Voyage sur les îles aux Dragons
Chapitre 7 : Le coeur a ses blessures...
2812 mots, Catégorie: M
Dernière mise à jour 23/09/2025 10:40
Quand elle ouvrit les yeux, Faëline vit que son amant l'observait du coin de l’œil. Elle lui sourit et il l'enlaça tendrement avant de lui murmurer :
- Si la situation n'était pas aussi désastreuse, je passerais volontiers le reste de cette journée à te serrer dans mes bras.
- Les autres doivent avoir finit leur mission à l'heure qu'il est et Sélistra nous attend, répondit la Sin'dorei en se levant de leur couche de fortune.
Le jeune Dragon noir poussa un grognement frustré mais se leva malgré tout. Ils se rhabillèrent en silence puis se dirigèrent vers la porte.
- Attends ! demanda le Prince noir alors que la chasseresse s'apprêtait à sortir.
Il lui caressa la joue, approcha son visage et captura ses lèvres dans un long baiser passionné. Quand il y mit fin, Irion s'exclama :
- Bien allons voir si les autres ont trouvé des informations intéressantes.
Puis il invita sa compagne à le précéder dans l'escalier. Quand ils arrivèrent au sommet, un agent de la Griffe noire s'approcha du couple et leur remit un morceau de parchemin négligemment plié.
- Quel plaisir ! se réjouit Irion, j'adore lire dans les pensées de mes adversaires. Ça m'aide à les frapper plus vite et plus fort. Voyons voir... La citadelle d'Obsidienne ? Non. Non !
Au changement d'expression de son époux, la chasseresse sut tout de suite que quelque chose n'allait pas.
- Qu'y a-t-il ? demanda-t-elle inquiète.
- Les troupes djaradines menacent la citadelle d'Obsidienne... Le siège du pouvoir du Vol noir ! Ce petit jeu a assez duré.
- Patience Irion, intervint la camériste de la reine des Dragons
- La patience est un luxe dont je jouirai quand ces misérables auront été chassé de MON territoire ! répondit-il furieux.
Il reprit alors sa véritable apparence avant de prendre son envol sans même un regard en arrière.
- Irion ! s'écria Faëline. Mais ce dernier était déjà trop loin pour l'entendre.
- Irion se bat comme un Dragon bien plus âgé, dit Sélistra en le regardant disparaître à l'horizon, les épreuves qu'il a dû affronter l'ont fait vieillir prématurément. Puis se tournant vers le Maître-chasseur, elle ajouta : Mais même si je comprends ce qu'il ressent, nous ne devons pas nous précipiter. Nous avons d'autres responsabilités pour le moment. Allez vers l'ouest rejoindre la cadette Sendrax. Elle risque d'avoir besoin de votre aide car la zone à peut-être été envahie par nos adversaires.
Sur le chemin du conservatoire de la Lieuse-de-vie, la Sin'dorei tenta de se faire pardonner auprès de son ami le plus fidèle. En effet le vieux lion lui faisait la tête et l'Elfe ne pouvait pas lui en vouloir car depuis leur arrivée sur les îles et le retour de son époux, Faëline avait délaissé le félin à la crinière sombre.
Mais la chasseresse était bien décidée à réparer ses tords. Après moult câlinages et friandises, ses efforts portèrent leurs fruits. Crin d'ombre cessa de bouder et ensemble, ils reprirent la route comme du temps où elle n'était qu'une simple aventurière.
Ce moment d'insouciance ne dura malheureusement pas. À leur arrivée à l'avant-poste du conservatoire la chasseresse apprit par la gardienne Azka, une Draconide du Vol rouge, que la cadette Sendrax s'était aventurée dans les ruines et n'en était pas encore revenue. Le Maître-chasseur décida de partir à sa recherche et quand elle la retrouva, l'Elfe de sang découvrit avec horreur que les Primalistes avaient investis les lieux.
Sur les ordres d'un proto-dragon fidèle aux Incarnations, ces derniers s'étaient emparé d'une cargaison d’œufs de Dragon et pratiquaient d'abjectes rituels soit disant destinés à les purger de la magie des Titans.
Comme Faëline s'y attendait, Sendrax refusa de quitter les lieux sans avoir tenté de sauver les œufs. Par malheur leurs ennemis étaient bien trop nombreux et le carquois de la Sin'dorei fut bientôt vide. Après avoir réussi à s'emparer d'un des œufs, Sendrax le confia à la chasseresse.
