Tranche de vie

TK passait le chiffon sur les étagères du salon, fredonnant sans trop s’en rendre compte. Le soleil de fin d’après-midi glissait par les grandes fenêtres, déposant une lumière dorée sur les bibelots et les cadres alignés.

Rose trottinait derrière lui, doudou serré contre elle, observant chacun de ses gestes avec un sérieux de grande personne.

— Papa… qui c’est ? demanda-t-elle soudain, en pointant du doigt un cadre posé sur la tablette.

On y voyait une femme, souriante, tenant un bébé dans ses bras.

TK s’immobilisa, le chiffon suspendu. Il sentit un pincement au cœur, le genre qui serre doucement mais qu’on apprend à apprivoiser.

Il s’accroupit à hauteur de sa fille.

— C’est Gwen, la maman de ton frère, répondit-il doucement. Elle était très gentille…

Rose cligna des yeux, visiblement intriguée.

— Et… moi ? Est-ce que j’ai une maman ?

Le souffle de TK resta coincé un instant. Il chercha ses mots, ceux qui apaisent sans mentir. Il prit les petites mains de Rose dans les siennes.

— Mais oui, ma princesse… on t’en a déjà parlé.

— Mais moi, je l’ai jamais vue…

— C’est qu’elle est au ciel, mon trésor. On ne peut pas la voir, mais elle veille sur toi, tu sais. Tout le temps.

Rose leva la tête vers le plafond, comme si elle espérait apercevoir quelque chose.

— Toi ? Tu la connais ?

— Pas beaucoup, ma puce. Mais je sais qu’elle s’appelait Julia et qu’elle venait du Mexique, comme Papa Carlos.

— Est-ce qu’elle parlait espagnol, comme papa ?

— Oui, probablement.

— Et elle aimait les tacos ? Et les churros ?

— Oh, j’en suis presque sûr ! lança TK, amusé.

À ce moment-là, la porte d’entrée s’ouvrit. Carlos entra, un sac d’épicerie dans chaque main.

— J’entends parler de tacos et de churros, j’espère que c’est pas pour dire que je dois en refaire !

Rose éclata de rire et courut vers lui, heureuse des réponses qu’elle venait d’avoir.

Elle en aurait probablement d’autres en grandissant, mais pour le moment, dans sa petite tête d’enfant, c’était bien assez.