La voix de l'ombre - Livre I : Les murmures du passé

Chapitre 35 : De révélation en révélation

2055 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 03/03/2024 10:47

Chapitre 35 : De révélation en révélation.



Depuis plusieurs semaines, le petit groupe travaillait sur les ouvrages antiques apportés par Dagor Futalenfer. Tandis qu'Orgrim s'adonnait à la chasse, parfois accompagné de Keera ou d'un des deux nains, pour, comme le disait Hermand, « s'dérouiller les guibolles », les autres apprenaient.


L'ouvrage à présent traduit, ils purent mettre en lumière certains éléments de l'ascendance de la princesse. Et, grâce à une illustration, la seule de l'ouvrage, ils comprirent qu'il s'agissait bien de sa ligne généalogique, étant donné la ressemblance évidente. Ils en conclurent qu'il devait s'agir de leur roi, et un nom apparaissait sous l'illustration : Harald. Car en effet, ce roi arborait le même regard ambré tiré et des traits similaires à ceux de Keera, tout comme ses oreilles qui encadraient sa longue chevelure noire.

Le lourd manuscrit décrivait donc ce peuple nordique sous forme d'une narration explicative.


Comme pour la plupart des créatures façonnées par les Gardiens, entités originelles également appelées Forgés par les Titans, ces êtres liés à la terre se nommaient les elfes luisants. Forgés à partir de la croûte d'Azeroth grâce à la Forge des volontés, ils étaient les protecteurs d'Azeroth contre les élémentaires au nord du continent. Leur mission était double : protéger et faire croître. C'est pourquoi ils détenaient une forme de magie liée à la nature, don de leurs créateurs, et une peau faite de roche, comme tous les Terrestres originels. Ils traversèrent les âges et combattirent toute sorte de créatures primitives qui empêchaient la croissance d'Azeroth. Le manuscrit décrivait également certaines de ces créatures jusqu'alors inconnues des nains.


Le récit mentionnait toutefois la malédiction de la chair. Chose rare pour un écrit aussi ancien. Des pages manquantes, ou parfois illisibles, les empêchaient de comprendre comment ce peuple en était venu à se faire la guerre, au point que leur créateur, là aussi l'écriture était assez floue, ne les prive de leur pouvoir de conception. Voilà pourquoi ce peuple avait dû s'éteindre.

Là encore des pages manquaient. Une princesse guerrière était cependant mentionnée, et décrite comme étant l'incarnation de la fureur. Son nom apparaissait heureusement à divers endroits, car certaines pages restaient en très mauvais état. Cette elfe, Sindri'la, avait dû être maîtrisée par le Gardien lui-même, car elle déchaînait ses pouvoirs et sa force sur son propre peuple.

La fin du récit parlait d'un arbre de bronze, de prison, de croissance inversée, ainsi que d'une prophétie.


Hermand et Dagor savaient que la Ligue des explorateurs était encore loin d'avoir découvert toutes les races qui avaient peuplé Azeroth. Cependant, l'avancée vers cet objectif venait de croître considérablement. Ils détenaient à présent de sérieuses pistes pour en apprendre davantage. À commencer par l'exploration du lieu où Keera fut trouvée.

Le nom du Gardien semblait avoir été identifié, mais sans certitude. Les nains en connaissaient un certain nombre, et celui d'Archaedas ne leur était pas étranger.


En revanche, Keera était incapable de traduire les autres ouvrages en leur possession. Tous deux mesuraient toutefois la chance que représentait leur rencontre avec la princesse. Ils étaient à présent convaincus qu'elle devrait les suivre jusque Forgefer, où étaient entreposées les trouvailles les plus rares de la Ligue. Ils pensaient également qu'il serait important qu'elle rencontre Brann Barbe-de-bronze, le chef de la Ligne des explorateurs, mais surtout le roi Magni, son frère.


Keera comprenait bien l'importance que cela avait pour eux, mais ne pouvait se résoudre à les suivre.

  • Tu t'rends compte de la découverte qu'tu r'présentes princesse ! insista Hermand. À toi seule, t'as fait avancer nos r'cherches de cent ans au moins !
  • Et je ne pense pas pouvoir faire beaucoup plus, fit remarquer la princesse en référence aux autres livres qu'elle ne pouvait comprendre.
  • Et c'te prophétie, 'sûr qu'elle est liée à toi, si t'es bien la guerrière dont parle l'ouvrage, renchérit Dagor. Et vu ta ressemblance avec l'illustration du roi Harald, on peut en êt' convaincus.


