The X-files Unsolved: Fahrenheit

Chapitre 5 : Mr Cooper

2143 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 21/01/2023 00:14

Samedi 12 avril, au matin

J.Edgar Hoover Building,

Washington DC


La descente semblait terriblement longue au Directeur Adjoint. L'enveloppe kraft qu'il tenait à la main était arrivée avant lui, tôt ce matin, et l'attendait sur son bureau. Doggett l'avait prévenu la vieille au soir, plusieurs heures après l'avoir envoyée, pour être sûr qu'il ne puisse pas refuser la faveur qu'il avait à lui demander. Les portes de l'ascenseur s'ouvrirent enfin sur les longs couloirs blancs du département scientifique. Plusieurs bureaux étaient vides en ce samedi matin, mais Alvin Kersh savait que les gars du bureau d'analyses faisaient des heures supplémentaires le week-end. Il entra sans frapper, surprenant le pauvre jeune homme blouse blanche qui failli faire tomber le petit tube à essai qu'il venait de sortir de la centrifugeuse.

-Comment allez-vous ce matin, Joseph?

Voir son supérieur de si bon matin, venir de lui-même dans votre labo, n'était pas courant. Le voir aussi cordial l'était tout autant. Malheureusement, le jeune Joseph était encore un peu naïf et ne flaira pas la manœuvre de son directeur adjoint.

-Assez bien Monsieur. Il ne me reste que quelques tests à effectuer et je pourrais partir en week-end.

Kersh feignit une moue désolée et leva l'enveloppe qu'il avait en main au niveau de son visage.

-Vous me voyez navré d'ajouter un peu de travail à votre emploi du temps.

Il posa l'enveloppe à côté de la centrifugeuse, et précisa au jeune homme :

-Auriez-vous l'amabilité d'établir une batterie de tests standard sur l'échantillon présent dans cette enveloppe et de me le déposer avant midi sur mon bureau ?

Joseph se laissa tomber sur la chaise de son bureau, regarda l'enveloppe en se passant une main dans les cheveux. D'un regard désespéré, il chercha de la compassion auprès de son supérieur. Le regard ferme de son supérieur coupa court à toutes tentatives d'apitoiement.

-Origine et composition ? Capitula le scientifique.

-Avant midi. Rappela froidement Kersh avant de quitter le laboratoire.


Samedi 12 avril

Usine Cooper's copper

Willowcreek, Ohio


De leur place de parking, Doggett et Harrison observaient le balai des Fenwicks chargeant les poids lourds de leur cargaison de tubes de cuivres. L'immense bâtisse marron orange, toute de verre et d'acier, élevait ses cheminées jusqu'au soleil, dont les rayons découpaient les volutes de fumée grise. Les deux agents d'Unsolved attendaient l'arrivée du Shérif Darn, se gardant de la fraîcheur du matin derrière les vitres de la vieille Ford. John avait jusque-là soigneusement évité la question, mais il devait demander :

-Tu y crois vraiment à ton histoire de morsure ?

Leyla qui avait le nez de son dossier, leva la tête et fixa son collègue, cherchant qu'elle était la réponse appropriée. Elle ne voulait pas passer pour une excentrique.

-À la première lecture du dossier, commença-t-elle prudemment, et du quotidien des victimes, je penchais pour un accident de travail… Possiblement passé sous silence.

-Oui, c'était ma première idée…

Leyla se permit de couper :

-Mais les blessures sont bien trop similaires et bien trop violentes. Ils sont morts à quelques jours d'intervalle, et étaient collègues...

Doggett résuma, cyniquement :

-Si un de mes collègues met les doigts dans la prise, j'évite de faire la même chose le surlendemain…

Après une courte pause, Doggett tendit la perche à sa collègue :

-Tandis que si on a affaire à un animal…

-Ou une créature, rectifia la jeune femme.

John ouvrit la bouche, mais fut interrompue par l'arrivée de la voiture bleue et blanche du shérif Darn qui venait de d'apparaître à droite de Leyla.


