Les Chasseurs de l'Ombre

Chapitre 2 : Sombre découverte

2115 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 16/06/2015 15:44

L’air était frais. L’aube pointait timidement ses premiers rayons de lumière et réveillait paisiblement la forêt jusqu’alors profondément endormie. Un nouveau jour naissait, les fleurs commençaient à s’ouvrir, étalant leurs pétales vers le ciel. Les gouttes de rosée les enrobaient finement et finiraient par tomber dans la terre sombre ou s’évaporer petit à petit.

Muni d’une serpette fine, le jeune homme brun retroussa les feuilles d’un beau lys, avant d’en couper délicatement la tige. Il en observa les corolles et la couleur puis le pistil, il l’huma.

- Parfait.

Il releva ses yeux clairs et observa un buisson très touffu.

- Ah, tiens donc...

C’était une sorte de laurier à baies avec de longues feuilles. Une plante rare dans la région mais très prisée. On la reconnait aisément à ses fleurs blanches à cinq pétales qui dégagent une odeur iodée très particulière. Une fois broyées, les fleurs libèrent un suc clair. Après l’avoir distillé, il agit comme un poison si on en consomme sur le long terme.

Rares étaient les clients qui en demandaient, mais qui sait. L’homme se munit d’un gant et coupa seulement les fleurs, au niveau du pédoncule. Il prit une pince légère dans sa besace et ôta systématiquement le stigmate de chaque bouton (sommet du pistil), ce dernier se flétrit très rapidement et inhibe les vertus de la plante. Satisfait, il plaça ses trouvailles dans un coin de son panier en osier tressé.

Il reprit sa route, goûtant quelques fruits encore verts pour la saison, croquant parfois certaines tiges d’herbes diverses, recrachant. Il en récupéra un bon nombre, jusqu’à ce que sa corbeille soit remplie.

L’aube était à présent bien installée, les oiseaux piaillaient et commençaient à virevolter de part et d’autre des arbres. Veer aimait ces instants, seul avec la nature. Depuis qu’il avait ouvert sa propre boutique en ville, ces moments étaient de plus en plus rares.

Il avait appris avec la meilleure : Lilyssia, Maître Alchimiste de Hurlevent. Durant sa formation, le maître l’envoyait très régulièrement dans les bois.

- On apprend surtout SUR LE TERRAIN ! Insistait-elle souvent.

Disséquer, choisir, sentir, toucher, goûter, tous les sens étaient nécessaires pour cette discipline. Et, cela ne concernait pas que les plantes mais aussi diverses autres substances, plus ou moins magiques : poudres d’os ou de roches, écailles, ivoire... Mais la prédilection de Veer était et resterait les matières végétales. Tout petit, il adorait analyser arbres, buissons et racines et surtout les mélanger afin d’en observer les effets. Tantôt apaisantes et tantôt ravageuses, les plantes étaient parfois aussi belles que vénéneuses. Il aimait à comparer chacune d’elle à une femme qu’il croisait ou connaissait.

- Bien, je pense que cela suffira.

Il respira profondément, soulagé du travail accompli et regagna le sentier qui le ramènerait en ville.

Ce sentier était peu emprunté. Éloigné des villages, il servait particulièrement aux chasseurs qui pouvaient se camoufler plus facilement par la suite en joignant la lisière habitée par de nombreuses bêtes très gouteuses une fois en sauce ou embrochées avec juste quelques épices.

Veer ferma les yeux et imagina son repas qu’il se préparerait une fois rentré chez lui. Partit tôt ce matin, il n’avait prit pour voyager que quelques restes de viandes fumées et séchées aux feuillargents. Il rouvrit les yeux soudainement.

- C’est quoi cette odeur ? fit-il en grimaçant.

Il arrêta sa marche et observa autour de lui. Rien.

*Etrange, il doit y avoir un animal mort pas loin * pensa-t-il en retenant sa respiration.

Le chemin s’ouvrait sur une montée un peu escarpée, bordée par quelques rochers. Il s’en aida et grimpa. C’était la dernière grande montée avant les premières fermes. L’odeur étant de plus en plus forte, il se contenait de respirer et s’essouffla assez rapidement.

* La montée, ça n’a jamais été mon fort * se dit-il, sarcastique.

Un bourdonnement.

Veer finit sa montée, intrigué et aperçu au milieu du sentier, une flopée de mouches qui se délectaient copieusement d’un cadavre.

- Par tous les....

Le jeune homme ouvrit encore plus grand les yeux, hypnotisé. Il se mit une main sur la bouche et eut un haut-le-cœur. Se bouchant le nez, il respira fort et observait inquiet tout autour de lui. Personne.

Il posa son panier et s’approcha.

- C’est pas vrai.... bon sang... qu’est-ce que c’est ?

Il plissa les yeux et se retint de vomir, battant l’air avec son bras pour faire fuir les charognards volants. L’homme mort était sans aucun doute un chasseur, il portait un gilet en peau avec quelques fourrures, son fusil à ses pieds. Barbu, son visage était loin d’être serein, une flèche plantée en pleine poitrine.

- Oh... non, non, non...

Veer détourna les yeux de l’homme, fila récupérer son panier et courut vers la ville le plus rapidement possible.

