The X-files Unsolved: Fahrenheit

Chapitre 7 : Fahrenheit

1438 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 15/03/2023 14:08

Sa bouche était pâteuse. Sa tête était lourde. Il était en sueur. Le vieux Thadeus Jones aurait bien été incapable de dire combien de temps il était resté inconscient. Ses yeux s'étaient peut-être habitués à l'obscurité. La source de lumière était peut-être loin, peut être trop faible. Thadeus n'y voyait rien. Rien d'autre qu'un faible reflet sur le sol luisant. Il n'en était pas certain, mais il lui semblait deviner les parois. Jones était dans un tunnel. Couché dans l'eau, il ne sentait plus ses jambes. La faim lui tournait les boyaux. L'odeur également. Il était tellement désorienté qu'il lui semblait voir bouger les lueurs sur le sol. Le sol bougeait. Le sol grouillait. La lueur dansait en fait sur le dos lisse de dizaines de créatures. Thadeus fut pris d'un mouvement de recul. Voulant prendre appui sur ses bras pour s'éloigner de ce qu'il pensait deviner, le vieil homme glissa. Son bras droit ne bougeait pas. Son bras droit n'était plus là. De sa main gauche, il se rendit compte, à tâtons, qu'il n'y avait plus rien sous son épaule. Il ne restait qu'un moignon suintant et tiède. Du bout des doigts, il inspecta le reste de son corps, sentant cratères et blessures sous ses vêtements déchirés. De lourdes larmes roulèrent le long de ses joues. Sa main se posa sur sa jambe droite. Elle était comme enflée et brulante. Ce n'était pas sa jambe. Jones était comme anesthésié, mais il le sentait : quelque chose était en train de le dévorer. Il n'eût pas la force de hurler, tout devint noir à nouveau.


Dimanche 13 avril, 23h30

Usine Cooper's copper

Willowcreek, Ohio


Le petit groupe avait laissé les voitures sur le bas côté. Sous le faible éclat de la lune, Darn, Gutierrez, Harrison et Doggett remontaient la route de bitume qui cheminait jusqu'à la barrière, puis la contournèrent. Leurs tenues sombres étaient agrémentées des gilets pare-balles que Darn avait distribués avant leur départ. Seul le shérif et Gutierrez étaient en uniforme, ayant chacun opté pour un fusil à pompe Remington de service. John et Leyla étaient armés de Sig Sauer, préférence héritée de leurs années en tant qu'agent du Bureau. En dépit d'un pick-up stationné non loin du quai de chargement, le parking était vide. L'ombre imposante de l'usine dominait la nuit. La large porte de l'entrepôt était ouverte, laissant passer le silence et l'éclairage jaunâtre de l'usine. Sous son chapeau, Darn était rassuré : ils allaient pouvoir rester dans la légalité. Le commando emprunta un petit escalier de béton, longea le quai et se divisa de chaque côté de l'ouverture. Avec de vifs mouvements de la main, Doggett indiqua qu'ils allaient, lui et Leyla, longer par la gauche, laissant leurs camarades prendre la droite. Darn acquiesça. Chacun longeant les murs, ils entrèrent dans le bâtiment.

L'effet fut immédiat : la détonation d'un fusil retentit depuis les hauteurs, depuis les coursives que le groupe avait emprunté la veille au matin. La balle arracha un morceau de béton à quelques centimètres des pieds de Francis qui s'immobilisa. Les agents d'Unsolved se plaquèrent contre la ligne de refroidissement. De derrière un large pilier métallique, Lucius interpella le tireur :

-Ici le Shérif Darn ! Je suis avec mes hommes ! Veuillez poser immédiatement votre arme !

Une voix familière raisonna à son tour :

-Foutez le camp Lucius !

Francis cru bon de devoir indiquer :

-C'est Woodrow.

Du haut de sa coursive, le chef de la sécurité repris :

-Vous n'avez aucune idée de ce qui se passe ici !

C'est alors que de derrière Darn et Gutierrez, de derrière Doggett, s'éleva la voix forte et claire de Leyla:

-L'Olgoï-Khorkhoï a tendance à rapidement pulluler M. Woodrow ! Ce sont de gros vers qui aiment la chaleur et l'humidité !

Darn lança un regard sévère à Doggett qui le refléta sur sa collègue. Le shérif accompagna sa remontrance silencieuse d'un :

-Mais de quoi elle parle, la petite ?

