Tranche de vie

Les rues brillaient sous la lueur tremblotante des citrouilles et des guirlandes orange. L’air sentait les bonbons et les feuilles mouillées.

La garde venait tout juste de se terminer à la 126.

Diego, déguisé en vampire miniature, tournait autour des camions en agitant sa cape noire avec un enthousiasme qui ne semblait jamais faiblir.

— Diego, doucement près des camions, soupira Mathéo, le ton mi-ferme, mi-résigné.

— Mais les vampires volent ! protesta le garçon avant de filer en riant.

Grace était arrivée un peu plus tôt avec Charlie, toute fière dans son costume de sorcière.

Judd avait distribué des bonbons à tout le monde “pour célébrer la fin d’une longue semaine”, même si personne ne doutait que c’était surtout une excuse pour en manger lui-même.

Jo, le mari de Marjan, arriva à son tour, un sac de friandises dans une main, l’autre serrant celle de Leila, déguisée en petit chat noir.

— Désolée du retard, lança-t-il. On a perdu une oreille de chat en route.

— Carlos ne devrait pas tarder, dit TK en vérifiant machinalement son téléphone.

— Les voilà, dit Paul en riant.

Un petit cri joyeux résonna depuis le stationnement. Rose déboula dans la caserne, dans sa robe de princesse scintillante, tenait fermement la main de Carlos. Sa couronne glissait un peu sur ses boucles brunes, mais elle marchait avec toute la grâce du monde.

À côté, Jonah avançait d’un pas fier, vêtu de son éternel costume de pompier – le même qu’il choisissait chaque année sans la moindre hésitation

— Papa TK ! PAPA TK !!! cria Rose en courant maladroitement jusqu’à lui, ses froufrous de princesse rebondissant à chaque pas.

TK se baissa aussitôt, et Rose se jeta dans ses bras.

— T’as vu ma robe ? Je suis une vraie princesse ! annonça-t-elle avec fierté.

— Tu es la plus belle des princesses, souffla TK en déposant un baiser sur sa joue.

Jonah arriva à son tour, casque légèrement de travers, mais sourire éclatant.

— Tu m’as reconnu ? fit-il avec un petit air fier.

— Difficile à dire… murmura TK en lui ébouriffant les cheveux. T’es tellement convaincant dans ton uniforme que j’ai cru que tu étais le capitaine.

L’air était électrique. Les enfants couraient dans tout les sens et parlait fort, trop exciter pour rester en place.

Les adultes les regardaient faire, à moitié morts de fatigue, mais incapables de ne pas sourire.

— Si j’avais encore autant d’énergie, je ferais une autre garde, grogna Mathéo en s’étirant.

— Parle pour toi, répliqua Paul. Moi, je pourrais m’endormir dans un seau de bonbons.

Judd s’approcha avec sa marmite pleine de friandises.

— Avant de partir, qui veut des bonbons ?

— Oh attention, y’a que les pompiers qui ont le droit, lança Mathéo d’un ton taquin en s’élancent vers Judd.

Jonah, tout fier, courut vers Judd qui fit mine de ne plus pouvoir soulever sa marmite tant elle était pleine.

Rose, elle, resta un instant figé, ses grands yeux tournés vers Mathéo, la lèvre tremblante.

— C’est vrai ?… Moi j’ai pas le droit parce que je suis pas pompier ? demanda-t-elle d’une petite voix, sa couronne penchant sur sa tête.

Carlos eut un sourire attendri et posa aussitôt une main rassurante sur son épaule.

— Bien sûr que non, mi princesa. Mathéo fait des blagues.

Nancy donna une tape sur l’épaule de Mathéo, le fusillant du regard.

— Bravo, champion. T’as fait pleurer la princesse…

Le pompier cligna des yeux, penaud, puis s’accroupit devant Rose.

—Toi, Rosie, t’as même droit à une double portion. Parce que les princesses, ça sauve les pompiers quand ils sont en danger.

Rose battit des cils, hésita une seconde, puis lui tendit son seau avec un grand sourire.

— Et moi ? demanda Leila en fronçant les sourcils.

— Toi aussi, répondit Judd. Tout le monde à droit à une double portion.

Les enfants hurlèrent de joie.

TK glissa sa main dans celle de Carlos et murmura, attendri :

— C’est moi ou ça va être une longue soirée ?

— Oh oui, répondit Carlos avec un sourire fatigué. Mais avoue, t’adore ça.