- Sauvez cet œuf je vous en prie ! supplia-t-elle, je vais couvrir votre fuite.
Faëline assista impuissante au sacrifice de la Drakônide. Celle-ci ayant donné sa vie pour lui permettre de fuir, l'Elfe se mit à courir. Elle courut aussi vite que son fardeau le lui permit. La fumée et les cendres lui brouillaient la vue mais elle n'y prêta pas la moindre attention, continuant de courir, trébuchant sur les pierres aiguisées tandis que Crin d'ombre déchiquetait tous ceux qui tentaient de les arrêter. Ils avaient presque atteint l'avant-poste lorsqu'ils tombèrent dans une embuscade tendue par un groupe de Tarasèkes. Le combat fut court mais meurtrier. La Sin'dorei poignarda un de ses ennemis avec le couteau à dépecer qu'elle portait à la ceinture tandis que son familier refermait ses crocs sur la gorge d'un autre. L'âge finit cependant par rattraper le noble animal. Ses réflexes n'étaient plus aussi affûtés qu'autrefois et alors qu'il cherchait à protéger sa maîtresse, leur dernier adversaire lui laboura le flanc de ses griffes acérées avant de finir démembré par le sursaut de vigueur final du lion au poil sombre.
- Non ! cria la Sin'dorei en se précipitant vers son ami à quatre pattes.
Une flaque de sang s'étendit sur la terre battue du sentier, rendant poisseuse la douce fourrure du félin. Faëline enfuit son visage couvert de larmes dans la crinière du fauve qui lui lécha la main avant de rendre son dernier souffle. Tétanisée de chagrin, l'Elfe de sang n'entendit pas Sélistra arriver.
- Vous n’êtes pas en sécurité ici, déclara la Dragonne, je vais vous emmener l’œuf et vous aux Bassins de l'Essence.
- Mais je ne peux pas le laisser ici ! protesta la chasseresse en désignant le cadavre de son familier, il mérite mieux que de servir de festin aux charognards.
La camériste acquiesça et s'empara délicatement de la dépouille tandis que l'Elfe grimpait sur son dos.
*****
À leur arrivée près de la pierre de vœu rubis, la reine des Dragons les y attendait.
- Que c'est-il passé ? demanda-t-elle d'un ton inquiet.
Faëline resta muette écoutant, d'une oreille distraite, la camériste relater les derniers événements. Elle était prostrée aux côtés de son compagnon inanimé et sursauta quand une main vint se poser sur son épaule.
- Son sacrifice ne sera jamais oublié, déclara Alexstrasza d'une voix douce, votre ami reposera en paix sur ces terres. Adressez-vous à Akora et Keshki, elles s'occuperont de lui offrir une sépulture digne de lui.
La reine n'avait pas mentit, les deux Draconides mirent en terre Crin d'ombre au pied d'un gigantesque squelette de Dragon. L'endroit grouillait de vie et quand oiseaux, grenouilles et insectes s'y rassemblaient, leurs chants se mêlaient en une belle mélodie donnant l'impression de provenir du squelette lui-même.
- Restez aux Bassins de l'Essence autant de temps que vous le souhaitez. dit Alexstrasza à la chasseresse après que les deux femmes aient fleuri de dracoflores la tombe toute fraîche.
Faëline remercia la Dragonne pour son hospitalité puis, après avoir adressé une prière muette à la Reine de l'Hiver pour que son familier puisse profiter de l'après vie dans ses bosquets, elle s’installa dans une auberge fréquentée par les membres du Consortium d'artisanat.
Les jours s'écoulèrent et l'Elfe sentit le poids du chagrin se faire moins lourd. Crin d'ombre n'aurait pas aimé la voir se morfondre ainsi alors la jeune Elfe de sang décida de se reprendre.
*****
Alors qu'elle se promenait dans le sanctuaire des Dragons rouges, la chasseresse entendit des sanglots provenant d'un fourré non loin. En s'approchant la Sin'dorei découvrit un Dragonnet en train de pleurer sur ce qui avait dû être autrefois un adorable canard en peluche.
- Bonjour, je m'appelle Faëline, annonça-t-elle en s'agenouillant devant le très jeune Dragon.
- Bon... bonjour, répondit-il en reniflant, moi c'est Lillistrasza.
- Tu m'expliques ? demanda la Sin'dorei en désignant la bourre et les plumes au sol.
- Couac s'est blessé pendant qu'on volait... Il se débrouillait très bien, et puis... j'ai foncé dans un arbre !
