Quand les rôles changent
Une heure plus tard, une infirmière vint les chercher,
— Vous pouvez entrer maintenant. Mais seulement un à la fois, précisa-t-elle doucement.
TK, assis dans un coin, ne bougea pas. C’est Andréa qui s’avança et se pencha pour lui faire face.
— Vas-y… C’est de toi qu’il a besoin…
TK la regarda, les yeux dans l’eau. Puis souffla un merci avant de ce lever.
Il marcha mécaniquement dans le couloir, ses pas résonnant sur le carrelage comme s’il n’était plus qu’un fantôme.
La chambre était plongée dans une demi-obscurité, éclairée par le clignotement vert du moniteur. L’air sentait le désinfectant et le plastique des tubulures. TK resta immobile un instant sur le seuil, incapable de respirer.
Carlos était là. Allongé, immobile, un respirateur couvrant sa bouche et son nez. Sa poitrine se soulevait au rythme mécanique de la machine, pas au sien. Sa peau paraissait plus pâle qu’il ne l’avait jamais vue.
TK avança lentement. Il s’assit sur le bord du lit, ses doigts tremblants effleurant la main de Carlos, froide, inerte. Son cœur se serra, un étau implacable.
— Hey… bébé… chuchota-t-il, sa voix cassée. Je suis là…
Il baissa la tête, incapable de soutenir plus longtemps la vue des tubes et des machines. Ses larmes jaillirent enfin, silencieuses, roulant sur ses joues sans qu’il tente de les retenir.
— Tu sais… d’habitude, c’est moi qui m’éteins, qui fais des comas… Alors… comment je suis censé faire sans toi, hein ?
Sa main se serra autour de celle de Carlos, presque désespérée.
— Je sais pas comment faire… Je sais juste que… je peux pas te perdre. Pas toi. Pas après tout ça. Pas après maman…
Il posa son front contre la main de Carlos, cherchant un peu de chaleur, un peu de vie. Le silence de la chambre n’était interrompu que par le souffle artificiel du respirateur.
Pour la première fois depuis des heures, TK cessa de se battre contre lui-même. Il resta là, immobile, accroché à la main de l’homme qu’il aimait, priant en silence pour qu’il revienne.
Au bout d’un moment, la porte s’ouvrit doucement derrière lui. TK releva la tête, les yeux encore embués. Andrea entra la première, suivie de Gabriel. Leurs regards se fixèrent aussitôt sur Carlos, branché à la machine, puis sur TK qui tenait sa main comme si sa vie en dépendait.
Andrea porta ses deux mains à sa bouche, étouffant un sanglot. Gabriel, lui, resta figé, ses traits durs, mais ses yeux brillants de douleur.
— Oh, Dios mío… murmura Andrea, avançant vers le lit.
TK recula à contrecœur, laissant la place à la mère de Carlos qui effleura les cheveux de son fils, murmurant une prière en espagnol. Gabriel posa une main sur son épaule, comme pour la retenir debout. TK, silencieux, quitta la chambre à contre cœur.