Ce qu’il reste de moi
La maison était vide. Owen n’était pas encore rentré, il avait prévu de finir tard à la caserne, puis probablement d’aller prendre un verre avec Michelle en finissant.
TK s’assit sur le canapé, le téléphone en main, le pouce suspendu au-dessus du clavier. Il hésitait. Il n’avait pas revu Carlos depuis leur rencontre au poste de police, et l’idée de lui écrire le rendait nerveux. Comment allait-il réagir ? Ce n’était pas un rendez-vous, encore moins un coup d’un soir… il voulait juste remettre les pendules à l’heure.
Finalement, il tapa rapidement :
“Hey… on peut parler, si ça te dit, passe chez moi ce soir. Je suis seul.”
Il fixa l’écran quelques secondes, le cœur battant, comme si chaque mot pesait des tonnes. Puis il appuya sur “envoyer”.
Le silence qui suivit sembla interminable. TK reposa son téléphone, se leva, fit les cent pas dans le salon, puis s’assit à nouveau. Il vérifia l’heure. Chaque minute s’étirait, chaque tic-tac de l’horloge résonnait dans sa poitrine. Il se leva une nouvelle fois, ouvrit le frigo sans vraiment savoir pourquoi, but une gorgée d’eau.
Son téléphone vibra finalement. “Ok, j’arrive.” TK laissa échapper un soupir, une tension à la fois soulagée et accrue. Il se leva, passa une main dans ses cheveux et se dirigea vers le miroir. Son reflet le fit grimacer : les traits tirés, la lèvre encore tuméfié…
Les minutes passaient, mais la maison restait silencieuse. TK s’assit sur le bord du canapé, les mains crispées sur ses genoux. Chaque bruit extérieur le faisait sursauter : le vent qui secouait les branches contre la fenêtre, un klaxon au loin, même le frisson de son propre souffle semblait assourdissant.
Il se leva, fit à nouveau les cents pas dans le salon, puis s’arrêta devant la porte d’entrée. Pourquoi j’ai fait ça ? pensa-t-il.
Carlos allait arriver, et tout allait être réel, tangible….
TK retourna au canapé et s’affala dessus. Son esprit refaisait le film de leur dernier échange, les yeux de Carlos au poste, cette inquiétude qu’il ne pouvait pas ignorer… et ce désir qu’il sentait, malgré lui, brûler au fond de lui.
Le temps semblait s’étirer à l’infini. Il se leva encore, alla à la fenêtre, scrutant la rue repartait par intermittence. Il va arriver… il va arriver…
Enfin, le son d’un moteur s’approcha, puis s’éteignit devant la maison. TK sentit son cœur s’emballer. Il retint sa respiration. Un moment plus tard, des pas légers sur le gravier se fit entendre. Son pouls tambourinait dans ses tempes.
Et enfin on cogna à la porte.
TK se redressa, passa une main dans ses cheveux et s’avança vers l’entrée, le cœur battant. Il prit une profonde inspiration et ouvrit la porte.
Carlos se tenait là, souriant, mais légèrement malaisé.
— Salut, fit TK, la voix un peu rauque. Entre…
— Salut… dit Carlos, en essuyant ses pieds sur le tapis de l’entré. Comment va ta tête ?
— Ah… ça va, marmonna TK. Viens… assis toi.
Carlos s’installa sur le canapé, jetant un coup d’œil autour de la maison, comme pour s’assurer qu’ils étaient vraiment seuls. TK s’assit en face de lui. Il avait cette folle envi de prendre place à ses côtés, mais il devait garder une distance entre eux pour avoir les idées claires.
Un silence s’installa, chargé de tout ce qui n’avait jamais été dit. TK baissa les yeux, ses doigts jouant nerveusement avec l’ourlet de sa manche, comme pour s’empêcher de trembler.
— Écoute… commença-t-il enfin, la voix un peu voilée. Je…
Il se râcla la gorge, mais c’est Carlos qui parla en premier.
— TK, je sais que tu m’as fait venir pour parler, mais t’as pas à te justifier. J’ai merdé avec le souper l’autre soir…
— Carlos, arrête. C’est pas ta faute, ok ?
TK releva la tête, ses yeux fatigués mais sincères.
— C’est moi qui ai tout bousillé. J’suis passé maître dans ce domaine. L’autre soir, j’ai juste… paniqué.
Il passa une main sur sa nuque, mal à l’aise.
— J’ai eu peur, et j’avais besoin de temps. De comprendre ce que je ressentais… et ce que je voulais vraiment.
Carlos hocha lentement la tête, son regard ne quittant pas TK. Il y avait de la tendresse dans ses yeux, mais aussi une prudence nouvelle.
— Alors… tu voulais fuir ? demanda-t-il d’une voix basse.
— Peut-être, ouais… enfin, pas toi. Juste… tout ça.
Le silence retomba.
TK soupira, cherchant ses mots.
— Comme je te l’ai dit, ma dernière relation m’a détruit. J’ai replongé, j’ai tout perdu… Et…
Il s’interrompit, la mâchoire serrée.
— J’ai peur. J’ai peur de m’attacher, de retomber, de me faire rejeter encore.
Carlos se pencha vers l’avant.
— Et maintenant ? murmura-t-il. Qu’est-ce que tu veux, là, maintenant ?
TK leva les yeux vers lui. Son cœur battait trop fort. Il avait envie de le toucher, de sentir cette chaleur qui l’apaisait, mais quelque chose le retenait encore.
— J’en sais rien, admit-il dans un souffle.
Il baissa les yeux, un sourire amer au coin des lèvres.
— Peut-être que… tu mérites mieux qu’un gars comme moi. Un gars qui compte ses jours de sobriété. Qui sais à peine qui il est et qui à peur de ce qu’il pourrait faire…
Un léger tremblement lui prit les doigts.
— Peut-être que t’as pas envie de tenter quelque chose avec un camé.
Carlos resta un instant figé, ses yeux cherchant à lire au-delà des mots de TK.
— Tu sais, TK… dit-il doucement, un sourire à peine perceptible, t’es plus le même qu’à New York. Et… je pense que c’est pas plus mal. Peut-être que laisser cet ancien toi derrière… ça nous laisse le temps de découvrir ensemble qui est le nouveau TK.
TK sentit un mélange de surprise et de chaleur l’envahir. Il détourna légèrement le regard, la gorge serrée. Découvrir… ensemble… C’était tentant, effrayant et excitant à la fois.
— Découvrir qui… je suis maintenant ? murmura-t-il, la voix plus basse qu’il ne l’aurait voulu.
Carlos hocha lentement la tête, s’asseyant sur l’accoudoir du canapé à côté de lui, assez proche pour que leurs épaules se frôlent.
— Oui. Prendre le temps. Sans précipitation. Sans pression. Juste… voir où ça nous mène.