The X-files Unsolved: Fahrenheit

Chapitre 6 : Un dimanche à Willowcreek

2090 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 07/02/2023 10:47

13 avril 2003

Easy Sleep Motel

Willowcreek, Ohio


Posé sur petite table de chevet, le café brulant fumait généreusement dans son gobelet en carton. Assise en tailleur sur l'épais duvet, Leyla avait étalé devant elle tous les éléments à sa disposition : photo des corps, rapports d'autopsies, et autres coupures de presse. Elle relisait à nouveau les résultats d'analyses reçus par fax la veille en début de soirée. Comme elle l'avait supposé, les brûlures étaient d'origine chimique, et, comme elle s'y attendait également, les sécrétions étaient d'origine animale. Inconnue, mais animale. Vêtue d'un pantalon de jogging (qu'elle gardait précieusement depuis ses classes à Quantico), et d'un large pull en laine, Harrison plongea la main dans l'emballage en plastique qui traînait au milieu des papiers, et en ressorti un petit pain au lait. Le petit déjeuner n'était pas très équilibré, et pour le moins frugal. Ils s'étaient mis d'accord: Doggett repasserait la prendre vers midi. Leyla se rattraperait donc au déjeuner. Son collègue, qui était resté évasif sur le programme de son dimanche matin, était parti tôt avec la Ford. Elle posa le rapport devant elle, le temps de mâcher son petit pain et de digérer les informations. Après une gorgée brûlante de café, elle saisit le téléphone, pianota sur les touches et, de l'épaule, coinça le combiné sous son oreille. La tonalité ne sonna pas longtemps :

-Cabinet d'Unsolved, que puis-je suis pour vous ? Fit une voix enjouée à l'autre bout du fil.

-Jimmy? Bonjour c'est Leyla.

-Hey! S'exclama gaiement celui-ci. Comment ça se passe ?

Décidément, l'enthousiasme de ce garçon avait constamment un je-ne-sais-quoi d'inattendu, presque hors de propos, mais était toujours bienvenu. Ce contraste avec le sérieux de John donna le sourire à la jeune femme.

-Ma foi, on commence à avoir quelques éléments.

Cette bonne humeur obligeait presque Leyla à positiver en dépit de la minceur de ces "éléments". Jimmy Bond repris :

-En quoi est-ce que je peux être utile ?

-J'ai bien reçu le dossier que tu as fait suivre, pourrais-tu faire une recherche pour moi ?

Le jeune homme acquiesça.

-Peux-tu mettre en corrélation les brûlures chimiques et électriques, pour rechercher un animal, éventuellement originaire de Mongolie, ou des régions voisines ?

-C'est assez précis, s'amusa Jimmy tout en prenant des notes. Je te fais ça dans la matinée.

-Merci Jimmy, je serai joignable sur ce numéro toute la matinée.

En raccrochant, Leyla se dit qu'effectivement ces minces éléments dessinaient un tableau assez précis.


X


Avec un peu moins de dix mille habitants, perdue sur la longue route séparant Buffalo et Cleaveland, la ville de Willowcreek dépendait beaucoup des gens de passage : les commerciaux, les voyageurs ou éventuellement les touristes comptaient dans l'économie locale presque autant que l'usine de Cooper. C'est la raison pour laquelle Willowcreek était cernée par les motels, les hôtels et autres campings. La vieille Ford de location était stationnée sur le parking d'un vieux motel, a une demi-heure de route à l'ouest de la ville. À la radio, les commentateurs y allaient de leurs pronostics pour la course du jour. La saison de NASCAR avançait bien, et John avait la ferme intention d'en suivre chaque compétition. Derrière son volant, les mains autour du gobelet en carton de son café chaud, il se réchauffait, sachant pertinemment qu'il n'aurait pas le luxe de suivre la course du jour.

Cela faisait bientôt une heure qu'il était en planque face au bâtiment. Le motel devait dater des années 50, il en possédait les vestiges art-deco, et n'avait dû avoir pour tout entretien qu'une couche de peinture de temps à autre. Cela faisait bientôt une heure que Doggett surveillait la porte derrière laquelle Gutierrez avait disparu. Il sortit de la voiture, traversa la cour, puis, après avoir jeter son gobelet dans une corbeille métallique, emprunta l'escalier de béton pour rejoindre la coursive au premier étage. L'enquêteur se doutait sans peine de la teneur des échanges se déroulant dans la petite chambre. N'ayant aucune envie de frapper à la porte, John s'appuya contre la rambarde métallique. L'attente ne fut pas longue.