Doggett le savait très bien. Elle lui avait exposé sa théorie plus tôt dans la voiture. Après quoi, il lui avait bien spécifié de garder ses idées pour elle. Mais avant que John ne puisse faire la morale à la jeune Leyla, Woodrow les interpella de nouveau, depuis les hauteurs raisonnantes de l'usine :

-Comment vous pouvez être au courant ? Comment vous pouvez savoir ?

Ses pas raisonnèrent alors sur l'escalier de métal : il descendait.

Woodrow, qui tenait son fusil par le canon, avait sur le dos la blouse blanche réglementaire qu'il portait déjà la veille. Sa mauvaise humeur et sa barbe de trois jours ne s'était pas amélioré. De la main gauche, il pointa du doigt colérique la jeune Leyla, et réitéra :

-Comment vous pouvez savoir ça, vous ?

D'une voix ferme, toujours l'arme au poing, Leyla commença :

-L'Olgoï-Khorkhoï est arrivé dans vos caisses de cuivres, il est difficile de différencier les œufs des billes de métal. C'est une créature venant de Mongolie, un vers qui peut faire jusqu'à un mètre de long, il électrocute comme une raie électrique et peut cracher de l'acide. Il a besoin de chaleur et d'humidité et doit très certainement avoir son nid dans les conduits d'évacuation de votre usine.

Les quatre hommes avaient les yeux braqués sur elles. Leyla semblait sûre d'elle. Elle ne l'était pas. Comment l'être en exposant une telle théorie ? Une théorie que venait confirmer la peur dans les yeux du chef de la sécurité.

Ce fut Darn qui lui demanda de nouveau :

-Comment pouvez-vous savoir ça ?

-Elle a simplement recoupé les indices, le cadre, les blessures… Résuma Doggett, et ajouta: Elle a simplement l'esprit ouvert.

Francis poussa un hurlement comme celui d'un enfant, et fit instantanément feu de son fusil a pompe, visant quelque part derrière Woodrow.

-Putain, c'était quoi ça ?! Paniqua le jeune hispanique.

Une chape de silence tomba dans l'usine après que le coup de feu eut fini de résonner. Le groupe se retourna en direction d'un boyau de chair rouge explosé au sol, quelques mètres plus loin, gisant dans une flaque écarlate. La bestiole avait levé l'une des petites grilles d'évacuations qui longeaient la ligne de refroidissement.

-Ça, répondit nerveusement Leyla, c'était un olgoï-khorkhoï.


Woodrow guida le petit groupe devant une large double porte métallique dont il déverrouilla le cadenas d'un tour de clé, puis ouvrit en grand les deux battants. Deux larges tuyaux métalliques s'enfonçaient dans le béton dans le fond du réduit, les canalisations remontaient, traversant le large mur, rejoignant le large fourneau au-dessus de leurs têtes. Entre les deux conduits, au sol, se trouvait une large grille métallique, que Woodrow ouvrit, tel le couvercle d'une boîte de Pandore industrielle.

-Cette vieille raclure de Cooper ne voulait pas que ça s'ébruite, commença le chef de la sécurité, amère. Impossible de mettre l'usine à l'arrêt, vous comprenez.

Leyla se pencha au-dessus de la bouche. En guise d'échelle, de simples barreaux métalliques descendaient à quelques mètres seulement. On entendait le clapotis de l'eau s'écoulant, mais on ne la voyait pas. Woodrow repris :

-Depuis plusieurs nuits, certains gars se relaient avec moi pour dégommer les saloperies qui sortent de là-dessous.

Darn lisait dans son regard la culpabilité, la colère et la fatigue. Bill continua :

-J'ai pas fait une nuit complète depuis... je sais plus quand...

Le shérif était perplexe : en dépit du corps de l'animal qui gisait à quelques mètres, il n'y croyait toujours pas.

-Il était hors de question que je descende là-dessous tout seul, admit Woodrow. Pas depuis, ce qui est arrivé aux gars.

Il déglutit. Son regard se perdit dans les ombres.

-J'ai entendu le vieux Jones hurler tout à l'heure. Il est p'tet encore vivant... Pas question que j'y retourne tout seul.

Doggett, qui avait provisoirement glissé son arme dans son holster, sortit une fine lampe torche de sous son gilet pare-balle. Il en tourna la tête de l'appareil et le petit objet chromé libéra un long faisceau de lumière blanche. Il intima à Woodrow d'une voix directive :

-Ce soir, vous n'êtes pas seul.


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