X


Surélevé, au cœur du large entrepôt, siégeait le fourneau rugissant. Sur une large passerelle, des ouvriers faisaient des aller-retour afin de nourrir la bête, vidant en son sein des cargaisons de billes de cuivres. Le monstre les régurgitait en un coulis rougeoyant et fumant qui s'engouffrai dans un large moule d'où ressortaient de longues tiges de tailles différentes qui continuaient leur avancée sur de large tapis à rouleaux. Ces longs nerfs de cuivres étaient ensuite débitées par de larges disques en bas de la ligne de production après être passé sous de larges gicleurs alimentés de l'eau de l'Erie. En bout de chaîne, une fois les tubes refroidis, débités et triés, les chariots élévateurs emportaient les larges palettes vers la lumière de l'extérieur.

Cheminant le long de la ligne de fabrication, John, Leyla, Darn et Gutierrez étaient escortés par le chef de la sécurité de l'usine, Bill Woodrow. Lucius était venu accompagné de son adjoint, un peu par réflexe, un peu pour ne pas venir seul : la force de l'habitude. Leyla, toujours impeccable dans un tailleur strict, et John, l'aspect sévère en dépit de sa tenue décontractée, avaient les yeux partout. La jeune femme était impressionnée par le nombre de personnes s'affairant autour de la machinerie. Doggett recherchaient les sources potentielles d'accidents : des rebords tranchant du fourneau aux rigoles par lesquelles s'évacuaient les eaux de refroidissement. Darn, lui, attendait d'avoir la version de Mr Cooper.

Bill Woodrow portait une blouse grise, un tablier et une mine maussade. La mauvaise humeur du chef de la sécurité semblait faire partie de l'uniforme tant l'ambiance générale au sein des employés était sérieuse et les regards méfiants. Ce que John mettait sur le compte de la présence des forces de l'ordre.

-Vos collègues ont l'air sur les nerfs, Monsieur Woodrow... Fit-il remarquer à leur guide.

-Mettez vous a leur place Monsieur Doggett, s'énerva Woodrow sans se retourner. Ils viennent de perdre deux de leur camarade et la police vient interroger leur patron.

Il s'arrêta au pied d'un haut escalier d'acier, et se retourna vers le quatuor :

-On ne peut pas dire que l'ambiance soit à la fête, résuma-t-il avant d'indiquer d'un mouvement de tête : par ici.

Le petit groupe grimpa jusqu'à la passerelle supérieure où se trouvait quelques bureaux, dont celui de Monsieur Cooper.

C'était un homme rondouillard, a la chevelure rousse hirsute. Engoncé dans un costume gris, Aaron Cooper semblait ne faire qu'un avec son bureau dont il ne se leva pas pour saluer ses visiteurs. Il se contenta d'un méchant :

-Qu'est-ce que vous voulez Darn?

Il indiqua le petit groupe du bout de son stylo avant d'ajouter :

-Et c'est quoi cette cohorte ?

Imaginant sans peine la réaction de Cooper s'il était entré dans les détails, Lucius se retint de le faire et se contenta d'un :

-Ils nous filent un coup main.

D'un rapide regard, Leyla fit le tour de la pièce : une rangée de casier, un canapé à côté duquel sur un petit meuble chauffait une vieille cafetière. Le large portrait du patron ornant le mur au-dessus de la banquette semblait presque déplacé dans le décor. Cooper y était représenté solonnel, bien coiffé et souriant. Ce qui ne devait pas arriver souvent. Après un bref instant d'inattention, la jeune femme se focalisa sur la discussion. Lucius avait dû résumer la situation au vieux Cooper :

-...Bon sang, Darn! S'emporta ce dernier. J'embauche presque toute cette foutue bourgade dans mon usine ! Vous pensez bien que si il y avait eu des morts ou des blessés dans nos locaux, ça aurait fini en première page du torchon de l'autre pimbêche d'Autumn!

D'une voix calme, John tenta d'apaiser le rouquin aux teintes rouges orangées:

-Sans remettre en question votre main mise sur cette entreprise, Mr Cooper, il est possible que certains évènements aient pu passer sous votre radar.


Les courbettes d'usages dues au rang du roi du cuivre durèrent un bon quart d'heure entre mauvaise foi et sous-entendu. Ce n'eut pas pour effet de détendre John. Le petit groupe obtint finalement l'accord de prospecter sur le territoire de Cooper. Non pas qu'il fût légalement dans la possibilité de refuser, mais la hiérarchie sociale invisible en place a Willowcreek était telle que si Darn n'y avait pas mis les formes, le Maire lui aurait passé un savon à la première heure le lendemain. Et Darn avait autre chose à faire un dimanche matin.

