Tranche de vie
La maison bourdonnait d’agitation. Carlos et TK s’apprêtaient à partir au parc avec les enfants et abuela Andréa. Jonah avait déjà enfilé son manteau et sautillait sur place, prêt à bondir dehors.
— Je suis prêt ! lança-t-il, tout fier en montrant ses bottes.
Dans un coin, Rose s’acharnait sur la fermeture éclair de son petit manteau rose bonbon. Sa langue dépassait légèrement de concentration, ses petits doigts tiraient la glissière comme si elle affrontait un monstre. Mais la fermeture restait obstinément coincée à mi-chemin.
Carlos, occuper à attacher son propre manteau, lança sans vraiment regarder :
— Rose, cariño, attends, papa va t’aider.
— Non ! Moi toute seule ! protesta la fillette, les joues empourprées par l’effort héroïque.
Elle tira une fois, tira deux fois, un petit froncement de sourcils très concentré sur le visage ; la fermeture refusa. Rose se crispa, tapa furieusement du pied, puis, dans un souffle rageur elle lâcha :
— ¡Mierda!
Un silence immédiat tomba comme une couverture. TK, qui nouait ses lacets, leva les yeux, figé. Jonah, bouche bée, ouvrit grand les yeux comme s’il venait d’assister à un miracle grossier.
— Rose, t’as dit un GROS mot ! balbutia Jonah, oscillant entre la réprimande et le fou rire.
Carlos, qui s’était redressé à cause du commentaire, se précipita vers la mini-délinquante, prêt à jouer au parent intransigeant.
— ¡Rose! Non, ça, on ne dit pas ça ! dit-il, avec toute l’autorité du monde.
Avant même qu’il n’ose ajouter quoi que ce soit, une voix plus tranchante que le sifflet d’un chef de gare claqua derrière lui :
— ¡Carlos Thomas Reyes!
La silhouette d’Andréa se tenait dans l’encadrement, bras croisés, regard incendiaire. Elle fixa son fils avec une expression qui voulait dire « peu importe l’âge que tu as, je suis toujours ta mère ».
— ¿Dónde crees que tu hija aprendió esa palabra? (Où penses-tu que ta fille a appris ce mot ?) tonna-t-elle. Certainement pas de moi, ni de TK, ajouta-t-elle en désignant son gendre d’un menton accusateur.
Carlos chercha désespérément une excuse.
— Mamá, je… c’est probablement sorti une ou deux fois, peut-être, mais… tenta-t-il, les mains levées en signe d’innocence.
Andréa leva un doigt comme pour suspendre le temps.
— ¡Basta! Tu devrais avoir honte. Devant les enfants, Carlos. Tu crois que ça, c’est un bon exemple ?
Jonah ne put retenir un gloussement triomphant :
— Bravo, Rose, papa se fait gronder à cause de toi !
Rose, sans trop comprendre mais contente de voir l’attention se détourner d’elle, sourit fièrement.
TK, les épaules secouées, tentait de garder son sérieux. Mais Andrea lui lança un regard entendu :
— Et toi Tyler Kennedy, ne ris surtout pas, ou je m’occupe de toi aussi.
TK rigola en levant les bras en signe d’abdication.
Rose tira encore une fois sur sa fermeture, l’air déterminé. Cette fois, la glissière céda d’un petit clic sonore et remonta jusqu’en haut. Elle leva les bras, triomphante :
— J’ai réussi !
Andréa ne put s’empêcher d’esquisser un sourire malgré elle ; son regard se fit plus doux en voyant la petite célébrer.
— Bravo mon trésor !
Rose bomba le torse, toute fière.
Pendant qu’Andréa attrapait son sac à main en secouant la tête et en murmurant :
— Ay Dios mío… Il y a quatre enfants dans cette maison, pas deux.