Évidemment, Keera était très intriguée et voulait en savoir plus, mais jamais elle ne se séparerait d'Orgrim. L'orc, qui l'observait, la voyait lutter.

  • O'nosh, si c'est important pour toi, part avec eux. Je t'attendrai à la ferme.
  • Non Orgrim, je ne nous séparerais pas une fois encore, trancha Keera.
  • Réfléchis princesse, on n'veut pas t'brusquer, dit Hermand. Vous tenez à vot' tranquilité, j'comprends ça.
  • Merci Hermand, fit Keera, reconnaissante.


Orgrim et Keera quittèrent la maison, puis s'éloignèrent vers les fourrés un peu plus loin.

  • Tu t'rend compte ! C'est du gâchis, s'écria Dagor.
  • Écoute, mon ami, tu n'les connais pas comm' j'les connais. Ces deux-là, tu pourras pas les séparer. Et pis, on a d'nombreuses pistes rien qu'avec la traduction d'cet ouvrage, dit Hermand.


Dagor dû admettre qu'il avait raison. Ils détenaient beaucoup d'éléments exploitables, et devraient monter des équipes d'explorateurs et de chercheurs pour étudier chaque piste. Cela les occuperait un bon moment.



Orgrim appréciait grandement ces promenades en compagnie de sa compagne. L'air pur, le calme plat des plaines verdoyantes lui rappelant Nagrand le revigoraient. Il aimait marcher à ses côtés, sans qu'il ne sache exactement pourquoi. Sans même l'effleurer, juste la sentir près de lui. Rien que cela était grisant.

Mais aujourd'hui, il se sentait gêné. Il avait cette impression qu'il l'empêchait d'avancer, de poursuivre ce pour quoi elle était née. Si elle était réellement cette princesse destructrice liée à une prophétie, elle devrait au moins ressentir le besoin de la connaître, et d'en apprendre plus.


Keera observa son compagnon, et comprit ce qui le traversait.

  • Il est hors de question que tu te sentes coupable, mon amour, décréta-t-elle sur un ton ferme. Si je dois me rendre à Forgefer, ce sera quand le moment sera venu.
  • En es-tu certaine, O'nosh ? Tu ne te retiens pas par ma faute ?
  • Non, Orgrim, je ne me retiens pas. Je te mentirais si je te disais que je ne veux pas en savoir plus. Mais ce n'est pas le bon moment.
  • Nous en avons appris sur tes origines, sur ton peuple, mais est-ce suffisant ?
  • Ça l'est, je t'assure, lui assura-t-elle en enroulant son bras autour du sien. Et tu sais, quand on apprend que l'on est capable d'un génocide contre son propre peuple, cela n'aide pas vraiment à vouloir en apprendre davantage, admit-elle.


Orgrim l'observa tandis qu'ils marchaient. Il y avait autre chose.

La princesse comprit qu'il était peut-être temps de lui dire. Après tout, c'était le genre de chose qu'il devait savoir. Elle soupira longuement, puis se lança :

  • Il y a … une autre raison pour laquelle je n'irai pas à Forgefer.
  • Je t'écoute, dit Orgrim, peu surpris.
  • Je … tu risques de trouver cela ridicule, mais... il y a beaucoup de gnomes à Forgefer, et...

Ils s'arrêtèrent. Orgrim pivota pour faire face à sa compagne qui, de toute évidence, était embarrassée.

  • J'ai peur des gnomes.


Un long silence suivit ce moment des plus surprenant. Orgrim avait déjà combattu des gnomes, alliés des nains lors de la Première Guerre. Il se souvenait même en avoir écrasé sous son marteau, tellement ils étaient petits. Certains avaient opposé une résistance farouche, mais leurs guerriers n’égalaient en rien les guerriers orcs. Comment Keera pouvait-elle avoir peur de si petites créatures ?

Puis il sourit. Il leva le menton de sa compagne de son énorme main verte et lui dit :

  • Tu n'a jamais eu peur d'aucun d'entre nous, je ne t'ai jamais vu trembler face à Walmor, ni même devant un combat qui semblait perdu d'avance. Alors, tu as bien le droit d'avoir peur des gnomes, conclut-il avec bienveillance.


