Quand la sirène sonne pour Jonah

Chapitre 3 : Gyrophares et Larmes

1584 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour 05/10/2025 20:17


— Là ! cria Nancy en désignant une silhouette dans le nuage de fumée.

Matéo surgit de l’entrée principale, le masque encore sur le visage, serrant quelque chose contre lui. Dans ses bras, recroquevillé comme un petit animal blessé, se trouvait Jonah.

— JONAH ! hurla T.K., déjà lancé au pas de course.

Mais Carlos le dépassa, presque en courant, le cœur prêt à éclater dans sa poitrine.

— Il est vivant ! haleta Matéo à travers son masque, la voix tremblante. Je l’ai trouvé dans les toilettes. Il pleure, il a peur, mais il respire !

Le petit garçon sanglotait, agrippé au col du pompier, le visage noirci de suie, trempé de larmes. Sa respiration sifflante faisait trembler tout son petit corps.

— Jonah… mon cœur… C’est papa, murmura Carlos, à genoux à sa hauteur. Regarde-moi, bébé. C’est papa.

— On doit le coucher tout de suite ! lança Tommy, tirant un brancard. Il a besoin d’oxygène maintenant.

— Matéo, doucement, ordonna Nancy, sa voix ferme mais rassurante.

Matéo le déposa avec une infinie précaution, mais Jonah se mit à hurler aussitôt, ses bras tendus vers Carlos, paniqué.

— NON ! NON ! Papa !

— Chut, bébé, on est là ! tenta T.K., la gorge serrée par les larmes. Tu n’es plus tout seul. On est là maintenant.

Nancy posa le masque d’oxygène sur le visage de Jonah, mais il le repoussa violemment, terrorisé.

— Non ! Non ! Veux pas !

Carlos s’approcha, parlant d’une voix basse et apaisante, presque un murmure.

— Jonah, trésor… écoute-moi. C’est juste pour t’aider à respirer. Regarde, papa est là. Respire dedans avec moi, d’accord ?

T.K. prit la petite main tremblante de son fils.

— Ça va aller, mon poussin… Inspire avec moi… expire…

Mais Jonah hoquetait, suffoquait, incapable de suivre. Son torse se soulevait en spasmes douloureux.

Tommy échangea un regard sombre avec Nancy.

— On doit l’amener au Memorial tout de suite. Sa saturation est trop instable.

— Je monte, dit Carlos sans attendre.

Les gyrophares s’allumèrent, la sirène hurla. Dans l’ambulance, pourtant, c’était la voix déchirante de Jonah qui dominait.

— Non ! Veux pas ça ! VEUX PAS !

Il luttait, rejetait le masque, sa respiration sifflante se transformant en râles douloureux.

— Je sais que tu as peur, mon cœur… mais tu dois respirer, souffla Carlos en le serrant contre lui. Regarde-moi… inspire… expire…

Jonah essaya, mais éclata de nouveau en sanglots, haletant.

— Ça fait mal… ici ! gémit-il, une petite main pressée sur sa poitrine.

— Papa va te mettre une petite pince sur le doigt, mon poussin. C’est juste pour nous aider à voir comment tu vas.

Jonah, absorbé par sa lutte pour respirer, ne réagit même pas à l’oxymètre que son père glissa à son doigt.

L’appareil clignota. Saturation en chute libre.

— Je prépare une perfusion, annonça Tommy d’une voix tendue mais douce. Jonah, je vais mettre une toute petite paille dans ton bras, juste pour t’aider.

— NON ! PAS DE PIQÛRE ! hurla l’enfant, recroquevillé contre le matelas.

Carlos posa une main fraîche sur son front brûlant.

— Je suis là, bébé… Je suis là…

Mais TK vit tout de suite que ça se dégradait. La respiration devenait plus rauque, plus difficile, ses petites lèvres commençais à bleuir.

Tommy fronça les sourcils.

— Ça se détériore. S’il refuse toujours le masque, on devra l’intuber.

— Je sais, répondit TK entre ses dents.

Jonah s’agitait, pris d’un vertige d’angoisse.

— Papa ! PAPA ! j’veux papa !

— Il a besoin d’oxygène, et vite, appuya Tommy. Et il nous faut cette perfusion pour soulager la douleur et calmer la crise.

Carlos jeta un regard paniqué à TK.

— Ses doigts… ils deviennent bleus…

— La sat’ est en chute, confirma TK.

— Je prépare le kit d’intubation, lança Tommy.

— Attends ! supplia T.K. Laissez-moi essayer encore. Carlos, monte sur le brancard avec lui.

Carlos s’installa aussitôt. Jonah s’agrippa à son torse, tremblant de tous ses membres.

— Respire avec moi, mon trésor… Comme ça… inspire… expire… On le fait ensemble, d’accord ? Tu veux essayer le masque avec papa ? Juste un petit moment, OK ? Ça va t’aider à respirer et tu aura moins mal.

Jonah hocha lentement la tête.

Tommy passa le masque à TK qui le posa sur le visage de Jonah, tout en douceur.

— Regarde… Je le tiens. Pas de panique. Voilà. Comme un champion…

Jonah inspira.

Pour la première fois depuis l’incendie, il respira sans suffoquer.