La chasseresse prit délicatement la peluche au creux de sa main.
- Vous pouvez réparer mon petit Couac ? demanda hésitante la petite Dragonne.
- Pas personnellement mais je connais quelqu'un qui pourra.
- Pleur pas Couac, tu as entendu Faëline va nous aider.
Le Maître-chasseur ramassa quelques douces plumes rubis sur les bords d'un étang où barbotaient de magnifiques canards. Elles rendirent ensuite visite à Krendix, un forgeron Drakônide.
- Oh comme c'est brillant ! Et coloré ! Je parie que Couac adorerait avoir un œil brillant et coloré. s'exclama Lillistrasza émerveillée.
- Une seconde ! demanda Krendix. Qu'est-ce que vous avez là ?
- Il nous faut un nouvel œil pour Couac ! répondit le Dragonnet, je vous en supplie, c'est important !
- Je vois, déclara le forgeron, Bon... C'est juste une petite perle. Et si c'est pour une bonne cause, alors... Allez-y jeune fille.
Avant de rejoindre Mahra Sylvecourbe, une artisane taurène membre du Consortium, l'Elfe et sa jeune amie parlèrent aux Dragons présents au sanctuaire de l'Essence rubis, récoltant ainsi divers morceaux d'étoffe.
- Oui parfait ! Ces matériaux devraient suffire à réparer ton Couac, petite, annonça la Taurène en récupérant leur précieux chargement. Mahra sourit à la chasseresse. Merci d'avoir porté cet important problème à mon attention Faëline. Cela ne devrait me prendre qu'un instant. On répare ce trou... On recoud ces plumes... et maintenant l’œil... Et voilà le travail ! Il est comme neuf.
- Que tu es beau mon Couac ! Merci, merci, merci ! s'exclama Lillistrasza toute excitée.
- On a assez de matériaux pour carrément fabriquer un autre jouet canard, annonça l'artisane avec un grand sourire.
- Un petit frère ? Pour Couac ?
- Pourquoi ne l'appellerait-on pas Couic ? Il pourrait partir à l'aventure, comme Faëline, poursuivit Mahra en adressant un discret clin d’œil au Maître-chasseur.
- Couac pour moi et Couic pour vous ! déclara le Dragonnet en fourrant la seconde peluche dans les mains de la Sin'dorei qui l'accepta de bon cœur.
Faëline passa le reste de l'après-midi à jouer avec sa nouvelle amie et leurs canards en peluche. Quand vint l'heure pour le Dragonnet de rejoindre ses soigneurs, elle fit promettre à la Sin'dorei de revenir jouer et l'Elfe y consentit en souriant.
Alors qu'elle regardait s'éloigner Lillistrasza, l'attention de la chasseresse fut attirée par un bassin non loin. Contrairement à ceux des autres Vols celui-ci était vide, envahit par la végétation et les feuilles mortes. Le Maître-chasseur comprit qu'il devait s'agir du bassin réservé au Vol draconique noir et son cœur se serra lorsqu'elle pensa à son compagnon. La jeune Elfe n'avait pas revu Irion depuis son départ précipité pour la citadelle d'Obsidienne. Elle s'apprêtait à quitter les lieux quand elle se trouva face à face avec une vieille Draconide aux écailles ébènes.
- Oh ! Heu... je... Je suis désolée, je ne voulait pas déranger, bredouilla-t-elle en s'éloignant rapidement.
Faëline évita quelques temps de s'approcher des couvoirs, restant cantonnée aux échoppes tenues par le Consortium d'artisanat, déambulant et admirant les créations de ces artisans renommés. Elle profita de l'expertise des maîtres étudiant la flore des Îles aux Dragons pour améliorer ses connaissances en alchimie et en herboristerie.
L'Elfe prit aussi l'habitude de régaler d'histoires héroïques les enfants de l'expédition. Racontant en version édulcorée et avec une pointe d'humour, les batailles épiques auxquelles elle avait prit part.
Un jour où la chasseresse était passée voir Lillistrasza pour jouer avec elle, la petite Dragonne murmura un peu inquiète :
- Je crois que quelqu'un nous surveille.
Puis désignant un arbre derrière elle, elle se réfugia dans les bras protecteurs de la Sin'dorei.
Le Maître-chasseur s'approcha en parlant suffisamment fort pour être entendue par l'intrus.
- Sortez de l'ombre, nous savons que vous êtes-là !
