du jour, l'air était encore frais. Keera s'installa contre un rocher recouvert de mousse. Assise en tailleur, elle posa précautionneusement l'énorme livre qu'elle avait choisi et en caressa la couverture. Elle l'ouvrit, puis en débuta la lecture.

Tandis qu'elle lisait à haute voix, Orgrim s'avançait vers elle. Puis s'arrêta. Silencieux, il observait Keera qui lisait.

Plus loin, Hermand sortit de sa maison, la pipe au bec.

  • Ah, Orgrim, t'es raid' comme un piquet mon gars, dit-il devant son atonie.

Orgrim ne réagit pas. Hermand le fixa, puis regarda dans la même direction. Keera lisait tout haut un vieil ouvrage... dans une autre langue.

  • C'est pas, … attends !

Hermand se retourna et courut vers la maison. Il en sortit quelques secondes plus tard, accompagné de Dagor.

Tous deux s'arrêtèrent à hauteur de l'orc, et écoutèrent.

  • Alors ça c'est intéressant, dit Dagor, les yeux pétillants.




Le ciel était tapissé d'étoiles qui éclairaient la nuit. Et, tandis que les animaux des environs partaient se cacher pour échapper aux prédateurs nocturnes, le petit groupe s'était réuni dans la maisonnée.

Keera, qui ne s'était pas aperçue qu'elle avait parlé dans une autre langue, avait passé une partie de la journée à traduire l'ouvrage qu'elle lisait le matin et dont le titre n'était pas lisible. Il s'agissait d'une langue commune très ancienne que même les nains peinaient à comprendre. Seules quelques races nordiques antiques l'avaient utilisée. Ce qui semblait attester de son appartenance à une race disparue très ancienne.


Cependant, cela n'expliquait pas tout.

  • Une fois qu't'auras tout lu et traduit, tu pourrais p't'êtr' nous apprendre à comprendre c'te langue princesse ? proposa Hermand.
  • Cela prendra du temps, cet alphabet est très éloigné du nôtre et beaucoup moins primitif. Pour l'associer aux lettres et syllabes de la langue commune, ce sera long, avoua Keera.
  • Et surtout fascinant, dit Dagor qui écarquillait les yeux comme un enfant devant un jouet.
  • Inutile de te demander de la traduire en langue orque, alors, ironisa Orgrim.

Les deux nains restèrent bouche bée. L'orc avait fait une boutade. Et, d'après la tête stupéfaite qu'ils présentaient, Keera ne put s'empêcher de sourire. Elle savait qu'à l'occasion, il pouvait faire preuve d'humour. Mais, jusqu'à présent, il ne se l'était jamais autorisé devant d'autres personnes à part elle. Cela prouvait qu'il se sentait à l'aise parmi leurs nouveaux compagnons.

  • Avec vous deux, on en apprend d'bonnes ! dit Hermand, à l'évidence totalement fasciné par l’attrait comique que pouvait finalement présenter l'orc.
  • Sûr qu'on s'ennuie pas avec vous, confirma Dagor qui observait Orgrim encore sous le choc.


Afin de poursuivre dans cette ambiance plus détendue, Hermand sortit un tonneau de bière naine qu'il servit en abondance. Après tout, les nains étaient réputés pour leur personnalité joviale et burlesque. Et surtout, leur attrait pour la bonne bière.

  • C'gredin jure comme un charretier, c'est pour ça qu'il tombe jamais les filles, se risqua Dagor en désignant Hermand du doigt. En revanche, toi, tu dois êt' une sacrée affaire pour avoir séduit une telle beauté ! dit-il en direction d'Orgrim.

Orgrim ne comprit pas :

  • Une affaire ? répéta-t-il.
  • Bah oui, poursuivit Dagor. Une sacrée affaire, un amateur d'bon temps, un bon co...
  • J'pense qu't'as assez bu comm' ça, coupa Hermand en essayant d'attraper la chope de son ami.

Devant la mine renfrognée d'Orgrim, qui n'avait toujours pas compris, Hermand précisa :

  • C'que veut dir' mon acolyte, c'est qu'tu dois êt' un bon amant pour avoir gagné le cœur de la belle, dit-il en désignant Keera. Un compagnon aimant et...
  • … et performant, termina Dagor dont Hermand réussit à reprendre la chope.

Orgrim lança un regard vers Keera qui lui sourit, puis continua son travail de traduction, dans une cohue plaisante, qui frôlait à présent l'irrévérence.

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