Jonah

Chapitre 6 : À la rencontre d’Andréa

1996 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour 04/10/2025 02:57

La voiture s’arrêta en douceur dans l’entrée familière de la maison d’Andréa. À travers le pare-brise, le jardin paraissait figé dans le temps : les mêmes fleurs bordaient sagement le sentier de pierres, et la petite clochette suspendue au porche tintait doucement, portée par une brise tiède.

Carlos coupa le moteur et se tourna vers l’arrière.

— T’es prêt, mon grand ? murmura-t-il avec douceur.

Jonah hocha la tête sans un mot, ses grands yeux sombres arrondis d’émotion. Il tenait son doudou contre lui, l’air incertain. TK, assis à l’avant, se pencha légèrement et lui ébouriffa tendrement les cheveux.

— Où on est ? demanda Jonah, sa voix basse et curieuse. C’est ici… la maison où t’étais petit ? La maison de ta maman ?

Carlos sourit, un peu ému, et se tourna davantage pour le regarder.

— Pas exactement mon cœur… J’était plus grand quand j’ai déménagé ici, mais j’y est grandi.

Jonah fronça le nez, songeur.

— Elle est là ?

TK laissa échapper un petit rire attendri.

— Oui. Tu vas voir, elle est gentille.

Jonah fixa la porte d’entrée, son doudou toujours calé contre lui.

— Est-ce qu’elle va m’aimer ? souffla-t-il, presque inaudible.

Un silence suspendu suivit, comme si le monde s’arrêtait brièvement de tourner. Carlos se pencha vers lui, posa doucement sa main sur la joue tiède de son fils.

— Elle t’aime déjà, mon trésor. Elle t’a aimé dès qu’on lui a parlé de toi.

TK sortit de la voiture, fit le tour et ouvrit la porte arrière. Il dégagea la ceinture de Jonah, puis l’aida à descendre doucement. Les petits pieds touchèrent le gravier, hésitants. Immédiatement, la main de Jonah trouva celle de Carlos, et ses doigts s’y refermèrent comme une promesse silencieuse.

Ils s’avancèrent tous les trois vers la maison. Et juste avant qu’ils ne montent les premières marches du porche, la porte s’ouvrit.

Andréa apparut dans l’encadrement, son tablier de cuisine encore noué autour de la taille, ses yeux brillants, déjà embués. Son visage s’éclaira d’un amour à peine contenu.

— ¡Dios mío! Vous êtes enfin là…

À la vue de cette inconnue émotive, Jonah se recula instinctivement d’un demi-pas, se dissimulant à moitié derrière la jambe de Carlos.

Andréa porta une main à sa poitrine comme si son cœur menaçait d’exploser.

— C’est lui, souffla-t-elle, les yeux fixés sur Jonah. Ay, mi corazón…

Elle descendit lentement les marches, un pas après l’autre, comme si chaque geste devait être pesé pour ne pas effrayer l’enfant. Une fois en bas, elle s’accroupit avec précaution à sa hauteur.

— Bonjour, petit amour… Moi, je suis Andréa. Mais tu peux m’appeler abuela, si tu veux. Ça veut dire grand-maman.

Jonah leva les yeux vers Carlos, puis vers TK, à la recherche d’un repère. TK lui fit un petit clin d’œil.

— Tu peux, lui dire bonjour, l’encouragea-t-il.

Jonah mordilla sa lèvre. Il serrait fort son doudou contre lui. Puis, d’une voix timide, il murmura :

— Bonjour…

Andréa sourit, les larmes aux cils.

— Entrez, dit-elle d’une voix tremblante.

Jonah serra la main de Carlos plus fort en franchissant le seuil.

Dès qu’ils pénétrèrent dans la maison, une chaleur douce les enveloppa. Une odeur sucrée de cannelle, de vanille et de café flottait dans l’air, comme une étreinte invisible. Jonah leva aussitôt le nez, les narines frémissantes.

Autour de lui, les murs portaient la mémoire : des photos de famille, des dessins d’enfants un peu jaunis, des crucifix et des napperons brodés. Les meubles, en bois foncé, portaient les traces du temps : des accros, des rayures, mais surtout une âme.

