La voix de l'ombre - Livre IV - Un passé recomposé
Chapitre 1 : Des recherches infructueuses
2310 mots, Catégorie: T
Dernière mise à jour 15/04/2025 18:57
Alors que les conflits en Pandarie avaient pris fin après la défaite de Garrosh Hurlenfer,
son procès avait ouvert la voie vers de nouveaux dangers.
Le lourd tribut payé par ces années de guerre avait élevé Vol'jin au rang de Chef de guerre de la Horde, gageant qu'il se montrerait digne de cet honneur, et réparerait les erreurs de son prédécesseur.
Quant à l'Alliance, dont la direction politique hésitante agaçait certains dirigeants et notables, elle connut néanmoins une période de paix et d'accalmie.
Le calme avant la tempête.
Chapitre 1 : Des recherches infructueuses.
Les chevaux des montagnes élevés à la ferme des Wollerton étaient particulièrement rapides et robustes. Originaires de Gilnéas, tout un haras avait été aménagé dans l'enceinte de Hurlevent pour assurer leur élevage, ainsi que la préservation de leur race suite à la fuite des gilnéens de leur capitale durant le Cataclysme.
Après avoir découvert ces majestueuses bêtes, Keera partait souvent en promenade sur le dos de l'une d'elles, accompagnée de Genn Grisetête, à qui la princesse s'était fort attachée.
La nature sauvage et farouche du vieux monarque lui avait valu le surnom de « vieux loup », ce que le roi de Gilnéas accueillit non sans humour.
- J'aime à penser que vous fûtes davantage inspirée par ma forme lupine que par mon caractère dans ce choix de surnom, mon enfant.
- Dois-je vraiment gâcher le mystère et répondre à votre question, Genn ? s'enquit Keera en souriant.
- Par la Lumière, ces bêtes vous mangent dans la main, fit Genn qui constatait qu'une fois de plus, quel que soit le cheval qu'elle choisissait, il se laissait mener.
Tous deux marchaient le long de la route entre Hurlevent et la Lisière qui menait à la Garnison du ruisseau de l'Ouest, tenant la bride de leur cheval. Sur leur passage, les gardes royaux les saluaient, tandis qu'ils discutaient. Keera aimait visiter les différentes fermes de la Forêt d'Elwynn, habituée à aider à la pousse des cultures, comme elle le faisait en Pandarie, auprès des laboureurs.
Les récoltes étaient donc prospères, et aidaient à nourrir davantage de pauvres gens et de réfugiés provenant de la Marche de l'Ouest et de Gilnéas.
Leurs longues chevauchées les menaient parfois à la frontière du territoire, et, lorsque la nuit tombait, ils pouvaient loger dans une auberge du coin.
Ils firent une halte près de la rivière pour faire boire les chevaux. Assis sur de petits rochers, tous deux conversaient à propos de la situation politique depuis le procès de Hurlenfer.
- Il y aura toujours des mécontents, mon enfant. Mais il est vrai que cela permettrait une certaine stabilité. Et puis, vous ne me semblez pas malheureuse ici.
- Non, c'est vrai Genn. Mais vous voyez bien que je ne peux rester en place bien longtemps. Rester ici signifierait...
- … limiter vos actions, la coupa le roi des gilnéens. Je commence à bien vous connaître, Keera. Et vous ne me ferez pas croire que rien de tout cela ne vous importe.
- Non, je... je ne dis pas le contraire, Genn. Et je ne cherche pas non plus à fuir. Mais...
- … mais vous n'êtes pas l'amante d'un homme quelconque Keera. Vous aimez un roi. Et un roi qui est prêt à tout pour vous, même à affronter l'opinion publique et les médisants. Et croyez-moi, Varian a bien d'autres choses à penser.
- Je ne peux l'épouser, Genn, insista la princesse. Et vous le savez.
- Tout ce que je sais, c'est que vous vous encombrez de principes désuets, derrière lesquels vous vous cachez.
Bien qu'elle ait toujours apprécié le franc-parler du roi de Gilnéas, Keera se ferma, tandis que Genn la regarda avec une certaine tendresse. Il la trouvait aussi têtue et bornée que sa fille, Tess. Et toute deux étaient aussi attachées à leur indépendance l'une que l'autre.
Cependant, le roi Grisetête pensait savoir à quoi Keera faisait allusion.
- Si cela concerne la Horde, sachez que vous ne leur devez rien, Keera.
- Je le sais bien, mais vous savez Genn, c'est tout de même quelque chose de très difficile à concevoir pour eux. Comme pour beaucoup. Regardez la réaction de certains seigneurs et notables de l'Alliance.
- Vous dites vrai, mais c'est égal. Tous doivent respect et loyauté à leur roi, quelques soient ses choix personnels.
