Saut dans le temps
Une porte s’ouvrit enfin. Un médecin vêtu d’une blouse blanche s’avança vers eux, un dossier à la main.
— Vous êtes les parents de Rose Strand-Reyes ? demanda-t-il.
— Oui, répondirent Carlos et TK à l’unisson.
— Parfait. Elle est stable. Le saignement a été maîtrisé, elle est consciente et installée dans une salle d’examen aux urgences. L’un de vous peut venir la voir, on va bientôt lui faire quelques points de suture. Ce sera rapide.
Sans même se consulter, TK se leva. Carlos posa une main sur son bras.
— Vas-y, dit-il doucement. Elle aura besoin de toi.
Le médecin hocha la tête et l’invita à le suivre. Carlos serra brièvement sa main au passage, comme pour lui transmettre un peu de courage.
Rose était assise dans un lit, une couverture légère remontée jusqu’à la taille. Sa blessure était bandée, dissimulée sous une épaisse couche de coton. Un soluté toujours brancher à son bras. Sa joue portait encore les traces salées de larmes séchées, mais en apercevant TK, un mince sourire vint adoucir son visage pâle. Son regard se posa sur lui avec espoir, cherchant instinctivement du réconfort.
— Hey, ma puce… murmura TK en s’approchant doucement. Comment tu te sens ?
— Ça pourrait aller mieux… souffla-t-elle, la voix un peu rauque.
Il tendit la main, doucement, et la posa sur sa tête pour la caresser, avant de lui prendre les doigts, avec délicatesse.
— Je suis là, murmura-t-il avec douceur. Ils vont refermer la plaie, et après on pourra rentrer à la maison, d’accord ?
Rose hocha la tête, sans un mot.
À ce moment-là, une infirmière entra, suivie de près par le médecin. Tous deux portaient des gants et des blouses stériles, leurs gestes précis, presque chorégraphiés. En silence, ils commencèrent à préparer le matériel, déposant sur un plateau métallique les compresses, les pinces, les fils de suture. Le tintement des instruments résonna faiblement dans la pièce, comme un écho lointain de ce qui allait venir.
Rose se figea aussitôt. Ses épaules se contractèrent, ses mains tremblèrent légèrement. Elle agrippa plus fort les doigts de TK, comme si sa poigne pouvait la protéger.
Il le sentit tout de suite. Son regard glissa vers elle. Doucement, il se pencha pour que sa voix ne soit qu’à elle.
— Hé… Je suis là. Ça va bien aller, d’accord ? Je reste avec toi.
Elle hocha la tête sans parler, les lèvres pincées. Son visage était un peu pâle, mais elle gardait les yeux grands ouverts, fixés sur un point invisible devant elle.
Le médecin s’approcha avec un sourire rassurant.
— Bonjour, Rose. On va refermer ta plaie maintenant. Ce sera un peu désagréable, mais on ira doucement. Tu es prête ?
Elle hésita une seconde, puis répondit d’un filet de voix :
— Oui…
L’infirmière s’avança de l’autre côté du lit, gantée, ses gestes mesurés et doux. Elle posa une main légère sur l’avant-bras de Rose.
— On va retirer le pansement, d’accord ?
Elle ôta lentement le bandage imbibé, révélant la plaie encore rouge et les résidus de sang séché autour.
À cette vue, Rose détourna aussitôt la tête en grimaçant.
— Oh Seigneur… j’vais vomir, murmura-t-elle, la voix blanche.
— Ça va ? demanda l’infirmière en jetant un coup d’œil inquiet vers elle.
— Elle a toujours eu horreur du sang, expliqua TK en tapotant doucement sa main. Même un doigt coupé, c’est la panique.
— Ah, je vois… fit l’infirmière avec un sourire compatissant. On va t’allonger un peu, alors.
Elle ajusta le lit, puis lança d’un ton léger :
— Bon… alors tu ne deviendras pas secouriste comme ton père, hein ?
Elle désigna l’uniforme de TK d’un clin d’œil.
— Oh non, jamais de la vie, répondit Rose en fermant les yeux.
L’infirmière rit doucement.