— C’est joli ici… murmura Jonah à Carlos, le regard levé vers un cadre accroché de travers.

Carlos lui pressa doucement la main, le cœur attendri.

— Il a des yeux si expressifs… comme toi, Carlitos, quand tu étais petit, chantonna Andréa, refermant la porte derrière eux.

Elle n’avait pas quitté Jonah des yeux.

Dans le salon, Carlos s’installa sur le vieux divan moelleux et tira Jonah sur ses genoux. L’enfant se blottit aussitôt contre lui, la tête nichée sous son menton.

— Ça va, mon trésor ? murmura Carlos en lui caressant le dos du bout des doigts.

Jonah hocha la tête, sans bouger.

TK vint s’asseoir près d’eux, posant un bras protecteur derrière Carlos. Il caressa les doigts de Jonah puis embrassa tendrement Carlos sur la tempe, avant de déposer un autre baiser sur la tête de leur fils.

De l’autre côté du salon, Andréa s’installa dans sa causeuse, les mains croisées sur les genoux, un sourire doux au coin des lèvres. Le silence était confortable, ponctué seulement du tic-tac de l’horloge murale et du froissement discret des rideaux dans le vent.

Jonah leva lentement la tête et regarda Andréa. Elle lui offrit un sourire large, presque maternel, qui plissa ses yeux et fit briller ses joues. Jonah, hésitant d’abord, esquissa un sourire timide en retour — pas grand-chose, mais un petit éclat sincère qui disait : je crois que je t’aime bien.

— J’ai fait des biscuits, lança soudain Andréa. Quelqu’un en veut ?

Les yeux de Jonah s’écarquillèrent. Il tourna immédiatement la tête vers TK.

— Tu en veux un ? demanda TK avec un sourire complice.

Jonah hocha la tête, déjà un peu plus à l’aise.

Andréa disparut brièvement dans la cuisine et revint avec une assiette garnie. Elle déposa le tout sur la table basse, puis tendit une main vers Jonah.

Il jeta un coup d’œil à Carlos, qui acquiesça d’un petit signe. Jonah s’approcha alors, à pas prudents, et saisit un biscuit avec précaution. Il croqua. Ses yeux s’illuminèrent comme s’il venait de découvrir un trésor.

— C’est bon ? demanda Andréa.

— Oui, murmura-t-il.

Il resta un moment encore près de ses papas, grignotant doucement, puis s’éloigna peu à peu, attiré par les photos au mur. Carlos et TK échangèrent un regard attendri sans rien dire.

Jonah s’arrêta devant un cadre. Il l’observa longuement, puis leva un doigt et toucha doucement le verre.

— Papa ? murmura-t-il en se tournant.

— Oui, mon grand ?

— C’est ta famille ?

Carlos s’approcha, vint se pencher à sa hauteur.

— Oui. Là, c’est moi quand j’étais petit. Là, c’est abuela. Et ça, c’est mon père Gabriel. Et mes sœurs, Maria et Isabella.

Jonah suivait chaque visage du regard, fasciné. Il serra un peu plus son doudou.

— C’est ta famille maintenant, aussi, dit Andréa tout doucement.

Jonah se retourna vers elle. Il s’approcha, hésitant, puis dit, le plus sérieusement du monde :

— Tu es très jolie. Et tu sens bon.

Andréa éclata de rire, la gorge nouée d’émotion.

— Oh, mi amor, gracias. Eres un niño muy dulce ( Oh, mon amour, merci. Tu es un garçon si gentil.)

Elle lui caressa la joue.

Jonah la regarda avec de grands yeux, puis gloussa.

— Pourquoi tu dis des mots bizarres ?

Andréa éclata de rire à son tour.

— C’est de l’espagnol mon chéri. Ton papa Carlos ne te parle pas dans cette langue parfois ?

Jonah fit non, très sérieux, puis fixa Carlos.

— Toi aussi, tu sais dire des mots bizarres ?

Carlos éclata de rire.

— Claro que sí, (Bien sûr.)