En effet, cela restait un choix personnel particulièrement périlleux de ne pas légitimer une idylle pour un roi. Car, par extension, il ne légitimait pas non plus l'enfant qu'ils pourraient concevoir. De cela, Keera en était si reconnaissante envers Varian, car depuis la révélation de leur histoire, il avait subi une telle pression qu'elle se demandait encore comment il avait tenu le choc.
Le soleil ne tarderait pas à se coucher, et tous deux reprirent la route.
De retour à Hurlevent, ils contournèrent le Quartier commerçant par les Canaux, afin de passer inaperçus. Car, même si la popularité de la princesse était évidente, beaucoup de voix s'élevaient encore quant à sa relation avec leur roi en dehors des liens sacrés.
Et, avant de rejoindre le Donjon de Hurlevent, ils croisèrent le crieur Goodman qui les reconnut, et les informa de la venue d'un hôte illustre dont l'identité n'avait pas été communiqué.
Se demandant encore comment un simple crieur pouvait obtenir de telles informations, Keera et Genn accélérèrent l'allure.
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- Cela fait des semaines, et personne de votre vol ne sait rien ?
Le roi Varian Wrynn se tenait dans un petit bureau du Donjon de Hurlevent. Il questionnait Chromie, la dragonne de bronze qui enquêtait sur la disparition de Kairoz et de Garrosh Hurlenfer. Elle avait réussi à trouver des fragments de la Vision du Temps, et tentait de les réanimer magiquement. Mais en vain.
- Kairoz savait ce qu'il faisait, votre Majesté, assura la dragonne sous sa forme de gnome. Et d'autres fragments manquent, ce qui signifie qu'il les a.
- Et qu'il compte les utiliser, en déduit le roi.
- C'est ce que je pense, en effet. Et cela signifie également qu'ils peuvent être n'importe où, et à n'importe quelle époque.
La pièce, qui se voulait bien plus petite que la salle des cartes, permettait de recevoir des personnalités, voire des requérants, pour des échanges plus privés et confidentiels. Ce petit salon intimiste proposait un long divan de bois recouvert de coussins soyeux pourpres, surmonté des armoiries de Hurlevent. Trois petits fauteuils assortis encadraient une table basse centrale faite de bois également, et sur laquelle des rafraîchissements étaient disposés.
Chromie était donc installée sur l'un des fauteuils, tandis que le roi lui faisait face. Et alors qu'ils poursuivaient leur conversation, la porte s'ouvrit, et un garde royal annonça :
- Dame Keera et le roi Genn Grisetête !
Varian et Chromie se levèrent, pendant que les deux arrivants entrèrent. À la vue de la gnome, Keera ne put s'empêcher d'inspirer bruyamment et de reculer au point de percuter Genn qui l'accueillit dans ses bras.
Après avoir rouvert les yeux, elle reconnut Chromie, et s'excusa :
- Pardonnez-moi, je ne vous avais pas reconnue.
- Ne vous excusez pas, Keera, fit la dragonne en rejetant l'excuse d'une main, toujours amusée par ses réactions.
- J'aurais dû te prévenir...
- Tout va bien ! le coupa la princesse, tout en choisissant le fauteuil près du roi pour s'y installer, à bonne distance de la dragonne.
Pour sa part, Genn s'assit sur la banquette, croisa les jambes, et écouta ce que Chromie avait à dire.
- Kairoz n'a peut-être pas agi seul, mais les autres marcheurs du temps assurent ne pas être liés à ses plans.
- Ce qui rend ses plans encore plus mystérieux, ajouta Varian.
- Si ni vous ni les marcheurs du temps ne peuvent remonter jusqu'à Kairozdormu, que pouvons-nous faire ? demanda Genn.
- Je poursuis mes recherches, évidemment, répondit Chromie. Mais tout ce que nous pouvons faire pour le moment, c'est attendre.
- Attendre ? Qu'on nous attaque ? s'exclama le worgen.
- Et s'y préparer, renchérit Keera. Qu'y a-t-il d'autre à faire si même les dragons de bronze n'ont aucune piste ?
- Cela ne te ressemble pas d'être aussi pessimiste, avoua le roi de Hurlevent.
- Ce qui n'empêche pas de réfléchir à différents scénarios, ajouta la princesse en regardant Varian avec hauteur. Si nous ne pouvons agir pour le moment, envisageons ce que Garrosh pourrait fomenter.
- Cela te ressemble plus, sourit le seigneur de Hurlevent qui se sentit stupide d'avoir douté de sa compagne.
Ces deux-là formaient les doigts d'une même main, pensa le roi de Gilnéas. Il serait très étonnant que leur complicité ne donne rien de productif concernant la disparition de Hurlenfer. Et Keera en particulier semblait avoir quelques propositions à soumettre.
- À quel genre de scénario faites-vous allusion, Keera ? l'interrogea donc Genn.