Quelque peu ragaillardie par ces mots, Keera eut un léger sourire en coin. Orgrim semblait toujours savoir quoi dire. En vérité, il la connaissait bien. C'était tout, et c'était suffisant.

Tout à coup, Orgrim se redressa et prit un air sérieux, ce qui inquiéta Keera.

  • Qu'y a t-il ? lui demanda-t-elle.
  • Eh bien, je me disais que si un jour nous sommes attaqués par des gnomes, et qu'ils me retiennent prisonnier, tu ne viendrais pas me délivrer !

Keera bouda.

  • Ah oui moque-toi, mais le jour où je serai retenue prisonnière dans un filet de rampants ou d'araignées géantes, je pourrai toujours attendre après toi !

Orgrim ouvrit la bouche et laissa sortir un étrange couinement. Puis il se reprit, se redressa et dit :

  • Mff, c'est arrivé une seule fois, et elle m'avait surprise, se dédouana t-il.
  • Évidemment, tu as détalé en sens inverse. J'ai dû ramener l'ours que nous avions abattu toute seule, se moqua-t-elle.

Orgrim marmonna dans sa barbe, tandis que Keera l'emmena par la main, satisfaite.



Finalement, le temps avait vite passé. Le climat s'adoucissait, la belle saison transformait quelque peu le paysage déjà verdoyant de Loch Modan. Keera avait d'ailleurs insisté pour se rendre au bord du Loch et tenter d'apercevoir le célèbre monstre qu'il contenait. Elle en avait entendu parler étant petite, ce qui finit par intriguer également Orgrim, pensant pouvoir terrasser un monstre légendaire à coup de marteau-du-destin.

En définitive, cette journée s'était soldée par un plongeon dans le Loch pour Keera, frustrée de ne pas apercevoir le monstre, et un œil au beurre noir pour Dagor qui avait osé traiter Hermand de pleutre après qu'il n'ait pas cherché à secourir la princesse.


Durant les dernières semaines, Dagor en particulier avait appris de Keera et maîtrisait à peu près la langue antique de son peuple. Keera avait tout porté par écrit, et ils convinrent de revenir vers eux jusque la ferme pour les tenir informés de leurs recherches.

Les deux nains apprirent également d'Orgrim, qui leur narra l'histoire des orcs dans les grandes lignes. Il parla d'un peuple de guerriers honorables tourné vers la magie chamanique et vivant dans le respect de traditions séculaires. Il ne parla pas plus que nécessaire, mais avait réussi à éveiller en eux un intérêt pour sa race, et surtout du respect. Les orcs n'étant pas un peuple natif d'Azeroth, les nains ne possédaient aucune donnée sur eux. D'autant que leurs échanges passés se résumaient à une suite d'escarmouches sanglantes durant les deux guerres précédentes.


Les soirées avaient été ponctuées de bras de fer mémorables. Orgrim ne s'était en effet pas attendu à ce que les nains lui opposent une telle résistance. Quant à Keera, elle avait été invitée à ne plus participer, laissant ses camarades mortifiés par le nombre de ses victoires, et bien décidés à recouvrer leur amour propre.

Les balades allaient également bon train, si bien que Hermand demanda à Keera de pousser la chansonnette plusieurs fois, ce qu'elle fut obligée d'accepter de temps en temps.


Le coin, tout comme la compagnie des deux nains allaient indéniablement leur manquer à tous les deux, mais il était temps de s'en retourner à leur ferme abandonnée.


À l'heure du départ, Dagor leur confia deux griffons pour la route du retour, qu'ils libéreraient une fois bien arrivés. Le voyage ne devrait pas prendre plus de quatre ou cinq jours.

Soucieux que leur voyage se passe au mieux, Hermand et Dagor avaient préparé à leur attention de nombreux collets pour attraper le petit gibier, de l'ours séché, du pain d'épices ainsi que du potage froid.

Hermand, en particulier, semblait peiné de les voir repartir.

  • Prenez bien soin d'vous les amis, dit-il en caressant le griffon de la princesse, la larme à l’œil.
  • Comme toujours, répondit Keera, quelque peu émue devant la mine triste du nain.
  • On s'tient au jus pour la suit' des r'cherches, assura Dagor. Faites bon voyage !

Keera et Orgrim les saluèrent, et prirent leur envol en direction du nord.

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