Faëline hoqueta de surprise lorsque Irion découvrit son visage qu'il avait caché sous le capuchon d'une cape finement brodée.
- Tu m'espionnes maintenant ? finit-elle par articuler.
Le Prince noir allait répondre mais elle ne lui en laissa pas le temps, se ruant dans ses bras en s'exclamant :
- Bon sang Irion, où étais-tu passé pendant tout ce temps ? J'étais si inquiète, tu aurais pu au moins me donner quelques nouvelles !
- Tu as raison. Excuse-moi, murmura-t-il en la serrant tout contre lui, la citadelle d'Obsidienne est très importante pour notre Vol et la savoir aux mains des Djaradins m'a obscurcit l'esprit au point d'en oublier que j'avais d'autres choses à protéger...
Une petite voix un peu gênée rompit le charme de leurs retrouvailles.
- Je crois que je vais vous laisser. dit Lillistrasza. À bientôt Faëline, lança-t-elle à l'adresse de la chasseresse alors qu'elle s'éloignait déjà.
La Sin'dorei se retourna vers son amant et le Dragon noir en profita pour déposer un doux baiser sur ses lèvres.
- Comment trouves-tu cet endroit ?
- Vraiment magnifique !
Le Prince noir sourit.
- Puis-je me joindre à toi pour une promenade ?
Pour toute réponse l'Elfe de sang glissa son bras sous le sien, l'entraînant avec elle.
- Tiens ! remarqua Irion, Crin d'ombre ne t'accompagne pas ?
La main de Faëline se crispa dans la sienne et il vit une larme rouler le long de sa joue. Il comprit alors qu'il venait de commettre une maladresse.
- Raconte-moi ce qu'il s'est passé, demanda-t-il en l'enlaçant.
*****
Le plus jeune des fils de Neltharion observa son épouse déposer des dracoflores fraîchement cueillies sur la tombe de son familier. La chasseresse lui avait raconté les derniers instants du noble animal, qui s'était sacrifié pour lui sauver la vie une ultime fois. Le Dragon noir l'avait écoutée en silence avant de la réconforter de son mieux. Il ne connaissait que trop bien la force du lien qui unissait autrefois l'Elfe et le lion et il savait que la blessure causée par cette tragique disparition mettrait du temps à guérir.
Une fois qu'elle eut terminé, sa compagne le rejoignit et ils déambulèrent sans but profitant simplement de la présence de l'autre. Ils passèrent devant les bassins contenant les œufs des différents vols et arrivèrent devant celui assigné aux Dragons noirs. Irion voulut s'en éloigner rapidement mais sa femme souhaita discuter avec la Garde œufs qui s'occupait du lieu. Il tenta alors de faire bonne figure mais la vision du bassin complètement vide lui fit l'effet d'un coup de poignard.
Faëline s'excusa pour quelque chose qui semblait s'être produit plusieurs jours auparavant puis, la Mère Elion parla avec tristesse de ses chers œufs désormais disparus.
- Notre bassin demeure vide... et nos œufs sont à jamais perdus. Sans l'aide des Dragonnets pour perpétuer notre lignée, nous n'avons aucun avenir.
- Qu'est-ce qui vous pousse à rester ici, si vous n'avez pas d’œufs sur lesquels veiller ? demanda la Sin'dorei.
- L'espoir ! répondit la vieille Draconide.
L'espoir... Irion n'en avait plus aucun concernant l'avenir de son Vol. Ébyssian et lui-même étaient les deux derniers Dragons noirs encore en vie et son union avec la chasseresse serait à jamais stérile. Même s'il le désirait, il lui était impossible de faire un enfant à la Sin'dorei et cette pensée, plus que le bassin vide, lui déchirait le cœur.
Prétextant qu'il ne pouvait laisser trop longtemps les Djaradins sans surveillance, il prit congé rapidement. Il savait qu'il aurait dû emmener avec lui sa compagne comme celle-ci l'espérait mais préféra s'envoler pour fuir la déception du Maître-chasseur. Il allait encore avoir bien des choses à se faire pardonner.
*****
Faëline regarda le Prince noir s'en aller sans elle une fois de plus. Dépit, colère, tristesse se partageaient son cœur. Elle ne comprenait pas les agissements étrange de son époux mais l'importante secousse qui ébranla le sanctuaire Rubis la sortit de sa mélancolie.
Une pluie drue se mit à tomber et un violent orage éclata au dessus d'elle alors qu'elle rejoignait en courant, la reine Alexstrasza et sa camériste.