Aucun repos
Nancy, dans un murmure rauque, la joue encore collée contre son oreiller:
— Ils veulent qu’on meure de faim et de fatigue ?...
— C’est la pleine lune et personne ne m’a informé ? marmonna Marjan en se levant.
— Ou les autres casernes sont fermé ou quoi ? ajouta Mathéo.
Paul, lui, n’avait plus la force d’une réplique. La radio venait de grésiller : accident de voiture sur l’autoroute, deux blessés, désincarcération nécessaire.
Le trajet jusqu’à la scène se fit dans un silence pesant, brisé seulement par le ronflement du moteur. Les gyrophares projetaient des éclairs rouges et bleus sur leurs visages creusés, donnant à leurs traits fatigués des allures de spectres.
En arrivant, l’odeur d’essence et de métal chauffé les prit à la gorge. Deux véhicules s’étaient encastrés l’un dans l’autre, leurs tôles tordues formant une cage mortelle. Un conducteur inconscient, coincé sous le tableau de bord, et une passagère hurlante, la jambe coincée.
— On sort le matos, maintenant ! aboya Judd.
Mateo et Paul se jetèrent sur le kit de désincarcération, les gestes précis malgré leurs bras tremblants. TK et Nancy s’occupèrent de la passagère, parlant doucement pour la rassurer, même si leurs voix se brisaient sous la fatigue.
Les minutes s’étirèrent, lourdes et pénibles. Le vacarme des pinces hydrauliques résonnait dans la nuit encore noire, comme une bataille contre le métal lui-même. Enfin, le conducteur fut tiré de la carcasse, inconscient mais vivant. La passagère suivit, tremblante, mais libre.
À 4 h 50, ils reprirent la route. Trempés de rosée, couverts de sueur séchée et de poussière, ils rentraient à la caserne. Les yeux mi-clos, les muscles douloureux, chacun ne tenait debout que par habitude.