Les yeux de Jonah brillèrent.

— Tu vas m’apprendre ?

— On va t’apprendre, mon trésor, assura Andréa. Tu verras, c’est une langue pleine de vie et de musique !

— Je peux venir sur tes genoux ? demanda-t-il soudain, presque en chuchotant.

— Bien sûr, souffla Andréa, les larmes pleins les yeux.

Elle ouvrit ses bras. Jonah s’y glissa avec confiance.

— Tu veux que je te dise quelque chose en espagnol ?

Jonah hocha la tête, le cœur gonflé.

— Te quiero mucho, murmura-t-elle. Ça veut dire : je t’aime très fort.

Il la fixa, silencieux. Puis, tout doucement, il éclata d’un petit rire et colla sa joue contre son épaule.

Carlos et TK éclatèrent de rire à leur tour, les yeux brillants. Et tandis qu’ils se laissaient envahir par la douceur de la scène, Jonah se dégagea et reprit son exploration, plus léger qu’avant.

Jonah trottina doucement hors du salon, son doudou sous un bras, les yeux grands ouverts. Il ne s’éloignait jamais trop, lançant parfois un regard vers ses papas pour s’assurer qu’ils étaient encore là. Les adultes continuaient de discuter à voix basse, un fond sonore rassurant qui berçait ses pas. Puis, il aperçut dans un coin, une table en bois recouverte d’un napperon de dentelle et ornée de bougies, de fleurs séchées, et de photos en noir et blanc dans de jolis cadres. Des visages souriants, certains jeunes, d’autres ridés, tous figés dans le temps.

Jonah s’approcha à pas feutrés, impressionné. Il leva les yeux vers une photo d’un homme qui souriait avec bonté, puis vers une dame aux longs cheveux relevés en chignon.

Il resta là, silencieux, les yeux posés sur ces images d’un autre temps.

— Papa… appela-t-il doucement.

Carlos arriva, suivi de TK et d’Andréa. Il sourit en voyant où s’était arrêté leur fils.

— C’est qui, eux ? demanda Jonah sans quitter les photos des yeux.

Carlos s’agenouilla à côté de lui.

— Ce sont ceux qui ne sont plus là, mon trésor. C’est une table pour se souvenir d’eux. On appelle ça une ofrenda.

Jonah hocha la tête. TK posa une main douce sur l’épaule de son fils.

Carlos désigna d’abord l’homme.

— Lui, c’était ton grand-père. Ton abuelo Gabriel. Mon papa. Il adorait cuisiner, surtout des choses qui sentaient bon. Et il chantait très fort quand il faisait le ménage, même s’il chantait pas toujours juste.

Jonah sourit.

— Il était drôle ?

— Oui. Très drôle. Et il aurait adoré te rencontrer.

Puis Carlos pointa une autre photo.

— Et elle, c’était mon abuela à moi. Ton arrière-grand-mère. Elle faisait de la broderie et racontait des histoires incroyables avant de dormir.

Jonah resta un moment sans parler, son regard caressant chaque photo, comme s’il tentait de mémoriser chaque visage.

Puis, d’une voix à peine plus haute qu’un souffle, il demanda :

— Ils sont au ciel ? Comme ma maman ?

Le silence se fit dans la pièce, suspendu comme un souffle retenu. TK sentit son cœur se serrer. Il s’agenouilla doucement près de Jonah, posant une main réconfortante sur son épaule frêle.

— Oui, mon trésor, dit-il avec douceur, un peu d’émotion dans la voix. Ils veillent sur nous de là-haut, comme maman le fait aussi. Et ils t’aiment très fort, même s’ils ne sont pas là pour te serrer dans leurs bras.

Jonah se tourna alors vers Andréa.

— Est-ce qu’on peut mettre une photo de maman ? Pour se souvenir d’elle…

Andréa sourit doucement, ses yeux s’embuèrent un peu.

— Bien sûr, mon trésor. On va lui trouver une place, une belle place, juste ici, à côté de tous ceux qu’on aime.

Jonah souri puis continua son exploration, comme si de rien était. 

Laisser un commentaire ?