Le verrou se fit entendre, la porte s'ouvrit, et le jeune adjoint apparu, dans son survêtement du dimanche. Gutierrez arborait un sourire imbécile qui s'estompa à la vue du grand brun. Doggett était silencieux, son regard était suffisamment expressif. Olivia Autumn sortit à son tour, referma la porte derrière elle, et reajusta ses boucles d'oreilles. Elle percuta mollement son compagnon qui n'avançait plus, puis eu le même regard de lapin pris dans les phares en apercevant John.

-Je vais vous emprunter votre cavalier Miss Autumn, commença calmement Doggett en se redressant. Si vous voulez bien nous laisser.

Satisfait de son effet de surprise, l'enquêteur ajouta :

-Vous devez très certainement avoir d'autres "entretiens", je m'en voudrais de vous mettre en retard.

Les yeux de la brune lançaient des éclairs. Elle ouvrit la bouche, mais la répartie cinglante qu'elle cherchait été anesthésiée par la colère. Sans un regard pour son "indic", la journaliste passa devant les deux hommes, le menton haut, le pas lourd, plaquant son sac à main tout contre elle, comme s'il eut contenu le peu de dignité qui lui restait. C'était un tout petit sac à main.

Le regard crétin du jeune homme suivait les mouvements de balancier de la jupe qui s'éloignait pour disparaître dans la descente de l'escalier. Doggett dû claquer des doigts pour ramener son interlocuteur à la réalité :

-J'avais des doutes quand j'ai commencé à te filer, je ne pensais pas que ce serait si facile.

Gutierrez eu un regard coupable :

-Je ne lui raconte presque rien, tenta-t-il pour se dédouaner, avant de pointer du doigt l'escalier : et la plupart des choses, elle les devine ! Elle est futée !

Doggett haussa légèrement le ton :

-Tes confiances sur l'oreiller finissent à la Une de sa Gazette !

Francis baissa les yeux, comme un enfant que l'on réprimande.

-Je ne sais pas pourquoi, mais Darn s'est entiché de toi, continua John. C'est l'un des meilleurs flics que j'ai croisé dans ma carrière, il mérite un successeur digne de ce nom lorsqu'il prendra sa retraite.

Le jeune homme releva la tête. John voyait bien dans ses yeux qu'il n'avait jamais envisagé être considéré comme le successeur de Darn. Doggett avait fait mouche. Il sortit de sa poche le petit sachet en plastique dans lequel se trouvait la douille de fusil qu'il avait trouvé la veille, et le tendit face à Gutierrez.

-Tu vas donner ça à Darn. Je l'ai trouvé hier, en visitant Cooperland.

Le jeune s'en saisit. Son téléphone joua alors en version midi le Without me d'Eminen. Francis décrocha. Il acquiesça, écouta, l'air grave.

-Oui, j'arrive Chef, conclut-il.

Il glissa son Nokia dans la poche de son survet' puis résuma le contenu de l'appel à Doggett :

-C'etait Darn, commença t'il, le regard inquiet. La vieille Martha Jones a appelé ce matin : elle flippe. Le vieux Jones, il n'est pas rentré depuis vendredi.

Du bout des doigts, il leva le sachet pour l'indiquer à John.

-La douille, là. C'est le calibre du vieux Jones.


X


Quelques minutes plus tard, John, au pied de l'escalier de béton, observait la voiture de Gutierrez s'éloigner. Il retroussa la manche de sa veste en cuir et jeta un œil à sa montre. Les deux hommes avaient convenu de se retrouver au poste en début d'après midi pour décider avec Darn de la marche à suivre. Pour le moment, il avait le temps d'aller récupérer Leyla pour aller manger un morceau. Retournant tranquillement jusqu'à son véhicule, Doggett s'arrêta net : appuyé contre la vielle Ford, vêtu d'un simple jean et d'un sweat-shirt à capuche avec le logo des Knicks, Fox Mulder grignotait des graines de tournesol à même le sac.

Au pas de course, Doggett se jeta sur lui, l'attrapa par le col, le plaqua contre la voiture :

-Espece de fumier !

Le snack de son ancien collègue tomba au sol. Sans se décontenancer, le brun a l'épaisse tignasse tenta un trait d'humour :

-Content de te voir John. Toi aussi, tu m'as manqué.