Arrivé au premier poste de garde, le jeune homme décrivit ce qu’il avait vu et le lieu de la découverte.

- Vous êtes sûr que cela ne pouvait pas être un animal ? Les ours sont agités ces derniers temps, et les chasseurs en sont les premiers avertis. Fit le chef de patrouille.

- Mais les ours ne tirent pas de flèche, n’est-ce pas ? Répondit Veer la voix tremblante.

Le garde fit une moue.

* Un meurtre, un règlement de compte, manquait plus que ça*

- Bien, ne vous inquiétez pas, nous allons nous en occuper.

Il fit signe à trois de ses hommes qui d’un hochement de tête, prirent quelques affaires, une charrette à laquelle un quatrième homme attelait un cheval, et partirent prestement. Le chef jugea Veer.

- Rentrez chez vous, allez voir le prêtre pour vous soulager de vos peurs... Vous semblez affecté.

Le jeune homme bredouillait. La scène repassait en boucle dans sa tête. Un mort, il n’avait jamais vu ça. Bien sûr, il savait ce que c’était, mais en plus, c’était sans doute un crime. Il finit par acquiescer et s’éclipsa.

La nuit suivante fut longue. Veer se posa pleins de questions. Qui, pourquoi ? Et si le tueur l’avait vu lui ? Ce chasseur lui semblait familier. Il se rappela enfin. Cet homme était venu quelques fois à sa boutique.

* Pourquoi déjà ? Sans doute pour des tranquillisants à mettre sur ses plombs. Oui, voilà... ça doit être ça... *

Tournant virant toute la nuit, il finit par s’endormir au petit matin.

...

Trois jours plus tard,

Boutique de Veer, Hurlevent,

Son esprit s’était un peu apaisé, il finissait tout juste la préparation de quelques décoctions aromatiques quand la porte fit cliqueter la clochette en bronze.

- Bonjour Veer ! fit une voix féminine.

- Ah, Elia ! Salut ! Sourit-il en se levant.

Les cheveux et les yeux noirs, cette fille était un ravissement pour Veer. Toujours souriante et prévenante, il perdait ses moyens à chaque fois.

- Je viens prendre comme d’habitude s’il te plait. Fit-elle en s’accoudant au comptoir.

- Pas de souci.

Veer tira quelques tiroirs et récupéra deux fioles avec un liquide vert avec des racines flétries en suspension. Son cœur battait.

- Il ne va toujours pas mieux ?

- Non, pas vraiment. Répondit-elle en faisant la moue.

Elia était servante chez un haut commandant de Hurlevent. Le jeune fils de celui-ci était malade depuis plus d’une semaine, souffrant de fièvre. La potion de terrestrine atténuait sa douleur.

- Mais le médecin passera demain. J’espère que d’ici là, ça passera. Il te commandera peut-être un autre remède.

Elle prit une des deux fioles et la montra en faisant un clin d’œil.

- Oui, il n’y a aucun problème. J’ai justement refait le plein. Sourit-il en montrant fièrement son bureau parsemé de plantes.

- Super ! Sourit-elle en levant un sourcil. Mais, au fait, mon patron m’a parlé d’un gars qui a trouvé un autre gars...

- Hum...

Elle sourit et se frotta le front en pouffant.

- Désolée, ça ne veut rien dire. Je recommence.

Il buvait ses paroles. Drôle et maladroite, il ne comptait plus les fois où elle avait cassé des fioles ou encore quand elle se lançait dans des monologues incompréhensibles. C’était Elia, et il l’aimait.

Elle lui parla du chasseur retrouvé dans les bois. Les petites histoires alimentaient toujours les villages et les tavernes en légendes sombres.

- Ah... oui, en fait... Il grimaça. C’est moi qui l’aie trouvé.

- Quoiii ? C’est génial ! Racontes-moi !

- Non, Elia, ce n’est pas génial, c’était affreux. Il baissa les yeux.

La jeune femme devint silencieuse et lui mit une main sur l’épaule.

- Je comprends, si tu as besoin de parler, tu sais où me trouver d’accord ?

Il acquiesça, gêné de se sentir peureux ainsi par cette histoire.

- Tu ne vas pas le raconter hein ?

Elle le regarda, l’air nargueuse.

- Hum... Non.

Elle récupéra les fioles, posa la monnaie sur le comptoir et fila.

- A demain l’alchimiste ! lança-t-elle en faisant un signe de la main.

*Elle ne perd jamais sa bonne humeur*

Son esprit léger revint rapidement.

...

La clochette sonna.

- Bonjour messieurs. Fit Veer en laissant de côté ses occupations.

Un groupe de quatre hommes entra dans le magasin. Fusils dans le dos, l’un d’eux, forgé comme une armoire s’adossa contre la porte, la bloquant. La porte crissa sous son poids. Un autre, qui à l’origine devait être blond au vue de la crasse, avança.

- Salut l’ami, parait que c’est toi qui as trouvé Jack ?

- Euh... Pardon ?

- C’est le cadavre que tu as trouvé dans la forêt, non ?

- Je... Je ne savais pas son nom... Mais,..

Il sentit son cœur s’arrêter.

- Bien, on a juste quelques questions à te poser. Fit l’homme en montrant ses coéquipiers.

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