Ce qu’il reste de moi

Chapitre 20 : Survivre à ses parents

1459 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour 27/10/2025 13:31


TK restait immobile, les yeux perdus sur son téléphone encore allumé.

Le message s’affichait toujours, implacable :

« Je viens d’atterrir à Austin. »

Gwyneth Morgan. Sa mère était en ville. Owen devait l’avoir informé de son coma…

Il inspira profondément, puis secoua doucement Carlos.

— Carlos… réveille-toi.

— Mmh… il est quelle heure ? marmonna le policier, la voix encore lourde de sommeil.

— Ma mère est ici…

Carlos entrouvrit un œil, et en voyant la tête de TK, fronça les sourcils.

— Quoi, ta mère ?

— Elle est ici. À Austin. Elle vient d’atterrir.

Carlos se redressa, visiblement surpris. Puis, devant le regard paniqué de TK, un sourire lui échappa.

— Attends, attends… ta mère est à Austin ?

— Oui…

— Ok… et pourquoi tu fais cette tête, dit-il en étouffant un rire.

TK roula des yeux, s’assit sur le bord du lit et enfila rapidement son t-shirt.

— Tu comprends pas. Mes deux parents ensembles… c’est… ce sera l’enfer…


Une heure plus tard, la voiture de Carlos glissait dans les rues encore calmes d’Austin.

Le silence entre eux était ponctué par le cliquetis du clignotant et le souffle nerveux de TK.

Quand ils arrivèrent dans l’allée, TK poussa un soupir.

— Merci de m’avoir conduit.

Carlos lui posa une main sur la cuisse.

— Bonne chance, mon cœur. Tu vas survivre, t’as survécu à pire.

— Pas sur… Si je te texte pas d’ici la fin de la journée… appel les flics…

Carlos rigola, puis l’embrassa et TK sorti de la voiture.

En ouvrant la porte, TK sentit aussitôt la tension dans l’air.

Sa mère se tenait dans le salon, les valises à ses pieds, les yeux brillants d’émotion.

Owen, lui, un peu en retrait, les bras croisés, avait l’air sur la défensive.

— Maman ? souffla TK, incrédule.

Gwen s’avança d’un bond pour le serrer dans ses bras.

— Oh mon dieu, TK ! Tu vas bien ?

Elle se recula, le détailla de la tête aux pieds.

— Mais oui, ça va, répondit-il, un peu pris de court. Mais… qu’est-ce que tu fais ici ? T’étais pas censée être au Japon ?

— Ton père m’a appelé, répondit-elle d’un ton sec. Il m’a dit que tu t’étais fait tirer dessus. Alors j’ai pris le premier vol.

TK leva les yeux vers Owen, qui haussa simplement les épaules.

— Elle méritait de savoir, dit-il.

— Ce que je méritais surtout, répliqua Gwen, c’était de ne pas apprendre que mon fils unique a failli mourir !

— Il est pompier, Gwen ! Pas comptable ! rétorqua Owen. Je peux pas contrôler tout ce qui arrive sur le terrain.

— Tu es capitaine, Owen ! C’est ton job de t’assurer que tes gars sont en sécurité — surtout quand il s’agit du nôtre !

— Je suis désolé si je ne suis pas devin, répliqua-t-il, les bras en l’air.

— Bon, encore du sarcasme ! Je te demande pas de prédire, je te demande de prévoir !

Le ton monta vite. Les piques fusaient, bien rodées après des années de pratique : un mélange d’amour, de rancune et d’inquiétude mal déguisée.

TK les regarda tour à tour, exaspéré.

— Génial… marmonna-t-il. J’aurais dû rester avec Carlos, finalement.

— Ah ! C’est là que tu étais ? fit Gwen en se tournant vers lui, bras croisés, le regard perçant.

TK cligna des yeux, pris au dépourvu.

— Euh… oui ?

— Ton père ne savait même pas où tu étais, ajouta-t-elle. Il était aussi surpris que moi en rentrant ce matin et en voyant ton lit vide !

TK fronça les sourcils et lança un regard vers Owen.

— Tu devais bien savoir où j’étais, toi…

Gwen se tourna aussitôt vers Owen.

— Tu étais au courant ?!

— Ce n’est pas à moi de lui parler des relations de son fils, répondit-il calmement.

— Des relations !? répéta Gwen, haussant un sourcil.

Elle pivota de nouveau vers TK.

— Gwyneth, il est adulte, tenta Owen.

— Adulte ou pas, j’aurais aimé qu’il m’en parle !

— Maman ! intervint TK en levant les mains.

Il sentait déjà la migraine pointer.

