Saut dans le temps
Dès l’arrêt de l’ambulance, le claquement sec des portières résonna contre les murs de béton. Une équipe médicale attendait déjà à l’entrée des urgences, prête à réceptionner la civière. Les néons blafards baignaient la scène d’une lumière crue.
Nancy ouvrit la porte arrière d’un geste vif, et TK bondit aussitôt au sol, la gorge serrée, le souffle court.
— Plaie ouverte, profonde, possible atteinte ligamentaire. Elle est stable, mais elle a perdu pas mal de sang, lança Tommy, la voix ferme malgré la tension.
Les médecins attrapèrent la civière et disparurent dans le couloir. Le bruit des roues sur le carrelage s’éloigna, avalé par les portes battantes. Rose, visiblement faible à la suite de toute ses émotions, regarda son père, des larmes coulant sur ses joues tendit qu’on l’amenait loin de ceux qu’elle connaissait.
TK resta figé une seconde sur place, incapable de bouger, les mains tachées de rouge séché. Il n’entendait plus le vacarme autour — juste le bourdonnement sourd de son propre cœur. Tommy le guida machinalement vers la salle d’attente avant de retourner vers l’ambulance en lui lançant :
— Courage, tout va bien aller…
Puis quand TK sentit une main se poser sur son épaule, il sursauta.
Carlos venait d’arriver. Le souffle court, le visage livide.
— Où elle est ?!
— Ils viennent de l’emmener, dit TK, la voix cassée.
— Qu’est-ce qui s’est passé ? demanda Carlos d’une voix pressée, presque haletante.
— Elle a fait tomber le pichet en verre… Un éclat l’a blessée, je pense, expliqua TK, les traits tirés. C’était profond. Y’avait… beaucoup de sang. C’est surtout ça qui à empirer les choses…
Il se tourna vers son fils, en quête de détails, mais Jonah ne semblait pas l’avoir entendu. Il s’était assis sur une chaise et tremblait comme une feuille prise dans le vent.
Sans réfléchir, TK s’agenouilla devant lui.
— C’est fini, mon cœur, murmura-t-il d’une voix douce. Tu peux respirer maintenant. Elle est entre de bonnes mains. C’est grâce à toi.
Jonah cligna des yeux, une larme glissant sur sa joue, mais ne répondit pas.
Carlos s’approcha doucement. Il posa une main sur l’épaule du garçon.
— Viens, mi amor. On va aller te nettoyer un peu, d’accord ?
Jonah se leva d’un geste mécanique, sans un mot. Carlos le guida vers la salle de bain la plus proche, l’air calme malgré le chaos intérieur qu’il tentait de dissimuler. En chemin, il défie les boutons de sa chemise — son uniforme, qu’il portait par-dessus un t-shirt foncé — et la retira d’un geste fluide. Il la plia sommairement entre ses mains, puis la tendit à Jonah sans un mot.
— Tiens, enfile ça, dit-il doucement.
Le garçon leva les yeux vers lui, surpris, puis baissa le regard vers son propre t-shirt, souillé de sang.
— C’est pas grave, murmura Carlos. C’est juste du tissu.
Jonah hocha lentement la tête et enfila la chemise trop grande. Carlos essuya doucement une trace rouge sur sa joue avec un mouchoir humide.
Quand ils revinrent, TK se tenait toujours près des portes, incapable de rester assis. Ses mains bougeaient sans arrêt, il fixait l’entrée du couloir comme s’il pouvait forcer un médecin à en sortir.
Jonah alla s’asseoir à côté de lui, en silence. Carlos resta debout, les bras croisés, le regard perdu quelque part entre la peur et la prière.
La salle d’attente était presque vide. On entendait au loin le bourdonnement d’un néon, le grincement d’un chariot métallique, et le souffle irrégulier de TK.
Chaque minute s’étirait comme une éternité.