— Maintenant, je vais engourdir la zone. Ça va piquer un peu, mais ce sera vite fini.
TK sentit la main de Rose se crisper dans la sienne. Il sera un peu plus fort.
— Tu peux me broyer les doigts si tu veux, dit-il en souriant tendrement. Je suis solide.
Elle ferma les yeux. Un frisson la traversa quand l’aiguille toucha sa peau, mais elle ne cria pas.
— Voilà, c’est bien. Respire tranquillement. Tu fais ça comme une championne, souffla TK.
Le médecin hochait déjà la tête, en vérifiant la zone anesthésiée.
— Dans quelques secondes, tu ne sentiras plus rien. Et on pourra commencer les points.
Elle inspira par le nez, ferma les yeux bien fort… et ne les rouvrit pas.
— Si tu as mal, tu me le dis, expliqua le médecin en approchant sur une chaise à roulette.
Rose entendit le bruit métallique des instruments.
Pendant toute la durée de la procédure, elle resta concentrée sur les paroles rassurantes de son père et sur la pression de sa main. Pas une larme, pas un cri. Parfois elle grimaçait en sentant qu’on travaillait sur son bras.
— Souffle mon cœur, fit TK. Il y a déjà deux points de fait.
Quand ce fut terminé, le médecin leva la tête.
— Voila ! C’est fini.
Rose eut un petit sourire, sans toutefois regarder la blessure.
— Jonah aurait probablement tourné de l’œil, dit-elle.
TK éclata de rire et déposa un baiser sur la tempe de sa fille.
— Probablement, dit-il.
— Tu peux regarder si tu veux, Rose, dit l’infirmière en souriant. J’ai recouvert la plaie, il n’y a plus de sang, promis.
Rose jeta un coup d’œil prudent, fronça les sourcils… puis soupira de soulagement en constatant que tout était terminé.
— C’est bon ? demanda-t-elle, la voix un peu rauque.
— Oui, répondit le médecin en rangeant ses instruments. Je vais juste vous donner une ordonnance pour des antidouleurs, au cas où la douleur reviendrait ce soir.
— Comment tu te sens ? demanda l’infirmière. Tu veux rester allongée un peu ou on relève le lit ?
— Ça va mieux…
— Parfait, fit l’infirmière en redressant le lit. Je vais enlever la perfusion et vous serez libres de partir.
Rose se redressa lentement sur la civière, puis glissa ses jambes sur le côté.
— Doucement, princesse, dit TK en tendant les bras vers elle. Prends ton temps…
Elle descendit avec précaution, encore un peu pâle, mais debout.
— Je peux marcher, tu sais, dit-elle.
— Je sais, mais j’préfère rester là, au cas où, répondit TK en lui tenant toujours un bras.
Rose leva les yeux au ciel, mais ne se dégagea pas.
Une fois l’ordonnance récupérée, ils rejoignirent Carlos et Jonah dans la salle d’attente. Carlos se leva d’un bond en les voyant arriver.
— Ça va, mi amor ? dit-il en ouvrant les bras pour accueillir sa fille.
— Six points de suture, expliqua TK avec un sourire tendre. Et elle a été incroyablement courageuse.
Carlos enlaça Rose avec une douceur mêlée d’émotion, déposant un baiser sur le sommet de son crâne.
— Je suis fier de toi, murmura-t-il.
— Comment tu te sens ? demanda Jonah, toujours visiblement inquiet.
— Ça tire un peu… je me sens un peu faible, mais ça va mieux, répondit Rose honnêtement.
— C’est normal, dit TK en posant une main sur son dos.
Rose se tourna vers son frère et lui donna un léger coup de coude en souriant :
— Toi, t’aurais crié comme une fillette en voyant l’aiguille.
Jonah leva les yeux au ciel, déjà prêt à répliquer.
— J’te signale que t’as perdu connaissance !
— J’me vidais de mon sang, abruti, rétorqua Rose avec un grand sourire, fière de son argument.
— OK ! Stop, stop, intervint Carlos en levant les mains.
TK rigola doucement et secoua la tête.
— Allez, on rentre à la maison. Tout le monde a besoin de repos.