— Carlos, c’est… mon petit ami.

C’était la première fois qu’il le disait à voix haute. Et c’était étrangement merveilleux.

— C’est un flic, si ça peut te rassurer, ajouta Owen.

Gwen resta un moment muette, la bouche entrouverte, puis un sourire doux se dessina sur ses lèvres.

— D’accord… je suis heureuse pour toi, mais quand même, tu aurais pu m’en parler tu sais !

Owen esquissa un sourire ironique.

— Ça t’étonne qu’il t’ait rien dit ? T’as ce regard-là depuis qu’il a dix ans.

— Oh, ferme-la, Owen !

TK pinça l’arête de son nez.

— Je vous jure…

Ses deux parents s’étaient déjà relancés dans leur éternel duel verbal.

Il n’entendait plus que les répliques entrecoupées — “égoïste”, “toujours dramatique”, “ah parce que toi, tu l’es pas ?”

Une cacophonie de reproches et d’amour mal digéré.


Les semaines et les mois passèrent.

TK était affalé dans son lit, un oreiller sur la tête.

Le monde entier était en pause. Austin confinée et lui coincé ici… avec eux.

Il poussa un long gémissement étouffé dans le tissu.

Ses parents, depuis le confinement, semblaient avoir deux activités principales :

se disputer… ou se “réconcilier”. Bruyamment.

La première fois, TK avait cru à une crise d’asthme.

La deuxième, il avait compris.

Et depuis, il survivait à coups d’oreillers et d’écouteurs, en maudissant la minceur des murs texans.

Il n’avait pas vraiment dormi.

En même temps, qui aurait pu ?

Entre les éclats de voix à minuit, les “réconciliations” bruyantes vers deux heures du matin et les rires étouffés à trois… c’était un miracle s’il avait dormi trois heures.

Il enfila un t-shirt, se frotta les yeux et descendit à la cuisine, espérant un café fort et un peu de paix.

Erreur.

— Non, le grille-pain ne va pas à gauche de la cafetière ! lançait Owen, les bras croisés.

— Ce n’est pas la fin du monde, c’est juste un grille-pain ! répondit Gwen.

— Tu dis toujours ça ! Et après, je retrouve plus rien !

— Tu veux que je te fasse un plan de la cuisine avec les coordonnées GPS ?

— Si tu remettais mes affaires à leur place dans ma cuisine, j’en aurais pas besoin !

TK resta planté dans l’encadrement de la porte, un bol à la main, fixant la scène comme s’il assistait à un documentaire sur une espèce en voie de disparition.

— … Sérieusement ? murmura-t-il. C’est ça, votre combat du jour ?

Aucun des deux ne sembla l’entendre.

Il se versa des céréales, tenta d’ignorer la tension dans l’air.

— Tu dramatises toujours tout, soupira Gwen.

— Et toi, tu minimises tout !

— Parce que tout n’est pas dramatique !

— Si t’étais déjà retournée au Japon, on en serait pas là !

— Si t’avais pas laissé ton fils se faire tirer dessus, non plus !

TK laissa tomber sa cuillère dans le bol.

— Super, souffla-t-il. On repart là-dessus.

Il attrapa sa veste.

— Je vais déjeuner à la caserne.

— Attends, TK ! fit Gwen.

Il se figea, sentant la suite venir.

— Quoi encore ?

— Je voulais juste savoir… comment ça va, avec Carlos ?

— Maman ! Sérieusement ?!

— Quoi ? Je pose une question !

Owen éclata de rire, adossé au comptoir.

— Laisse-lui un peu d’intimité, il a plus six ans.

Gwen lui lança un regard assassin.

— Si tu t’étais occupé un peu plus de lui à l’époque, j’aurais pas besoin de poser les questions maintenant !

— Oh, on repart là-dessus ? soupira Owen.

TK enfila ses chaussures.

— Très bien. Moi, j’vais sauver des vies, pendant que vous continuez à débattre du grille-pain et de ma vie sexuelle.

Il attrapa ses clés et ouvrit la porte.

— Et si vous pouviez éviter de hurler le soir, ce serait génial, lança-t-il par-dessus son épaule.

— Hurler ? répéta Gwen, faussement outrée. Pourquoi on hurlerait ?

Sans lever les yeux de son café, Owen répondit :

— T’inquiète, il parle pas des disputes.

— OWEN !

TK referma la porte avant d’entendre la suite, un sourire désespéré sur les lèvres.

Il monta dans sa voiture, démarra le moteur et soupira longuement.

— Une garde de vingt-quatre heures, pensa-t-il. Enfin un peu de calme.

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