Tommy profita de l’accalmie.

— On doit poser la perfusion. Maintenant, chuchota-t-elle à TK

TK, hocha discrètement la tête, mais quand Tommy s’approcha avec le matériel pour la perfusion, Jonah se tendit aussitôt.

— Non ! Pas l’aiguille ! NON !

— Attends, dit TK en levant une main. Je vais le faire.

Il se tourna vers Tommy, qui hocha sans discuter.

— Papa… j’veux pas l’aiguille… gémit Jonah, recroquevillé contre Carlos.

— Je sais, mon cœur… je sais, murmura Carlos, les lèvres contre ses cheveux trempés de sueur. Respire avec moi… juste un souffle à la fois.

TK jeta un regard à Carlos. Celui-ci comprit sans un mot. Il tourna la tête de Jonah, lui masquant la scène, et commença à lui murmurer doucement des mots en espagnol, un bercement rassurant.

TK s’agenouilla près du brancard, prit délicatement le petit bras, le caressa, comme pour amadouer la peur. Tommy lui tendit le cathéter. Lentement, avec une précision infinie, TK chercha la veine.

Carlos berçait Jonah en rythme, son front collé au sien.

— Estoy aquí, mi amor, no tengas miedo. Papá está aquí, mi amor. Estás a salvo, mi corazón. (Je suis là mon trésor, n'est pas peur. Papa est là mon amour. Tu est en sécurité mon coeur)

L’aiguille glissa dans la peau. Jonah sursauta, gémit, mais Carlos resserra doucement son étreinte.

— C’est fini, mon trésor, chuchota TK en essuyant la suie sur ses joues mouillées. C’est fini.

Tommy s’approcha avec une seringue.

— Je vais te mettre un petit médicament, mon grand, dit-elle doucement. Ça va t’aider à te calmer. D’accord ?

Les tremblements de Jonah commencèrent à ralentir. Ses sanglots s’espacèrent. Ses paupières tombèrent peu à peu.

Mais au moment même où le silence retombait dans l’ambulance, Jonah rouvrit les yeux. Rouges, larmoyants, hagards.

— Papa… je vais-tu… mourir… comme ma maman ? murmura-t-il d’une voix brisée.

Le temps s’arrêta.

TK sentit sa gorge se nouer. Il tourna un regard foudroyé vers Carlos, dont les yeux s’étaient embués.

Il se pencha, prit la petite main et la posa contre sa joue.

— Non, mon amour. T’as eu peur, mais tu vas t’en sortir. On est là. On te lâchera jamais.

Carlos ajouta, la voix tremblante mais ferme :

— T’es fort, mi vida. Tellement fort. Et ta maman veille sur toi, tu sais ? Elle serait fière. Et nous… nous, on est là. Ensemble. Pour toujours.

Jonah hocha la tête faiblement. Ses yeux se refermèrent sous l’effet du sédatif. Un soupir long s’échappa de ses lèvres, blotti contre Carlos.

Tommy put enfin regarder son petit corps de plus près.

—TK regarde… fit-elle soudain.

Elle souleva doucement l’une de ses manches noircis par la suie. Une brûlure rougeâtre, un peu gonflée, marquait l’avant-bras de Jonah. L’enfant se contracta instinctivement, les yeux écarquillés, une nouvelle peur dans le regard.

— Oh mon dieu… souffle Carlos, sa voix tremblante.

— Ce n’est pas profond, rassura Tommy en gardant sa voix ferme mais douce.

T.K. se pencha, tenant la petite main tremblante de Jonah contre la sienne.

Jonah inspira difficilement, les petites mains crispées sur le torse de Carlos, mais il laissa Tommy passer la compresse et appliquer le gel apaisant. Ses yeux, encore rougis de peur, se posèrent sur les visages rassurants de ses parents.

TK posa une main sur ses cheveux mouillés.

— C’est fini, mon ange… Tu peux dormir maintenant.

Collé contre Carlos, Jonah finit par s’assoupir, son souffle devenu paisible.

— On arrive dans deux minutes, lança Nancy depuis le poste de conduite.

TK laissa enfin retomber ses épaules. Il embrassa tendrement les cheveux humides de Jonah.

— T’as pas idée comme on t’aime… Tu vas t’en sortir, mon trésor. Tu vas t’en sortir.

Les portes de l’ambulance s’ouvrirent dans un fracas métallique.

Une équipe pédiatrique les attendait déjà. Aussitôt, le brancard fut extrait, les voix s’élevèrent, rapides, précises. Jonah se réveilla en sursaut, désorienté, apeuré par les lumières, les visages inconnus.

— PAPA ! PAPAAAA !

On obligea Carlos à descendre du brancard.

— Ça va aller mon poussin ! tenta TK, prêt à bondir. Mais une infirmière le retint.

— Monsieur, on doit l’amener maintenant. Vous ne pouvez pas…

— Je suis son père ! Laissez-moi venir !

Mais déjà, Jonah disparaissait derrière les portes battantes, sa voix déchirante s’éloignant :

— J’veux papa… j’veux mes papas…

Carlos resta figé. TK, lui, chancela. Il s’effondra sur un banc du couloir, la tête dans les mains, le souffle coupé.

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