En tournant sur lui-même, John jeta Mulder au sol. Il le pointa du doigt :

-On a tous risqué notre peau pour te sauver les miches… Non seulement tu ne donnes plus de nouvelles, mais Scully disparaît avec toi, et Monica également !

Couché sur le bitume, celui que l'on appelait "Le Martien" dans une autre vie se tenait la main gauche. La réception sur le sol avait été douloureuse.

-Reyes a disparue ?

Doggett ne releva pas la question de Mulder, il continua :

-Tu as une idée de ce que ça fait que de servir de fusible ? Toi, le FBI t'a grillé depuis des années !

Le Martien se releva péniblement :

-Je pensais que tu avais quitté le Bureau parce qu'il était corrompu dans les hautes sphères, commença t'il, puis repris, en se frappant le torse : mais si tu préfères me rejetter la faute, vas y.

Doggett regretta son excès de violence. Les deux hommes se regardèrent, étrangement soulagé de revoir un visage familier.

-Comment va Dana ?

La question fit sourire Mulder:

-Elle reprend la médecine. Pour elle aussi, le FBI, c'est terminé.

Après une courte réflexion, Fox continua :

-C'est elle qui m'envoie pour être honnête. Vendredi soir, Kesh a appelé Skinner, qui contacté Scully, qui m'a contacté…

Il eut un mouvement de l'index, comme pour désigner les protagonistes de ce bouche à oreille.

-Bref, on m'envoie te demander d'arrêter de faire chanter ce vieux Kersh, ça le met mal à l'aise…

Dès l'évocation du malaise du Directeur Adjoint, Mulder se mit à sourire.

John se renfrogna :

-Je ne le fais pas chanter, je lui rappelle simplement qu'il a déjà été du bon côté…

Mulder eu un petit rire et tapa dans ses mains.

-Je dois avouer que je suis admiratif, ajouta Le Martien. Quitter le Bureau, devenir indépendant et faire chanter ce vieux Kersh. C'est du haut niveau.

L'effet de surprise s'estompa, et le pragmatisme de Doggett refit surface :

-Tu es sorti de ta retraite pour quoi exactement ? Me faire la morale ? Me féliciter ?

Mulder croisa les bras, amusé :

-Moui… Un peu des deux… Mais je n'étais pas loin, en vérité. Je profite de ma mise à la retraite pour faire un tour des bizarreries que l'on peut trouver de ci de là…

Face au jugement silencieux de son ami, Fox s'expliqua en indiquant un point a l'horizon :

-À deux heures d'ici, il y a la plus grosse pelote de laine du pays… Elle fait plusieurs tonnes !

Pensif, il ajouta :

-Trés certainement l'œuvre d'une secte 2.0 d'adorateur de Bastet…

John fut quelque peu excédé par la légèreté dont Mulder faisait preuve.

-Tu ne prends jamais rien au sérieux.

Le sourire de Mulder s'effaça :

-Je ne peux plus m'impliquer autant que je le voudrais. Comme tu l'as dit à juste titre, je suis grillé.

Il avança de quelques pas, de la sincérité dans le regard :

-Mais je te fais une promesse : je vais faire jouer les relations qu'il me reste pour savoir ce qu'est devenue Monica.


13 avril 2003

Easy Sleep Motel

Willowcreek, Ohio


John n'avait pas de retard sur le planning qu'il s'était imposé lorsqu'il fut de retour au motel Easy Sleep. Il gara la vieille Ford devant la chambre d'Harrison, puis tonna un coup de klaxon pour signifier sa présence. Leyla lui fit signe en tirant les rideaux. Aussi subitement qu'il était réaparru, Fox Mulder avait de nouveau pris le maquis. Cela soulageait Doggett : il n'aurait pas apprécié voir cet excentrique se joindre à leur enquête. Il entendait bien résoudre le mystère des disparus de Willowcreek sans invoquer monstres et mutants. La dernière chose dont il avait besoin, c'était d'une théorie à la X-files...

La portière passager s'ouvrit et Leyla s'engouffra dans le véhicule, chargée de dossier.

-Il faut que je te parle de l'Olgoï-Khorkhoï, annonça-t-elle sans préambule.

John soupira : il n'allait avoir ni course de NASCAR, ni suspect conventionnel. Fichu dimanche...


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