- Je pense notamment au besoin de conquête de Garrosh, émit-elle. En partant de là, j'essaie d'imaginer ce qu'il pourrait projeter de faire, comme rassembler une armée, et revenir. Mais mes spéculations ne prennent pas en compte les projets de Kairoz, fit-elle en se tournant vers Chromie. Car, je ne le connais pas.
- En effet, acquiesça la dragonne. Tout le monde connaît la soif de conquête de Garrosh. Mais tout ce que je peux avancer sur Kairoz, c'est qu'il aime avoir la maîtrise sur le Temps, et qu'il parlait de modifier le passé pour améliorer le futur. Ce que de plus en plus de dragons de bronze vous diront ces temps-ci, admit-elle, contrite.
Il était évident qu'elle n'en savait pas plus. Elle avait pourtant interrogé plusieurs dragons supposément proches, mais aucun ne détenait plus d'éléments.
Ce qu'elle venait de dire laissa cependant Keera songeuse. Manipuler le Temps pour un avenir meilleur, cela ne ressemblait pourtant pas à Garrosh. Pour autant, elle sentait qu'elle s'approchait d'une partie de la vérité.
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La soirée était chaude et belle. Et les jardins de Hurlevent étaient si apaisants que Varian y retrouvait souvent Keera. Perchée sur l'un des couloirs ouverts du Donjon, elle observait l'énorme reste de l'échine d'Aile-de-Mort, gardé par deux drakonides du Repos du ver. Cela la renvoyait quelques années en arrière, à l'époque de son retour parmi ses amis. Et de sa rencontre avec Varian.
- À quoi penses-tu ? demanda une voix grave et malgré tout chaleureuse.
- Oh, je ressasse le passé, sourit-elle en tenant les bras qui s'enroulaient autour d'elle.
- Sommes-nous donc toujours rappelés par notre passé ? s'interrogea le roi de Hurlevent. Comme voués à le revivre au moindre signe ?
- Ce serait une erreur de vivre dans le passé, déclara la princesse. Mais ce serait aussi une erreur de l'oublier.
- En effet, puisqu'il nous rappelle ce que nous sommes, et pourquoi nous le sommes devenu.
- Et parce qu'il faut en tirer des enseignements, ajouta Keera, qui cala sa tête contre le torse de son amant. Mais passons, j'ai repensé à ce que Chromie nous a dit tout-à l'heure. À propos de la volonté des dragons de bronze de modifier le passé.
- Hin ! Quand je pense que ce Kairoz a trafiqué la Vision du Temps juste sous nos yeux durant le procès, j'avoue être impressionné par son audace !
- J'admets que c'était plutôt téméraire, en effet, concéda Keera. En revanche, qu'il libère Garrosh en imaginant qu'il l'aiderait dans ses plans, je ne sais pas...
- Il l'a sans doute appâté en lui promettant de le délivrer, et qu'en retour, il lui devrait un service.
- Un marché, oui, je ne vois rien d'autre, admit la princesse. Il n'est pas dans la nature de Garrosh de faire preuve de charité.
- Non, en effet, acquiesça Varian sur un ton plus froid.
Le fait que Hurlenfer ait épargné Keera qui l'avait pourtant menacé, puis agressé, ne lui avait pas échappé. Il nourrissait une sorte de rancœur, voire une certaine jalousie à l'encontre de l'orc, croyant qu'il avait fait montre de respect et d'indulgence pour les raisons que Baine avait sous-entendues lors de son procès. Et cela, Keera l'avait bien perçu.
Elle se tourna donc vers Varian, et le regarda droit dans les yeux.
- Nous pouvons faire toutes les suppositions que nous voulons, concernant la disparition de Garrosh, et concernant d'autres points, fit-elle.
Sachant à quoi Keera faisait allusion, le roi la laissa poursuivre.
- Si cela nous permet de comprendre et d'avancer, alors c'est une bonne chose, continua-t-elle. Mais si cela nous nuit, il n'y a aucune raison de poursuivre sur cette voie !
- Tu veux dire que je devrais mettre mes doutes de côté ? demanda Varian, contrarié.
- Je veux dire que nous devrions nous en tenir aux faits, et creuser la question des projets de Kairoz, et du pourquoi il a besoin de Garrosh pour ses plans. Le reste n'a aucune espèce d'importance !
Un sourire en coin, le roi de Hurlevent releva le menton de Keera à l'aide de sa main, et dit :
- J'avais oublié combien tu étais éloquente.
Keera se blottit dans ses bras.
- Après tout, c'est bien dans tes bras que je me trouve. Et je ne veux être dans aucun autres.
Bien qu'il n'eût pas besoin de plus de preuve, Varian resserra son étreinte comme s'il craignait qu'elle ne s'envole. Cette crainte toujours au cœur, caractéristique de sa nature tourmentée et inquiète, il tenta de la réprimer, et se laissa gagner par le bonheur de la sentir respirer tout contrer lui.