Au pied de l'escalier de métal, Darn et Gutierrez prirent la direction du service chargement, Harrison et Doggett celle de la réserve. Enfin à l'écart avec sa collègue, John confessa :

-Je comprends Darn, mais dix minutes de plus à négocier avec ce balourd et je sortais de mes gonds.

Leyla sembla perplexe :

-Il n'était pourtant pas en position de nous refuser quoi que ce soit.

-À Rome, fais comme les Romains. Conclu John désabusé.

Après être passé sous le fourneau, une porte automatique leur ouvrit le chemin d'un large entrepôt.

Les ouvriers allaient bientôt terminer leur semaine de travail et, de ce côté de l'usine, l'heure était à la relâche. De longs et haut racks chargés de palettes se dressaient ici, formant de sombres couloirs en dépit du soleil qui s'engouffrait par l'ouverture du quai. Entourant un vieil établi, une poignée d'employés prenait le café. Tout en s'approchant, John les interpella, et se présenta :

-Je suis John Doggett et voici ma partenaire : Leyla Harrison. Nous accompagnons le Shérif Darn dans son enquête.

Sur les quatres employés, seule une brune les salua:

-Vous pensez que David et Malkin ont été assassinés?

Elle devait approcher la cinquantaine, une queue de cheval tombait sous la visière de la casquette qu'elle portait retournée. Une tasse dans la main, une cigarette dans l'autre, elle avait l'air plus curieuse qu'inquiète.

-Les accidents méritent également qu'on s'y attarde, précisa Leyla avant de demander : Madame?

-Britany Peet.

John s'adressa aux quatre personnes présentes :

-Vous connaissiez bien Mr Bennett et Mr Malkin?

Les réponses furent collégiales, sans pour autant donner l'impression d'avoir été répétées. Bennett et Malkin n'étaient pas de ce secteur, mais tout le monde connaissait tout le monde et personne n'avait la moindre idée de ce qu'ils avaient pu subir. Sachant qu'ils n'obtiendraient rien de plus, le duo accepta le petit tour de la réserve que leur proposa Brittany. L'employée était véritablement fière de participer à la chaîne de production :

-Il y a ici des centaines de caisses de billes de cuivres entreposées, toutes en provenance de l'autre bout du monde.

Les lèvres pincées sur sa cigarette, Brittany faisait de grands gestes, guidant dans les dédales ses deux touristes. Leyla avait l'œil sur les larges étiquettes délavées estampillées sur les caisses. Elles venaient principalement de Mongolie. Une longue grille recouvrant une rigole courait le long du rack.

-Vous avez des évacuations partout, fit remarquer l'enquêtrice.

Tout en avançant, sans se retourner, l'employée répondit :

-On utilise l'eau du lac en très grande quantité pour refroidir le cuivre en bout de chaîne, et il y a tout un système d'évacuation sous vos pieds. A chaque endroit, l'usine y est relié : ça permet de laver à grande eau également.

John remercia le ciel lorsque la sirène annonça midi, et le début du week-end. La journée prenait fin pour les employés qui se dirigèrent massivement en direction des vestiaires. Le duo remercia leur guide et retrouvèrent Darn et Gutierrez sous le fourneau désormais éteint.

-Ça ne nous aura pas avancé, se désola Lucius de sa voix grave.

Le petit groupe prenait la direction de la sortie lorsque John, qui était resté silencieux, s'écarta et ramassa quelque chose de brillant au niveau de l'une des grilles d'évacuation, au pied de la ligne de coupe. Avec un regard entendu, il enjoigna Leyla a ne pas poser de questions.


Le soleil réchauffait tranquillement l'air, lorsque Doggett et Harrison arrivèrent sur le parking. John enfonça la main dans la poche de sa veste et en sorti un petit sachet contenant une douille de fusil à la base dorée et luisante. Il le tendit à sa collègue qui saisi délicatement le sachet.

-J'en parlerais à Lucius plus tard, seul a seul, lâcha-t-il. Mais je n'ai pas envi que ça fasse les gros titres dès demain.

-Aucune des victimes n'a de blessures par balles, indiqua la jeune femme qui ne quittait pas la douille des yeux.

Doggett se retourna, comme pour juger l'immense bâtisse.

-Pourtant quelqu'un a récemment tiré au fusil de chasse dans ce bâtiment.

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